© Agnès Vinas |
Le groupe du Laocoon constitue un ensemble monumental de près de 2 mètres de haut ; il est emblématique de la sculpture hellénistique, spectaculaire et dramatique, au même titre que le taureau Farnèse du musée de Naples.
Le personnage central en est le prêtre troyen Laocoon, qui seul se méfie du cheval de bois laissé par les Grecs sur le rivage, et qui suspecte une ruse. Mais bientôt, un prodige vient bouleverser les Troyens : deux serpents monstrueux jaillissent de la mer. Voici comment Virgile décrit la fin épouvantable du prêtre d'Apollon :
Tout fuit épouvanté. Le couple monstrueux Virgile - Enéide, II, 212-222 |
© Agnès Vinas |
Dès sa découverte, les artistes de la Renaissance ont reconnu dans ce groupe une sculpture décrite par Pline l'Ancien (Histoire naturelle, XXXVI, 4, 24) :
« Nec deinde multo plurimum fama est, quorundam claritati in operibus eximiis obstante numero artificum, quoniam nec unus occupat gloriam nec plures pariter nuncupari possunt, sicut in Laocoonte, qui est in Titi imperatoris domo, opus omnibus et picturae et statuariae artis praeferendum. ex uno lapide eum ac liberos draconumque mirabiles nexus de consilii sententia fecere summi artifices Hagesander et Polydorus et Athenodorus Rhodii
Il n'y a pas beaucoup d'autres artistes en renom. Car, pour certains chefs d'œuvre faits en commun, le nombre des auteurs a été un obstacle à la réputation de chacun d'eux, un seul ne pouvant en recueillir toute la gloire, et plusieurs ne pouvant être cités au même titre : tel est le Laocoon, dans le palais de Titus, morceau préférable à toutes les productions soit de la peinture, soit de la statuaire ; il est d'un seul bloc, ainsi que les enfants et les replis admirables des serpents. Ce groupe a été fait de concert par trois excellents artistes, Agésandre, Polydore et Athénodore, Rhodiens ».
Traduction d'Emile Littré (1855)
Mais si aujourd'hui on accepte généralement cette identification, certains érudits pensent que la statue se trouvait à l'origine non pas dans le palais de Titus mais dans la Domus Aurea, le palais de Néron, un empereur esthète et collectionneur d'objets d'art en tous genres. |
La datation du groupe, elle aussi, est encore débattue
Il s'agit en effet de déterminer s'il s'agit d'un original hellénistique ou d'une copie d'époque romaine.
- Son style expressionniste et virtuose fait évidemment penser aux grandes sculptures hellénistiques, ce qui pourrait faire remonter la datation à la fin du IVe siècle ou au milieu du IIIe siècle avant JC. Dans ce cas, il s'agirait d'une oeuvre authentiquement grecque, transportée plus tard de Grèce en Italie. Mais le texte de Pline, qui l'attribue à des sculpteurs rhodiens datés de la fin du Ier siècle avant JC, s'oppose à cette datation haute ; reste à savoir si le Laocoon du Vatican est bien la statue qu'a vue Pline.
- Si le Laocoon est bien l'oeuvre de ces sculpteurs rhodiens du Ier siècle avant JC, il faut encore déterminer s'il s'agit de la copie d'une oeuvre plus ancienne, en marbre ou en bronze, ou s'il s'agit d'une création néo-hellénistique originale. En d'autres termes, on ignore s'il y a eu un autre Laocoon, aujourd'hui disparu, qui aurait servi de modèle à celui-ci.
- Une pièce de marbre de Luna retrouvée dans le dos de la statue pose encore un autre problème : les carrières de Carrare n'ayant été ouvertes et exploitées que sous le règne d'Auguste, cela interdirait de considérer la statue comme une oeuvre hellénistique ou même néo-hellénistique fabriquée à Rhodes. Mais peut-être cette pièce de marbre correspond-elle à une restauration effectuée pendant l'antiquité, à une date inconnue, sur une statue d'origine plus ancienne.
- Une hypothèse récente a jeté un énorme pavé dans la mare : pour Lynn Catterson, il ne s'agirait pas d'une oeuvre antique, mais d'une supercherie de Michel-Ange, qu'il aurait réalisée en même temps que la Pietà, donc au tout début du XVIe siècle...