[Athènes - L'Aréopage - L'Académie]
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[4] Quand vous serez descendu, je ne dis pas jusqu'au bas de la
ville, mais seulement au delà des portiques de la
citadelle, vous verrez une fontaine et tout auprès un
temple d'Apollon et du dieu Pan. Là est aussi un antre
où l'on dit qu'Apollon eut commerce avec Créuse
fille d'Erechthée. Pour le dieu Pan, on raconte que dans
le temps de l'irruption des Perses en Attique,
Phidippidès ayant été
dépêché pour en aller porter la nouvelle aux
Lacédémoniens, il avait eu d'eux pour toute
réponse qu'ils ne pouvaient envoyer si tôt du
secours à Athènes, parce que leur religion ne
permettait pas qu'ils marchassent avant la pleine lune ; mais
que Pan s'était apparu à lui auprès du mont
Parthénien et l'avait chargé d'assurer les
Athéniens qu'il était leur ami, et qu'il
combattrait pour eux à Marathon : voilà, dit-on,
l'origine du culte que les Athéniens rendent à ce
dieu.
[5] Plus bas est le quartier de la ville qu'on nomme
l'Aréopage, et qui a pris son nom de ce que Mars a
été le premier cité en jugement dans ce
lieu-là ; car j'ai déjà dit et qu'il avait
tué Halirthothius et la raison de ce meurtre. On tient
qu'Oreste y comparut ensuite sur le meurtre de sa mère,
et en effet on voit encore un autel de Minerve Aréa,
consacré, à ce que l'on croit, par Oreste,
lorsqu'il fut absous. Dans la salle de l'audience il y a deux
marches d'argent où s'asseyent l'accusateur et
l'accusé ; on nomme l'une le siège de l'injure, et
l'autre le siège de l'innocence.
[6] Près de là est le temple de ces
déesses que les Athéniens qualifient de
sévères, et qu'Hésiode dans sa
Théogonie appelle du nom d'Erinnys. Eschyle est le
premier qui a feint qu'elles avaient les cheveux
entrelacés de serpents, bien que ni elles ni les autres
divinités infernales qui sont là, n'aient rien
d'effrayant, je veux dire Pluton, Mercure et la déesse
Tellus. Tous ceux qui sont absous dans l'Aréopage
sacrifient à ces divinités, et les autres ont la
même permission, étrangers ou citoyens.
[7] Dans l'enceinte de l'Aréopage on vous montre le
tombeau d'Oedipe. Après m'être curieusement
informé de ce que l'on en devait croire, j'ai
trouvé que ses os avaient été
rapportés de Thèbes en cet endroit ; car ce que
Sophocle a imaginé de la mort d'Oedipe me paraît
peu croyable, comparé avec ce que dit Homère, qui
témoigne que Mécisthée vint à
Thèbes pour disputer le prix dans les jeux
funèbres qui se célébraient sur le tombeau
d'Oedipe.
[8] Les Athéniens ont dans la ville plusieurs autres
tribunaux, mais beaucoup moins célèbres. Ils ont
en premier lieu le Parabyste et le Trigone, qui ont pris leur
dénomination, l'un d'un endroit fort obscur où
l'on ne juge que de petites causes, l'autre de sa figure
triangulaire ; secondement, la chambre rouge et la chambre
verte, qui ont toujours gardé ces noms-là depuis
leur institution, à cause des couleurs qui les
distinguaient alors ; troisièmement, la chambre du
soleil, qui de tous les tribunaux est le plus grand et le plus
fréquenté ; on la nomme ainsi parce qu'elle est
exposée au soleil. Les procès criminels pour cause
de meurtre, bien qu'ils se jugent dans plusieurs autres
chambres, sont néanmoins paiticuliérement
attribués à celle qu'ils appellent la chambre du
Palladium ; on convient que Démophon est le premier
criminel qui y ait été cité, mais on ne
sait pas bien de quel crime il était accusé.
