Joseph Massot-Reynier (1804-1883)

Fils de Jacques Massot, médecin, et de la demoiselle Reynier, naquit à Perpignan, le 20 décembre 1804. Suivant l'usage adopté en Catalogne et en Roussillon, il joignit le nom de sa mère à son nom patronymique. Par elle, il tenait à la famille Tastu si honorablement connue dans les Pyrénées-Orientales et dans le monde des lettres. Ce fut son cousin et la jeune femme de celui-ci, Mme Amable Tastu, dont le talent poétique se révéla à Perpignan dans des compositions restées comme modèle de grâce et de sentiment, qui déterminèrent les parents de Massot à l'envoyer à Paris. Il y fit ses études avec succès, au collège Henri IV. Il eut surtout l'inappréciable avantage d'y vivre dans un milieu cultivé, où ses dispositions naturelles devaient prendre leur essor. L'enseignement supérieur, de la Sorbonne et du Collège de France attirait alors la jeunesse libérale de la Restauration. Massot-Reynier en suivit assid&ucircment les cours. Séduit un moment par la philosophie allemande, il essaya de pénétrer dans les nébulosités de sa métaphysique. Cette étude lui profita, parce que l'éclectisme de Cousin lui apprit à dégager les notions utiles que renfermaient les doctrines d'outre-Rhin. D'ailleurs, les sciences littéraires et philosophiques ne détournèrent point Massot-Reynier de l'école de droit ; il fit tout marcher de front.

Dès qu'il eut pris son grade d'avocat, sa famille le rappela à Perpignan. Un échec subi dans une première plaidoirie à la salle des assises le fit momentanément renoncer au barreau. Entraîné, comme la jeunesse libérale de l'époque, par les événements des journées de juillet 1830, Massot-Reynier se rendit à Paris où la politique seconda sa fortune. Le garde des sceaux Dupont de l'Eure ayant cédé, en 1831, le portefeuille de la justice à Barthe, Massot-Reynier fut appelé à la chancellerie comme chef de cabinet particulier du nouveau ministre. Moins de deux ans après, la carrière de la magistrature lui fut ouverte par le parquet de Perpignan.

Massot-Reynier donna de si bonne heure la mesure de sa valeur, à la barre du ministère public, qu'il ne tarda pas à être nommé avocat-général à la cour de Montpellier. Ce fut en l'année 1839. On reconnut bientôt en lui un orateur de race. Il en avait le port, le geste, l'organe, l'élocution. Utilisant ses loisirs au profit de travaux spéculatifs, Massot-Reynier publia, dans la Revue du Midi, une série d'articles sur la Philosophie du droit, travail consciencieux dans lequel l'avocat-général envisageait le Droit en lui-même, dans l'idéal, dans la loi et comme science. Dans cette étude, comme d'ailleurs dans tous ses écrits, Massot-Reynier révéla sa façon à lui, de rendre la pensée, sous la forme d'un vocabulaire expressif. C'est ce qui fit dire à un magistrat d'élite, Imgarde de Leffemberg : «Le premier président Massot-Reynier, envisagé comme écrivain, doit être rangé dans le petit nombre de ceux dont on dit son style

La chute de la monarchie de juillet rendit Massot-Reynier à la vie privée. L'ancien avocat-général consacra ce temps d'arrêt dans la marche de sa carrière judiciaire, au profit de l'histoire du Roussillon. En 1848, il inséra dans les bulletins de la Société archéologique de Montpellier une étude sur Les Coutumes de Perpignan suivies des usages de la dîme, des plus anciens privilèges de la ville et de documents complémentaires, publiés en roman et en latin, in-4°, Martel aîné. «La partie bibliographique de ce travail, dit M. Brutails, est très soignée : mais l'auteur est moins heureux lorsqu'il cherche les sources et les vicissitudes du droit perpignanais. Les théories de ce jurisconsulte sont inadmissibles aujourd'hui, parce que l'étude historique du droit a fait depuis cette époque bien des progrès.»

La disgrâce dont l'avait frappé la seconde République fut de courte durée. Le gouvernement le désigna, en 1849, pour diriger le parquet du tribunal de Lyon. L'anarchie régnait alors dans cette ville. Il fallait lui tenir tête. Le procureur Massot-Reynier s'y employa avec fermeté, sans se départir de la modération qui constituait le fond de son caractère. Il contribua puissamment au rétablissement de l'ordre à Lyon ainsi qu'à Grenoble, où il fut nommé Procureur-général, en 1851. Massot-Reynier fut appelé au même titre à Toulouse, en 1852. Deux ans plus tard, Napoléon III, par décret impérial, affecta Massot-Reynier à la cour de Rouen, et en 1861, le Procureur-général fut élevé sur place à la première présidence. C'est là que l'atteignit la limite d'âge.

Dans sa retraite, il fut frappé d'une caducité précoce, et malgré la désorganisation de l'être matériel, l'esprit veilla toujours en lui. Massot-Reynier mourut à Perpignan, le 24 mars 1883. Il était commandeur de la Légion d'honneur, des ordres de Saint-Maurice et Saint-Lazare. etc. Il avait épousé une demoiselle Delaya dont il n'eut qu'une fille, Lucie. Son frère, Aimé, médecin, se maria à Félicie Guiter, soeur de Théodore Guiter, député des Pyrénées-Orientales.

V. Aragon, Notice sur le premier président Massot-Reynier, Montpellier, Boehm et fils, 1884.