[Olympie - Les statues d'athlètes]
I. [1] L'ordre que je me suis prescrit veut qu'après
avoir parlé des monuments consacrés à
Jupiter, je vienne aux hommes et aux chevaux que les jeux
olympiques ont rendus célèbres, sans oublier les
simples particuliers à qui le mérite
d'athlète a valu des statues dans le bois sacré
d'Olympie. Or comme on n'a pas décerné des statues
à tous les vainqueurs, mais seulement à ceux dont
la victoire a été illustre, non plus qu'à
tous ceux qui ont fait de belles actions, mais à un petit
nombre d'hommes qui se sont le plus distingués, c'est
à ceux-là que je m'attacherai.
[2] Car je ne prétends pas donner ici la liste de tous
les athlètes qui ont été couronnés
aux jeux olympiques. Mon dessein est dans cette seconde partie
de parcourir les statues qui ont été la
récompense du mérite et de la vertu, comme dans la
première parcouru toutes celles qu'un motif de religion a
fait consacrer aux dieux. Je passerai même sous silence
plusieurs athlètes qui ont dû cette marque
d'honneur plutôt à un coup du sort qu'à leur
force et à leur adresse ; en un mot, je ne ferai mention
que de ceux qui ont excellé sur tous les autres, ou qui
ont eu des statues faites de la main des plus habiles
ouvriers.
[3] A droite du temple de Junon vous verrez la statue d'un
athlète Eléen, qui a remporté le prix de la
lutte ; il est nommé Symmaque fils d'Eschyle. Près
de lui c'est Néolaïdas qui parmi les enfants fut
vainqueur au combat du pugilat ; il était fils de
Proxène, et natif de Phénée ville
d'Arcadie. Après eux c'est Archidame Eléen, qui
l'emporta sur tous les enfants de son âge à la
lutte ; il était fils de Xénias : ces trois
statues ont été faites par Alype Sycionien,
disciple de Naucydès d'Argos.
[4] Ensuite vient la statue de Cléogène fils de
Silénus ; l'inscription porte qu'il était
Eléen d'origine, qu'il eut la victoire à la course
des chevaux de selle, et que le cheval qu'il montait
était de son propre haras. Près de
Cléogène on voit Dinolochus Pyrrhus et
Troïlus, tous trois Eléens fils d'Alcinoüs,
tous trois vainqueurs aux jeux olympiques, mais en
différentes sortes de combats ; car Pyrrhus qui
était un des juges eut le prix de la course des chevaux,
et après sa victoire il fut réglé qu'aucun
des juges ne pourrait à l'avenir disputer le prix.
Troïlus fut vainqueur à la course du char
attelé de deux chevaux, et à la course du char
attelé de deux poulains ; ce fut en la cent
deuxième olympiade.
[5] La statue de Pyrrhus est de Lysippe. Pour Dinolochus, on
dit que sa mère en dormant crut lui voir une couronne
d'olivier sur la tête et l'embrasser ; elle en avertit son
fils qui se prépara si bien au combat qu'il passa de
beaucoup tous les autres jeunes gens à la course ; on lui
décerna une statue qui fut faite par Cléon de
Sicyone.
[6] On voit dans le même rang l'illustre fille
d'Archidame, Cynisca. J'ai déjà fait mention de sa
race et de ses victoires aux jeux olympiques en parlant des rois
de Sparte. Auprès de la statue de Troïlus il y a une
balustrade de marbre, sur laquelle on voit premièrement
un char à quatre chevaux avec un écuyer ; ensuite
le portrait de Cynisca fait de la main d'Apelle avec des
inscriptions en l'honneur de cette princesse,
[7] et après Cynisca plusieurs statues de
Lacédémoniens qui ont eu le prix de la course de
chevaux. Le premier est Anaxandre vainqueur à la course
du char à quatre chevaux ; il est dit dans l'inscription
que son aïeul avait remporté le prix du pentathle.
Le second c'est Polyclès surnommé Polychalchus,
qui eut aussi l'honneur de la victoire à la course du
char à quatre chevaux ; il tient un ruban de la main
droite, deux enfants sont à ses côtés, l'un
tient une toupie, l'autre veut prendre le ruban de
Polyclès ; ce Polyclès eut rapport de
l'inscription avait déjà été
couronné aux jeux pythiques, aux jeux isthmiques et aux
jeux néméens.
II. [1] Le pancratiaste qui suit est une statue de Lysippe ;
c'est Xénargès, le premier de la ville de Strate
et même des Acarnaniens, qui ait remporté le prix
du pancrace ; il était fils de Philandridas. Depuis
l'irruption que les Perses firent en Grèce, les
Lacédémoniens s'adonnèrent
particulièrement à nourrir des chevaux ; c'est
pourquoi plusieurs d'entre eux qui avaient de bons haras furent
proclamés vainqueurs aux jeux olympiques. Car outre ceux
dont j'ai parlé, il y eut un autre
Xénargès, un Lycinus, un Arcésilas, et un
Lichas fils d'Arcésilas qui eurent tous des
statues.
[2] Ce dernier Xénargès fut aussi vainqueur
à Delphes, à Argos, et à Corinthe. Lycinus
amena d'abord à Olympie deux poulains dont l'un fut
rejeté ; il s'appliqua ensuite à courir avec des
chevaux d'un âge fait, et par ce moyen il remporta la
palme ; il a deux statues dans l'Altis, et toutes deux sont de
la façon de Myron Athénien. Arcésilas
père de Lichas fut couronné deux fois. Pour Lichas
s'étant présenté dans le temps que les
Lacédémoniens étaient exclus des jeux
olympiques, il n'y fut pas admis ; mais l'écuyer qui
conduisait son char disputa le prix au nom des Thébains
et fut déclaré vainqueur ; Lichas
transporté de joie prit un ruban et le couronna
lui-même. Par là les intendants des jeux ayant
découvert la fraude en punirent l'auteur qui fut
fustigé.
[3] Ce fut à cette occasion que le roi Agis entra
à la tête d'une armée dans le pays des
Eléens, et qu'il y eut un grand combat dans l'Altis. La
guerre étant terminée, Lichas fit poser sa statue
: cependant les registres des Eléens portent que c'est le
peuple de Thèbes et non Lichas qui a été
victorieux aux jeux olympiques.
[4] Près de cette statue vous voyez celle de Thrasybule
Eléen ; c'était un devin de la race des Iamides,
qui employa son ministère en faveur de ceux de
Mantinée contre Agis fils d'Eudamidas et roi de Sparte,
comme je le dirai plus au long dans l'histoire d'Arcadie. Un
lézard semble courir sur l'épaule droite du devin,
et à ses pieds il y a un chien dont le corps est ouvert
en deux comme une victime dont on examine le foie.
[5] Il n'est pas nouveau que les devins exercent leur art sur
les entrailles d'un chevreuil, d'un veau, ou d'un agneau ; les
Cypriens y ont ajouté le porc ; mais aucun peuple ne se
sert du chien à cet usage ; ce qui fait croire que
Thrasibule avait un secret tout particulier pour connaître
l'avenir par l'inspection des entrailles de cet animal. Les
Iamides, au reste, sont des devins descendus de Iamus, qui au
rapport de Pindare était fils d'Apollon et avait appris
de son père l'art de deviner.
[6] Après Thrasibule c'est Timosthène
Eléen, qui remporta le prix du stade sur les enfants.
Antipater de Milet remporta celui du pugilat dans la même
classe et a aussi là sa statue ; il était fils de
Clinopater. Des Syracusains que Denis tyran de Syracuse avait
envoyés à Olympie pour y sacrifier à
Jupiter, voulurent gagner Clinopater et l'engager à dire
que son fils était Syracusain, mais Antipater sans faire
cas de leurs offres, cria qu'il était de Milet et fit
graver sur sa statue qu'Antipater, Milésien de naissance,
avait le premier des Ioniens eu l'honneur d'une statue à
Olympie, et Polyclète fut celui qu'il employa à ce
monument.
[7] Pour la statue de Timosthène, c'est un ouvrage
d'Eutychide Sicyonien de l'école de Lysippe ; c'est ce
même Eutychide qui a fait pour les Syriens d'Antioche
cette statue de la Fortune qui est en si grande
vénération parmi ces peuples.
[8] Suit la statue de Timon, et celle du jeune Esype son fils
qui remporta sur les enfants le prix de la course de chevaux,
aussi est-il représenté à cheval ; le
père eut le prix de la course du char. C'est
Dédale de Sicyone qui a fait l'une et l'autre statue ; et
c'est lui aussi qui a fait ce trophée que les
Eléens érigèrent dans l'Altis après
avoir vaincu les Lacédémoniens. On voit ensuite la
statue d'un homme de Samos, qui avait eu tout l'honneur du
pugilat.
[9] Une inscription témoigne que c'est Mécon
maître d'exercice qui lui a consacré ce monument.
Les Samiens y sont loués comme athlètes excellents
entre tous les peuples d'Ionie, et comme très entendus
dans les combats de mer ; mais il n'y est pas dit un mot du
vainqueur.
[10] Les Messéniens ont élevé aussi une
statue au jeune Damiscus de leur nation, qui à
l'âge de douze ans mérita d'être
couronné aux jeux olympiques. Une chose surprenante et
qui marque bien la malignité de la fortune, c'est qu'au
même temps que les Messéniens ont été
chassés du Péloponnèse, ils ont
cessé de se distinguer à ces jeux si
célèbres. Car à la réserve de
Léontisque et de Symmaque du nombre de ceux qui
s'étaient établis à Zancle sur le
détroit, nul autre Messénien soit de ceux qui se
retirèrent à Naupacte, soit de ceux qui
passèrent en Sicile, n'a été
couronné à Olympie ; encore les Siciliens
revendiquent-ils les deux que j'ai nommés,
prétendant qu'ils étaient de l'ancienne ville de
Zancle, et non pas Messéniens.
[11] Mais sitôt que ces peuples eurent recouvré le
Péloponnèse, ils recouvrèrent aussi leur
premier bonheur du côté des jeux olympiques. En
effet les Eléens ayant célébré ces
jeux un an après le rétablissement de
Messène, Damiscus, celui-là même dont il
s'agit ici, remporta le prix du stade sur la jeunesse, et cinq
ans après, il eut la palme aux jeux néméens
et aux jeux isthmiques.
III. [1] Le plus proche de Damiscus est un inconnu dont le nom
n'est point marqué dans l'inscription. Sa statue a
été mise là par Ptolémée fils
de Lagus, qui se dit Macédonien quoiqu'il fût roi
d'Egypte. La statue qui suit est celle de Chéréas
de Sicyone, qui encore enfant eut le prix du pugilat, il est
qualifié fils de Chérémon ; et le sculpteur
est aussi nommé : c'est Astérion fils
d'Eschyle.
[2] Après Chéréas suivent deux autres
athlètes, savoir Sophius jeune Messénien, et
Stomius Eléen. Le premier surpassa tous ses camarades
à la course ; pour Stomius, il fut proclamé
vainqueur au pentathle, et se vit couronner trois fois aux jeux
néméens. L'inscription ajoute qu'il commanda la
cavalerie des Eléens ; qu'ayant remporté la
victoire, il érigea un trophée ; et que
défié à un combat singulier par le
général des ennemis, il le tua de sa main.
[3] Mais les Eléens disent que né à
Sicyone il devint le général des Sicyoniens, et
qu'ensuite il fit la guerre à sa patrie, gagné par
les Thébains et secouru de toutes les forces de la
Béotie ; cette guerre des Eléens et des
Thébains contre Sicyone a pu arriver après la
défaite des Lacédémoniens à
Leuctres.
[4] Plus loin c'est la statue de Labax fils d'Euphron, puis
celle d'Aristodème fils de Thrasis. Le premier, de la
ville de Lépréos en Elide, eut le prix du pugilat
; le second d'Elide aussi eut celui de la lutte, et fut
célèbre par deux victoires qu'il remporta aux jeux
pythiques. Sa statue est un ouvrage de Dédale de Sicyone
fils et disciple de Patrocle.
