L’Égarement de Phèdre

A Madame Sarah Bernhardt

La fille de Minos et de Pasiphaé
J.Racine

 

La race du soleil, ardente, inapaisée,
D’où naquirent ma mère et le monstre et ma soeur,
Fut, par le fil fatal du héros ravisseur,
Pour ma honte, liée à celle de Thésée…

Que ne suis-je à travers les bois et la rosée,
La bête que poursuit le virginal chasseur ?
Il la force… Elle tombe… Elle est prise ! … O douceur !
Je lècherais sa main de mon sang arrosée.

Où fuir ? L’effluve impur du chaleureux printemps
Brûle. Avec un désir épouvanté, j’entends
Les étalons ruer et hennir dans l’étable ;

Et j’écoute, pareil au murmure éternel
Des mers, mugir au fond de mon coeur lamentable
Le meuglement lointain du taureau maternel.

 

Sarah Bernhardt dans Phèdre de Racine (1874)

Poème adressé à Sarah Bernhardt.
Edité dans les Œuvres poétiques complètes de Hérédia, tome 2, Belles Lettres, 1984, p.187