Laomédon et Hésione

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome III,
cinquième série, planche 31, pp.9 sqq (éd. 1875)

Irrité contre Laomédon, qui lui avait refusé la récompense promise pour la construction des murs d'Ilion, Neptune envoya un monstre marin désoler les côtes de la Troade. L'oracle, consulté, répondit qu'il fallait exposer une vierge troyenne à la fureur du monstre, et le sort tomba sur Hésiome, fille de Laomédon. Hercule et Télamon, étant arrivés à Troie, la délivrèrent. Le commencement du combat des deux héros contre leur terrible adversaire est le moment que le peintre a choisi pour représenter cette action dans un paysage historique. La scène se passe hors des murs de Troie, qu'on aperçoit dans le lointain. Dans la plaine située entre les portes et le rivage, la fille de Laomédon, entièrement nue et accompagnée de sa mère et de sa nourrice, s'entretient avec un des héros qui vont combattre pour elle. A la massue qu'il porte et à sa stature, on reconnaît Hercule. Cependant Télamon, déjà sur le rivage, soulève un roc sur ses épaules et se prépare à le lancer à la tête du monstre. La disposition des deux personnages de cette fresque vient justifier, chose étrange, une foule de doutes qui m'ont été inspirés, il y a bien longtemps, par l'examen du passage dans lequel Valérius décrit le même combat. Maintenant, plus que jamais, je crois qu'il faut faire une part également active aux deux héros, soit dans tout le cours du récit, soit particulièrement dans ces vers :

Stat mediis elatus aquis, recipitque ruentem
Alcides, saxoque prior surgentia colla
Obruit : hic vastos nodosi roboris ictus
Congeminat

(Valer. Flacc. Argonaut., III, 533 sqq).


«Debout, inébranlable au sein des flots, Alcide
Le reçoit, et du roc dans ce gouffre béant
Plonge l'énorme poids : Télamon cependant
A redoublé les coups de sa lourde massue».
(Louis Barré, Traduction de l'Argonautique,
fragment publié dans les Annales belg. Gand, 1820.)

Je lis hic au lieu de hinc, ne trouvant point vraisemblable qu'Hercule ait jeté sa massue pour prendre une pierre, puis qu'il ait ramassé la première arme pour en frapper le monstre ne jugeant pas en outre que l'ami et le compagnon d'Hercule, le futur époux d'Hésione, puisse jouer dans ce combat le rôle de simple spectateur. Cette manière d'entendre le récit concorde d'ailleurs avec ce que rapporte Hygin : Hercules et Telamon... eodem venerunt et cetum interfecerunt (Fab., 89.) «Hercule et Télamon arriverent et tuèrent le monstre». Qu'importe que, dans le tableau, la massue soit laissée au fils d'Alcmène et le rocher soulevé par son compagnon, tandis que dans le poème les rôles sont intervertis. Peut-être ne s'agit-il pas tout à fait du même moment de l'action et ce qui est seul important d'ailleurs, c'est que ni l'un ni l'autre des deux héros ne demeure oisif.

On voit à gauche, sur le rocher même où Hésione allait être exposée si Hercule ne l'arrêtait dans la plaine, une petite fabrique, un petit temple ou plutôt un tombeau. C'est sans donc un monument élevé aux victimes de la peste que le monstre a depuis longtemps amenée avec lui sur ces bords, ou peut-être aux jeunes filles qui ont été dévouées avant que le sort désignât Hésione. Tous ces détails sont indiqués dans deux beaux vers de l'Argonautique, traduits, hélas ! par quatre vers bien faibles :

Auxerat haec locus, et facies maestissima capti
Littoris, et tumuli, coelumque quod incubat urbi.

«De ces mots déchirants tout augmente l'effet :
Ce rivage captif et son lugubre aspect,
Le ciel d'airain, qui semble écraser les murailles,
Et ces tombeaux témoins de tant de funérailles».

Toutes ces parties du paysage semblent bien traitées et d'une couleur très vraie : quant aux figurines, elles sont d'un ton vague, et plutôt indiquées que peintes.


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.