[5] Celle d'après est Hippon Eléen vainqueur au
pugilat dans la classe des enfants ; elle est de la façon
de Démocrite Sicyonien, qui de maître en
maître tenait son art de Critias d'Athènes ; car
Ptolychus de Corcyre fut l'élève de Critias et le
maître d'Amphion, qui eut pour élève Pison
de Calaurée, sous lequel Pison Démocrite fit son
apprentissage.
[6] Vous voyez ensuite Cratinus d'Egire ville d'Achaïe, le
plus beau garçon de son temps et le meilleur
athlète ; il renversa par terre tous les jeunes gens qui
eurent l'audace de lutter contre lui ; et victorieux avec tant
d'éclat, il obtint des Eléens que son maître
d'exercice aurait une statue auprès de lui ; celle de
Cratinus a été faite par Cantharus de Sicyone fils
d'Alexis et disciple d'Eutichide.
[7] Eupoleme qui suit fit faire la sienne par Dédale le
Sicyonien ; l'inscription porte qu'Eupoleme Eléen
vainqueur à la course aux jeux olympiques avait
remporté deux fois le prix du pentathle aux jeux
pythiques, et une fois aux jeux néméens. On
raconte à son sujet que trois directeurs s'étant
placés au bout de la carrière pour mieux juger du
mérite des combattants, Eupoleme fut
déclaré vainqueur au jugement de deux, et
Léon au jugement du troisième ; sur quoi
Léon cita les deux premiers devant le Sénat
d'Olympie, et les accusa d'avoir reçu de l'argent de son
adversaire pour décider en sa faveur.
[8] On voit ensuite la statue que les Achéens
dressèrent à Oebotas en la quatre-vingtième
olympiade, en conséquence d'un oracle de Delphes ; mais
il avait mérité cette statue dès la
sixième olympiade, où il fut couronné comme
vainqueur du stade. Comment se peut-il donc faire qu'il ait
combattu à la journée de Platée, comme
quelques auteurs l'ont écrit ? Car ce fut en la soixante
et quinzième olympiade que les Perses commandés
par Mardonius furent taillés en pièces près
de Platée. Je suis obligé de rapporter ce que l'on
dit, mais je ne suis pas toujours obligé de le croire. Je
n'omettrai pas les autres aventures de cet Oebotas, lorsque j'en
serai aux particularités de l'Achaïe.
[9] La statue suivante est celle d'Antiochus de
Lépréos, faite par Nicodamus. On apprend par
l'inscription que cet athlète remporta le prix du
pentathle une fois aux jeux olympiques, deux fois aux pythiques,
et autant aux néméens ; car de son temps les
Lépréates n'étaient pas exclus des jeux
isthmiques, comme les Eléens le furent du temps d'Hysmon,
qui a sa statue auprès d'Antiochus. Cet Hysmon fit une
étude particulière du pentathle, et y
réussit si bien qu'il fut couronné à
Olympie et à Némée ; pour les jeux
isthmiques, ils lui furent interdits comme aux autres
Eléens.
[10] On dit que dans son enfance il fut sujet à des
catarrhes qui lui avaient affaibli les nerfs ; il surmonta cette
indisposition à force d'exercice, et lorsqu'il fut
guéri, le genre d'exercice auquel il s'était
adonné lui valut plusieurs victoires : il est
représenté avec des contrepoids d'athlète,
et sa statue est de Cléon.
[11] Après Hysmon c'est le jeune Nicostrate
d'Erée en Arcadie fils de Xénoclidas, qui remporta
le prix de la lutte ; cette statue est de Pautias, en qui l'art
et l'habileté d'Aristocle de Sycione avaient passé
comme de main en main, car il était le septième
maître sorti de cette école. Dicon fils de
Callibrote suit après ; c'est ce fameux athlète
qui fut proclamé vainqueur à la course
jusqu'à cinq fois dans les jeux pythiques, trois fois aux
jeux isthmiques, quatre fois aux jeux néméens, une
fois à Olympie dans la classe des enfants, et deux fois
dans la classe des hommes ; on lui a dressé autant de
statues qu'il a remporté de victoires à Olympie ;
dans son jeune âge il fut qualifié
Cauloniate comme il l'était en effet, et dans la
suite il reçut de l'argent pour se dire de
Syracuse.
[12] Caulonia est une ville d'Italie, qui a été
bâtie et peuplée par une troupe d'Achéens
sous la conduite de Typhon. Durant la guerre que Pyrrhus et les
Tarentins firent aux Romains plusieurs villes d'Italie furent
détruites, les unes par les Romains, les autres par les
Epirotes. Caulonia fut de ce nombre ; les Campaniens dont les
Romains tiraient le plus de secours la prirent et la
rasèrent.
[13] Assez près de Dicon vous voyez Xénophon fils
de Ménéphyle, natif d'Egion en Achaïe,
vainqueur au pancrace ; et un peu plus loin Pyrilampes
d'Ephèse qui remporta le prix du stade double. La statue
du premier a été faite par Olympus, et celle du
second par un statuaire de même nom que l'athlète,
et qui était, non de Sicyone comme quelques-uns
prétendent, mais de Messène sous Ithome.
[14] Quant à la statue de Lysander de Sparte fils
d'Aristocrite, ce sont les Samiens qui lui ont
érigé ce monument avec deux inscriptions, dont
l'une marque cette particularité, l'autre contient un
éloge de Lysander.
[15] Ce qui montre que ces peuples et les autres Ioniens
faisaient leur cour tantôt à l'un, tantôt
à l'autre, selon le temps et l'occasion. Car
lorsqu'Alcibiade était pour ainsi dire à leurs
portes avec une bonne flotte, ils lui rendirent toute sorte
d'honneurs, jusques là que les Samiens lui
dressèrent une statue de bronze dans le temple de Junon.
Mais les Athéniens ayant été battus
à Aegospotamos, Lysander eut son tour, et le même
peuple de Samos lui consacra une statue à Olympie. Les
Ephésiens lui firent le même honneur dans le temple
de Diane, et non seulement à lui, mais aussi à
Etéonicus, à Pharax, et à d'autres
Spartiates d'assez médiocre réputation parmi les
Grecs.
[16] Enfin la fortune ayant encore changé, et les
Athéniens sous la conduite de Conon ayant remporté
la victoire sur les Lacédémoniens auprès de
Cnide vers les côtes de Dorion, les Ioniens surent encore
s'accommoder au temps. Conon et Timothée eurent chacun
une statue de bronze dans le temple de Junon à Samos, et
même à Ephèse dans le temple de Diane. Or ce
que firent alors les Ioniens, c'est ce que l'on a vu de tout
temps ; car les hommes ont toujours adoré la fortune et
pris le parti du plus fort.
IV. [1] Près de Lysander est un jeune Ephésien
qui remporta le prix du pugilat sur les enfants ; son nom est
Athénée. Ensuite c'est Sostrate de Sicyone,
célèbre pancratiaste, que l'on surnommait
Acrochersite, parce qu'il tenait les mains de ses
antagonistes si serrées entre les siennes, qu'il leur
écrasait les doigts, et les obligeait à lui
céder la victoire.
[2] Il eut douze fois la palme tant aux jeux
néméens qu'aux jeux isthmiques, deux fois aux jeux
pythiques, et trois aux olympiques. La cent quatrième
olympiade en laquelle Sostrate fut couronné pour la
première fois n'est point marquée dans les
registres des Eléens, parce qu'en cette olympiade ce
furent les Arcadiens et ceux de Pise qui firent
célébrer les jeux pour les Eléens.
[3] Après Sostrate c'est Léontiscus Sicilien de
la ville de Messine sur le détroit ; il reçut la
couronne de la main des Amphictyons et des Eléens. Ce
Léontiscus faisait à la lutte comme Sostrate au
pancrace ; car il ne terrassait point ses adversaires, mais il
leur serrait si fort les doigts, qu'ils étaient
contraints de demander grâce et de quitter la
partie.
[4] Sa statue est un ouvrage de Pythagore de Rhegium, aussi
excellent statuaire qu'il y en ait eu. On dit que ce Pythagore
avait appris son art de Cléarque Rhéginien aussi
et disciple d'Euchir de Corinthe, qui avait eu pour
maîtres Syadras et Chartas tous deux de Sparte.
[5] Pour l'amour de Phidias et de l'art dans lequel il a
excellé, je ne dois pas oublier le beau garçon qui
a la tête ceinte d'un ruban ; car nous ne connaissons
point d'autre athlète mis en bronze par ce grand
statuaire. Celui qui suit est Satyrus Eléen fils de
Lysianax et de la race des Iamides, qui eut cinq fois le prix du
pugilat aux jeux néméens, deux fois aux jeux
pythiques, et autant aux jeux olympiques ; sa statue est de
Silanion Athénien. Mais c'est Polyclès de
l'école d'Athènes aussi et disciple de
Stadiéüs, qui a fait celle du pancratiaste Amyntas,
jeune enfant d'Ephèse et fils d'Hellanicus.
[6] Vous voyez ensuite Chilon Achéen de la ville de
Patras, qui surpassa tous les autres à la lutte, et fut
célèbre par dix couronnes ; il en reçut
deux à Olympie, une à Delphes, quatre à
Corinthe, et trois à Némée. Les
Achéens lui érigèrent un tombeau à
leurs dépens ; aussi était-il mort en combattant
contre les ennemis, comme il se voit par une inscription qui ne
contient que ce que je viens de dire.
[7] Que si l'on veut juger de l'occasion où il fut
tué par le temps où vivait Lysippe qui a fait sa
statue, je crois que ce peut être le combat de
Chéronée où il paya de sa personne avec les
autres Achéens, ou bien le combat qui se donna
auprès de Lamia en Thessalie contre Antipater roi de
Macédoine, et où Chilon put se trouver seul de sa
nation, par pure envie de signaler son courage.
[8] Des deux statues qui suivent, l'une est Molpion qui fut
couronné par les Eléens, comme l'inscription en
fait foi ; l'autre n'a ni titre ni nom. On croit que c'est la
statue d'Aristote de la ville de Stagire en Thrace, et que comme
ce philosophe eut beaucoup de crédit auprès
d'Alexandre et ensuite auprès d'Antipater, quelqu'un de
ses disciples ou quelque soldat à qui il avait rendu
service, lui fit ériger ce monument.
[9] Sodamas que l'on voit après était de la ville
d'Asse dans la Troade près du mont Ida. C'est le premier
des Eoliens sortis de cette contrée qui ait
été couronné à Olympie, il eut le
prix du stade sur toute la jeunesse. Archidame a aussi là
sa statue ; il était roi de Lacédémone et
fils d'Agésilas ; je crois qu'il est le premier à
qui les Lacédémoniens aient érigé
une statue hors de leurs pays ; mais il mérita cette
distinction par ses services et par sa mort ; car il finit ses
jours chez des barbares, et c'est le seul roi de Sparte qui ait
été privé des honneurs de la
sépulture.
[10] J'ai rapporté cet événement plus au
long en donnant la suite des rois de Lacédémone.
Evanthe de Cyzique qui vient après remporta le prix du
pugilat dans la classe des hommes à Olympie, et l'avait
déjà remporté dans la classe des enfants
à Némée et à Corinthe. Ensuite c'est
un Macédonien qui s'était rendu
célèbre par ses haras ; il se nommait Lampus, et
il était de cette ville à qui Philippe fils
d'Amyntas a donné son nom, et qui est la plus moderne de
toutes les villes de la Macédoine ; près de Lampus
vous voyez un char et une jeune personne qui monte dessus.