[9] On dit pourtant que Diomède s'en retournant dans son
pays après la prise de Troie, s'égara par une nuit
obscure, et qu'il aborda à Phalère ; que les
Argiens qu'il avait avec lui croyant être en pays ennemi,
s'étaient mis à piller dans la campagne ; que
Démophon qui ne les reconnaissait pas non plus,
étant accouru pour empêcher ce brigandage, avait
tué plusieurs Argiens, leur avait enlevé le
Palladium, et qu'en revenant chez lui, son cheval avait
malheureusement jeté par terre un Athénien qui
passait, et l'avait écrasé. Les uns disent que ce
furent les parents du mort qui appellèrent
Démophon en justice, et les autres veulent que
ç'ait été le peuple d'Argos.
[10] Il y a encore la chambre Delphinienne, où l'on juge
ceux qui s'avouant coupables d'homicide, se retranchent sur le
droit ; c'est à ce tribunal que Thésée fut
absous, après avoir tué Pallas et ses fils qui
tramaient une conspiration contre l'Etat ; car avant ce jugement
tout homme qui en avait tué un autre était
obligé de quitter le pays, ou de subir la loi du talion.
Les Athéniens ont de plus dans le Prytanée une
jurisdiction particulière établie pour juger le
fer et les autres choses inanimées qui ont
occasionné la mort d'un homme. Voici, je crois, quelle en
a été l'origine. Sous le règne
d'Erechthée un sacrificateur exerçant son
ministère assomma un boeuf devant l'autel de Jupiter
Poliéus ; aussitôt laissant là sa hache, il
s'enfuit et sortit de l'Attique : on fit le procès
à la hache et elle fut absoute. Depuis ce temps-là
ils observent cette cérémonie tous les ans.
[11] Et en effet, on dit que plusieurs choses inanimées
ont servi d'elles-mêmes d'instrument à la juste
punition des hommes, témoin le cimeterre de Cambyse, qui
sorti de son fourreau fit une action si belle et si glorieuse.
Vers la partie maritime du Pirée est un endroit que l'on
nomme Phréattys, où les bannis qui à leur
retour se trouvent accusés de quelque nouveau crime,
plaident leur cause à bord de leur vaisseau devant des
juges qui sont sur le rivage, et l'on prétend que Teucer
est le premier qui s'est ainsi purgé du meurtre d'Ajax en
présence de Télamon. Voilà ce que j'ai cru
devoir rapporter des différents tribunaux
d'Athènes, en faveur de ceux qui ont la curiosité
de les vouloir connaître.
XXIX. [1] Assez près de l'Aréopage vous verrez
une galère qui est faite pour servir à la pompe
des Panathénées. Cette galère n'a rien
d'extraordinaire pour la grandeur, et n'approche pas de celle de
Délos, la plus grande que je connaisse et qui a neuf
rangs de rameurs.
Tardieu, 1821
[2] Hors de la ville dans les bourgades, et partout sur les
grands chemins, vous rencontrez des temples consacrés aux
dieux et une infinité de monuments érigés
en l'honneur de tout ce qu'il y a eu de héros et de
grands hommes parmi les Athéniens. Mais au sortir de la
ville et près des murs vous trouvez d'abord
l'Académie ; c'était autrefois le champ d'un
particulier, et aujourd'hui c'est un lieu d'exercice. En entrant
on voit une place consacrée à Diane et
ornée de statues qui portent cette inscription : A la
très bonne et très belle Déesse. Je
crois que ce sont les attributs de Diane ; on en peut juger par
les poésies de Sapho et par plusieurs auteurs qui ont
traité cette matière ; c'est pourquoi je n'en
parle pas plus au long. Bacchus surnommé
d'Eleuthère y a aussi son temple qui n'est pas fort
grand, et où l'on porte la statue du dieu tous les ans
à certains jours : voilà pour les
divinités.
