La gloire de Salomé ou Le madrigal de saint Jean
Sous les ors lourds et le vain voile Des gazes de Sirinagor Que traverse une rousse étoile ;
Renflant, aux rythmes du kinnor D'un pli colubrin de la hanche La gaze et la lourdeur de l'or ;
Ventre offert, gorge qui se penche, Petits pieds qui courent pointus, Sous la flavescente avalanche
Des souples cheveux épandus Frôlant d'or qui cèle et décèle La pâmoison des reins tordus,
Salomé la danseuse, celle Qui, d'une goutte de sueur Au brin de safran de l'aisselle,
Fait une odorante lueur Dont s'éblouit et se corrode Le roi, le prêtre, ou le tueur,
Salomé - bien avant Mérode Dansa, selon qu'il a voulu, Pour plaire à ce tétrarque, Hérode !
Comme, en été, lorsqu'il a plu, Fleure mieux la fleur des prairies, L'enfant, mouillée, au Maître a plu ;
Et nu parmi les pierreries Son corps fut le rêve enchanté Des nègres dans les galeries !
Donc, Jean sera décapité. Voici que son chef, barbe inculte, Sur un plat d'or est apporté.
Hérodias, splendide, exulte ! Et, bagues aux vives couleurs, Sa main d'un prompt soufflet l'insulte,
Alors, on voit couler des pleurs, Lentement, des closes paupières, Larmes de posthumes douleurs.
«Plus inanimé que les pierres, Il pleure ! pourquoi pleure-t-il Comme après un duel des rapières ?»
Dit Salomé. Mais, coeur subtil Et féroce, Hérodias clame : «Il pleure d'avoir, puéril,
Cru que l'ombre éteindrait la flamme Et que son obsécration Maudirait mon épithalame !
Parce que, lys d'or de Sion, Je rayonne, heureuse et sublime, Il pleure en son extinction !»
Or, Salomé, vers la victime D'Hérodias, dit : «Pleures-tu Pour quelque chose de l'abyme,
Vraiment ?» Mais le chef mort, battu De bagues, la livide tête, Souriant d'un rictus tortu,
Dit : «Salomé ! comme une bête Si je pleure, c'est de penser Que, venu trop tard à la fête,
Je n'ai pas pu vous voir danser !»
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