[La Béotie - Orchomène - Lébadée - Chéronée]
Tardieu, 1821
XXXIV. [6] Au-delà de cette montagne, c'est
Orchomène, ville autrefois aussi illustre et aussi
florissante qu'il y en ait eu dans le reste de la Grèce ;
mais son destin a été à peu près le
même que celui de Mycènes et de Délos. Je
vais rapporter ce que l'histoire nous apprend de plus
considérable. On dit que le premier qui vint
s'établir en cette contrée fut Andréus,
fils du fleuve Pénée ; c'est pourquoi du nom de ce
premier homme elle fut appelée l'Andréïde.
Athamas y étant venu ensuite, Andréus lui donna
tout le pays qui est aux environs du mont Laphystius, avec le
canton où Haliarte et Coronée ont
été bâties. Athamas croyait qu'il ne lui
restait plus d'enfants mâles ; lui-même avait
trempé ses mains dans le sang de Léarque et de
Mélicerte ; Leucon, son troisième fils,
était mort de maladie ; enfin il ignorait que Phrixus
vécût encore ou qu'il eût des enfants. Se
croyant donc sans postérité masculine, il adopta
ses petits-neveux Coronus et Haliartus fils de Thersandre, et
petit-fils de Sisyphe ; car Athamas était propre
frère de Sisyphe. Cependant, quelque temps après,
Phrixus, selon quelques-uns, revint de Colchos, et selon
d'autres, Presbon son fils qu'il avait eu d'une fille
d'Eétès. Les enfants de Thersandre voyant des
héritiers légitimes à Athamas en la
personne de Phrixus ou de Presbon, crurent devoir le quitter de
son engagement, et abandonner l'espérance de
régner après lui. Athamas de son côté
voulant les bien traiter, leur céda une partie du pays
qu'il possédait, où dans la suite ils
bâtirent Coronée et Haliarte. Mais avant que
Phrixus fût de retour, Andréus, du consentement
d'Athamas, avait épousé Evippé, fille de
Leucon, dont il avait eu Etéocle ; ce qui n'empêcha
pas que parmi ses concitoyens, Etéocle ne passât
pour être le fils du fleuve Céphise, et de
là vient que quelques poètes lui ont donné
cette qualité. Etéocle ayant succédé
à son père souffrit que le pays retînt son
premier nom ; il établit seulement deux tribus, dont il
nomma l'une Céphissiade, et l'autre
l'Etéoclée. Il donna à Halmus fils de
Sisyphe, un petit canton, où celui-ci bâtit
quelques villages qui furent nommés les Halmons ; mais
dans la suite ce nom est resté à un seul
village.
XXXV. [1] Les Béotiens disent qu'Etéocle est le
premier qui se soit avisé de sacrifier aux Grâces ;
ils prétendent qu'il en reconnaissait trois, mais ils
ignorent les noms qu'il lui plut de leur imposer. Les
Lacédémoniens au contraire n'en connaissent que
deux, dont ils attribuent la consécration à
Lacédémon fils de Taygète, lequel, à
ce qu'ils disent, les nomma Clita et Phaenna,
dénomination fort convenable aux Grâces aussi bien
que celle que les Athéniens leur donnent.
[2] Car de toute ancienneté ces peuples ont aussi connu
deux Grâces sous les noms d'Auxo et
d'Hégémone. Pour le nom de Carpo, c'est le nom
d'une heure, je veux dire d'une saison de l'année, et
nullement d'une Grâce. L'autre heure, ou pour mieux dire,
l'autre saison est honorée par les Athéniens,
conjointement avec Pandrose, sous le nom de la déesse
Thallo.
[3] Présentement, à l'imitation d'Etéocle
l'Orchoménien, nous honorons trois Grâces. De
là vient que ces célèbres statuaires
Angélion et Tictéüs, qui ont fait l'Apollon
de Délos, et que d'autres même qui ont fait des
statues de Bacchus, ont représenté ces dieux
portant trois Grâces sur leur main. On voit aussi à
l'entrée de la citadelle d'Athènes trois
Grâces, dont le culte est accompagné de
cérémonies que l'on cache au vulgaire.
[4] Pamphus est le premier poète que je sache qui ait
chanté les Grâces, mais sans déterminer le
nombre de ces déesses et sans les appeler par leurs noms.
Homère en parle aussi, et fait l'une d'elles femme de
Vulcain. Dans un autre endroit il feint le Sommeil amoureux de
Pasithée, l'une des Grâces, et lui fait dire que
Junon lui a promis en mariage la belle Pasithée, la plus
jeune des Grâces ; d'où quelques-uns ont pris
occasion de penser qu'Homère connaissait deux sortes de
Grâces, les unes plus anciennes, les autres plus
modernes.
