Education d'Achille par Chiron

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome IV,
planche 79, pp.159 sqq (éd. 1840)

La figure de ce centaure ne marque point une extrême jeunesse ; et d'ailleurs les anciens ont habituellement représenté les fils d'Ixion comme portant sur leur visage l'insigne de la virilité : Kai lasiên Kentauros echôn phrissousan upênên / Et le Centaure à la barbe touffue (1).

Zeuxis même a peint de cette manière l'époux de sa centauresse (2). C'est donc par un caprice, qui, du reste, n'est point sans autre exemple (3), que notre artiste a fait le sien absolument imberbe. Ses cheveux, semblables à la crinière d'un cheval, sont tellement hérissés et en désordre que certains critiques ont pu supposer qu'il avait des cornes, comme ce centaure qui poursuivit Vénus dans l'île de Chypre (4) : mais une inspection plus attentive de la peinture originale fit reconnaître l'exactitude de notre dessin.

Le thyrse qu'il porte sur son épaule gauche, et le cymbalum suspendu à ce thyrse, font reconnaître dans notre centaure un serviteur de Bacchus : cette circonstance ne l'empêcherait pas d'être le même que le Centaure céleste, qui est aussi le sage Chiron (5) : car ce personnage astronomique est représenté quelquefois avec une outre et un thyrse (6).

La partie du monstre qui appartient au cheval est revêtue d'une robe bai clair, circonstance qui s'accorde peu avec l'épithète de flavus, blond, donnée à Chiron par Ovide (7), à moins que le poète, en employant ce mot, n'ait été guidé par le rhythme du vers plutôt que par la tradition.

Notre centaure enseigne à un jeune homme l'art de jouer de la lyre : de la main droite, il guide les doigts de son élève, tandis qu'il le soutient de la gauche. Ceci se rapporte encore mieux à Chiron, précepteur d'Achille : et cet attribut n'est point, comme on pourrait le présumer, en désaccord avec les emblèmes bachiques : car si Orphée, l'inventeur de la lyre, fut déchiré par les Bacchantes, le fils de Jupiter lui-même punit ses nymphes (8) ; et ce fut par Orphée que les mystères dionysiaques furent apportés de l'Egypte en Grèce (9).

La draperie qui flotte derrière le dos du centaure, et celle qui passe sur les deux épaules du jeune homme pour retomber sur ses flancs, sont toutes deux de couleur violette.


(1) Nonn., Dionys., XIV, 265.
(2) Lucien., Zeuxis.
(3) Mus. Rom., t. I, sect. 1, tav. 52.
(4) Nonn., Dionys., V, 615.
(5) Ovid., Fast., V, 379 ; Hygin., Astr. poet., II, 38.
(6) Hygin., Astr. poet., III, 37 ; Proclus.
(7) Loc. cit.
(8) Ovid., Met., XI, fab. 2.
(5) Diod., I, 23.


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.