[11] La statue qui suit a été faite par
Polyclète, elle représente Cyniscus jeune enfant
dé Mantinée qui fut proclamé vainqueur au
pugilat. Pour Ergotele fils de Philanor, que l'on voit
après, et qui fut couronné deux fois à
Olympie, deux fois à Némée, et deux fois
à Corinthe pour avoir doublé le stade, il
n'était pas d'Himéra comme l'inscription le porte
; on prétend qu'il était Crétois de la
ville de Gnosse, et qu'en ayant été chassé
par une émeute populaire, il vint à Himéra
où l'on lui donna droit de bourgeoisie avec toutes les
marques possibles d'honneur et de distinction. C'est pourquoi
ayant été proclamé vainqueur aux jeux
olympiques il se dit de la ville d'Himéra.
V. [1] Mais la statue la plus éminente est celle de
Polydamas, faite par Lysippe, et placée sur un grand
piédestal. Polydamas était l'homme de la plus
haute stature que l'on ait vu depuis les temps
héroïques jusqu'à nous. S'il y a eu quelque
race de géants avant le siècle des héros,
il faut encore l'excepter.
[2] Il était fils de Nicias, et né à
Scotusse qui ne subsiste plus aujourd'hui. Car Alexandre tyran
de Phérès ayant pris la ville de Scotusse par
composition se moqua des conditions du traité, et
s'étant rendu maître du théâtre
où la plupart des habitants étaient
assemblés, il les fit investir par ses gardes et ses
archers qui firent main-basse sur eux ; de sorte que presque
tous les hommes furent massacrés. A l'égard des
femmes et des enfants ils furent faits esclaves et vendus
à prix d'argent.
[3] Ce désastre arriva dans le temps que Phrasiclide
était archonte à Athènes, la seconde
année de la cent deuxième olympiade, où
Damon de Thurium fut proclamé vainqueur pour la seconde
fois. Le peu de Scotusséens qui échappèrent
à la cruauté du tyran furent dans la suite
obligés d'abandonner entièrement leur ville,
lorsque les Grecs battus pour la seconde fois par les
Macédoniens succombèrent à leur mauvaise
fortune.
[4] Pour revenir à Polydamas, bien d'autres que lui se
sont distingués au combat du pancrace mais je ne crois
pas que d'autres aient ajouté tant de belles actions
à l'éclat de leurs couronnes. La partie
montagneuse de la Thrace, qu'enferme le fleuve Nestus qui arrose
le pays des Abdéritains, nourrit beaucoup de bêtes
sauvage et surtout de lions ; les lions y sont en si grand
nombre que l'armée de Xerxès passant par ce pays,
ils se mirent aux trousses de ses chameaux qui portaient les
vivres, et en firent une furieuse boucherie.
[5] Ils infestent particulièrement la plaine qui est au
pied du mont Olympe ; car cette montagne touche d'un bout
à la Macédoine, de l'autre à la Thessalie
et au fleuve Pénée. Ce fut sur cette montagne que
Polydamas sans le secours d'aucune sorte d'armes tua un lion des
plus furieux et des plus grands ; il s'était
exposé à ce péril pour imiter Hercule qui
abattit à ses pieds le lion de la forêt de
Némée.
[6] Voici une autre preuve de sa force, ou pour mieux dire un
autre prodige. Etant un jour au milieu d'un troupeau de vaches,
il prit un fort taureau par un de ses pieds de derrière,
et le tint si bien, que quelqu'effort que fît cet animal
dans sa fougue et sa colère, il ne put jamais se tirer
des mains de Polydamas qu'en lui laissant la corne du pied par
lequel il le tenait. On dit aussi qu'en prenant d'une seule main
le train de derrière d'un char qui courait à
brides abattues il l'arrêtait tout court.
[7] Darius, celui qui n'était que fils naturel
d'Artaxerxès, et qui secondé du peuple usurpa le
trône sur Ogdianus qui en était le légitime
héritier, ayant ouï conter ces mer veilles de
Polydamas, eut curiosité de le voir. Il lui
dépêcha des couriers, et lui promit de grandes
récompenses s'il voulait venir à Suse. Polydamas y
alla ; sitôt qu'il fut arrivé, il défia au
combat trois de ces satellites que l'on nomme en Perse les
Immortels, et à qui la garde de la personne du Roi
est confiée ; il se battit seul contre eux trois, et les
étendit morts à ses pieds. De ces prodigieuses
actions, les unes sont représentées sur le
piédestal de sa statue, et les autres sont
racontées dans une inscription.
[8] Mais l'oracle d'Homère fut accompli en la personne
de ce géant, il devait périr par ses propres
forces, comme la plupart de ceux qui se fient trop à leur
avantage. Car un jour étant entré dans une grotte
pour y prendre le frais avec quelques amis, sa destinée
voulut que tout à coup le roc parut s'entrouvrir.
[9] Au premier danger ses amis prirent l'épouvante et la
fuite ; lui seul resta et de ses mains voulut soutenir la roche
qui se détachait, comme s'il eut été
suffisant pour un tel fardeau ; mais la montagne venant à
s'écrouler il fut enseveli sous ses ruines.
VI. [1] Auprès de Polydamas vous voyez trois
athlètes, dont deux étaient Arcadiens de nation et
le troisième Athénien. Le premier est Protolas de
Mantinée fils de Dialée qui remporta le prix du
pugilat sur la jeunesse ; il a été mis en bronze
par Pythagore de Rhegium. Le second est Narycidas de Phigalie
fils de Damaret, vainqueur à la lutte ; sa statue est de
Dédale le Sicyonien. Callias d'Athènes est le
troisième, et eut le prix du pancrace ; sa statue est un
ouvrage de Micon Athénien, peintre et statuaire.
Androsthène qui suit était de Ménale et
fils de Lochéüs ; il a eu deux fois la palme au
combat du pancrace, et c'est Nicodamus de Ménale aussi
qui a fait sa statue.
[2] Euclès de Rhodes vient après ; celui-ci fils
de Callianax était de la race des Diagorides par sa
mère qui était fille de Diagoras ; vainqueur au
pugilat, il fut couronné à Olympie, et sa statue
ne fait pas déshonneur à Naucydès. Il est
suivi d'Agénor de Thèbes qui surpassa tous les
jeunes gens de son âge à la lutte ; ce sont les
Phocéens qui ont fait la dépense de sa statue,
parce que Théopompe père d'Agénor
était leur hôte à Thèbes, et
l'ouvrier dont ils se sont servi est Polyclète d'Argos,
non pas celui qui a fait la statue de Junon, mais un autre qui
fut élève de Naucydès.
[3] Damoxénidas de Ménale vainqueur au pugilat a
eu pour statuaire le célèbre Nicodamus son
compatriote. Lastratidas jeune Eléen qui eut le prix de
la lutte sur les enfants a sa statue dans le même rang ;
il s'était déjà distingué à
Némée dans ce genre de combat, et Parabolas son
père fut proclamé vainqueur du double stade. Ce
fut Parabolas qui pour entretenir une noble émulation
parmi les Grecs eut soin que dans le lieu d'exercice à
Olympie, il y eut des registres où tous les noms des
vainqueurs fussent exactement écrits.
[4] C'est ici le lieu de raconter ce que j'ai ouï dire
d'Euthyme, athlète fameux par les victoires qu'il a
remportées dans les combats du pugilat, et par ses autres
aventures. Il était de ces Locriens d'Italie qui habitent
vers le cap Zéphyr ; son père se nommait
Astyclès ; mais dans le pays on dit qu'Euthyme
était fils du fleuve Cécine, qui sépare le
territoire des Locriens de celui de Rhegium, et qui a, dit-on,
la vertu de rendre les cigales muettes ; car celles du pays des
Locriens jusqu'au Cécine chantent comme toutes les
autres, et dès que l'on a passé le fleuve et que
l'on est du côté du Rhegium, l'on n'en entend plus
aucune.
[5] Euthyme passait donc pour fils de ce fleuve. Il remporta le
prix du pugilat en la soixante et quatorzième olympiade ;
mais l'olympiade suivante il n'eut pas le même bonheur ;
car Théagène de Thase ayant voulu disputer le prix
du pugilat et le prix du pancrace aux mêmes jeux, eut
à la vérité l'avantage au pugilat sur
Euthyme, mais il ne put remporter le prix du pancrace, parce
qu'il avait épuisé ses forces contre cet
antagoniste.
[6] Et comme il semblait n'avoir disputé le prix du
pagilat que pour en priver Euthyme et pour lui nuire, les
directeurs des jeux le condamnèrent à un talent
d'amende envers Jupiter, et à un talent envers Euthyme.
Théagène en la soixante et sixième
olympiade satisfit à Jupiter, et pour réparer le
tort qu'il avait fait à Euthyme, au lieu de lui payer un
talent, il s'abstint du pugilat, ce qui fit qu'Euthyme en
remporta le prix cette même olympiade et la suivante.
Pythagore de Rhegium le mit en bronze, et c'est une statue
admirable.
[7] Euthyme passa ensuite en Italie, où il combattit
contre un héros : voici comme on raconte cette aventure.
Ulysse s'en retournant en Grèce après la prise de
Troie erra longtemps sur la mer ; battu par la tempête il
fut obligé de relâcher en plusieurs ports de Sicile
et d'Italie, et nommément à Témesse
où il aborda avec se vaisseaux. Là un de ses
compagnons dans le vin et la débauche fit violence
à une jeune fille et la déshonora ; les habitants
pour venger cet attentat lapidèrent le Grec.
[8] Ulysse sans se mettre en peine de ce qui était
arrivé ne songea qu'à partir et mit à la
voile. Depuis cet accident les mânes de l'étranger
ne cessèrent de tourmenter ces pauvres habitants, et
n'épargnant aucun âge ils portaient la
désolation dans toutes les familles, de sorte que ce
malheureux peuple était sur le point d'abandonner
Témesse. Mais ayant consulté l'oracle d'Apollon,
la Pythie ordonna aux habitants de rester dans leur ville, et de
tâcher seulement d'apaiser les mânes du héros
en lui consacrant un temple avec une portion de terres, et en
lui dévouant tous les ans une jeune vierge, la plus belle
qu'ils pourroient trouver, ce qu'ayant pratiqué, ils
furent délivrés de la persécution qu'ils
souffraient.
[9] Or Euthyme se trouvant par hasard à Témesse
justement le temps que l'on allait faire ce cruel sacrifice au
génie du héros, informé de ce que
c'était, il demanda à entrer dans le temple.
Là il aperçoit une belle personne dans l'appareil
d'une victime ; à cette vue il est attendri, d'abord la
compassion agit, puis l'amour ; cette jeune personne lui promet
sa foi s'il peut la délivrer.
[10] Euthyme l'entreprend, il combat le génie, et
remporte sur lui une si belle victoire, que le génie
honteux de sa défaite quitte le pays et va se
précipiter dans la mer. Les habitants de Témesse
redevables de leur salut au courage d'Euthyme,
célébrèrent ses noces avec beaucoup de
pompe et d'allégresse. On ajoute que cet Euthyme parvint
à une extrême vieillesse, et qu'il disparut tout
à coup sans payer le tribut à la nature comme les
autres hommes. Quant à la ville de Témesse, elle
subsiste encore aujourd'hui, à ce que j'ai appris d'un
négociant qui y avait été.
[11] Ce que j'ai rapporté jusqu'ici n'est que sur le
récit et sur la foi d'autrui ; mais je me souviens
d'avoir vu aussi cette histoire dans un tableau fait
d'après un ancien original. Ce tableau
représentoit un jeune homme appellé Sybaris, le
fleuve Calabrus, la fontaine Calyca, la ville de Héra, et
celle de Témesse avec le démon qu'Euthyme chassa ;
ce démon était fort noir, d'une figure effrayante
; et couvert d'une peau de loup ; une inscription lui donnait le
nom de Lybas. Mais il est temps que je reprenne le fil de ma
narration.