[5] Hésiode, dans sa Théogonie, car je
veux bien qu'on lui attribue cet ouvrage, fait les Grâces
filles de Jupiter et d'Eurynome, et les nomme Euphrosyne,
Aglaïa et Thalie. Onomacrite dit la même chose dans
ses poésies ; Antimaque n'en marque ni le nombre, ni les
noms ; il dit seulement qu'elles sont filles du Soleil et
d'Eglé. Enfin Hermésianax poète
élégiaque met la déesse Pitho au nombre des
Grâces, par un sentiment qui lui est particulier.
[6] Mais quelques recherches que j'aie faites, je n'ai pu
découvrir quel est le premier statuaire ou le premier
peintre qui a imaginé de représenter les
Grâces toutes nues. Car à Smyrne, dans le temple
des Némèses, entre plusieurs statues, on voit
celle des Grâces qui sont d'or, et que l'on sait
être de Bupalus ; et dans le lieu destiné à
la musique, on voit une Grâce peinte par Apelle. C'est
aussi Bupalus qui a fait les Grâces que l'on voit à
Pergame, dans la chambre d'Attalus.
[7] Pour celles qui sont peintes dans le temple d'Apollon
Pythius, elles sont de Pythagore de Paros. J'ai
déjà parlé de celles que l'on a mises
à l'entrée de la citadelle d'Athènes, et
qui ont été faites par Socrate fils de
Sophronisque. Or, dans tous ces monuments de l'antiquité,
les Grâces sont vêtues. Je ne sais donc pas pourquoi
les peintres et les sculpteurs qui sont venus depuis ont
changé cette manière ; car aujourd'hui et depuis
longtemps, les uns et les autres représentent les
Grâces toutes nues.
XXXVI. [1] Etéocle étant mort, le royaume passa
aux descendants d'Halmus. Mais Halmus lui-même n'avait eu
que deux filles, Chrysogénée et Chrysé. On
dit que de celle-ci et de Mars naquit un fils nommé
Phlégyas, et ce fut lui qui succéda à
Etéocle, mort sans enfants. Alors toute la contrée
changea de nom et comme elle s'appelait auparavant
l'Andréide, elle fut nommée depuis la
Phlégyade.
[2] Andréus avait déjà bâti une
ville qui portait le nom de son fondateur. Phlégyas y en
ajouta une autre, à laquelle il donna le sien, et il la
peupla de tout ce qu'il put ramasser de plus brave dans toutes
les parties de la Grèce. Il s'en forma un peuple
audacieux et inconsidéré, qui dans la suite
voulant faire un corps à part, et qui s'étant
séparé du reste des Orchoméniens, ne songea
qu'à s'agrandir aux dépens de ses voisins. Ce
peuple porta même son audace jusqu'à marcher contre
Delphes, et à vouloir piller le temple d'Apollon.
Philammon vint au secours des habitants avec une troupe
d'Argiens choisis, mais lui et les siens furent tués dans
un combat qui se donna sous les murs de Delphes.
[3] Aussi Homère nous représente-t-il les
Phlégyens comme un peuple fort belliqueux ; c'est dans
cet endroit de l'Iliade où le poète parle
du dieu Mars, et de la Terreur qui a ce dieu pour père ;
il met les Phlégyens et les Ephyriens dans le même
rang pour la valeur ; par ceux-ci je crois qu'il entend les
peuples qui habitent la Thesprotie d'Epire. Quant aux
Phlégyens, ils furent enfin exterminés par le feu
du ciel, par des tremblements de terre continuels et par la
peste : il ne s'en sauva qu'un petit nombre qui passa dans la
Phocide.
[4] Phlégyas mourut aussi sans enfants, et eut pour
successeur Chrysès fils de Neptune et de
Chrysogénée fille d'Halmus. Chrysès laissa
un fils nommé Minyas, qui donna son nom aux peuples sur
lesquels il régnait, nom qu'ils conservent encore
aujourd'hui. Ce prince eut des revenus si considérables,
qu'il surpassa tous ses prédécesseurs en richesses
; c'est le premier roi dont nous ayons connaissance, qui ait
bâti un édifice pour y déposer son
trésor.
[5] Il faut que les Grecs aient toujours plus admiré les
merveilles étrangères que celles de leur propre
pays, puisque leurs plus célèbres historiens ont
décrit les pyramides d'Egypte avec la dernière
exactitude et qu'ils n'ont rien dit du trésor royal de
Minyas, ni des murs de Tirynthe, qui n'étaient pas moins
admirables que ces pyramides.
[6] Minyas eut pour fils Orchomène. Ce fut sous le
règne de celui-ci que la capitale prit le nom
d'Orchomène, et que les habitants furent appelés
Orchoméniens, mais ils gardèrent aussi le nom de
Minyens, pour se distinguer de ces autres Orchoméniens
qui allèrent s'établir en Arcadie. Hyettus,
contraint de fuir d'Argos pour avoir tué Molurus fils
d'Arisbas qu'il avait surpris en adultère avec sa femme,
vint se réfugier auprès d'Orchomène, qui,
touché de son malheur, lui donna ce petit canton
où est aujourd'hui le village Hyettus, avec quelques
terres adjacentes.