[3] Quant aux tombeaux, le premier est celui de Thrasybule fils
de Lycus ; et c'est avec justice qu'il tient le premier rang ;
car de tous les Athéniens qui se sont jamais rendus
utiles à la république, celui sans contredit qui
l'a le mieux servie et qui est le plus digne de mémoire,
c'est Thrasybule. Cet excellent citoyen voyant sa patrie sous la
domination de trente tyrans, partit de Thèbes pour venir
l'en délivrer ; il conçut ce dessein sans autre
secours que celui de soixante personnes ; il l'exécuta
heureusement, et pacifia enfin la ville d'Athènes que des
guerres intestines déchiraient depuis longtemps : aussi
son tombeau est-il le premier. Ensuite sont ceux de
Périclès, de Chabrias et de Phormion.
[4] Puis les cénotaphes de tous les braves
Athéniens qui ont péri dans les combats, soit de
terre, soit de mer, à la réserve de ceux qui
furent tués à Marathon ; car on a fait honneur
à leur mémoire dans le lieu même où
ils ont signalé leur courage. Les autres sont
inhumés le long du chemin qui mène à
l'Académie, et sur leurs tombes il y a des colonnes
où sont marqués le nom et le lieu natal de chacun
d'eux. Premièrement ceux qui après avoir
poussé leurs conquêtes dans la Thrace jusqu'au
Drabisque, se virent tout à coup enveloppés par
les Edons qui les taillèrent en pièces, mais qui,
à ce qu'on dit, périrent ensuite eux-mêmes
par la foudre du ciel.
[5] Ces Athéniens avaient plus d'un chef, Léagre
était le principal, et après lui Sophanès
de Décélée qui tua Eurybute d'Argos, fameux
par la victoire qu'il avait remportée aux cinq jeux
Néméens ; et la raison pourquoi il le tua, c'est
qu'Eurybate menait du secours aux Eginètes.
C'était pour la troisième fois qu'Athènes
avait envoyé une armée hors de la Grèce. Il
est vrai que tous les peuples de la Grèce ensemble et
d'un commun consentement firent la guerre à Priam et aux
Troyens ; mais les Athéniens en particulier et de leur
propre mouvement portèrent leurs armes
premièrement en Sardaigne, puis en Ionie, et
troisièmement en Thrace.
[6] Sur le devant d'un tombeau vous verrez un cippe où
sont représentés deux cavaliers les armes à
la main ; l'un est Mélanopus, et l'autre Macartus, qui
combattirent en bataille rangée contre les
Lacédémoniens et les Béotiens entre Eleusis
et Tanagre, et finirent là glorieusement leur
destinée. Ensuite est un monument érigé en
l'honneur de ces braves Thessaliens qui, suivant les
traités d'alliance faits avec les Athéniens,
vinrent à leur secours dans le temps que les peuples du
Péloponnèse, sous la conduite d'Archidame,
voulurent envahir l'Attique. Les archers Crétois que ces
Thessaliens avaient amenés avec eux ont le leur à
part ; puis se voit la sépulture de plusieurs
Athéniens et entre autres de Clisthène qui
partagea tous les peuples de l'Attique en tribus suivant la
forme qui subsiste encore aujourd'hui. On n'a pas manqué
de dresser sur le même chemin un monument à ceux de
la cavalerie athénienne qui partagèrent le danger
avec ces Thessaliens dont j'ai parlé.
