Dans la langue du droit civil romain, connubium signifie la capacité de contracter un mariage produisant les effets des justae nuptiae ou MATRIMONIUM, c'est-à-dire un mariage civil proprement dit. Cela suppose en règle la qualité de citoyen romain (civitas) chez les deux parties : il n'y a pas de justae nuptiae possible pour les esclaves, ni en général pour les pérégrins ; cependant le mot connubium (de cum et nubere) se prend d'ordinaire chez les jurisconsultes dans un sens relatif pour désigner la capacité d'un citoyen de se marier avec telle classe de personnes déterminées, en un mot la capacité relative. Ainsi les citoyens avaient le connubium avec les cives romani, avec les Latins juniens et les pérégrins seulement au cas de concession spéciale, jamais avec les esclaves. Dans la langue littéraire, au contraire, connubium se dit souvent du mariage lui-même.
Au point de vue historique, les règles sur le connubium ont beaucoup varié aux différentes époques de l'état romain. A l'origine, la tribu primitive des Ramnes qui fonda Rome ne parait avoir permis le connubium à ses membres qu'avec ceux du même ordre, et non avec les sujets, origine des plébéiens. Il est probable au contraire qu'il existait avec les cités entières de la confédération latine [LATINUM FOEDUS]. La légende des Sabines prouve que le connubium, refusé avec les Sabins, fut l'origine de l'annexion de la seconde tribu, celle des Tities avec des droits égaux ; ii dut en ètre de même pour la troisième tribu, celle des Luceres. Mais les citoyens des curies de ces trois tribus n'eurent pas le connubium avec les sujets ou les réfugiés annexés postérieurement, plebeii. Cette exclusion, fondée sur des prétextes religieux et politiques, fut maintenue même par les décemvirs, lors de la rédaction des deux dernières des XII tables. Les plébéiens s'en plaignirent amèrement, et en même temps qu'ils réclamèrent l'accès des magistratures, ils demandèrent aussi le jus connubii avec les patriciens. Ce droit leur fut accordé seulement en 309 de Rome ou 445 av. J.-C., par une des lois Canuleia, sur la rogation du tribun Canuléius. A.-W. Zumpt pense que jusqu'alors les patricii romains n'avaient également le connubium qu'avec les patricii de la confédération latine, et les plebeii avec les plebéiens de celle-ci ; en un mot, le connubium existait d'ordre à ordre entre les alliés du nomen latinum. Après la loi Canuleia les principaux Latins durent avoir le connubium avec tous les concitoyens romains. Il est probable que lorsque la ligue latine avait été auparavant renouvelée par Sp. Cassius en 493 av. J.-C. ou 261 de Rome, le connubium avait été seulement concédé aux magistrats des cités latines avec les membres des familles patriciennes ; ce privilège, étendu après la loi Canuleia à tous les plebéiens romains au profit des principes latins, fut-il accorde ensuite à la plèbe latine, après la dissolution de ]a confédération ? On peut le supposer ; mais il est certain que Rome interdit le connubium entre les cités latines qu'elle voulait tenir séparées. Les villes latines ou autres qui obtinrent l'isopolitie, municipium, ou le droit de cité sans suffrage, civitas sine suffragio, possédèrent avec les Romains le commercium et le connubium. Au contraire, sous la république, les affranchis, libertini, citoyens romains n'eurent pas le jus connubii avec les ingénus. Il en était de même des étrangers ordinaires, peregrini, à moins d'une concession spéciale, dont l'absence empêchait les justae nuptiae, mais non un mariage conforme aux lois des pérégrins, entre eux ou avec des Romains ; c'est ce mariage de droit des gens, que les textes appellent matrimonium sine connubio ou non legitimum avec uxor injusta.
Cette règle s'appliqua, non aux colonies latines établies en Italie [LATINITAS], mais aux colonies dotées du jus latii ou latinité fictive, en dehors de l'Italie, par assimilation aux colonies deditices de Carteia en Espagne, type des Latins coloniarii et Latins Juniens de l'empire ; c'est ce que n'ont pas vu les auteurs qui ont dénié le jus connubii aux Latini veteres et aux Latins coloniaires italiques. Quant aux alliés en Italie, ils obtinrent aussi probablement le droit de connubium, suivant l'opinion de Niebuhr et de Walter, combattue, il est vrai, par Madvig. Après 665 de Rome ou 89 av. J.-C., tous les Italiens conquirent le droit de cité complet [SOCII, ITALIA], puis la Gaule cisalpine, meme la transpadane en 705 de Rome ou 49 av J.-C., par conséquent avec le jus connubii pour tous ses habitants.