[7] Cet événement est raconté dans ses
poésies qui ont pour titre les Femmes illustres de
l'Orient. Il y est dit qu'Hyettus après avoir
tué Molurus, l'adultère de sa femme, obligé
de quitter Argos, se retira auprès d'Orchomène
fils de Minyas, que ce héros le reçut avec
bonté, et lui fit part du riche empire qu'il
possédait.
[8] C'est le premier exemple que nous ayons d'un
adultère puni. Car Dracon le législateur des
Athéniens, vint longtemps après. Pour lui, durant
sa magistrature, il fit d'utiles ordonnances pour la
réformation des moeurs, et réprima
l'adultère par des lois très
sévères. Les Orchoméniens étaient
déjà montés à un si haut
degré de puissance et de gloire que Nélée
fils de Créthéus roi de Pylos, vint à
Orchomène pour y épouser Chloris, fille d'Amphion,
et petite-fille d'Hilasius.
XXXVII. [1] La postérité d'Halmus ne régna
pas longtemps. Orchomène n'ayant point laissé
d'enfants, le royaume passa à Clyménus fils de
Presbon, et petit-fils de Phrixus. Ce prince eut cinq fils,
Erginus, Stratius, Arrhon, Pyléüs et
Axéüs. Il périt malheureusement ; car un jour
que l'on célébrait la fête de Neptune
Onchestius, il fut tué par des Thébains avec qui
il avait pris querelle pour un fort léger sujet.
[2] Erginus l'aîné de ses fils lui succéda,
et voulant venger la mort de son père, il leva une
armée avec ses frères, vint attaquer les
Thébains, les tailla en pièces, et ne mit les
armes bas qu'à condition qu'ils lui paieraient tous les
ans un tribut par manière de satisfaction. Mais
bientôt après vint Hercule, qui s'étant fait
le protecteur des Thébains, ne tarda pas à les
affranchir de ce honteux tribut, battit les Orchoméniens
et les poussa à outrance.
[3] Erginus voyant ses sujets réduits à la
dernière extrémité, fit la paix avec
Hercule. Ensuite uniquement occupé du soin de
rétablir ses affaires et de recouvrer son ancienne
opulence, il se trouva vieux qu'il n'avait pas encore
songé à se marier. Enfin après avoir
amassé de grandes richesses il voulut avoir des enfants,
et dans ce désir il alla consulter l'oracle de
Delphes.
[4] La Pythie lui répondit en termes énigmatiques
qu'il s'en avisait bien tard, mais que cependant il pouvait
beaucoup espérer d'une jeune femme. Conformément
à cet oracle, il épousa une jeune personne, et il
en eut deux fils, Trophonius et Agamède.
[5] Quelques-uns néanmoins ont cru que Trophonius
était fils d'Apollon ; je serais moi-même assez
porté à le croire, et c'est une pensée fort
naturelle à quiconque a vu l'antre où il rend ses
oracles. Quoi qu'il en soit, on dit que Trophonius et
Agamède excellèrent l'un et l'autre dans
l'architecture, et qu'ils s'entendaient surtout admirablement
bien à bâtir des temples pour les dieux, et des
palais pour les rois. Ce furent eux qui bâtirent le temple
d'Apollon à Delphes et le trésor
d'Hyriéüs. Quant à ce dernier édifice,
en le construisant, ils y pratiquèrent un secret dont eux
seuls avaient connaissance, et par le moyen duquel, en
ôtant une pierre, ils pouvaient entrer sans que l'on s'en
aperçût. Hyriéus y ayant mis son argent,
chaque nuit ils en dérobaient quelque chose.
[6] Le trésor paraissait toujours bien fermé, on
ne voyait aucune fracture ni aux serrures ni aux portes, et
cependant l'or et l'argent d'Hyriée diminuaient sans
cesse, ce qui le mettait fort en peine. Enfin, il s'avisa de
tendre un piège auprès des grands vases qui
contenaient ses richesses. Agamède étant
entré à son ordinaire fut pris au piège ;
Trophonius voyant ce malheur arrivé, ne sut faire autre
chose que de couper la tête à son frère et
de l'emporter, afin qu'on ne pût reconnaître le
corps, et de crainte qu'Agamède ne fût le lendemain
appliqué à la question et n'avouât que
Trophonius était complice du vol. Telle fut la fin
d'Agamède.
[7] Pour Trophonius, on dit que la terre s'étant ouverte
sous ses pieds, il fut englouti tout vivant dans cette fosse que
l'on nomme encore aujourd'hui la fosse d'Agamède, et qui
se voit dans le bois sacré de Lébadée, avec
une colonne que l'on a élevée au-dessus.
Ascalaphus et Ialménus régnèrent
après eux. On assure qu'ils étaient fils de Mars
et d'Astyoche fille d'Actor, petite-fille d'Axéüs,
et arrière-petite-fille de Clyménus. Ce fut de
leur temps et sous leur conduite que les Orchoméniens
allèrent au siège de Troie.