[7] Là sont aussi représentés les
Cléonéens qui vinrent au secours d'Athènes
avec les Argiens : je dirai dans la suite ce qui se passa de
particulier dans cette rencontre. Plus loin sont les tombeaux
des Athéniens qui immédiatement avant la guerre
des Perses combattirent contre les Eginètes. Il faut
rapporter à ce temps-là ce décret du
peuple, si plein de sagesse et d'équité, par
lequel il fut ordonné que l'on communiquerait aux
esclaves les honneurs de la sépulture publique, et que
leurs noms seraient gravés sur des colonnes en
considération des bons et généreux services
qu'ils avaient rendus à leurs maîtres dans le
combat. Je ne finirais point, si je voulais faire un
détail exact de tout ce qu'il y a de monuments
érigés en l'honneur des Athéniens qui, les
uns d'un côté, les autres d'un autre, sont morts en
combattant pour leur patrie. Ceux qui périrent à
Olynthe ne sont pas les moins illustres ni les moins
distingués. Mais vous remarquerez surtout le tombeau de
Mélésander qui remonta le Méandre avec ses
vaisseaux pour passer dans la haute Carie.
[8] Là est encore honorée la mémoire de
ceux qui payèrent de leur personne dans la guerre contre
Cassander, et des Argiens qui se liguèrent autrefois avec
Athènes : voici quelle fut la raison de cette ligue. La
ville de Sparte ayant été ruinée par un
tremblement de terre, tous les Hilotes s'enfuirent et
allèrent se cantonner à Ithome ; cette
défection obligea les Lacédémoniens
à demander du secours à divers peuples et surtout
aux Athéniens qui leur envoyèrent sur le champ des
troupes choisies sous le commandement de Cimon fils de Miltiade
; mais ensuite les Lacédémoniens eurent de la
défiance de ces troupes, et les renvoyèrent.
[9] Quand elles furent revenues, les Athéniens,
piqués de cet affront, firent une ligue avec les Argiens,
qui étaient ennemis de Lacédémone. Quelque
temps après, les Athéniens étant sur le
point de livrer bataille aux Lacédémoniens et aux
Béotiens, reçurent en effet du secours d'Argos, et
peu s'en fallut qu'ils ne remportassent la victoire ; mais la
nuit qui survint empêcha de distinguer qui des deux partis
avait eu l'avantage, et le lendemain par la trahison des
Thessaliens les Athéniens furent défaits.
[10] Je dirai encore un mot des généraux qui ont
leur sépulture dans le lieu où nous sommes. Un des
plus considérables est Apollodore ; il était
Athénien et commandait un corps de troupes
étrangères, lorsqu'il fut envoyé par
Arsétès satrape de cette partie de la Phrygie qui
s'étend vers l'Hellespont, pour empêcher que la
ville de Périnthe ne fût prise par Philippe qui
s'acheminait pour en faire le siège. Eubulus fils de
Spinter y est aussi inhumé avec plusieurs autres, dont la
valeur n'a pas été secondée de la fortune.
Parmi ces derniers les uns avaient conjuré contre le
tyran Lacharès, les autres voulaient chasser la garnison
macédonienne qui était dans le Pirée, mais
les uns et les autres périrent par la trahison de leurs
confidents.
[11] Là sont encore ceux qui perdirent la vie devant
Corinthe, occasion fatale où les dieux aussi bien qu'au
combat de Leuctres, montrèrent que ce que les Grecs
appellent valeur, n'est rien sans le secours de la fortune ; car
les Lacédémoniens qui avaient triomphé des
Corinthiens, des Béotiens, des Argiens et des
Athéniens joints ensemble, furent entièrement
défaits par les seuls Béotiens au combat de
Leuctres. Après ceux qui périrent devant Corinthe
vous trouvez une colonne avec une inscription en vers
élégiaques, qui porte que ce monument a
été érigé en l'honneur d'un grand
nombre d'Athéniens qui ont péri en divers combats,
les uns en Eubore, les autres à Chio, quelques-uns aux
extrémités de l'Asie, et quelques autres en
Sicile.
[12] Tous les chefs y sont nommés à la
réserve de Nicias, et il y est fait aussi une mention
honorable des Platéens et de leurs milices. A
l'égard de Nicias, s'il a été omis, je
crois que c'est pour la raison qu'en donne Philiste : cet
historien dit que Démosthène étant
forcé de se rendre à discrétion, avait du
moins excepté sa personne, et que se voyant ensuite en la
puissance des ennemis il avait voulu se tuer, que Nicias au
contraire s'était rendu volontairement, et que son nom ne
se trouvoit point sur la colonne dont je parle, parce qu'il
n'avait fait le devoir ni d'un général, ni d'un
homme de coeur.
