CLIPEUS et CLIPEUM (ἀσπίς)

  1. Large bouclier rond, plus particulièrement propre à l'infanterie pesamment armée des Grecs (Liv. IX, 19). Il était porté aussi chez les Romains par les soldats tirés de la première classe, du temps de Servius (Liv. I, 43 ; Dion. Hal. IV, 16, passages qui prouvent l'identité du clipeus latin et de l'ἀσπίς grec), et jusqu'à l'époque où les citoyens commencèrent à recevoir une solde pour leur service à l'armée ; alors le scutum lui fut substitué (Liv. VIII, 8). Le clipeus était de forme tout à fait circulaire, mais creux à l'intérieur (cavus, Varro, LL. V, 19 ; cf Virg. Aen. III, 637), avec une circonférence assez vaste pour descendre du cou au mollet (voyez la figure au mot clipeatus, 1).
Quelquefois il était entièrement en bronze (Liv. XLV, 33) ; mais plus ordinairement il se composait de peaux de boeuf superposées (Virg. Aen. XII, 925, septemplicis ; Ovid. Met. XII, 97, decimo orbe) et couvertes de plaques de métal. Dans quelques cas, c'était sur des branches d'osier entrelacées (de là clipei textum, Virg. Aen. VIII, 625, et itea, Eurip. Suppl. 697), qu'étaient étendus le cuir cru et le métal. La gravure donne une vue de face et une vue de côté d'un clipeus grec, d'après deux vases d'argile.

  1. Sub clipeo latere ; clipei sub orbe tegi (Ovid. Met. XIII, 79 ; Virg. Aen. II, 227). Position représentée souvent dans les oeuvres d'art. Le soldat s'agenouille et place son bouclier droit devant lui ; de cette façon, toute sa personne est couverte et protégée contre les attaques. On en aura une idée en voyant la gravure au mot venabulum.
  1. Bouclier ou plaque de métal ou d'autre matière, sur laquelle le buste d'une divinité ou le portrait de personnages éminents était sculpté en relief ou peint en profil, comme marque d'honneur (Suet. Cal. 16 ; Tac. Ann. II, 83) ; coutume d'une très haute antiquité, dont l'origine remonte aux Troyens (Pln. HN. XXXV, 3 ; cf Hor. Od. I, 28, 11). La gravure représente un clipeus en bronze de cette espèce ; il porte un buste de l'empereur Adrien.
  1. Bouclier ou plaque de même nature, en marbre ou en métal, mais orné d'autres dessins aussi bien que de portraits, dont on se servait comme de décoration et qu'on suspendait dans les édifices publics ou les maisons particulières entre les piliers d'une colonnade, de la façon représentée par la figure ci-jointe, d'après un bas-relief en terre cuite (Liv. XXXV, 10).


  1. Appareil employé pour régler la température du laconicum ou bain de vapeur ; il consistait en une plaque de métal creuse et circulaire, suspendue par des chaînes sous une ouverture pratiquée dans le dôme du plafond, à l'extrémité circulaire de la chambre thermale (caldarium), et immédiatement au-dessus du labrum. Suivant qu'on levait ou qu'on abaissait cette plaque, la température de la chambre était élevée ou abaissée ; car, de cette sorte, il pouvait entrer plus ou moins d'air froid et s'échapper plus ou moins d'air chaud (Vitruv. V, 10).
La gravure représente une section du laconicum de Pompéi, dont nous avons donné une perspective à ce mot, qui le montre tel qu'il est aujourd'hui. Les carrés au bas laissent voir les tuyaux de l'hypocaustum ; le bassin au centre, au-dessus du plus large tuyau, est le labrum ; et le clipeus, avec la chaîne par laquelle on l'abaissait ou on le levait, de manière à fermer l'ouverture du plafond au-dessous de laquelle il était situé, est une restauration conjecturale pour expliquer comment fonctionnait l'appareil ; les appuis de bronze, pour attacher les chaînes par lesquelles on gouvernait le clipeus, furent trouvés fixés aux parois.


On ne peut nier cependant que la nature précise du clipeus ne soit encore enveloppée d'obscurité, et beaucoup d'érudits, s'en rapportant à une peinture des Thermes de Titus (représentée par la gravure ci-jointe) soutiennent que le laconicum éait la petite coupole qu'on voit ici s'élevant du plancher de la chambre, et qui permettait à un certain volume de flamme et d'air chaud de s'élever au-dessus du niveau général de l'appartement ; ils ajoutent que le clipeus, qui réglait la température en admettant ou en excluant la chaleur, était placé, comme dans la gravure, sous cette coupole et précisément au-dessus de l'hypocaustum.


Mais il est difficile de concevoir comment, dans une telle position, on aurait pu se servir de l'appareil : en effet, le clipeus et les chaînes qui servaient à le lever devaient être d'une chaleur brûlante à une telle proximité du feu ; en outre, on n'a rien découvert, dans aucun des bains des anciens, qui ressemble, même de loin, à une construction pareille, et Vitruve (l.c.) décrit avec une exactitude presque minutieuse une disposition semblable à celle qu'on observe à l'extrémité circulaire de la chambre thermale dans les bains de Pompéi. Comme nous avons donné les deux plans, le lecteur pourra juger par lui-même. Un grand nombre d'autorités appuient l'une et l'autre hypothèse.

Illustration complémentaire

Clipeus décoratif monumental originaire du forum de Merida (Espagne)

Musée archéologique de Merida, 2002

© Agnès Vinas