Notice sur Properce

Sextus Aurelius Propertius, le moins connu, mais non le moins célèbre des élégiaques latins, était né, suivant l'opinion la plus commune, à Mevania, ville d'Ombrie, aujourd'hui Bevagna, l'an de Rome 702 (52 ans avant notre ère).

Son père, chevalier romain, proscrit avec les restes du parti d'Antoine, fut égorgé, dit-on, sur l'autel de Jules César ; et, s'il est vrai, comme l'ont cru tous les biographes, que cet ordre barbare ait été donné par Octave, il est difficile de pardonner à Properce les louanges qu'il a prodiguées au vainqueur.

L'héritage paternel avait été dévoré par les guerres civiles. Le jeune Properce vint à Rome, où l'appelaient les études et les exercices du barreau. Mais, à peine a-t-il revêtu la robe virile, qu'une passion impérieuse vient lui révéler qu'il est poète ; et les vers brûlants que lui inspire Hostia le désignent bientôt au patronage de Mécène et aux faveurs de son maître. Ces faveurs n'étaient point désintéressées. Cependant Properce refusa toujours d'abaisser l'épopée à ces adulations qu'il laissait tomber sans scrupule dans des élégies où le nom du triumvir qui fut heureux à Actium n'est presque jamais séparé de celui de Cynthie : c'est le nom sous lequel le poète a célébré sa maîtresse.

La curiosité des critiques a dû naturellement se porter sur la femme qu'il a immortalisée par ses chants. Le témoignage précis d'Apulée nous apprend que son véritable nom était Hostia. Les vers de Properce lui-même attestent qu'elle eut pour aïeul un Hostius, qui écrivit sur la guerre d'Istrie au temps de Jules César ; sur tout le reste, le champ est ouvert aux hypothèses. On a prétendu qu'elle était d'une famille noble, et plus âgée que lui, ce qui est probable ; on a voulu prétendre de plus, les uns qu'elle était mariée, les autres qu'elle était libre, et d'autres même, en s'appuyant de quelques passages, que ce n'était qu'une courtisane. Rien ne prouve cette dernière assertion. Quant à la question de savoir si Hostia était libre ou mariée, la septième élégie du deuxième livre la résout d'une manière péremptoire, et l'on pourrait, au besoin, citer à l'appui plusieurs autres passages. Properce nous apprend encore que Hostia mourut avant lui, et qu'elle fut enterrée auprès de l'Anio, dans les champs de Tibur. Il paraît, d'ailleurs, qu'elle ne lui fut pas toujours fidèle ; car il lui adresse des reproches que tout porte à croire mérités.

Tous les rivaux de Properce, Tibulle, Ovide, Gallus, le second Mécène de la cour d'Auguste, partagèrent avec Bassus, Ponticus et d'autres poètes contemporains, l'amitié du chantre de Cynthie. Rien n'empêche de conjecturer que la confidence des premiers chants de 1'Enéide ne lui fut pas refusée : la dernière élégie du deuxième livre est un magnifique hommage rendu à ce poème et au génie de Virgile.

La date de la mort de Properce a divisé les critiques comme celle de sa naissance.

La dixième élégie du quatrième livre des Tristes ne permet guère de douter qu'il n'ait survécu à Tibulle ; Ovide y parle en termes exprès de son intimité avec Properce, et se plaint que les destins lui aient envié celle de son rival, qu'il place formellement avant Properce, dans l'ordre des temps. Or nous savons que les Muses pleurèrent en même temps Tibulle et Virgile, dont on fixe la mort à l'an de Rome 735 ; il faut donc reculer celle de Properce jusqu'à l'an 742 (12 ans avant notre ère).

On prétend avoir retrouvé son tombeau, en 1772, à Spello, à six milles de Bevagna, près d'une maison qu'une tradition ancienne faisait appeler la maison du poète, à l'époque même de la découverte.

Nous n'avons de Properce que ses Elégies.

Un mot de Martial, qui les appelle les vers de la jeunesse de Properce, pourrait être invoqué à l'appui des conjectures qu'a fait naître un vers attribué à Properce, par Fulgence, et qu'on a cherché vainement dans les poésies de l'ami d'Ovide, telles qu'elles nous sont parvenues. Mais il ne faut pas se hâter de regarder ces conjectures comme des preuves suffisantes de la perte d'une partie des poésies de Properce.

Celles dont nous jouissons suffisent à sa gloire ; et bien peu de compositions du siècle d'Auguste sont plus dignes d'être étudiées par les amis de l'antiquité.