[13] Sur une autre colonne sont inscrits avec éloge ceux
qui combattirent en Thrace et auprès de Mégare ;
ceux aussi qui suivirent Alcibiade, lorsque les
Mantinéens en Arcadie se rangèrent sous ses
enseignes, et que les Eléens eurent quitté le
parti de Lacédémone ; ceux encore qui, avant
l'arrivée de Démosthène en Sicile, eurent
la victoire sur les Syracusains. Ensuite vous voyez la
sépulture de ceux qui se signalèrent, soit dans ce
combat naval qui fut donné sur l'Hellespont, soit au
combat de Chéronée contre les Macédoniens,
soit à Amphipolis sous Cléon. Plus avant c'est un
monument qui vous apprend que ceux-ci ont péri devant
Delium près de Tanagre, ceux-là en Thessalie sous
Léosthène, et les autres en Chypre où ils
avaient fait voile sous la conduite de Cimon. Surtout on a
distingué ces vaillants hommes qui, au nombre de treize
en tout avec Olympiodore à leur tête,
délogèrent une garnison macédonienne du
poste qu'elle occupait.
[14] Les Athéniens se vantent d'avoir envoyé du
secours aux Romains, dans une guerre où ceux-ci voulaient
étendre leur frontière ; ils disent même
qu'au combat naval où les Romains vainquirent les
Carthaginois, cinq galères d'Athènes
partagèrent la gloire et le danger de l'action ; ceux qui
périrent en ces deux occasions ont aussi leurs tombeaux
et leur éloge dans le lieu donc je parle. J'ai
raconté ci-dessus les diverses expéditions de
Tolmidès et de ses soldats ; j'ai dit aussi quelle en fut
la catastrophe ; pour peu que vous soyez curieux de voir leurs
monuments, vous les trouverez sur le même chemin, avec
ceux de ces braves soldats qui sous le commandement de Cimon
remportèrent deux victoires en un même jour, l'une
sur les bords de l'Eurymédon, l'autre sur le fleuve
même.
[15] On vous montrera ensuite la sépulture de Conon et
de Timothée, en la personne desquels on a vu pour la
seconde fois un père et un fils également
illustres ; car Miltiade et Cimon en avaient donné le
premier exemple. Suivent les tombeaux de Zénon fils de
Mnaséas, de Chrysippe natif de Soli, de Nicias fils de
Nicomède, celui de tous les peintres de son temps qui
réussissait le mieux à peindre les animaux ; puis
ceux d'Harmodius et d'Aristogiton qui tuèrent Hipparque
fils de Pisistrate ; enfin ceux de deux fameux orateurs, l'un
est Ephialte qui travailla plus que tout autre à
renverser les lois et les coutumes de l'Aréopage,
[16] l'autre est Lycurgue fils de Lycophron, qui amassa dans le
trésor public plus de six mille cinq cents talens
au-delà de ce qu'en avait amassé
Périclès fils de Xantippe. Ce même Lycurgue
rendit les solemnités de la déesse beaucoup plus
somptueuses et plus magnifiques, enrichit son temple de
plusieurs victoires d'or, fit un fonds pour servir à
l'habillement de cent vierges, fournit l'arsenal d'une grande
quantité d'armes offensives et défensives pour
l'usage de la guerre, et augmenta les forces maritimes
d'Athènes au point que la république avait quatre
cent galères en état de tenir la mer. Ce fut
encore lui qui fit achever le théâtre que d'autres
avaient commencé, et durant son administration l'on
construisit par son ordre au Pirée des chambres pour les
vaisseaux, et un lieu d'exercice au Lycée. Le tyran
Lacharès enleva tous les monuments d'or et d'argent que
Lycurgue avait consacrés, soit dans le temple de Minerve,
soit ailleurs ; mais les édifices subsistent.