[8] Et lorsque les fils de Codrus firent voile en Ionie pour y
aller établir des colonies grecques, les
Orchoméniens eurent aussi part à cette
expédition. Ensuite chassés d'Orchomène par
les Thébains, ils y furent rétablis par Philippe
fils d'Amyntas. Mais depuis ils ont toujours eu la fortune
contraire.
XXXVIII. [1] Ces peuples ont un temple de Bacchus et un autre
fort ancien, consacré aux Grâces. Ils conservent
avec beaucoup de religion je ne sais quelles pierres qu'ils
disent être tombées du ciel et avoir
été ramassées par Etéocle. Car pour
les statues de marbre que l'on y voit, elles y ont
été mises de mon temps.
[2] Ils ont aussi une très belle fontaine où il
faut descendre pour puiser de l'eau. Quant au trésor de
Minyas, c'est une des merveilles de la Grèce, et un
édifice aussi superbe qu'il y en ait dans tout le reste
du monde. Il est tout de marbre ; c'est une espèce de
rotonde dont la voûte se termine insensiblement en pointe,
et l'on dit que la pierre la plus exhaussée de
l'édifice est celle qui en règle toute la
symétrie et la proportion.
[3] On voit aussi à Orchomène le tombeau de
Minyas et celui d'Hésiode, dont ces peuples ont recueilli
les cendres par ordre de l'oracle. Car la peste ayant
causé dans leur pays une grande mortalité parmi
les hommes et parmi les bestiaux, ils envoyèrent
consulter l'oracle par des gens de confiance, à qui la
Pythie répondit que le seul remède à leurs
maux était de transporter chez eux les os
d'Hésiode, qui étaient sans honneur dans un coin
de terre près de Naupacte, qu'ils eussent donc à
les chercher, et qu'une corneille leur indiquerait l'endroit
où ils étaient.
[4] Ces envoyés étant allés du
côté de Naupacte, ils aperçurent assez
près du grand chemin une corneille sur une roche ; ne
doutant pas que ce ne fût le lieu de la sépulture
d'Hésiode, ils creusèrent la terre sous cette
roche et trouvèrent en effet les os d'Hésiode,
qu'ils apportèrent à Orchomène, où
ils furent mis dans un tombeau et honorés d'une
épitaphe dont voici le sens : La fertile Ascra fut la
patrie d'Hésiode, et les braves Orchoméniens sont
ceux qui ont recueilli ses cendres. Quiconque a du discernement
et du goût connaît le mérite de ce
poète, dont le nom est célèbre dans toute
la Grèce.
[5] Si nous en croyons les Orchoméniens, on voyait
autrefois le fantôme d'Actéon sur une roche, et ce
spectre causait beaucoup de mal et d'effroi dans le pays. Pour
en être délivrés, ils consultèrent
l'oracle de Delphes, qui leur conseilla de chercher quelque
reste de la dépouille mortelle d'Actéon et de le
couvrir de terre. Il leur conseilla aussi de faire faire en
bronze l'image de ce spectre, et de l'attacher à la roche
avec des liens de fer. Ils suivirent ce conseil, et j'ai vu
cette statue qui représente le spectre d'Actéon,
attaché à une grosse roche.
[6] Sept stades au-delà d'Orchomène, on voit un
temple d'Hercule, où il y a une statue de grandeur
médiocre. La rivière de Mélas a sa source
en ce lieu-là ; cette rivière se jette dans le lac
Céphise, qui couvre une grande étendue de pays et
qui même l'hiver, surtout par le vent du midi, inonde
toute la campagne.
[7] Les Thébains disent qu'autrefois le fleuve
Céphise allait tomber dans la mer par des routes
souterraines qu'il s'était faites sous les montagnes ;
ils ajoutent qu'Hercule boucha ces conduits, ce qui fit refluer
le fleuve dans le pays des Orchoméniens. Mais
Homère connaissait un lac Céphise qui ne pouvait
être l'ouvrage d'Hercule quand il parle des
Orchoméniens, c'est, dit-il, un peuple qui habite aux
environs du lac Céphise.
[8] D'ailleurs quelle apparence que les Orchoméniens
eussent laissé subsister un ouvrage qui leur était
si préjudiciable, et que ne pouvant faire reprendre au
fleuve Céphise son premier cours, ils ne l'eussent pas
fait ? Car dès le temps de la guerre de Troie, ils
étaient assez puissants pour venir à bout de cette
entreprise. Nous en avons une preuve dans la réponse
d'Achille aux députés d'Agamemnon, lorsqu'il leur
dit : Non, quand vous m'offririez tout ce qui s'apporte de
richesses à Orchomène. D'où l'on peut
juger que ces peuples ne manquaient pas d'argent.
