XXXV. De Cassandra Priami Troianorum regis filia.

Cassandra Priami fuit, Troianorum regis, filia. Huic quidem - ut vetustas asserit - vaticinii mens fuit, seu quesita studiis, seu Dei dono, seu potius dyabolica fraude, non satis certum est. Hoc tamen affirmatur a multis, eam longe ante rapinam Helene, audaciam Paridis et adventum Tyndaridis et longam civitatis obsidionem et postremam Priami atque Ylionis desolationem persepe et clara cecinisse voce; et ob hoc, cum nulla dictis suis prestaretur fides, a patre et Eratribus verberibus castigatam volunt; ac etiam fabulam inde confictam, eam scilicet ab Apolline dilectam et in eius concubitum requisitam; quem se prestaturam promississe dicunt, si ab eodem ante eidem futurorum notitia prestaretur. Quod cum suscepisset negassetque promissum, nec Apollo posset auferre concessum, aiunt illum muneri adiecisse neminem quod diceret crediturum; et sic factum est ut quod diceret tanquam fatue dictum crederetur a cunctis. Hec aut[em] nobili cuidam Corebo desponsata iuveni, prius illum in bello perdidit quam ab eo susciperetur in thalamum; et demum, pereuntibus rebus, captiva Agamenoni cessit in sortem. A quo cum Micenas traheretur, eidem cecinit sibi a Clitemestra preparatas insidias atque mortem. Cuius verbis cum fides daretur nulla, post mille maris pericula, Micenas cum Agamenone devenit, ubi, eo Clitemestre fraude ceso, et ipsa eiusdem Clitemestre iussu iugulata est.

 
 

Boccace, De claris mulieribus
Assassinat de Cassandre
Ms Français 598, Fol.48v, BNF
XVe siècle

De Cassandre, fille de Priam roi de Troie

Cassandre, fille de Priam, roi des Troyens, comme les anciens racontent, fut grande devineresse ; mais on ne sait pas pour certain si elle eut ce don par grâce de Dieu, ou moyennant l'étude des lettres, ou par la tromperie du Diable. Néanmoins plusieurs assurent pour vrai qu'elle prédit apertement le ravissement d'Hélène longtemps devant, avec l'audace de Pâris, la venue d'Agamemnon, le long assiègement de la ville et finalement la ruine de Priam et la destruction de Troie.

Et, pour ce qu'on n'ajoutait aucune foi à ses paroles, on veut dire qu'elle était souvent âprement battue de son père et de ses frères, et que par cette faute d'être crue fut trouvée la fable qui s'ensuit. C'est à savoir qu'étant fort aimée d'Apollon, et par lui requise du don de merci, lui promit de faire tout ce qu'il voudrait, si premièrement lui faisait ce bien qu'elle sût les choses futures. Ce qu'ayant obtenu, ne voulut après lui tenir sa promesse ; et pourtant qu'il ne lui pouvait ôter ce qu'il lui avait donné, il ajouta à ce don qu'elle ne serait jamais crue de chose qu'elle dît ; de sorte qu'il advint que ses paroles n'étaient non plus estimées de chacun que celles d'une personne folle.

Elle fut mariée à un certain jeune gentilhomme nommé Corèbe, qui fut tué à la guerre de Troie, devant qu'il pût consommer le mariage avec elle. Enfin, étant les affaires de Troie tombées en ruine, il lui advint par fort d'être prisonnière d'Agamemnon, auquel, étant par lui amenée à Mycènes, sur le chemin lui prédit la trahison que Clytemnestre sa femmme avait brassée pour le faire mourir ; auxquelles paroles ne prêta Agamemnon aucune foi ; après mille travaux et dangers de mer arriva ensemble à Mycènes où elle fut étranglée par le commandement de Clytemnestre, étant Agamemnon déjà tué par la trahison de cette diablesse.

Traduction par Guillaume Rouville, 1551 ; la ponctuation et l'orthographe ont été modernisées.