LORICA (θώραξ)

Terme employé pour désigner d'une manière générale la partie de l'armure défensive qui couvrait le dos, la poitrine, le ventre et les côtés jusqu'à la ceinture. On comprenait sous ce nom de lorica la cuirasse proprement dite, c'est-à-dire un corselet fait tantôt de cuir, tantôt d'un métal uni, tantôt d'écailles ou de bandes métalliques, rattachées les unes aux autres par des anneaux ou des pointes, la cotte de mailles, et le pourpoint flottant, ou chemise de lin souple. Toutes ces différentes pièces sont décrites séparément dans les paragraphes suivants :

  1. (γυαλοθώραξ). Cuirasse grecque de la plus ancienne époque, faite de deux pièces de métal séparées et distinctes, modelées sur le corps de celui qui devait les porter ; une des moitiés de la cuirasse enveloppait la poitrine et le haut du ventre, l'autre le dos et les reins; ces plaques tenaient au corps par un grand nombre d'agrafes et de boucles (fibulae, περόναι) qui, sur les côtés, les attachaient l'une à l'autre, et par deux bretelles ou courroies, dont une passait sur chaque épaule. Chacune de ces plaques était appelée γύαλον.
    La gravure ci-jointe représente deux de ces pièces découvertes dans une tombe à Paestum ; mais il semblerait, d'après un passage de Pausanias (X, 26, 2), qu'il n'eût jamais vu, excepté en peinture, de cuirasse de cette sorte, preuve remarquable de la valeur et de l'ancienneté du spécimen dont nous donnons une copie.
  1. (θώραξ στάδιος ou στατός).La cuirasse que, depuis l'époque homérique, portaient habituellement les généraux et les officiers supérieurs, chez les Grecs comme chez les Romains. Elle était ainsi nommée parce que, lorsqu'on la retirait et qu'on la plaçait à terre toute vide, d'elle-même elle se tenait debout. Comme celle que nous venons de décrire, elle était en réalité formée de deux pièces, mais avec un perfectionnement, ces deux pièces étant jointes par l'armurier sur le côté droit au moyen d'une série de charnières (γίγγλυμοι) traversées par une tige mobile, de façon que les deux plaques pouvaient être écartées ou rapprochées promptement et commodément quand on voulait ôter ou mettre son armure ; il n'y avait plus de boucles et d'agrafes qu'à gauche de la cuirasse.

    Les jointures sont faciles à apercevoir dans la figure ci-jointe, d'après une statue équestre de N. Balbus découverte à Herculanum, et sur une statue du musée Pio-Clémentino (III, 1l), armée de la même manière, où on les voit marquées avec autant d'exactitude et de précision. La cuirasse ici représentée, faite de cuir très épais, de bronze ou d'autres métaux, constitue la lorica même ; mais l'abdomen, les cuisses, le muscle deltoïde, et les aisselles, parties qui se seraient trouvées complètement exposées quand le bras était levé au-dessus de la poitrine, étaient protégées par une série de bandes de cuir. Ordinairement supendues à la cuirasse, autour de trous faits pour laisser passer les bras, et des bords inférieurs des deux plaques, ces bandes () tombaient le long des bras comme une manche, et sur les cuisses, comme le kilt ou jupon des montagnards écossais. Voyez la figure de l'article legatus.

  1. (θώραξ λεπιδωτός). Corselet faisant partie d'une armure composée tout entière de pièces en forme d'écailles (squamae, Virg. Aen. IX, 107 ; XI, 487 ; Sil. Ital. I, 527), et où les écailles, faites de corne ou de métal, et cousues sur un fond de cuir ou de toile, étaient disposées de manière à imiter les écailles d'un poisson (λεπίδες), presque toujours circulaires à leur extrémité inférieure, et se recouvrant dans un ordre régulier, comme le montre la figure ci-dessus, d'après la colonne Trajane.
  1. (θώραξ φολιδωτός). Corselet d'une armure composée comme la précédente de pièces en forme d'écailles, faites des mêmes substances et attachées d'une manière semblable, mais imitant par leur disposition et leur forme, non les éailles du poisson, mais celles du serpent (pholides ; cf Ovid. Met. III, 63 ; Prudent. Hamart. 423 ; squamosum thoraca e pelle colubrae), qui sont presque toujours angulaires à leurs extrémités, et forment comme autant de losanges se dépassant les uns les autres, de manière qu'un des angles aigus du losange soit dégagé et dirigé en bas, comme le montre la figure ci-jointe, d'après la colonne d'Antonin. Les écailles de la cuirasse dont nous donnons l'image reproduisent exactement celles du serpent à sonnettes, de la vipère commune et de beaucoup d'autres reptiles.
  1. Lorica plumata (Justin. XLI, 2). Corselet formé, comme les deux précédents, d'un grand nombre de pièces rapportées ; seulement les plaques de métal dont il est composé sont disposées de manière à imiter les plumes d'un oiseau (plumae, Virg. Aen. XI, 770 ; Sall. Fragm. ap. Serv. ad l.), et non les écailles du poisson. C'est ce qu'on voit dans le modèle ci-joint, d'après un bas-relief de Trajan, rapporté sur celui de Constantin ; on y remarquera que les plaques ne sont pas aussi anguleuses à leur extrémité que dans la dernière figure, ni aussi régulièrement disposées que dans celle qui la précède.
  1. Lorica serta, ou hamis conserta (Nepos, Iphicr. 1 ; Virg. Aen. III, 467 ; V, 259 ; Sil. Italic. V, 140). Corselet composé aussi de plaques en forme d'écailles, mais où ces plaques d'os ou de métal, au lieu d'être cousues à un pourpoint de cuir piqué, étaient attachées les unes aux autres au moyen d'anneaux ou d'hameçons de fil de fer. La figure qui suit, d'après une peinture de Pompéi offre un specimen de cette sorte de cuirasse.