[9] Asplédon était une autre ville du pays ; on
dit qu'elle fut abandonnée par ses habitants à
cause de la disette d'eau ; elle était ainsi
appelée du nom d'Asplédon fils de Neptune et de la
nymphe Midée, comme le témoigne Chersias,
poète natif d'Orchomène.
[10] Il y a longtemps que les poésies de Chersias ne
subsistent plus ; mais Callippe dans son histoire des
Orchoméniens nous a conservé quelques-uns de ses
vers, qui confirment ce que je dis. On lui attribue aussi
l'épitaphe qui est sur le tombeau d'Hésiode.
XXXIX. [1] Du côté des montagnes les
Orchoméniens confinent aux Phocéens, et du
côté de la plaine ils s'étendent
jusqu'à Lébadée. Cette ville était
autrefois sur une hauteur et s'appelait Midée, du nom de
la mère d'Asplédon. Un Athénien
nommé Lébadus étant venu en cette ville,
persuada aux habitants de descendre dans la plaine et leur
bâtit une ville à laquelle il donna son nom. Du
reste on ne dit point qui était son père, ni
pourquoi il était venu dans ce pays ; on sait seulement
que sa femme s'appelait Nicé.
[2] Lébadée est une ville aussi ornée
qu'il y en ait dans toute la Grèce. Le bois sacré
de Trophonius n'en est que fort peu éloigné. On
dit qu'un jour Hercine, jouant en ce lieu avec la fille de
Cérès, laissa échapper une oie qui faisait
tout son amusement ; cette oie alla se cacher dans un antre,
sous une grosse pierre ; Proserpine, ayant couru après
l'attrapa, et de dessous la pierre où était
l'animal, on vit aussitôt couler une source d'eau,
d'où se forma un fleuve qui à cause de cette
aventure eut aussi nom Hercine.
[3] On voit encore aujourd'hui sur le bord de ce fleuve un
temple dédié à Hercine et dans ce temple la
statue d'une jeune fille qui tient une oie avec ses deux mains.
L'antre où ce fleuve a sa source est orné de deux
statues qui sont debout et qui tiennent une espèce de
sceptre avec des serpents entortillés à l'entour ;
de sorte qu'on les prendrait pour Esculape et Hygéïa
; mais peut-être que c'est Trophonius et Hercine, car les
serpents ne sont pas moins consacrés à Trophonius
qu'à Esculape. On voit aussi sur le bord du fleuve le
tombeau d'Arcésilas, dont on dit que les cendres furent
rapportées de Troie par Léitus.
[4] Dans le bois sacré voici ce qu'il y a de plus
curieux à voir ; premièrement le temple de
Trophonius avec sa statue qui est un ouvrage de Praxitèle
; cette statue, aussi bien que la première dont j'ai
parlé, ressemble à celle d'Esculape. En second
lieu le temple de Cérès surnommée Europe,
et une statue de Jupiter le pluvieux, qui est exposée aux
injures du temps. En descendant, et sur le chemin qui conduit
à l'oracle, on trouve deux temples, l'un de Proserpine
Conservatrice, l'autre de Jupiter Roi ; celui-ci est
demeuré imparfait, soit à cause de son excessive
grandeur, soit à cause des guerres qui sont survenues et
qui n'ont pas permis de l'achever ; dans l'autre on voit un
Saturne, un Jupiter et une Junon. Apollon a aussi là son
temple.
[5] Voici maintenant ce que l'on observe quand on va consulter
l'oracle de Trophonius. Quiconque veut descendre dans son antre
est obligé de passer quelques jours dans une chapelle
dédiée au bon Génie et à la Fortune.
Il emploie ce temps à se purifier par l'abstinence de
toutes les choses illicites, et par l'usage du bain froid ; car
le bain chaud lui est interdit ; il ne peut se laver que dans
l'eau du fleuve Hercine. Il se nourrit de la chair des victimes,
qui ne lui est pas épargnée et dont il fait
lui-même les frais ; car il est obligé de sacrifier
à Trophonius et à ses enfants, de plus à
Apollon, à Saturne, à Jupiter Roi, à Junon
Héniocha, et à Cérès
surnommée Europe, que l'on dit avoir été la
nourrice de Trophonius.
[6] Un devin sur l'inspection des entrailles juge si Trophonius
agrée le sacrifice, et s'il est disposé à
rendre ses oracles. Mais les entrailles les plus sûres
sont celles d'un bélier que l'on immole sur la fosse
d'Agamède, la nuit même que 1'on veut descendre
dans l'antre. Les autres victimes, quelque espérance que
l'on en ait conçue, sont comptées pour rien, si ce
bélier n'est tel que l'on en puisse tirer un augure aussi
favorable. Alors, on descend sans crainte et l'on se promet un
heureux succès. Voici néanmoins quelques
cérémonies qui se pratiquent auparavant.