XXX. [1] A l'entrée de l'Académie est l'autel de
l'Amour avec une inscription qui porte que Charmus fut le
premier Athénien qui consacra un autel à cette
divinité. Car pour celui qui se voit dans la ville haute
et que l'on nomme l'autel d'Anthéros, on tient que ce
sont des étrangers habitués à
Athènes qui l'ont autrefois érigé, et voici
quelle en fut la raison. Mélès Athénien
était aimé d'un étranger appellé
Timagoras, et ne l'aimait point. Un jour se laissant aller
à son aversion, il lui commanda de se précipiter
du haut de la citadelle ; Timagoras crut lui devoir
témoigner son amour aux dépens de sa vie, et
accoutumé qu'il était à faire toutes les
volontés de ce jeune homme, il se précipita.
Mélès, voyant Timagoras mort, en fut si
fâché qu'il monta au haut du même rocher, se
jeta en bas et périt de la même manière. Des
étrangers qui étaient à Athènes
prirent de là occasion d'élever un autel au
génie Anthéros qu'ils honorèrent comme le
vengeur de Timagoras.
[2] Dans l'Académie il y a un autel de
Prométhée, depuis lequel un certain jour de
l'année ils vont toujours courant jusqu'à la ville
avec des flambeaux allumés. Pour remporter la victoire,
il faut conserver son flambeau allumé ; celui qui court
le premier, si son flambeau s'éteint, cède sa
place au second, le second au troisième, et ainsi des
autres. Que si tous les flambeaux s'éteignent, nul ne
remporte la victoire, et le prix est réservé pour
une autre fois. On voit ensuite l'autel des Muses, celui de
Mercure, un autre consacré à Minerve, et un autre
à Hercule. On vous montrera un olivier que l'on dit
être le second qui a pris naissance dans l'Attique.
[3] Mais ce qui est plus digne de curiosité, c'est le
tombeau de Platon qui n'est pas loin de l'Académie. On
assure que le mérite et l'excellence de ce philosophe
furent annoncés par un présage qui ne pouvoir
venir que du ciel, et ce présage, le voici. Lorsque
Socrate reçut Platon au nombre de ses disciples, la nuit
d'auparavant il eut un songe où il crut voir un cygne qui
volait à lui et venait se reposer sur son sein ; or c'est
une opinion établie que le cygne est un oiseau qui a une
voix fort mélodieuse ; aussi dit-on que Cycnus roi des
Liguriens dans cette partie de la Gaule qui est au-delà
du Pô, était grand musicien, et qu'après sa
mort Apollon le changea en cygne. Pour moi je n'ai pas de peine
à croire qu'il y ait eu un roi des Liguriens savant en
musique ; mais qu'il ait été changé en
oiseau, le croie qui voudra.
[4] Du même côté est la tour de Timon, ce
fameux misanthrope qui s'était persuadé que pour
être heureux, il fallait fuir tout commerce avec les
hommes. On vous fera remarquer aussi une éminence que
l'on nomme la colline aux chevaux ; c'est dans cet endroit
qu'Oedipe vint pleurer ses malheurs ; du moins ainsi le disent
ceux qui ne veulent point s'en rapporter à Homère.
Là sont deux autels dédiés l'un à
Neptune, l'autre à Minerve, et ces deux divinités
sont représentées à cheval. Vous y verrez
aussi le monument héroïque de Pirithoüs, de
Thésée, d'Oedipe et d'Adraste. Neptune y avait
autrefois un temple et un bois sacré ; mais Antigonos les
brûla, lorsqu'il entra dans l'Attique avec son
armée, et qu'il fit tant d'autres maux aux
Athéniens.
Chapitre suivant
Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition
de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage
complété.