AEGIS (αἰγίς)

  1. Le premier sens de ce mot est peau de chèvre ; les habitants primitifs de la Grèce se servaient de ces peaux, aussi bien que des peaux des autres animaux, pour se vêtir et protéger leur corps. Naturellement on devait porter cette peau et l'attacher par les pattes de devant sur la poitrine, pour couvrir ces deux parties du corps, comme on le voit par la statue de Juno Lanuvina, au musée du Vatican (Visconti, Mus. Pio Clem. II, tav.21). Ainsi se forma le type original de l'égide comme la portaient Jupiter et Minerve, faite de la peau de la chèvre Amalthée, qui avait allaité Jupiter dans son enfance (Hygin. Astron. II, 13.

La gravure représente une figure de Minerve prise d'une lampe d'argile (mais imitée d'un type fort ancien) : comme nous l'avons dit ci-dessus, l'égide qu'elle porte lui couvre la poitrine et lui tombe derrière le dos jusqu'aux genoux. Les serpents de la tête de la Gorgone qui y sont attachés forment une frange autour des bords ; c'est ainsi qu'Homère (Il. II, 448) décrit les glands de l'égide de Jupiter.

  1. Comme un pareil manteau formait un accessoire gênant dans une statue du style idéal de la sculpture grecque, il faut transformé par les artistes de cette nation en une cuirasse petite et élégante, couverte d'écailles pour imiter une armure, et décorée au centre d'une tête de Gorgone, comme dans la figure de Minerve que nous donnons, aussi d'après une lampe d'argile. Par suite, on employa le mot aegis pour désigner la cuirasse d'une divinité, mais plus particulièrement celle de Jupiter et de Minerve, par opposition à lorica ou la cuirasse des mortels (Ovid. Met. VI, 79 ; II, 755 ; Serv. ad Virg. Aen. VIII. 435).
  1. A une époque ultérieure, on employa le même mot pour désigner la cuirasse ordinaire portée par des personnes de distinction, tels que les rois de Macédoine et les empereurs romains, quand elle était décorée par devant de l'image d'une tête de Gorgone (Mart. Ep. VII, 1) ; ils adoptèrent cet ornement entre tous les autres, en signe du caractère et de l'autorité divine qu'ils s'arrogeaient, comme on le voit dans le modèle, pris d'une statue romaine.
  1. Traduire aegis par bouclier, c'est introduire une idée tout à fait éloignée du sens vrai et original du mot ; car presque toutes les figures qui portent une peau de chèvre sur la poitrine, dans les oeuvres de l'art antique, sont aussi munies d'un bouclier bien distinct ; et les passages où on suppose qu'il est fait allusion à une arme défensive de la nature du bouclier, ou sont équivoques, ou peuvent s'entendre avec une égale vérité du large manteau de peau de chèvre que nous avons donné dans notre première gravure. Il était facile, en effet, de ramener ce manteau sur le bras gauche ; il le protégeait alors comme un bouclier, de la même façon que les Athéniens se servaient de leurs chlamydes (voir clipeatus chlamyde), et ainsi qu'on le voit dans la figure ci-jointe, qui est prise d'une très ancienne statue de Minerve, au musée royal de Naples.

Illustration complémentaire

Détail de statue à lorica portant l'égide
Musée archéologique de Tarragone (Espagne), 2002

© Agnès Vinas