[7] Cette même nuit on vous mène sur le bord du
fleuve Hercine ; là deux enfants de la ville
âgés de treize ans vous frottent d'huile, vous
lavent et vous nettoient ; on les nomme des Mercures ; ces
jeunes ministres vous rendent tous les services
nécessaires autant qu'ils en sont capables. Ensuite
viennent des prêtres qui vous conduisent auprès de
deux fontaines voisines l'une de l'autre.
[8] L'une se nomme la fontaine de Léthé et
l'autre la fontaine de Mnémosyne. On vous fait boire
d'abord à la première, afin que vous perdiez le
souvenir de tout le passé ; puis à la seconde,
afin que vous puissiez conserver la mémoire de tout ce
que vous devez voir ou entendre dans l'antre. Après ces
préparations on vous montre la statue du dieu faite par
Dédale ; car c'est un privilège
réservé uniquement à ceux qui viennent
consulter l'oracle. Vous faites vos prières devant cette
statue, et ensuite vous marchez vers l'antre, vêtu d'une
tunique de lin ornée de bandelettes et chaussé
à la manière du pays.
[9] Cet antre est dans une montagne au-dessus d'un bois
sacré ; une balustrade de marbre blanc règne tout
à l'entour ; cette balustrade n'a pas deux coudées
de haut et l'espace contenu au-dedans forme une très
petite place. On a élevé sur la balustrade des
obélisques de bronze qui sont comme attachés par
un cordon de même métal. La porte d'entrée
est au milieu de ces obélisques. Au-dedans de l'enceinte
il y a une ouverture qui ne s'est pas faite d'elle-même,
comme il arrive quelquefois, mais que l'art a pratiquée
avec beaucoup d'industrie, et avec une sorte de proportion ; car
vous diriez un four creusé sous terre.
[10] Cette espèce de four peut avoir environ quatre
coudées de largeur ou de diamètre, et quelque huit
coudées de hauteur ; mais il n'y a point de marches pour
y descendre. Quand vous y voulez entrer, on vous apporte une
échelle fort étroite et fort légère.
Vous descendez premièrement dans une fosse qui est entre
le rez-de-chaussée et la caverne. Cette fosse a deux
empans de largeur, et un empan de hauteur.
[11] Vous tenez en la main une espèce de pâte
pétrie avec du miel, et vous vous glissez dans la fosse
en y passant d'abord les pieds, puis les genoux, et
lorsqu'à force de peine vous avez enfin passé tout
le corps, vous vous sentez emporté dans le fond de
l'antre avec autant de rapidité que si c'était un
grand fleuve qui vous entraînât. C'est alors que
l'avenir vous est révélé en plus d'une
manière ; car ou vous voyez ou vous entendez. Lorsque
votre curiosité est satisfaite, vous remontez par le
même chemin et avec la même peine en passant les
pieds les premiers comme vous avez fait pour descendre.
[12] On dit que, de tous ceux qui jusqu'ici sont descendus dans
l'antre de Trophonius, aucun n'y est mort, si ce n'est un
satellite de Démétrius qui avait
négligé les cérémonies
usitées en l'honneur du dieu, et de plus était
venu moins pour consulter l'oracle que pour emporter l'or et
l'argent qu'il croyait trouver en ce lieu. Son corps fut
jeté hors de l'antre, non par cette ouverture
sacrée par laquelle on descend mais par une autre issue.
On raconte bien d'autres choses de cet impie, mais je m'en tiens
à ce qui m'a paru de plus vraisemblable.
[13] Quand vous êtes sorti de l'antre, les prêtres
vous font asseoir sur le trône de Mnémosyne, qui
est auprès. Ils vous demandent ce que vous avez vu ou
entendu, et après que vous leur en avez rendu compte, ils
vous mettent entre les mains de gens commis pour avoir soin de
vous. Ces gens vous reportent dans la chapelle de la bonne
fortune et du bon génie. Vous êtes là
quelque temps à reprendre vos esprits, car au sortir de
l'antre vous êtes si troublé qu'il semble que vous
ayez perdu toute connaissance ; mais peu à peu vous
revenez à vous, et vous vous retrouvez dans votre
état naturel.
[14] Ce que j'écris ici n'est pas fondé sur un
simple ouï-dire, je rapporte ce que j'ai vu arriver aux
autres et ce qui m'est arrivé à moi-même ;
car pour m'assurer de la vérité j'ai voulu
descendre dans l'antre et consulter l'oracle. Tous ceux qui vont
le consulter sont obligés à leur retour
d'écrire sur un tableau tout ce qu'ils ont vu ou entendu.
J'ai déjà dit que l'on garde dans cet antre le
bouclier d'Aristomène, et je n'ai rien laissé
à dire sur cet article.
XL. [1] L'oracle de Trophonius était autrefois
ignoré dans la Béotie, et voici comment il devint
célèbre. Le pays fut affligé d'une si
grande sécheresse qu'en deux ans il n'y était pas
tombé une goutte de pluie. Dans cette calamité,
les Béotiens envoyèrent à Delphes des
députés de chaque ville pour consulter l'oracle
d'Apollon. Ces députés étant venus demander
du remède à leurs maux, la Pythie leur
répondit que c'était de Trophonius qu'il en
fallait attendre, et qu'ils allassent le chercher à
Lébadée.
