XXXII. De Penthessilea regina Amazonum.Penthesilea virgo Amazonum regina fuit, et successit Orythie et Anthyopi reginis: quibus tamen procreata parentibus, non legi. Hanc aiunt, oris incliti spreto decore et superata mollicie feminei corporis, arma induere maiorum suarum aggressam; et auream cesariem tegere galea ac latus munire faretra; et militari, non muliebri, ritu currus et equos ascendere; seque pre ceteris preteritis reginis mirabilem exhibere, viribus et disciplina, ausa est. Cui nec ingenium validum defuisse constat, cum legatur securis usum, in seculum usque suum incognitum, [eius] fuisse compertum. Hec - ut placet aliquibus - audita troiani Hectoris virtute, invisum ardenter amavit, et cupidine, in successionem regni, inclite prolis ex eo suscipiendi, in tam grandem oportunitatem cum maxima suarum copia eius in auxilium adversus Graios facile provocata descendit. Nec eam clara grecorum principum perterruit fama, quin Hectori armis et virtute cupiens quam formositate placere, sepissime certamina frequentium armatorum intraret; et non nunquam hasta prosternere, quandoque obsistentes gladio aperire et persepe arcu versas in fugam turmas pellere et tot tanque grandia viriliter agere, ut ipsum spectantem aliquando Herculem in admirationem sui deduceret, |
Boccace, De claris
mulieribus
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Tandem dum in confertissimos hostes virago hec die preliaretur una, seque ultra solitum tanto amasio dignam ostenderet, multis ex suis iam cesis, letali suscepto vulnere, miseranda medios inter Grecos a se stratos occubuit. Alii vero volunt eam, Hectore iam mortuo, applicuisse Troiam et ibidem - ut scribitur - acri in pugna cesam.
Essent qui possent mirari mulieres, quantumcunque armatas, in viros unquam incurrere ausas, ni admirationem subtraheret quoniam usus in naturam vertatur alteram, quo hec et huiusmodi longe magis in armis homines facte sunt, quam sint quos sexu masculos natura fecit, et ociositas et voluptas vertit in feminas seu lepores galeatos.
De Penthésilée, reine des Amazones
Penthésilée fut reine des Amazones après la mort des reines Orithia et Antiope ; mais il ne me souvient point avoir jamais lu qui fut son père, ni qui sa mère.
On dit que cette dame, ne faisant compte de tous accoutrements féminins et commandant à la délicatesse de cet infirme sexe, eut bien la hardiesse, imitant ses antiques, de s'adouber des armes, porter morion en tête, s'écharper d'arc et de trousse, et suivant l'usage militaire, dompter chevaux et quelquefois combattre en plein char, comme était la coutume d'adonc, si bien qu'elle se montra de plus grande force beaucoup et de plus d'art qu'aucune autre de celles qui l'avaient précédée. Davantage elle fut d'entendement fort vif, comme l'on connaît apertement, vu qu'il se trouve par écrit que l'usage des haches ou hallebardes, que l'on n'avait encore vues ni connues jusques à son temps, fut trouvé par elle.
Cette dame, comme écrivent aucuns, ayant ouï parler de la vaillance d'Hector de Troie, au seul bruit s'enamoura de lui, tant que, par un désir d'avoir d'un tant vaillant chevalier enfants qui succédassent à son royaume, étant requise de son aide par les Troyens en leur guerre contre les Grecs, et lui semblant que ce lui était très grande occasion de pouvoir mener son désir à fin, alla volontiers à leur secours, avec grand nombre de ses femmes ; et ne s'épouvantant en aucune manière du fameux renom des princes de Grèce, ains désirant d'acquérir la grâce d'Hector, non moins par les armes et par sa prouesse que par sa beauté, se mettait très souvent parmi les plus épaisses troupes des ennemis pour les combattre, jetant par terre, de sa lance, maintenant celui-ci, maintenant celui-là, et se faisant puis après faire place à coups d'épée. Mêmement, souventes fois, arc et flèches en main, poursuivant les escadrons en route, faisait de si grandes prouesses que plusieurs fois elle en fit émerveiller Hector, qui s'arrêtait intensivement à lui voir faire ses beaux coups.
A la fin, pendant que cette vaillante dame se montrait vraiment digne d'un tel amant, combattant si courageusement parmi ces tant puissants adversaires, après que plusieurs de ses compagnes furent tuées, fut aussi frappée à mort ; de sorte que la pauvre dame chut morte au milieu de plusieurs Grecs qu'elle avait fait mourir de sa propre main. Toutefois aucuns tiennent qu'elle alla à Troie après la mort d'Hector, et que là elle fut tuée en une très cruelle bataille.
Il s'en pourrait trouver aucuns qui s'émerveilleraient que les femmes, pour bien armées qu'elles fussent, osassent entrer en champ de bataille, s'ils ne s'ôtaient cette merveille en considérant qu'une accoutumance se convertit en une autre nature, moyennant laquelle cette Penthésilée et autres de ses semblables sont devenues beaucoup plus vaillants hommes au métier de la guerre qu'aucuns que Nature avait faits mâles, qui depuis ont été transmués en femmes, ou pour mieux dire en lièvres armés, par oisiveté et délicatesse.
Traduction par Guillaume Rouville, 1551 ; la ponctuation
et l'orthographe ont été
modernisées.