Histoire de Proximo - Un prisonnier de choix


   


 

Alors que les gladiateurs retournent dans leurs cellules respectives pour se préparer à leur premier combat, Proximo interpelle Maximus d'une voix calme :

PROXIMO - L'Espagnol ! Reste un moment avec moi, j'ai à te parler.

MAXIMUS, regardant Proximo du coin de l’œil, se retourne et attend face à lui, silencieux.

PROXIMO : On m'a beaucoup parlé de toi depuis que je t'ai acheté : tu sembles être un très bon guerrier... Les spectateurs pourront toujours apprécier ta technique de combat ! Sais-tu que grâce à cela tu peux devenir quelqu'un de puissant et de riche ?

MAXIMUS l’interrompant : Pas si vite, Proximo. J'attends seulement le jour venu pour me venger de l'empereur, qui m'a causé du tort. Combattre, autrement, ne me rapportera rien. Tu n'es qu'un homme aveuglé par l'argent .

PROXIMO, caressant sa barbe, sourit du coin des lèvres et se penche vers lui : Tu penses comme tous les autres, que j'ai toujours vécu dans la richesse ? Ne sois pas comme tous ces idiots, je t'en prie. Vois-tu, quand j'étais petit, je vivais seulement avec mon père, car je n'ai jamais connu ma mère. C'était un simple paysan dont la récolte lui ramenait juste de quoi nous permettre de manger notre croûton de pain habituel. Un jour, mon père partit à la guerre et ne revint jamais. Comme il m'avait laissé des dettes, un publicain saisit tous mes biens et alors commença ma vie d'errance.

Un jour, je fus capturé, on m'emmena dans un village désertique loin de Rome et on me mit dans une cellule. Je n'avais que dix-neuf ans. Le lendemain, je fus vendu au forum romain par des vendeurs d'esclaves. Le soir même, on me mit à l'épreuve, on fit de moi un Thrace et je dus combattre le meilleur d'entre nous, tout comme toi, l'Espagnol, un homme puissant et intimidant. Nous étions des matutini, nous faisions partie des gladiateurs qui combattaient le matin. Puis il nous entraîna jusqu'au jour du combat au Colisée, face à des milliers de personnes prêtes à voir des hommes s'affronter !

 

Combat de deux gladiateurs - Graffito d'une tombe de Pompéi

 

On me donna un simple glaive, un bouclier, et on nous jeta dans l'arène au milieu des applaudissements. Tous les gladiateurs se tournèrent face à l'empereur et nous prêtâmes serment. Lorsque les jeux commencèrent, sans plus attendre je fondis sur le premier adversaire que je mis dans une rage sans pareille : le sang coulait à flots. Beaucoup d'entre nous moururent, mais nous remportâmes tout de même la victoire, sous les hurlements des spectateurs qui criaient mon nom. Le soir même, en rentrant dans une cellule collective, nous manifestâmes notre joie sans faire attention aux personnes qui manquaient à l'appel. Vois-tu, l'Espagnol, ce que tu dois savoir ?

MAXIMUS :J'avoue ne pas comprendre ; parle, Proximo !

PROXIMO : Tu dois gagner la foule ! Sans elle, tu n'es rien. Tu dois les impressionner, voilà l'utilité de tes techniques de combat. Faire saigner pour être aimé, c'est ça, l'Espagnol, dont je te parle : être aimé ! L'empereur m'a rendu ma liberté et m'a couvert d'or, alors que les autres, qui n'ont jamais compris cela, sont dans des cellules miteuses, mangent du pain rassis en attendant avec peur et pression le prochain combat.

MAXIMUS : Non, je veux seulement me venger de l'empereur, tout cela ne sert à rien. Dès que l'empereur aura compris que je suis toujours en vie, il me fera tuer dans ma cellule.

PROXIMO : Raison de plus pour être aimé par la foule, l'Espagnol. Si tu deviens un gladiateur vedette, tu ne risques pas de te faire assassiner. Les spectateurs sont un bouclier qui peut t'empêcher de succomber face aux fourberies de l'empereur. Et puis la vie de gladiateur n'a rien d'un enfer ! Voir des personnes qui t'acclament, qui hurlent quand ils te voient, c'est magnifique. Sans compter que la nourriture est plus que suffisante.

MAXIMUS : J'y réfléchirai.

PROXIMO : Je tiens à te persuader : il est important que tu deviennes une vedette pour les autres, que tu représentes pour eux la force ! Vois-tu, après avoir tué mille hommes, combattu les lions et impressionné l'empereur, il me mit à la retraite à l'âge de 25 ans. Ce qui fut un exploit à l'époque : très peu de gladiateurs survivaient aussi longtemps ! L'empereur me couvrit d'or.

 

La rudis, une baguette ou une épée en bois donnée aux gladiateurs qui prennent leur retraite.

 

Je fus adoré par tout le monde ; on me nommait le survivant et les femmes se jetaient sur moi ! Les hommes feraient n'importe quoi pour posséder tout cela ! Puis je me suis lancé dans le commerce !

MAXIMUS, intrigué : C'est pour cela que tu es devenu lanista ?

PROXIMO : Eh bien oui, j'ai choisi d'être lanista. J'achète des esclaves et j'en fais des gladiateurs, je les range par catégories, je leur donne des armes et des armures qui conviennent à chacun, pour proposer le meilleur spectacle possible, ce qui me rapporte beaucoup de deniers. Mais j'ai toujours perdu mes hommes avant leur retraite. C'est parce qu'ils ne comprennent pas qu'il faut être une vedette ! Lorsque je fus vaincu par un gladiateur qui avait plus d'expérience que moi, l'empereur se leva et tendit le bras, le pouce sur le côté, attendant ce qu'allaient crier les spectateurs ! Et crois-le bien, l'Espagnol, tout le monde voulut m'épargner. Et cela se réalisa : l'empereur leva le pouce et le gladiateur s'éloigna de moi ! La survie est quasiment assurée si l'on est aimé ! Maintenant, l'Espagnol, tu peux voir ce que t'apporte le fait d'être devenu un symbole : La survie, le confort, la gloire et la richesse au moment de la retraite. Ce qui ne laisse pas indifférent, n’est-ce pas ?

Maximus ne dit rien, mais on devine qu'une idée lui traverse à présent l'esprit.

PROXIMO : Ton destin t'appartient, l'Espagnol.

Proximo appelle les gardes et leur donne l'ordre de le ramener dans sa cellule.  Maximus se lève, toujours silencieux, et tourne le dos à Proximo, en réfléchissant sérieusement cette fois à ce que ce dernier vient de lui raconter.



  Geoffrey P., 203