VII. [1] Après la statue d'Euthyme vous en verrez deux
autres, dont l'une est consacrée à Pytha que de
Mantinée, vainqueur à la course, l'autre à
Charmidès Eléen vainqueur au pugilat, tous deux
dans la classe de la jeunesse. Ensuite vous trouvez plusieurs
athlètes de Rhodes ; c'est Diagoras et toute sa famille.
Premièrement Acusilas qui remporta le prix du ceste ; en
second lieu Doriéüs le plus jeune de ses
frères, qui trois olympiades de suite fut proclamé
vainqueur au pancrace. Troisièmement Damagète qui
avant Doriéüs avait eu tout l'honneur au combat du
pancrace.
[2] Ils étaient tous trois frères, et tous trois
fils de Diagoras. Le dernier c'est Diagoras lui-même qui
remporta la palme au combat du ceste. Sa statue est un ouvrage
de Calliclès Mégaréen fils de ce
Théocosme qui a fait la statue de Jupiter à
Mégare. Les petits-fils de Diagoras nés de ses
filles furent aussi couronnés aux jeux olympiques ; car
Euclès fils de Callianax et de Callipatire eut le prix du
ceste dans la classe des hommes, et Pisidore l'eut dans celle
des enfants. Callipatire déguisée en maître
d'exercice amena elle-même son fils Pisidore à
Olympie.
[3] Ce jeune athlète est en bronze dans l'Altis
auprès de son aïeul maternel. On dit aussi que
Diagoras amena avec lui ses deux fils Acusilas et
Damagète, et que ces illustres athlètes ayant
été proclamés vainqueurs portèrent
leur père sur leurs épaules de rue en rue au
milieu d'une foule de Grecs qui jetaient des fleurs sur son
passage, et admiraient sa gloire et son bonheur d'avoir de tels
enfants. Diagoras était Messénien d'origine par sa
mère qui était propre fille
d'Aristomène.
[4] Son fils Doriéüs après avoir
été couronné à Olympie remporta huit
fois la victoire aux jeux isthmiques, et sept fois aux jeux
néméens ; j'ai ouï dire qu'il avait eu aussi
une fois la palme aux jeux pythiques, mais sans avoir combattu.
Lui et son neveu Pisidore furent qualifiés Thuriens,
parce qu'ayant été chassés de Rhodes dans
une sédition, ils s'étaient réfugiés
à Thurium ville d'Italie. Mais Doriéüs
étant revenu à Rhodes quelque temps après,
il se déclara ouvertement pour les
Lacédémoniens, jusques-là qu'ayant
armé une flotte à ses dépens et
livré bataille aux Athéniens il fut pris par une
de leurs galères et mené vif à
Athènes.
[5] Les Athéniens qui le regardaient comme leur ennemi
mortel et qui peu auparavant le menaçaient des derniers
malheurs, dès qu'ils virent ce grand homme paraître
dans l'assemblée du peuple en posture de suppliant et de
captif, sentirent expirer leur colère ; penchant donc
tout à coup vers la pitié et pleins d'admiration
pour sa gloire et pour ses vertus ils le renvoyèrent sans
lui faire aucun mauvais traitement, quelque sujet qu'ils eussent
de le haïr.
[6] Sa fin et ses dernières aventures sont
rapportées par Androtion dans son histoire
d'Athènes. Il dit que la flotte du Roi étant
à Caune, commandée par Conon, les Rhodiens
à l'instigation de ce général
quittèrent le parti des Lacédémoniens pour
embrasser celui du Roi et des Athéniens ; que
Doriéüs qui était sorti de Rhodes pour aller
du côté du Péloponnèse fut pris par
quelques Lacédémoniens qui le conduisirent
à Sparte, où obligé de rendre compte de sa
conduite il fut condamné à perdre la
tête.
[7] En quoi, s'il dit vrai, je crois qu'il a voulu imputer aux
Lacédémoniens la même
légèreté dont on accusa les
Athéniens, lorsqu'ils firent périr Thrasyllus et
tous les officiers qui avaient combattu avec lui auprès
d'Arginusse. Telle fut la glorieuse destinée de Diagoras
et de ses descendants.
[8] Après cette illustre famille vous voyez
Alcénète de la ville de Lépréos et
ses enfants. Alcénète était fils de
Théante ; il remporta le prix du ceste sur les hommes, et
l'avait déjà remporté auparavant sur la
jeunesse. Hellanicus et Théante ses fils eurent aussi le
prix du ceste dans la classe des enfants. Le père fut
couronné en la quatre-vingt-neuvième olympiade, et
ses fils l'olympiade suivante.
[9] Après eux c'est Gnathon de Dipée dans le pays
des Ménaliens, et Lycinus Eléen : tous deux eurent
le prix dit ceste parmi les enfants ; l'inscription dit que
Gnathon était extrêmement jeune ; sa statue a
été faite par Calliclès de
Mégare.
[10] Il est suivi de Droméüs de la ville de
Stymphale, qui fut couronné deux fois à Olympie
pour avoir doublé le stade avec succès, deux fois
à Delphes, trois fois à Corinthe et cinq fois
à Némée. On dit qu'il fut le premier qui
commença à se nourrir de viandes ; car avant lui
les athlètes étaient nourris de fromages que l'on
faisait égoutter dans des paniers. Sa statue est un
ouvrage de Pythagore, et celle de Pytoclès Eléen,
fameux pentathle qui est auprès, est de la façon
de Polyclète.
VIII. [1] Dans le même rang vous verrez encore Socrate de
Pellène qui surpassa tous les enfants de son âge
à la course, et Amertas Eléen qui les vainquit
à la lutte non seulement à Olympie, mais aussi
à Delphes. On ne sait de quel statuaire est le premier ;
pour le second, il est de Phradmon d'Argos. L'athlète qui
suit est Evanoridas Eléen, vainqueur des enfants à
la lutte tant aux jeux néméens qu'aux olympiques ;
et comme il fut dans la suite un des directeurs des jeux, il eut
grand soin d'écrire les noms de tous ceux qui avaient
été couronnés.
[2] Quant à Démarque de cette province d'Arcadie
que les Parrhasiens occupent, il est connu non seulement par le
prix du ceste qu'il remporta, mais par une fable qui a eu cours
parmi le peuple ; car on dit qu'à la fête de
Jupiter Lycéüs et au milieu du sacrifice il se
changeait en loup, et que dix ans après il reprenait sa
première figure. Fable qui ne vient assurément
point des Arcadiens, on en peut juger par cette inscription qui
est toute simple : Démarque fils de Dinyttas,
Parrhasien de naissance en Arcadie, a fait placer cette statue
qu'il avait méritée.
[3] Eubotas de Cyrène qui vient après ayant su de
l'oracle d'Ammon qu'il remporterait le prix de la course, fit
faire sa statue ; et le jour même qu'il fut
couronné, elle se trouva posée. On dit qu'il fut
aussi vainqueur à la course du char en la même
olympiade ; mais les Eléens rejettent cette olympiade,
parce que ce furent les Arcadiens qui présidèrent
aux jeux.
[4] Timanthe de Cléone qui eut le prix du pancrace est
de la façon de Myron, et Bacis de Thraezène qui se
distingua à la lutte est un ouvrage de Naucydès.
Timanthe finit ses jours d'une manière extraordinaire :
voici comme on la raconte. Il avait quitté la profession
d'athlète, à cause de son grand âge ; mais
pour conserver ses forces par un exercice convenable, il tirait
de l'arc tous les jours, et son arc était fort difficile
à manier. Etant obligé de faire un voyage il
interrompit quelque temps cette habitude ; quand il voulut la
reprendre, son arc se refusa à lui, il n'eut plus la
force de s'en servir ; ne se retrouvant donc plus lui-même
il en eut tant de déplaisir qu'il alluma son propre
bûcher et se jeta dedans ; action qui à mon avis
tient plus de la folie que du courage.
[5] Après Bacis, vous trouvez plusieurs athlètes
d'Arcadie, comme Euthymène de Ménale illustre par
deux victoires remportées à la lutte, l'une sur
les enfants, l'autre sur les hommes ; Philippe Azan de
Pellène, vainqueur au ceste dans la classe de la
jeunesse, Critodame de Clitor couronné pour le même
sujet. Euthymène a été mis en bronze par
Alype, Critodame par Cléon, et Philippe Azan par Myron.
Je pourrais ajouter Promaque de Pellène fils de Dryon et
célèbre pancratiaste ; mais il en sera fait
mention dans mes mémoires sur l'Achaïe.
[6] Non loin de Promaque c'est Timasithée de Delphes, sa
statue est un ouvrage d'Agéladas d'Argos ; cet
athlète fut proclamé trois fois vainqueur au
pancrace à Olympie, et autant à Delphes ; il ne se
distingua pas moins à la guerre, et la fortune ne lui fut
jamais contraire que dans sa dernière entreprise. Car
Isagoras pour opprimer la liberté de ses citoyens voulant
se rendre maître de la citadelle d'Athènes,
Timasithée lui aida à exécuter ce dessein ;
mais les Athéniens ayant repris la citadelle, il fut
condamné à mort.
IX. [1] Celui que vous verrez ensuite est
Théognète d'Egine ; il eut le prix de la lutte sur
les enfants. C'est Polichus de même pays que lui qui a
fait sa statue. Polichus était fils et disciple de
Synnoon, qui eut pour maître Aristocle de Sicyone,
frère de Canochus, et qui ne lui cédait
guère : pourquoi Théognète tient à
la main une pomme de pin sauvage et une grenade, c'est ce que je
ne puis deviner ; peut-être les Eginètes ont-ils
quelque tradition particulière là-dessus.
[2] Celui d'après est un athlète dont les
Eléens n'ont pas marqué le nom dans leurs
registres, parce que le prix qu'il remporta fut celui du
Calpé dont ils ne faisaient pas grand cas. Il est suivi
de Xénoclès de Ménale qui fut vainqueur
à la lutte dans la classe des jeunes gens. Alcétus
qui suit eut le prix du ceste dans la même classe ; il
était de Clitor en Arcadie et fils d'Alcitus. Sa statue a
été faite par Cléon, et celle
d'Alcétus par Polyclète.
[3] Pour Aristée d'Argos qui vient immédiatement
après, il fut couronné pour avoir doublé le
stade, et son père Chimon eut le prix de la lutte. Leurs
statues sont fort près l'une de l'autre. Celle du fils
est un ouvrage de Pantias de Chio fils et élève de
Sostrate. Le père eut deux statues qui sont deux
chefs-d'oeuvre de Naucydès, tant celle qui est à
Olympie, que celle qui a été transportée
d'Argos à Rome et mise dans le temple de la Paix. On dit
que Chimon terrassa à la lutte Taurosthène le
fameux athlète d'Egine ; que l'olympiade suivante
Taurosthène eut sa revanche et coucha par terre tous ceux
qui luttèrent contre lui, et qu'un fantôme qui
avait pris sa ressemblance annonça le même jour sa
victoire aux Eginètes.
[4] Cratinus de Sparte a fait la statue suivante, je veux dire
celle de Phillé Eléen qui remporta le prix de la
lutte sur la jeunesse. Quant au char de Gélon que l'on
voit au même rang, je ne suis pas de l'avis de ceux qui en
ont parlé avant moi ; car ils prétendent que c'est
un présent de Gélon le tyran de Syracuse ;
cependant l'inscription porte que c'est Gélon natif de
Géla et fils de Dinomène qui a consacré ce
char. Et ce Gélon fut couronné en la
soixante-treizième olympiade.
