Vénus et Adonis

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome II, planche 55, pp.185 sqq (éd. 1875)

Les amours de Vénus et d'Adonis ont fourni le sujet du tableau reproduit par cette planche. Quelque populaires qu'ils puissent être, nous croyons que l'esprit de cette composition ne pourra être convenablement saisi qu'après un exposé sommaire de la légende qui l'a dictée. Vénus avait conçu pour Adonis une passion qui lui avait fait oublier les enchantements de Cythère et de Paphos pour les vastes forêts du Liban, où le beau jeune homme, peu flatté d'avoir conduis le coeur de Cypris, de la fille de Jupiter, se livrait avec ardeur an plaisir de la chasse. Adonis n'était pas tellement préoccupé par son amour pour la déesse qu'il voulait lui sacrifier son exercice favori, et ce fut là son malheur ; car le dieu Mars n'était pas un amant à laisser sans vengeance les infidélités et les dédains d'une maîtresse volage, et la passion d'Adonis pour la chasse lui fournit l'occasion d'accomplir son dessein. A en croire quelques mythologues, il se transforma lui-même en sanglier ; d'après certains autres, il eut recours à l'intervention de Diane (1). La déesse blessa avec un de ses dards un énorme sanglier, qui, dans sa rage, s'élança contre le jeune chasseur et le mit en lambeaux. Vénus accourut éplorée au secours de son malheureux Adonis, mais il était trop tard. Tout ce qu'elle put obtenir par ses larmes et ses sanglots, ce fut que Jupiter ressuscitât tous les ans, pour six mois, la victime de la jalousie de Mars.

L'artiste a choisi dans la légende que nous venons de raconter en quelques mots le moment où le projet du dieu Mars et la perfidie de Diane viennent d'avoir leur effet. Adonis est assis presque défaillant sur un appui recouvert de son manteau de pourpre : le sang coule de sa cuisse gauche ; il s'appuie sur Vénus, qui interroge avec une anxiété parfaitement rendue son regard éteint par la souffrance, et attire vers elle sa tête languissante. L'Amour, affligé aussi, soutient le bras gauche du blessé. Le paysage qui forme le fond de ce tableau a rapport au sujet. Ce qui distingue surtout ce tableau, et ce qui lui assigne un rang remarquable parmi les peintures découvertes à Herculanum et Pompéi, c'est une expression et une mélancolie qui vont au coeur.

(1) Bion. Idyll., in Mort. Adon.

Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.