Cérès

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome IV,
planche 50, pp.121 sqq (éd. 1875)

La grande et majestueuse nourrice du genre humain, Cérès, est représentée ici sous une forme noble et imposante. Elle tient de la main droite un candélabre d'ivoire orné d'une espèce de torsade, et porte de la main gauche une corbeille de joncs pleine d'épis et d'autres produits de la terre, qu'elle a fait germer avec une inépuisable et généreuse fécondité. Il y a de la langueur dans ses yeux, de la vivacité dans son teint ; sa belle chevelure blonde est arrangée avec art et rappelle les boucles dorées qui flottent d'ordinaire sur les épaules d'Apollon. Son front est couronné d'une guirlande d'épis attachée avec un rang de perles qui se divise sur le derrière de la tête et tombe sur chacune de ses épaules. Cet ornement a été donné aussi à une demi-figure de Cybèle qui fait partie du musée du Capitole, et à une tête colossale de la même divinité. A ce sujet on a pensé que les types primitifs de Cybèle et de Cérès peuvent bien avoir reçu pour couronne, non point des rangs de perles, mais des guirlandes faites de glands, la première nourriture des hommes suivant les auteurs de l'antiquité, et que dans la suite le luxe, peu respectueux pour les traditions sacrées, remplaça la guirlande de glands par des rangs de perles. Notre figure est couverte par une tunique violette qui lui descend jusqu'aux pieds chaussés de blanc ; par-dessus la tunique une draperie blanche et transparente est agencée en guise de peplum, et se replie sur elle-même à la hauteur du sein, de manière à imiter par ses plis nombreux un large collier. Une auréole, symbole des divinités les plus importantes, entoure sa tête et accroît la majesté de son visage. Nous n'aurons pas besoin, pour justifier le nom que nous donnons à cette figure, de rappeler l'histoire si connue des aventures de Cérès, de ses longues migrations à la recherche de Proserpine, des enseignements qu'elle donna aux hommes pour la culture des champs et la récolte des fruits, de l'éducation mystérieuse de Triptolème, etc. Cette légende se reproduit à tous les esprits et à tous les souvenirs à la vue des trésors que notre figure porte dans une corbeille de joncs et sur les tresses de ses blonds cheveux, à la vue enfin de la longue torche qui tient lieu ici des pins séculaires allumés aux flammes de l'Etna, lorsque la mère malheureuse parcourut la Sicile pour retrouver sa fille.

Cette peinture sur fond rouge peut se passer d'éloges. C'est la louer assez de dire qu'elle est un des plus beaux monuments livrés aux artistes par les fouilles qui furent opérées dans la maison de Castor et de Pollux, fertile en beautés de tous les genres.


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.