Sous l'empire. Auguste permit en général le connubium des affranchis avec les ingénus, sauf les sénateurs et leurs enfants ou descendants per masculos, comme pour les comédiennes et les prostituées ; les mêmes lois Julia et Papia Poppaea interdirent le mariage d'un ingénu avec une entremetteuse (lena), avec l'affranchie d'une lena ou dun leno, avec la femme prise en adultère ou condamnée dans une instance publique, avec une comédienne et en général avec toute femme notée d'infamie [INFAMIA]. Un sénatus-consulte, rendu sous Marc-Aurèle et qui peut-être n'innova pas, déclara nuls les mariages contractés au mépris de ces lois, sauf dispense accordée par rescrit impérial, ou validation de l'union par cessation de la cause de nullité, par exemple si le sénateur était exclu du sénat. La loi Julia de adulteriis prohiba le mariage entre la femme condamnée pour adultère et son complice. II fut interdit vers le IIe siècle de notre ère, par des constitutions impériales portant règlement pour l'administration provinciale (mandata), aux gouverneurs et fonctionnaires de province d'épouser ou de laisser épouser à leur fils une femme ayant sa patrie ou son domicile dans la province, sauf exception en faveur des militaires et au cas de fiançailles antérieures, le tout sous peine de nullité du mariage ou des libéralités testamentaires émanées de la femme. Un sénatus-consulte, rendu sous Marc-Aurèle et Commode (177-180), défendit au tuteur, ou curateur, ou à leur fils, petit-fils ou affranchi, de se marier avec la femme autrefois placée sous leur tutelle ou encore sous leur curatèle, avant l'âge de 25 ans, plus une année utile, accordée pour la restitution en entier, restitutio in integrum, sous peine de nullité du mariage, et d'incapacité de capere en vertu du testament de la femme, d'infamie et de peine corporelle pour le mari. En 320, Constantin prohiba le mariage entre le ravisseur et la jeune fille, qu'elle eût consenti ou non au rapt, mais en 371 l'attaque contre le mariage fut interdite après cinq ans. Constance, en 354, appliqua la prohibition au cas de rapt d'une veuve ou d'une religieuse. Enfin, en 388, Valentinien, Théodose et Arcadius interdirent le mariage entre toute personne appartenant à la religion chrétienne et une personne professant le judaïsme. Constantin, en 336, avait aussi défendu aux sénateurs d'épouser des femmes de condition vile, abjectae personae. Mais Justin, par complaisance pour le mariage de Justinien son neveu et fils adoptif avec Théodora, supprima la prohibition à l'égard des comédiennes retirées du théâtre ; enfin Justinien l'abolit complètement à l'égard des abjectae personae ; il y avait aussi des empêchements de mariage pour les filles des pistores et des coloni. Dans tous les cas qui précèdent où le connubium était refusé par des motifs politiques, les enfants étaient traités comme bâtards, spurii, la filiation demeurant certaine à l'égard de la mère seulement.
On a vu que le connubium n'existait pas sous l'empire avec les Latins Juniens [LIBERTINUS] ni avec les pérégrins, à moins d'une concession spéciale. La loi Junia Norbana, qui créa la classe d'affranchis Latins juniens, suivant nous en 671 de Rome ou 83 av. J.-C. 50, ne dérogea pas à cette règle ; mais la loi Aelia Sentia, qui créa de nouveaux cas de Latins juniens, en 751 de Rome ou 4 av. J.-C., fournit aux Latins juniens les moyens d'arriver à la cité romaine, notamment par la causae probatio ou liberis, en épousant une personne ayant la cité romaine ou la qualité de Latin. Donc cette loi établit sous ces conditions le connubium entre un Latin et une civis romana ; il ne paraît pas que la causae probatio fût permise pour une Latine épousant un Romain, mais si elle avait épousé par erreur un pérégrin, qu'elle croyait Latin, l'erroris probatio était admise, de même qu'en d'autres cas, où la naissance d'un enfant réparait le défaut de connubium. L'empereur accordait souvent à un vétéran le connubium avec la première Latine ou perégrine qu'il épouserait après son congé, ou à des particuliers. Antonin Caracalla accorda le droit de cité en 211 à tous les perégrins ingénus existant dans l'empire ; cela s'appliquait aux Latins coloniaires comme à tous Ies autres pérégrins, mais non aux affranchis latins ou déditices, aux déportés, ni aux barbares. Valentinien et Valens par une constitution spéciale de l'an 305 ou 307 défendirent sous peine de mort à toute personne ayant la cité romaine tout mariage avec une personne de nation barbare. Cette pénalité ne fut pas reproduite dans le code de Justinien, mais le défaut de connubium subsista. Du reste les empereurs avaient souvent dispensé de la prohibition. L'effet général du connubium était d'attacher au mariage ses effets civils romains, lorsque d'ailleurs les autres conditions étaient remplies. Ainsi l'enfant suivait la condition du mari, c'est-à-dire du père, au moment de la conception de l'enfant mais le connubium ne donne pas puissance paternelle au père qui ne serait pas citoyen romain. Le connubium cesse par la perte de la qualité de citoyen, et notamment au cas de capitis deminutio maxima, et même de media, où le mariage romain existant serait transformé en mariage de droit des gens. Le connubium n'existe pas avec certains parents ou alliés.
Article de G. HUMBERT