[5] A la vérité Gélon le tyran de Syracuse
usurpa la souveraine autorité sous l'archontat
d'Hybrilide à Athènes, la seconde année de
la soixante-douzième olympiade, en laquelle Tisicrate de
Crotone fut proclamé vainqueur du stade ; mais si
c'était ce Gélon, il se serait dit Gélon de
Syracuse, et non pas Gélon natif de Géla. Il y a
donc bien de l'apparence que c'était un particulier qui
s'appellait Gélon comme le tyran de Syracuse, et dont le
père s'appellait aussi Dinomène ainsi que le
père du tyran. Quoi qu'il en soit, c'est Glaucias d'Egine
qui a fait le char et la statue du Gélon que l'on voit
dans l'Altis.
[6] On dit que l'olympiade précédente
Cléomède d'Astipalée en luttant contre
Iccus de la ville d'Epidaure le tua, et que pour cela ayant
été condamné par les directeurs des jeux
à perdre le prix qu'il avait gagné, il en
conçut un tel chagrin qu'il en eut l'esprit
aliéné. Ensuite de retour à
Astypalée, étant entré dans une
école où il y avait près de soixante
enfants, il ébranla si fort un pilier qui soutenait le
plancher, que ce plancher tomba sur ces enfants et les
écrasa.
[7] Cléomède poursuivi à coups de pierres
par les habitant se réfugia dans un temple de Minerve, et
se cacha dans un grand coffre qui par hasard se trouva
là. Ceux d'Astypalée voulurent ouvrir ce coffre et
ne surent en venir à bout ; l'ayant mis en pièces
et n'ayant point trouvé Cléomède, ils
envoyèrent consulter l'oracle de Delphes pour savoir ce
qu'il était devenu.
[8] La Pythie leur répondit par deux vers dont le sens
était que Cléomède d'Astypalée, le
dernier des héros, jouissait du séjour des
bienheureux, et qu'ils devaient le mettre au nombre des
immortels. C'est pourquoi dans la suite ceux d'Astypalée
l'honorèrent en effet comme un héros.
[9] Près du char de Gélon, Philon a sa statue ;
c'est un ouvrage de Glaucias de l'île d'Egine. Simonide
fils de Léoprepès a fait l'inscription, qui dit
que Philon fils de Glaucus était de Corcyre et qu'il
avait remporté deux fois le prix du ceste aux jeux
olympiques. Agamétor de Mantinée vainqueur au
ceste parmi les enfants est tout auprès.
X. [1] Outre les athlètes que j'ai nommés on voit
encore Glaucus le Carystien. On dit qu'il était
originairement de la ville d'Anthédon en Béotie,
et qu'il descendait de ce Glaucus qui est un dieu marin. Son
père de Caryste aussi avait nom Demylus. Le fils dans sa
jeunesse laboura la terre ; un jour le coutre de sa charrue
s'étant disloqué, il le raccommoda en frappant
dessus avec sa main comme il aurait fait avec un marteau.
[2] Son père ayant remarqué la force
extraordinaire du jeune homme l'amena à Olympie pour
l'éprouver par le combat du ceste. Glaucus tout neuf dans
ce métier était fort mal mené par ses
antagonistes ; et combattant contre un athlète que le
sort avait réservé pour le dernier, il allait
succomber, lorsque son père lui cria : Mon fils,
frappe comme sur ta charrue. Alors Glaucus frappa un si
grand coup qu'il abattit son adversaire et fut proclamé
vainqueur.
[3] On dit qu'ensuite il fut couronné deux fois à
Delphes, et huit fois tant à Némée
qu'à Corinthe. Son fils lui fit ériger une statue,
et l'ouvrier qu'il employa fut Glaucias de l'île d'Egine.
Il est représenté sous la forme d'un maître
d'escrime ou d'exercice, parce que c'était l'homme de son
temps qui avait la main la plus adroite et la plus propre
à toute sorte de mouvements. Après sa mort les
Carystiens l'inhumèrent dans une île, qui s'appelle
encore aujourd'hui l'île Glaucus.
[4] Vous voyez ensuite Démarate de la ville
d'Hérée et toute sa famille, c'est-à-dire,
son fils et ses petits-fils, tous illustres par la couronne
d'olivier qu'ils eurent chacun deux fois à Olympie.
Démarate le père fut vainqueur en la
soixante-quinzième olympiade, en laquelle on introduisit
la coutume de courir tout armé, et il fut encore
vainqueur l'olympiade suivante. C'est pourquoi il est en bottes,
avec un casque et un bouclier, tels qu'on les porte de notre
temps. Mais dans la suite les Eléens et tous les Grecs
abolirent cet usage.
[5] Pour Théopompe fils de Démarate, il eut le
prix du pentathle et son fils aussi, du même nom que lui.
Mais le jeune Théopompe fut encore victorieux à la
lutte. On ignore de qui est sa statue ; à l'égard
de celles de son père et de son aïeul, l'inscription
fait foi qu'elles sont d'Eutélidas et de
Chrysothémis tous deux sculpteurs d'Argos, mais sans dire
de quelle école ils étaient. Iccus fils de
Nicolaïdas Tarentin que l'on voit après fut aussi
vainqueur au pentathle, et dans la suite il devint le meilleur
maître d'exercice qu'il y eut de son temps.
[6] Pantarcès qui suit est ce jeune Eléen si
chéri de Phidias, et qui eut le prix de la lutte sur tous
les jeunes gens de son âge : j'en ai déjà
parlé. Le plus proche de lui est Cléosthène
de la ville d'Epidamne, vainqueur à la course du char en
la soixante et sixième olympiade. On l'a placé
derrière cette statue que les Grecs consacrèrent
à Jupiter après le combat de Platée ; il
est représenté avec son écuyer sur un char
attelé de quatre chevaux, et c'est un ouvrage
d'Agéladas.
[7] L'inscription marque jusqu'aux noms de ses chevaux ; les
premiers s'appellaient Phoenix et Corax, les deux autres qui
étaient à côté du joug l'un à
droite et l'autre à gauche, se nommaient Cnacias et
Samus.
[8] De tous ceux qui ont eu des haras chez les Grecs,
Cléosthène est le premier que l'on a honoré
d'une statue à Olympie, Miltiade d'Athènes et
Evagoras de Sparte y ont aussi chacun la leur ; Miltiade est sur
un char ; je dirai ailleurs quels sont ses autres
présents. Les Epidamniens occupent encore le pays qu'ils
occupaient du temps de Cléosthène, mais non pas la
même ville ; celle qu'ils habitent aujourd'hui se nomme
Dyrrachium du nom de son fondateur, et elle est à quelque
distance de l'ancienne.
[9] Après Cléosthène vous voyez de suite
Lycinus d'Hérée, Epicradius de Mantinée,
Tellon de Thaze, et Agiadas d'Elide, tous vainqueurs dans la
classe des enfants, Lycinus à la course, les autres au
combat du ceste. Epicradius est de la façon de Ptolichus
d'Egine, Agiadas de celle de Serambus du même pays ; la
statue de Lycinus est de Cléon ; pour Tillon, l'on ne
sait de qui il est.
XI. [1] Plus loin vous trouverez quatre statues que les
Eléens ont érigées à Philippe roi de
Macédoine, à son fils Alexandre, à
Séleucus et à Antigonus. Les trois
premières sont des statues équestres.
[2] Non loin de ces rois est Théagène de Thaze
fils de Timosthène. Mais ceux de Thaze lui donnent une
autre naissance ; ils disent que Timosthène était
prêtre d'Hercule dans leur ville, et que sa femme ayant eu
commerce avec le fantôme d'Hercule qui avait pris la
ressemblance de Timosthène, il en naquit
Théagène, qui à l'âge de neuf ans
comme il revenait de l'école et qu'il passait par la
place publique, prit tant de goût pour une statue de
bronze qui y était, qu'il la mit sur son épaule et
l'emporta chez lui ; c'était la statue d'une
divinité.
[3] Le peuple irrité de ce vol voulait massacrer le
jeune Théagène. Un grave citoyen dissipa cette
multitude, empêcha qu'on ne maltraitât le jeune
enfant et lui ordonna seulement de rapporter la statue.
Théagène la rapporta et la remit en sa place.
Aussitôt la renommée publia dans toute la
Grèce la force prodigieuse de cet enfant.
[4] J'ai raconté une partie de ses victoires aux jeux
olympiques en parlant de son combat contre Euthyme et de
l'amende à laquelle il fut condamné. On dit qu'en
cette occasion Droméüs de Mantinée eut le
prix du pancrace sans combattre, et qu'il est le premier qui
l'ait eu de cette sorte. Théagène le remporta
l'olympiade suivante.
[5] Il fut aussi couronné trois fois à Delphes
comme vainqueur au combat du ceste, neuf fois à
Némée, et dix à Corinthe pour avoir
également réussi au pugilat et au pancrace. Mais
à Phties en Thessalie il ne songea qu'à se
signaler à la course, et il doubla le stade avec le
même succès. On dirait que se trouvant dans la
patrie d'Achille le plus grand de tous les héros, il
voulut par une noble émulation le surpasser du moins
à la course ; en un mot il compta jusqu'à *
couronnes qu'il avait méritées en
différents endroits.
[6] Après sa mort un de ses ennemis s'étant
approché la nuit de sa statue la fustigea par vengeance,
comme si Théagène en bronze eût pu sentir
cet affront. La statue étant tombée tout à
coup sur cet insensé, ses fils la citèrent en
justice comme coupable de la mort d'un homme, et le peuple de
Thaze la condamna à être jetée dans la mer,
suivant l'esprit de Dracon qui dans les lois qu'il a
données aux Athéniens sur le meurtre, veut que
l'on extermine jusqu'aux choses inanimées qui, soit en
tombant, soit par quelque autre accident, ont causé la
mort d'un homme.
[7] Quelque temps après, ceux de Thaze ayant souffert
une famine causée par la stérilité de la
terre envoyèrent consulter l'oracle de Delphes ; il leur
fut répondu que le remède à leurs maux
était de rappeller tous ceux qu'ils avaient
chassés ; ce qu'ils firent, mais sans en recevoir aucun
soulagement. Ils envoyèrent donc une seconde fois
à Delphes avec ordre de représenter à la
Pythie qu'ils lui avaient obéi, et que cependant la
colère des dieux n'était point
cessée.
[8] On dit que la Pythie leur répondit par ce vers :
Et votre Théagène, est-il compté pour rien ?
Alors ils furent bien embarrassés, ne sachant comment s'y
prendre pour recouvrer sa statue ; heureusement des
pêcheurs la retrouvèrent en jetant leurs filets
dans la mer. On la replaça dans l'endroit où elle
était, et dès ce moment le peuple de Thaze rendit
les honneurs divins à Théagène.
[9] Plusieurs autres villes soit grecques, soit barbares, en
firent autant. On regarda Théagène comme une
divinité secourable, et les malades surtout lui
adressèrent leurs voeux. Sa statue est donc aujourd'hui
dans l'Altis, et c'est un ouvrage de Glaucias d'Egine.
XII. [1] Près de Théagène on voit un char
de bronze attelé de deux chevaux avec un homme qui monte
dedans, deux coureurs, l'un d'un côté, l'autre de
l'autre, et un jeune enfant sur chacun de ces chevaux. C'est un
monument de la victoire que Hiéron fils de
Dinomène remporta aux jeux olympiques. Hiéron
était frère de Gélon et fut tyran de
Syracuse après lui. Ce n'est pourtant pas Hiéron
qui a fait ce présent, c'est son fils Dinomène qui
a cru devoir rendre cet hommage à Jupiter. Le char est un
ouvrage d'Onatas d'Egine ; les chevaux et les enfants sont de
Calamis.
[2] Auprès de ce char il y a un autre Hiéron qui
a été aussi tyran de Syracuse. Celui-ci
après la mort d'Agathoclès qui le pemier avait
usurpé la souveraine puissance, s'empara du gouvernement.
Sa domination commença la seconde année de la cent
vingt-sixième olympiade, en laquelle Idéüs de
Cyrène eut le prix du stade.
