© Agnès Vinas

Le groupe du Laocoon constitue un ensemble monumental de près de 2 mètres de haut ; il est emblématique de la sculpture hellénistique, spectaculaire et dramatique, au même titre que le taureau Farnèse du musée de Naples.

Le personnage central en est le prêtre troyen Laocoon, qui seul se méfie du cheval de bois laissé par les Grecs sur le rivage, et qui suspecte une ruse. Mais bientôt, un prodige vient bouleverser les Troyens : deux serpents monstrueux jaillissent de la mer. Voici comment Virgile décrit la fin épouvantable du prêtre d'Apollon :

Tout fuit épouvanté. Le couple monstrueux
Marche droit au grand prêtre, et leur corps tortueux
D'abord vers ses deux fils en orbe se déploie,
Dans un cercle écaillé saisit sa faible proie,
La ronge de ses dents, l'étouffe de ses plis.
Les armes à la main, au secours de ses fils
Le père accourt : tous deux à son tour le saisissent,
D'épouvantables nœuds tout entier l'investissent,
Deux fois par le milieu leurs plis l'ont embrassé,
Par deux fois sur son cou leur corps s'est enlacé.
Ils redoublent leurs nœuds, et leur superbe crête
Dépasse encor son front et domine sa tête.
Lui, dégouttant de sang, souillé de noirs poisons
Qui du bandeau sacré profanent les festons,
Raidissant ses deux bras contre ces nœuds terribles,
Exhale sa douleur en hurlements horribles.

Virgile - Enéide, II, 212-222
Traduction de l'Abbé Delille

© Agnès Vinas



Dès sa découverte, les artistes de la Renaissance ont reconnu dans ce groupe une sculpture décrite par Pline l'Ancien (Histoire naturelle, XXXVI, 4, 24) :

« Nec deinde multo plurimum fama est, quorundam claritati in operibus eximiis obstante numero artificum, quoniam nec unus occupat gloriam nec plures pariter nuncupari possunt, sicut in Laocoonte, qui est in Titi imperatoris domo, opus omnibus et picturae et statuariae artis praeferendum. ex uno lapide eum ac liberos draconumque mirabiles nexus de consilii sententia fecere summi artifices Hagesander et Polydorus et Athenodorus Rhodii

Il n'y a pas beaucoup d'autres artistes en renom. Car, pour certains chefs d'œuvre faits en commun, le nombre des auteurs a été un obstacle à la réputation de chacun d'eux, un seul ne pouvant en recueillir toute la gloire, et plusieurs ne pouvant être cités au même titre : tel est le Laocoon, dans le palais de Titus, morceau préférable à toutes les productions soit de la peinture, soit de la statuaire ; il est d'un seul bloc, ainsi que les enfants et les replis admirables des serpents. Ce groupe a été fait de concert par trois excellents artistes, Agésandre, Polydore et Athénodore, Rhodiens ».

Traduction d'Emile Littré (1855)


Mais si aujourd'hui on accepte généralement cette identification, certains érudits pensent que la statue se trouvait à l'origine non pas dans le palais de Titus mais dans la Domus Aurea, le palais de Néron, un empereur esthète et collectionneur d'objets d'art en tous genres.

Le peintre Georges Chédanne a imaginé en 1895 dans quel type d'environnement somptueux elle pouvait se trouver. Et le réalisateur polonais Jerzy Kawalerowicz a repris cette idée dans son film Quo Vadis ? de 2001, mais en négligeant le fait que la construction de la Domus est postérieure à l'incendie de 64. Toutefois cette reconstitution, même plausible, reste discutée.

 



La datation du groupe, elle aussi, est encore débattue

Il s'agit en effet de déterminer s'il s'agit d'un original hellénistique ou d'une copie d'époque romaine.