[2] Ils obéirent, mais comme ils ne pouvaient trouver
d'oracle en cette ville, Saon, le plus âgé d'eux
tous, aperçut un essaim de mouches à miel, et
observa de quel côté il tournait. Il vit que ces
abeilles volaient vers un antre ; il les y suivit et il
découvrit ainsi l'oracle. On dit que Trophonius
l'instruisit lui-même de toutes les
cérémonies de son culte et de la manière
dont il voulait être honoré.
[3] Les Béotiens ont deux statues faites par
Dédale, savoir, un Hercule qui est à
Thèbes, et le Trophonius que l'on voit à
Lébadée. Il y en a deux autres en Crète,
une Britomartis qui est à Olunte, et une Minerve qui est
à Gnosse, où l'on conserve aussi ce choeur de
danses dont il est parlé dans l'Iliade
d'Homère, et que Dédale fit pour Ariane ; c'est un
ouvrage en marbre blanc. Je connais encore à Délos
une Vénus du même ouvrier ; c'est une petite statue
de bois, dont la main droite est fort endommagée par le
temps, et qui se termine en gaine, car elle n'a point de
pieds.
[4] Je crois qu'Ariane avait reçu de Dédale cette
statue et qu'elle l'apporta avec elle lorsqu'elle suivit
Thésée. Les habitants de Délos disent que
Thésée après avoir perdu sa maîtresse
consacra cette statue à Apollon, de crainte qu'en la
portant à Athènes, elle ne lui rappelât sans
cesse le souvenir d'Ariane et ne le rendît malheureux.
Voilà toutes les statues qui nous sont restées de
Dédale. Car pour ces monuments qui furent
consacrés par les Argiens dans le temple de Junon, et ces
autres qui avaient été transférés
d'Omphace, ville de Sicile, à Géla, le temps les a
entièrement détruits.
[5] Chéronée est la ville la plus proche de
Lébadée. Elle s'appelait autrefois Arné, du
nom d'une fille d'Eole qui bâtit encore une autre ville de
son nom en Thessalie ; mais Chéron, dans la suite, donna
le sien à la première, qui depuis s'est toujours
appelée Chéronée. On dit que ce
Chéron était fils d'Apollon et de Théro,
fille de Phylas ; et c'est ce que témoigne aussi l'auteur
du poème sur les Femmes illustres de
l'Orient.
[6] Phylas, dit-il, épousa la fille du grand
Iolas, la charmante Déïphile qui égalait les
déesses en beauté. Il en eut deux enfants,
Hippotès et Théro, qui belle comme Diane, sut
charmer Apollon, d'où naquit Chéron, si
célèbre en l'art de dompter un cheval. Je suis
persuadé que du temps d'Homère, les villes de
Chéronée et de Lébadée s'appelaient
déjà ainsi ; mais ce poète, qui ne
l'ignorait pas, a pourtant mieux aimé les appeler par
leurs anciens noms, de la même manière que pour
dire le Nil, il a dit le fleuve d'Egypte.
[7] Dans la plaine de Chéronée, on voit deux
trophées qui ont été érigés
par les Romains et par Sylla pour une victoire remportée
sur Taxile, général de l'armée de
Mithridate. Quant à Philippe fils d'Amyntas, il n'en a
érigé aucun, ni à Chéronée ni
ailleurs, pour quelque victoire que ce fût. Ce
n'était pas la coutume des Macédoniens d'attester
leurs victoires par cette sorte de monuments.
[8] Leurs annales nous apprennent même que Caranus, l'un
de leurs rois, après avoir défait Cisséus,
petit prince dont l'état était voisin de la
Macédoine, fit élever un trophée à
l'exemple des Argiens et qu'aussitôt un lion, sorti de la
forêt du mont Olympe, était venu le
renverser.
[9] L'histoire ajoute que Caranus comprit par là qu'il
n'avait pas agi sagement en donnant aux barbares de son
voisinage un juste sujet de le haïr à jamais, et que
depuis ce temps-là, Caranus et ses successeurs
s'étaient bien gardés d'ériger aucun
trophée, dans la crainte de se faire un ennemi
irréconciliable d'un peuple vaincu. Ce qui confirme cette
remarque, c'est la conduite d'Alexandre qui, ni pour ses
victoires remportées sur Darius, ni pour ses
conquêtes dans les Indes, n'éleva jamais aucun
trophée.
[10] Près de Chéronée vous verrez la
sépulture de ces braves Thébains qui
périrent en combattant contre Philippe. Ils n'ont point
d'épitaphe ; on s'est contenté de mettre un lion
sur leur tombeau, apparemment pour marque de leur courage, et
l'on y a point mis d'épitaphe, parce que la fortune
n'avait pas secondé leur valeur.