[3] Ce Hiéron fut lié par l'hospitalité
avec Pyrrhus fils d'Eacidas, et à cette liaison il en
ajouta une autre en mariant son fils Gélon avec
Néréïs fille de Pyrrhus. Lorsque les Romains
voulurent conquérir la Sicile, les Carthaginois tenaient
plus de la moitié de cette île, Hiéron se
mit de leur côté ; mais les Romains étant
devenus ensuite les plus forts, il passa du leur et fit alliance
avec eux, croyant leur amitié plus solide que celle des
Carthaginois.
[4] Enfin Dinomène de la ville de Syracuse, ennemi
juré de la tyrannie et du tyran, le tua de sa propre
main. Quelque temps après il voulut faire le même
traitement à Hippocrate frère d'Epicydas, qui
nouvellement arrivé d'Herbesse à Syracuse
commençait déjà à soulever le peuple
; mais Hippocrate se défendit mieux, et ses gardes
massacrèrent Dinomène. Les fils d'Hiéron
érigèrent à leur père deux statues,
dont l'une est équestre ; toutes les deux sont de Micon
fils de Nicocrate et natif de Syracuse.
[5] Après Hiéron vous verrez Aréüs
fils d'Acrotate, roi de Lacédémone, et Aratus fils
de Clinias. Aréüs est représenté
montant à cheval ; ce sont les Eléens qui ont fait
les frais de sa statue, comme les Corinthiens ont fait les frais
de celle d'Aratus. J'ai fait une ample mention de l'un et de
l'autre dans les livres précédents. Aratus fut
proclamé victorieux à la course du char.
[6] Timon qui suit était Eléen fils d'Egyptus ;
il envoya des chevaux pour disputer le prix de la course aux
jeux olympiques ; c'est par cette raison qu'il a un char de
bronze dans l'Altis, et autant que j'en ai pu juger, c'est la
Victoire en personne qui monte sur ce char. On voit ensuite
Callon fils d'Harmodius et Hippomaque fils de Moschion, tous
deux Eléens, tous deux illustres pour avoir
remporté le prix du ceste sur la jeunesse. C'est
Daïppus qui a fait la statue de Gallon ; pour celle
d'Hippomaque on ignore de quel sculpteur elle est. On dit que
cet athlète triompha de trois antagonistes sans recevoir
de pas un le moindre coup, ni la plus légère
blessure.
[7] Théocreste Cyrénéen suit
immédiatement après ; il nourrissait des chevaux
à la manière des Libyens ; son aïeul paternel
portait le même nom ; l'un et l'autre se sont
distingués par des courses de chevaux à Olympie,
et le père de Théocreste avait remporté
plusieurs victoires aux jeux isthmiques dans le même genre
de combat ; une inscription gravée sur le char de son
fils en fait foi.
[8] L'athlète suivant est Hégésarque fils
d'Hémostrate de Tritée, qui eut le prix du pugilat
non seulement à Olympie, mais aussi à Corinthe,
à Delphes et à Némée, suivant une
inscription en vers élégiaques, où ceux de
Tritée sont qualifiés Arcadiens, ce qui pouvait
être vrai alors : car les villes d'Arcadie qui ont eu
quelque réputation sont assez connues, on n'en ignore
point l'origine. Mais il y en a d'autres que leur faiblesse a
toujours tenues dans l'obscurité, et qui sont comme
fondues dans la ville de Mégalopolis ; celles-là
se trouvent du moins dans le décret des Arcadiens, fait
du commun consentement de ces peuples.
[9] Or Tritée n'est du nombre ni des unes, ni des
autres, et l'on ne connaît dans toute la Grèce
d'autre ville de ce nom, que celle qui est en Achaïe. Mais
il se peut bien faire que du temps d'Hégésarque
Tritée fût une ville d'Arcadie et qu'elle en ait
été démembrée, comme quelques autres
que nous connaissons, et qui sont aujourd'hui soumises au
gouvernement d'Argos. Quoi qu'il en soit, la statue
d'Hégésarque est un ouvrage des disciples de
Polyclès, desquels il sera fait mention dans la
suite.
XIII. [1] Astylus de Crotone que l'on voit après est une
statue de Pythagore. Astylus remporta le prix du stade simple et
du stade double trois olympiades consécutives. Aux deux
dernières pour faire sa cour à Hiéron fils
de Dinomène il se dit de Syracuse ; les Crotoniates s'en
tinrent si offensés, qu'ayant confisqué sa maison
ils y mirent la geole, et abattirent sa statue qui était
placée dans le temple de Junon
Lacédémonienne.
[2] Les victoires de Chionis Lacédémonien sont
gravées sur une colonne qui se voit aussi là ;
mais dire que cette colonne a été posée par
Chionis lui-même, et non par le peuple de
Lacédémone, c'est parler en étourdi, car
l'inscription dit expressément que l'usage de courir
armé n'avait pas encore été introduit. Il
faudrait donc que Chionis eût deviné que les
Eléens introduiraient un jour cet usage. C'est se tromper
encore plus lourdement que de prendre la statue qui est
adossée contre cette colonne pour la statue de Chionis,
puisque c'est Myron qui l'a faite.
[3] Hermogène de Xanthe est ensuite ; il était de
Lycie, et il ne s'est guère moins distingué que
Chionis, ayant eu la couronne d'olivier huit fois en l'espace de
trois olympiades ; c'est lui que les Grecs avaient
surnommé le cheval, pour marquer combien il
était léger à la course. Mais les victoires
de Politès donnent encore plus d'admiration. Il
était de Cérame ville de la Carie pierreuse ; il
effaça tous ceux qui de son temps se
mêlèrent de disputer le prix de la course à
Olympie, et jamais homme n'eut tant de
légèreté. Jusqu'à lui on avait mis
un temps considérable à fournir la carrière
; pour lui, il abrégea ce temps, et en un même jour
il remportait le prix du simple stade, du stade double, et de la
plus longue course.
[4] Après avoir couru lui deuxième ou lui
quatrième selon l'usage, et vaincu ceux que le sort lui
avait donnés pour émules, il disputait encore le
prix avec ceux qui dans chaque genre de course étaient
demeurés victorieux, de sorte qu'il multipliait et le
spectacle et ses victoires en même temps. Léonidas
de Rhodes qui est après lui a excellé aussi dans
ce genre d'exercice ; quatre olympiades de suite il fut
proclamé vainqueur, et toujours prêt à
disputer le prix contre tous ses concurrents il fut
couronné douze fois.
[5] Près de la colonne de Chionis on voit Duris de
Samos, qui surpassa tous les jeunes gens au pugilat.
L'inscription porte que les Samiens furent chassés de
leur île la même année qu'il fut
couronné, et qu'après leur rétablissement
ils lui érigèrent cette statue qui est un ouvrage
d'Hippias. Polycrate tyran de Samos est dans le même
rang.
[6] Près de lui c'est Diallus fils de Pollis ; il
était de Smyrne : on dit qu'il fut le premier des Ioniens
qui remporta le prix du pancrace sur les enfants. Les deux
suivants sont Thersiloque de Corcyre, et Aristion d'Epidaure
fils de Théophilès ; ils ont été mis
en bronze par Polyclète d'Argos. Tous les deux furent
vainqueurs au combat du ceste, le premier dans la classe de la
jeunesse, le second dans celle des hommes.
[7] Pour Bycelle qui vient ensuite, c'est le premier Sicyonien
qui ait eu le prix du pugilat dans la classe des enfants ; sa
statue est de Canachus de Sicyone, élève de
Polyclète d'Argos. A côté de Bycelle c'est
Mnaséas Cyrénéen, que l'on surnommait le
Libyen. Pythagore de Rhegium l'a représenté
armé, parce qu'il fournit la carrière avec son
bouclier. Mnaséas est suivi d'Agémaque de Cyzique,
ville du continent de l'Asie. L'inscription dit que sa statue a
été faite à Argos.
[8] Naxe fut autrefois bâtie en Sicile par des peuples
qui venaient de Chalcis sur l'Euripe ; il n'en reste pas
aujourd'hui le moindre vestige ; mais les victoires de Tisandre
fils de Cléocrite qui était de cette ville nous en
ont du moins conservé le nom ; ce Tisandre fut quatre
fois vainqueur au pugilat à Olympie, et autant à
Delphes. C'était dans un temps où les Corinthiens
et les Argiens n'étaient pas fort soigneux de marquer les
noms de ceux que l'on couronnait aux jeux néméens
et aux jeux isthmiques.
[9] La cavale de Phidolas de Corinthe mérite bien que
j'en parle ici ; les Corinthiens la nomment Aura. Son
maître étant tombé dès le
commencement de la course, cette cavale courut toujours comme si
elle avait été conduite, tourna autour de la borne
avec la même adresse, au bruit de la trompette redoubla de
force et de courage, passa toutes les autres, et comme si elle
avent senti qu'elle gagnait la victoire, vint s'arrêter
devant les directeurs des jeux. Phidolas ayant été
proclamé vainqueur, il obtint des Eléens
d'ériger un monument où lui et sa cavale fussent
représentés.
[10] Lycus un des fils de Phidolas remporta aussi le prix de la
course des chevaux de main. On le voit à cheval contre
une colonne avec une inscription qui atteste qu'il fut
couronné une fois à Corinthe et deux fois à
Olympie. Cependant cette inscription ne s'accorde pas avec les
registres des Eléens ; car l'une des victoires de Lycus
tombe en la soixante-huitième olympiade selon
l'inscription, et les registres des Eléens n'en font
aucune mention ; je dis ce que j'ai vu.
[11] Après Phidolas et son fils vous verrez deux
Eléens, Agathinus fils de Thrasibule, et
Télémaque ; celui-ci eut le prix de la course de
chevaux. Agathinus fut redevable de sa statue aux soins des
habitants de Pellène en Achaïe, comme Aristophon
fils de Lycinus célèbre pancratiaste dut la sienne
aux Athéniens.
XIV. [1] En la soixante et dix-huitième olympiade
Phérias d'Egine qui suit immédiatement Aristophon
d'Athènes, ayant paru trop jeune et trop faible pour
soutenir le combat n'y fut pas admis ; mais l'olympiade suivante
il remporta le prix de la lutte sur la jeunesse. Hyllus de
Rhodes qui vient après fut rejeté pour une raison
toute contraire.
[2] A l'âge de dix-huit ans il se présenta pour
combattre dans la classe des enfants ; on le jugea trop
âgé. Il combattit dans la classe des hommes et eut
le prix ; il fut ensuite couronné à Corinthe et
à Némée ; il n'avait que vingt ans
lorsqu'il mourut, et il n'eut pas le plaisir de revoir sa
patrie. Mais ce Rhodien était à mon avis bien
au-dessous d'Artémidore qui suit.
[3] Celui-ci Trallien de naissance ayant paru trop jeune pour
disputer le prix du pancrace dans la classe de la jeunesse
à Olympie, s'en alla à Smyrne en Ionie dans le
temps qu'on y célébrait les jeux, et là il
parut si fortifié qu'en un même jour il remporta la
palme et sur les enfants et sur ceux qu'il devait avoir pour
antagonistes à Olympie, et sur les plus forts
athlètes. Un maître d'exercice le défia
à combattre dans la classe des enfants, et un puissant
athlète par de mauvaises plaisanteries lui fit
entreprendre de lutter contre des hommes faits.
Artémidore fut dans la suite couronné à
Olympie, et ce fut en la deux cent douzième
olympiade.
[4] Près de la statue d'Hyllus on voit un cheval de
bronze d'une grandeur médiocre ; c'est un monument de la
victoire que Crocon d'Erétrie remporta à la course
des chevaux. Télestas Messénien qui dans la classe
des jeunes gens eut le prix du pugilat, a sa statue
auprès de Crocon, et cette statue est un ouvrage de
Silanion.