    Les plaques sont d'os, et chacune, près de son extrémité supérieure, est percée de deux trous, à travers lesquels est passé le fil de fer qui les rattache les unes aux autres, comme le montre pour une large plaque la partie droite de la figure ; seulement, quand ces plaques sont réunies, chaque rangée d'attaches ou hami est couverte et protégée par les extrémités circulaires des plaques de la rangée supérieure, comme le fait voir la série de petites plaques que représente la partie gauche de la figure.
  1. Cuirasse formée de deux larges plaques de métal couvrant la poitrine, et de longues bandes d'acier (lamines) couvrant les épaules et entourant la taille. Elles étaient arrangées de telle sorte que, tout en s'adaptant exactement aux formes et à la taille de celui qui portait la cuirasse, elles pouvaient glisser les unes sur ou sous les autres, quand les bras étaient levés ou le corps courbé, comme le montre le modèle ci-joint, d'après la colonne Trajane.
Le nom particulier par lequel étaient désignées des cuirasses de cette espèce n'est pas parvenu jusqu'à nous, mais l'objet lui-même se présente souvent sur les arcs de triomphe et les colonnes. Il paraît avoir constitué l'armure habituelle du soldat légionnaire sous l'empire ; car les officiers supérieurs ne portent jamais cette cuirasse, mais toujours les simples soldats, dont on devine le rang d'après les occupations auxquelles ils se livrent quand ils ne sont pas aux mains avec l'ennemi : par exemple, d'abattre du bois pour faire des palissades, de bâtir des forts, de transporter des provisions, etc. Quelques écrivains ont cru que cette cuirasse était celle que l'on appelait cuirasse à écailles de serpent (pholidôtos, n° 4) ; mais la ressemblance n'est pas assez grande pour justifier cette assimilation.


  1. (θώραξ ἀλυσιδωτός). Cotte de mailles, formée par une suite de petits anneaux métalliques, rattachés les uns aux autres et formant une chaîne continue (alusis : molli lorica catena, Val. Flacc. VI, 233). Les hastati la portaient sous la république (Polyb. VI, 23) ; elle est représentée dans les figures de cavaliers qui couvrent les plaques de marbre enlevées à l'arc de Trajan, pour décorer celui que construisit Constantin, près du Colisée, ainsi que dans la figure ci-jointe, d'après la colonne Antoniue, où la finesse des hachures, ainsi que la souplesse que l'artiste a donnée au tissu, et la précision avec laquelle il lui fait serrer le corps et s'y ajuster, font reconnaître sur les épaules et la poitrine du guerrier une cotte de mailles.
  1. Lorica lintea (θώραξ λίνεος). Jaquette de toile, flottante, formée d'une pièce d'étoffe plusieurs fois repliée sur elle-même et trempée dans du vinaigre et du sel (Nicet. Choniat., Scr. Byz. p. 247, Paris, 1647). Ce vêtement, porté surtout par les Orientaux, fut aussi adopté par les Grecs et les Romains Nepos, Iphicr. 1 ; Suet., Galb. 19 ; Liv. IV, 20 ; Arrian. Tact., pag 14). Il est représenté souvent sur les colonnes de Trajan et d'Antonin, comme dans la figure ci-jointe, où c'est un long pourpoint, tombant plus bas que les hanches, se prêtant aisément à tous les mouvements du corps, et ne collant pas à la taille.
  1. Pris dans un sens général, ce mot s'applique aussi à tout ce qui peut servir de défense et de rempart ; ainsi, à une couche de ciment revêtant un mur (Vitruv. II, 8, 18 ; VII, 1, 4), à un parapet servant à fortifier une enceinte ou à dérober à l'ennemi la vue de ce qui s'y passe (Tac. Ann. IV, 49 ; cf. Veg. Mil. IV, 28), etc.

Illustration complémentaire

Alexandre en lorica
Détail de la mosaïque de la bataille d'Issos
Musée de Naples (Italie), 1984

© Charles Cavenel