[11] La principale divinité des Chéronéens
est ce sceptre célébré par Homère,
que Vulcain avait fait pour Jupiter, et qui passa de Jupiter
à Mercure, de Mercure à Pélops, de
Pélops à Atrée, d'Atrée à
Thyeste et de Thyeste à Agamemnon. Ils
révèrent particulièrement ce sceptre, et le
nomment la lance. On est tenté de croire qu'il a
en effet quelque chose de divin, quand on considère la
gloire qui a rejailli sur ceux par les mains de qui il a
passé.
[12] Les Chéronéens assurent qu'il fut
trouvé avec beaucoup d'or entre Chéronée et
Panope, ville de la Phocide sur les confins des deux
états, et qu'ils abandonnèrent volontiers l'or aux
Phocéens, à condition que le sceptre leur
demeurerait. Il y a bien de l'apparence qu'il fut apporté
dans la Phocide par Electre fille d'Agamemnon. On n'a point
bâti de temple public à cette espèce de
divinité ; mais chaque année un prêtre a
soin de garder ce sceptre dans sa maison, où tous les
jours on lui fait des sacrifices, et on lui offre toute sorte de
viandes et de confitures.
XLI. [1] De tous les ouvrages de Vulcain vantés par les
poètes et la renommée, il n'y en a certainement
point de si célèbre ni qui mérite tant
d'honneur que le sceptre dont je viens de parler. Les Lyciens
prétendent avoir dans le temple d'Apollon à
Patares, une coupe de bronze qu'ils disent être un
présent de Téléphus et un ouvrage de
Vulcain. Il ne faut pas s'étonner qu'ils ignorent que ce
sont Théodore et Rhoecus, tous deux de Samos, qui les
premiers ont trouvé l'art de fondre ce
métal.
[2] Les habitants de Patra dans l'Achaïe attribuent aussi
à Vulcain un certain coffre qu'ils gardent, disent-ils,
et qu'Eurypyle apporta de Troie ; mais ce coffre, ils ne le
montrent point. A Amathunte, ville de Chypre, il y a un ancien
temple de Vénus et d'Adonis où l'on conserve un
collier fait, dit-on, par Vulcain, et qui fut donné en
premier lieu à Harmonie, bien qu'on l'appelle
communément le collier d'Eriphyle, parce que celle-ci
l'accepta et que gagnée par ce présent, elle se
porta à trahir son mari. Les fils de
Phégéüs firent de ce collier une offrande
à Apollon dans le temple de Delphes. Comment il tomba
entre leurs mains, c'est ce que j'ai suffisamment
expliqué dans mes mémoires sur l'Arcadie. Il fut
ensuite enlevé par les tyrans de la Phocide, qui
pillèrent le temple.
[3] Mais pour moi, je ne crois point que le collier qui
était dans le temple d'Adonis à Amathunte,
fût le collier d'Eriphyle ; car celui d'Amathunte
était en pierres précieuses garnies d'or, et
Homère parle de l'autre, comme d'un collier purement d'or
: Cette cruelle, dit-il, sacrifia son mari pour un
collier d'or. On ne peut pas dire que ce poète
ignorait qu'il y eût des colliers de plusieurs
façons, les uns tout unis, les autres enrichis de pierres
précieuses.
[4] Car lui-même dans l'entretien qu'Ulysse a avec
Eumée avant que Télémaque fût revenu
de Pylos, il met ces paroles dans la bouche d'Eumée :
Un marchand phénicien, homme fin et adroit, entra dans le
palais de mon père, comme pour vendre un beau collier
d'ambre garni d'or.
[5] Et quand il parle des présents faits à
Pénélope par ses amants, il dit qu'Eurymaque entre
autres lui donna un collier d'un rare artifice, où
l'ambre et l'or brillaient comme le soleil. Mais pour le collier
d'Eriphyle, il ne dit point qu'il fût d'or et de pierres
précieuses. D'où je conclus que de tous les
ouvrages de Vulcain, le sceptre que l'on garde à
Chéronée est le seul qui nous soit
resté.
[6] Au-dessus de la ville il y a un endroit fort
escarpé, qu'ils nomment Pétrarque, et où
ils disent que Rhéa trompa Saturne, en lui
présentant une pierre au lieu du petit Jupiter qu'elle
avait mis au monde. On voit sur le sommet de la montagne une
statue de Jupiter de moyenne grandeur.
[7] Il se fait à Chéronée une
espèce d'onguent composé de roses, de lys, de
narcisse et d'iris, qui est très bon pour les douleurs de
rhumatisme. Il s'en fait encore un autre avec des roses, qui
défend le bois contre les vers et contre la pourriture ;
et l'on en frotte les statues pour les conserver. L'iris est une
plante qui naît dans les marécages ; elle est
à peu près de la grandeur du lys, mais la fleur
n'en est ni si blanche, ni d'une odeur si forte.
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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition
de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage
complété.