[5] Pour Milon Crotoniate fils de Diotime, il a
été mis en bronze par Daméas qui
était aussi de Crotone. Ce Milon fut six fois vainqueur
à la lutte aux jeux olympiques, la première fois
dans la classe des enfants, les autres dans celle des hommes ;
il eut un succès tout pareil aux jeux pythiques. Il se
présenta une septième fois à Olympie, mais
ayant à faire à Timasithée son concitoyen,
jeune homme alerte et qui ne se laissait point approcher, il ne
put le vaincre.
[6] On dit qu'il porta dans l'Altis sa propre statue sur ses
épaules, et l'on raconte de lui plusieurs autres choses
qui marquent une force de corps extraordinaire. Il tenait une
grenade dans sa main, et par la seule application de ses doigts,
sans écraser ni presser ce fruit, il le tenait si bien
que personne ne pouvait le lui arracher. Il mettait le pied sur
un palet graissé d'huile et par conséquent fort
glissant ; cependant quelque effort que l'on fit, il
n'était pas possible de l'ébranler, ni de lui
faire lâcher pied.
[7] Il se ceignait la tête avec une corde en guise de
ruban, puis il retenait sa respiration ; dans cet état
violent le sang se portant au front lui enflait tellement les
veines que la corde rompait. Il tenait le bras droit
derrière le dos, la main ouverte, le pouce levé,
les doigts joints, et alors nul homme n'eût pu lui
séparer le petit doigt d'avec les autres.
[8] Le sort de cet athlète si robuste fut, à ce
que l'on dit, d'être dévoré par les
bêtes sauvages. Il aperçut aux environs de Crotone
un vieux chêne dont on avait fendu le tronc en deux avec
des coins. Milon se fiant à sa force voulut achever de
fendre ce chêne avec ses mains ; comme il essayait, les
coins tombèrent et les deux parties venant à se
rejoindre lui prirent les mains ; en cet état il servit
de pâture aux loups dont il y a toujours grand nombre en
ce pays-là.
[9] Pyrrhus fils d'Eacidas, ce roi de la Thesprotie d'Epire qui
a fait de si grandes actions, et dont j'ai parlé dans mes
mémoires sur l'Attique, a aussi sa statue dans l'Altis ;
c'est Thrasybule Eléen qui a consacré ce monument
à sa gloire. Près de Pyrrhus on voit sur une
colonne un petit homme qui tient une flûte ; ce fut lui
qui après Sacadas d'Argos remporta le prix de la
flûte aux jeux pythiques.
[10] Pour Sacadas, il joua aux jeux qui furent institués
par les Amphictyons, et où l'on ne couronnait point
encore le vainqueur ; mais depuis il fut couronné deux
fois. Après eux Pythocrite de Sicyone fut couronné
six fois à Delphes, où il joua seul. On sait qu'il
joua six fois de la flûte durant l'exercice du pentathle
à Olympie, et en mémoire des preuves
d'habileté qu'il donna dans son air, on lui éleva
une colonne et une statue avec cette inscription : Pour
conserver la mémoire de Pythocrite surnommé
Callinicus joueur de flûte.
[11] Le plus proche de la colonne c'est Cylon, qui
délivra les Eléens de la tyrannie d'Aristotime, et
ce furent les Etoliens qui lui érigèrent cette
statue. Voici ceux qui suivent : Gorgus fils d'Euelétus,
Messénien, qui fut proclamé vainqueur au pentathle
; sa statue a été faite par Théron de
Béotie ; Démarate autre Messénien qui eut
le prix du pugilat dans la classe des enfants, c'est une statue
de Silanion Athénien ; Anauchidas fils de Philys
Eléen, vainqueur à la lutte dans la classe des
jeunes gens et ensuite dans celle des hommes, le nom de
l'ouvrier n'est pas marqué ; Anochus fils d'Adamate
Tarentin, qui remporta le prix du stade et de la longue course,
est un ouvrage d'Agéladas d'Argos.
[12] Après ces athlètes vous voyez un jeune homme
à cheval et un homme auprès. L'inscription porte
que le jeune homme est Xénombrote de Cos la
Méropide, qui fut vainqueur à la course de chevaux
; cette statue équestre est de Philotime d'Egine. L'autre
est Xénodicus vainqueur au pugilat parmi la jeunesse ;
c'est une statue de Pantias. Pythès qui suit était
d'Abdère fils d'Andromachus, il vainquit au pugilat tous
les jeunes gens de son âge ; ses soldats lui
érigèrent deux statues, toutes deux faites par
Lysippe ; car il paraît que ce Pythès commanda dans
la suite un corps de troupes étrangères et qu'il
se signala à la guerre.
[13] Suivent Méneptoleme d'Apollonie sur la mer
Ionienne, Philon de Corcyre, vainqueurs l'un et l'autre à
la course parmi les enfants ; et Hiéronyme d'Andros qui
au pentathle à Olympie terrassa Tisamène
Eléen, celui-là même qui dans la suite
servit de devin aux Grecs à la fameuse journée de
Platée contre les Perses et contre Mardonius leur chef ;
Hiéronyme est de la façon de Stomius. Après
lui c'est un jeune athlète qui était aussi
d'Andros et qui fut vainqueur à la lutte, Proclès
fils de Lycastidas ; il est de la main de Somis. Suit Eschine
Eléen qui remporta deux fois le prix du pentathle et qui
pour cela fut honoré de deux statues.
XV. [1] Archippe de Mitylène se distingua surtout au
combat du ceste ; mais ses citoyens lui attribuent bien d'autres
victoires ; ils disent qu'avant l'âge de vingt et un an il
avait été couronné à Olympie,
à Delphes, à Némée et à
Corinthe. Zénon qui suit était fils de
Callitélès et natif de Lépréos dans
la Triphylie ; il remporta le prix de la course sur la jeunesse
; c'est Pyrilampès Messénien qui a fait sa statue.
Pour Clinomaque qui suit, on ne sait de qui il est ; nous savons
seulement qu'il était Eléen, et qu'il eut tout
l'honneur du pentathle dans la classe des enfants.
[2] Pantarcès que l'on voit après était
aussi Eléen ; les Achéens lui
érigèrent une statue parce qu'il avait
ménagé la paix entre eux et les Eléens, et
que par son entremise tous les prisonniers faits de part et
d'autre durant la guerre avaient été
renvoyés. Dans la suite il fut proclamé vainqueur
à la course des chevaux, et il eut une statue à
Olympie pour monument de sa victoire. Les Etoliens firent le
même honneur à Olidas qui était aussi
Eléen. Charinus autre Eléen a une statue dans
l'Altis pour avoir doublé le stade, et fourni la
carrière avec son bouclier. A côté de lui
c'est Agélès de Chio qui vainquit tous les enfants
de son âge au pugilat ; Théomneste de Sardaigne 1'a
mis en bronze.
[3] Clitomaque de Thèbes doit le monument de sa gloire
aux soins d'Hermocrate son propre père ; ce Clitomaque
fut célèbre en son temps. Il remporta le prix de
la lutte aux jeux isthmiques, et le même jour il fut
encore vainqueur au pugilat et au pancrace. A Delphes il fut
couronné trois fois pour avoir eu l'avantage au combat du
pancrace. Aux jeux olympiques il fut le second qui après
Théagène de Thaze eut en un même jour le
prix du pugilat et celui du pancrace.
[4] En la cent quarante et unième olympiade le combat du
pancrace lui valut encore la victoire. L'olympiade suivante il
disputa le prix du pancrace et celui du pugilat : le même
jour Caprus Eléen se présenta au pancrace et
à la lutte ; déjà même il avait
remporté le prix de la lutte.
[5] Clitomaque avertit les directeurs que le droit du
pancratiaste était d'ouvrir la scène sans
s'être épuisé par d'autres combats : la
remontrance parut juste, on le mit aux mains avec Caprus,
cependant il succomba ; mais il eut sa revanche au pugilat
où il paya également de courage et de force de
corps.
[6] Celui qui suit est Epitherse fils de Métrodore, deux
fois vainqueur au pugilat à Olympie, deux fois à
Delphes, à Corinthe et à Némée ; ce
sont les Erythréens qui l'ont honoré d'une statue.
Les Syracusains en ont érigé deux à
Hiéron dans l'Altis, et ses fils lui en ont
consacré une troisième ; j'ai déjà
dit que ce Hiéron avait été tyran de
Syracuse comme un autre Hiéron son
prédécesseur.
[7] Timoptolis Eléen fils de Lampis doit sa statue
à ceux de Palée que l'on appelait autrefois
Dulichiens, et qui composent aujourd'hui la quatrième
tribu des Céphaléniens. Vous voyez ensuite
Archidame fils d'Agésilas, et auprès de lui un
inconnu en équipage de chasseur. Démétrius
et son fils Antigonus sont aussi en bronze ; c'est ce
Démétrius qui fut fait prisonnier en combattant
contre Séleucus, et ce sont les Byzantins qui ont
consacré ce monument à la gloire de ces
princes.
[8] Eutélidas de Sparte est au même rang ; il
remporta le prix de la lutte sur la jeunesse en la
trente-huitième olympiade. Sa statue est si ancienne que
le temps a presque effacé l'inscription qui est sur la
base.
[9] Après Eutélidas c'est Aréus roi de
Lacédémone ; il est suivi de Gorgus Eléen,
le seul jusqu'à présent qui soit sorti quatre fois
victorieux du pentathle à Olympie ; il eut aussi le prix
du stade double, et celui de la course avec le bouclier.
[10] On croit que la statue suivante est Ptolémée
fils de Lagus ; il a deux jeunes enfants à
côté de lui. On voit ensuite deux statues de Caprus
fils de Pythagore ; il fut couronné deux fois en un
même jour en qualité de vainqueur à la lutte
et au pancrace ; c'est le premier athlète qui se soit
distingué de la sorte. J'ai dit ci-dessus quel fut son
antagoniste au combat du pancrace. Il eut pour émule
à la lutte Péaninus Eléen qui la
précédente olympiade avait été
proclamé vainqueur dans le même genre de combat,
déjà illustre par le prix du pugilat qu'il avait
remporté sur la jeunesse aux jeux pythiques, et par les
prix de la lutte et du ceste qu'il avait eus depuis en un
même jour et aux mêmes jeux. Ainsi Caprus eut besoin
de force et de courage pour l'emporter sur un tel
adversaire.
XVI. [1] Anauchidas et Phérénicus ont aussi leurs
statues à Olympie ; tous deux étaient
Eléens, et tous deux se distinguèrent à la
lutte dans la classe des jeunes gens. Plistène qui suit
était fils d'Eurydamus, sous la conduite de qui les
Etoliens marchèrent contre les Gaulois ; ce sont les
Thespiens qui lui ont érigé cette statue.
[2] Antigonus père de Démétrius et
Séleucus doivent les leurs aux soins de
Tidéüs Eléen. Séleucus fut
renommé par ses grandes actions, et surtout par le
bonheur qu'il eut de prendre Démétrius. Timon que
l'on voit après remporta le prix du pentathle à
tous les jeux de la Grèce ; excepté les jeux
isthmiques qui lui étaient interdits comme à tous
les autres Eléens. L'inscription de sa statue porte qu'il
servit dans l'armée des Etoliens, et que par
amitié pour ces peuples il accepta le gouvernement de
Naupacte.
[3] Un peu plus loin vous voyez les statues de la Grèce
et de l'Elide. La Grèce couronne d'une main Antigonus
tuteur du jeune Philippe fils de Démétrius, et de
l'autre Philippe son pupille ; l'Elide couronne
Démétrius qui fit la guerre à
Séleucus et à Ptolémée fils de
Lagus.
[4] Suit Aristide Eléen ; l'inscription fait foi qu'aux
jeux olympiques il remporta le prix de la course avec le
bouclier, qu'aux jeux pythiques il eut le prix du stade double,
et qu'aux jeux néméens il avait effacé tous
les enfants de son âge à la course de l'hippodrome,
qui était une carrière deux fois plus longue que
le double stade ; ce genre de course fut longtemps
négligé à Némée et à
Corinthe. L'empereur Hadrien l'a fait rétablir, et il a
voulu que les Argiens le missent au nombre des jeux qui se
célèbrent à Némée durant
l'hiver.
[5] Les deux que vous voyez ensuite sont Ménalque
Eléen vainqueur au pentathle, et Philonide fils de Zotus
; celui-ci natif de la Chersonnèse de Crète
était un des coureurs d'Alexandre fils de Philippe,
c'est-à-dire un de ceux qui portaient les ordres de ce
prince et qui marchant toujours sans s'arrêter faisaient
dans l'espace d'un jour une diligence incroyable. Après
Philonide, c'est Brimias Eléen qui fut vainqueur au
pugilat ; ensuite c'est Léonidas de Naxi, île de la
mer Egée, mis en bronze aux dépens des Psophidiens
peuples d'Arcadie ; puis Azamon qui eut aussi le prix du
pugilat, et Nicandre qui fut couronné deux fois à
Olympie pour avoir doublé le stade, et six fois à
Némée pour avoir été vainqueur tant
à la simple course, qu'au double stade. Azamon et
Nicandre étaient Eléens ; le premier eut
Pyrilampès pour statuaire, le second Daïppus.
[6] A la suite de ceux-ci on voit Evalcis d'Elide qui dans la
classe des enfants eut le prix au combat du ceste, et
Séléadas de Lacédémone qui le
remporta à la lutte dans la classe des hommes. Là
se voit sur une colonne un char médiocrement grand ;
c'est le char de Polyphite Lacédémonien ; son
père Callitélès est sur la même
colonne : tous deux méritèrent la couronne
d'olivier, le père à la lutte, le fils à la
course de chevaux.
[7] Lampus fils d'Arniscus et Aristarque sont deux
Eléens peu connus, à qui les Psophidiens ont
élevé une statue, soit parce qu'ils étaient
leurs hôtes, soit parce qu'ils en avaient reçu
quelque service. Au milieu d'eux est Lysippe autre Eléen
qui remporta le prix de la lutte sur les enfants ;
Andréas d'Argos a fait sa statue.
[8] Dinosthène Lacédémonien qui vient
ensuite fut vainqueur à la course, et fit placer
lui-même dans l'Altis une colonne avec sa statue
adossée contre. De cette colonne à une autre qui
est à Lacédémone il y a un chemin dont la
longueur est, dit-on, de six cent soixante stades. Les trois
athlètes qui suivent, savoir Théodore qui fut
proclamé vainqueur au pentathle, Pyttalus fils de Lampis
qui eut le prix du ceste sur la jeunesse, et
Nélaïdas qui remporta la victoire à la simple
course et à la course avec le bouclier, on ne peut douter
qu'ils ne fussent tous trois Eléens ; on dit de Pyttalus,
que les Arcadiens et les Eléens étant en dispute
touchant leurs limites, il fut choisi par eux pour arbitre. Sa
statue est un ouvrage de Sthénis Olynthien.
[9] Après eux on voit une statue équestre de
Ptolémée. Deux Eléens suivent
immédiatement après ; l'un est Péanius fils
de Démétrius, qui remporta une fois le prix de la
lutte à Olympie, et deux fois à Delphes ; l'autre
est Cléaresthe qui fut vainqueur au pentathle. Vous
verrez en dernier lieu le char de Glaucon Athénien fils
d'Etéoclès, monument de la victoire qu'il remporta
à la course du char avec des chevaux faits.
XVII. [1] Voilà ce qui se présentera de plus
curieux à quiconque parcourra l'Altis suivant l'ordre de
ma description. Mais si du monument de Léonidas vous
allez au grand autel, voici ce que vous trouverez sur votre
droite : premièrement deux statues d'athlètes,
c'est à savoir Dinocrate de Ténédos, et
Crianius d'Elide, l'un vainqueur à la lutte, l'autre
à la course avec le bouclier. Le premier a
été mis en bronze par Dionysiclès de Milet,
le second par Lysus de Macédoine.
[2] En second lieu deux autres athlètes, Hérodote
de Clazomène, et Philinus de Cos fils
d'Hégépolis. Ils doivent leurs statues l'un et
l'autre aux soins de leur patrie. Les Clazoméniens ont
fait cet honneur à Hérodote, parce qu'il fut le
premier d'entre eux qui remporta le prix du stade sur la
jeunesse, et qui fut couronné à Olympie ; et ceux
de Cos ont érigé l'autre monument à
Philinus comme à un athlète du premier rang, qui
avait été cinq fois vainqueur à la course
aux jeux olympiques, quatre fois à Delphes, autant
à Némée, et onze fois aux jeux
isthmiques.
[3] Le Ptolémée que l'on voit ensuite est le
petit-fils de Lagus, qui a été placé
là par un effet du zèle d'Aristolaüs
Macédonien. Après Ptolémée c'est
Butas de Milet fils de Polynice, vainqueur au pugilat dans la
classe de la jeunesse ; il est suivi de Callicrate natif de
Magnésie sur le Léthée, qui fut
couronné deux fois pour avoir remporté le prix de
la course avec le bouclier. Cette statue est de Lysippe.
[4] Vous voyez ensuite Emantion qui fut vainqueur du stade dans
la classe des enfants, et Alexibius qui eut le prix du
pentathle. Ce dernier était d'Héra en Arcadie ; sa
statue a été faite par Acestor. Pour Emantion,
l'on ne peut douter qu'il ne fût Arcadien, mais on ignore
quel a été son statuaire. Les deux suivants sont
Hermésianax fils d'Agonéüs de Colophon, et
Icasius fils de Lycinus et d'une fille d'Hermésianax ;
tous deux en leur temps l'emportèrent à la lutte
sur les enfants de leur âge ; c'est la ville de Colophon
qui a fait les frais de la statue d'Hermésianax.
[5] Près d'eux vous verrez deux Eléens qui dans
la classe des jeunes gens eurent tout l'honneur du pugilat ;
l'un est Choerilus, mis en bronze par Sthenis Olynthien, l'autre
est Théotime qui a eu pour sculpteur Détondas de
Sicyonie ; ce Théotime était fils de Moschion qui
servit sous Alexandre dans la guerre contre Darius et contre les
Perses. Suivent deux autres Eléens, savoir Archidamus
vainqueur à la course du char à quatre chevaux, et
Epéraste qui fournit la carrière avec son bouclier
et mérita la palme.
[6] Son inscription porte qu'il était de la race de
Clytius et de Mélampus. En effet Amythaon fut père
de Mélampus ; Mélampus fut père de Mantius
et d'Antiphate ; Antiphate fut père d'Oidès, dont
naquit Amphiaraüs père d'Alcméon, qui eut
Clytius d'une fille de Phégée. Clytius sachant que
ses oncles maternels avaient fait périr Alcméon
rompit avec eux et se retira en Elide.
[7] Vous voyez ensuite deux statues qui sont
accompagnées de présents peu considérables
; l'une est celle d'Alexinicus Eléen, faite par Cantharus
de Sicyone : Alexinicus eut le prix de la lutte sur la jeunesse
; l'autre est celle de Gorgias de Léontium ; on dit que
celle-ci a été érigée par Eumolpe
arrière-petit-fils de Déïcrate qui avait
épousé la soeur de Gorgias.
[8] Quant à Gorgias il était fils de Carmantide ;
on dit qu'il fut le restaurateur de l'art oratoire, qui alors
était entièrement négligé et presque
oublié. Il fit admirer son éloquence dans
l'assemblée des Grecs aux jeux olympiques, et dans son
ambassade d'Athènes, où il fut envoyé avec
Tisias. Ce dernier fort versé aussi dans l'art de parler
ajouta beaucoup d'ornements au discours. Il composa un plaidoyer
très éloquent dans la cause d'une femme de
Syracuse qui était en procès pour un
intérêt pécuniaire.
[9] Cependant Gorgias fut plus estimé des
Athéniens, et Jason qui devint le tyran de la Thessalie,
le mettait au-dessus de Polycrate, dont la réputation
était si grande dans l'école d'Athènes. On
dit que Gorgias vécut cent cinq ans. La ville de
Léontium que les Syracusains avaient détruite a
été rétablie de mon tems.
XVIII. [1] Après la statue de Gorgias on voit le char de
bronze de Cratisthène Cyrénéen. La victoire
est sur ce char et Cratisthène auprès, d'où
l'on juge qu'il fut vainqueur à la course du char. On
croit qu'il était fils de Mnaséas, ce coureur que
les Grecs appelaient le Libyen ; ce monument est un
ouvrage de Pythagore de Rhegium.
[2] J'ai vu au même lieu une statue d'Anaximène.
Cet Anaximène a écrit une histoire de la
Grèce où il remonte jusqu'aux premiers temps, et
il a fait aussi l'histoire de Philippe et d'Alexandre. C'est la
ville de Lampsaque qui lui a érigé cette statue
dans l'Altis, par reconnaissance pour les grands services
qu'elle en avait reçus. Car voici la ruse dont il se
servit pour détourner la colère d'Alexandre, qui
se portait toujours aux derniers excès comme on
sait.
[3] Ce prince ayant appris que les Lampsacéniens
s'étaient déchirés pour le roi de Perse,
entra dans une telle fureur contre eux qu'il ne voulait rien
moins que mettre leur ville à feu et à sang. Les
habitants dans cette extrémité crurent ne pouvoir
mieux faire, que de lui députer Anaximène qui
était connu de lui et pour qui Philippe avait eu de la
bonté. Alexandre informé du sujet pourquoi il
venait, prit les dieux de la Grèce à témoin
et jura de faire tout le contraire de ce que Anaximène
lui manderait.
[4] Là-dessus Anaximène l'aborde et lui dit :
Seigneur, je viens vous demander une grâce, c'est de faire
esclaves les femmes et les enfants des Lampsacéniens, de
détruire leur ville et de brûler leurs temples.
Alexandre ne sut qu'opposer à cet artifice, et comme il
était lié par son serment, il fut forcé de
pardonner à la ville de Lampsaque.
[5] Le même Anaximène se vengea d'un de ses
ennemis d'une manière également sanglante et
adroite. Il était naturellement grand sophiste, et avait
l'habileté des sophistes. S'étant brouillé
avec Théopompus fils de Damasistrate, il écrivit
une histoire pleine de traits malins contre les
Athéniens, les Lacédémoniens et les
Thébains. Dans cette histoire il imita parfaitement bien
le style de Théopompus, et il la répandit dans
toutes les villes de la Grèce sous le nom de cet
historien, ce qui rendit Théopompus extrêmement
odieux à tous les Grecs.
[6] Avant Anaximène personne ne s'était
étudié à bien parler sur le champ et sans
préparation. Quant aux vers contre Alexandre que l'on
attribue à Anaximène, je ne crois pas qu'ils
soient de lui. Sotadès que l'on voit après
Anaximène fut proclamé vainqueur à la
longue course en la quatre-vingt-dix-neuvième olympiade,
et qualifié Crétois comme il l'était.
L'olympiade suivante il reçut de l'argent des
Ephésiens pour se dire d'Ephèse ; les
Crétois l'ayant su, ils l'exilèrent.
[7] Les premiers athlètes qui aient eu l'honneur de la
statue à Olympie, sont Piaxidamas d'Egine qui remporta le
prix du pugilat en la cinquante-neuvième olympiade, et
Rhexibius d'Opunte qui en la soixante et unième fut
couronné comme vainqueur au pancrace. Ils ne sont pas
loin de la colonne d'Oenomaüs ; leurs statues sont de bois
; celle de Rhexibius est de bois de figuier, l'autre est de bois
de cyprès et s'est mieux conservée que la
première.
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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition
de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage
complété.