V, 4 - Le Picenum et la Campanie

Carte Spruner (1865)

1. On a vu qu'après avoir décrit tout d'abord la région subalpine de l'Italie, et, avec cette région, la partie adjacente de l'Apennin, nous avions franchi sans nous arrêter ces montagnes et parcouru jusqu'à la frontière du Samnium et de la Campanie, toute la région cisapennine, autrement dit l'espace compris entre la mer Tyrrhénienne et la partie de l'Apennin qui s'écarte vers l'Adriatique ; il nous faut donc maintenant revenir sur nos pas pour faire connaître la chaîne même de l'Apennin, tant ce qui se trouve au coeur de la montagne que ce qui appartient à ses deux versants, au versant extérieur ou versant de l'Adriatique aussi bien qu'au versant intérieur. A cet effet, reprenons encore une fois de la frontière de la Cisalpine.

2. La contrée qui succède immédiatement aux dernières villes de l'Ombrie comprises entre Ariminum et Ancône est le Picenum. Les Picentins sont sortis de la Sabine. Suivant la tradition, un pivert aurait servi de guide aux chefs qui les conduisaient ; de là leur nom, car le pivert dans leur langue s'appelle picus et ils le considèrent comme l'oiseau sacré de Mars. Le territoire qu'ils occupent et qui, partant de la montagne, se prolonge jusque dans la plaine, voire jusqu'aux rivages de la mer, se trouve être plus étendu en longueur qu'en largeur. Le sol y est propre à toute espèce de culture, plus favorable cependant aux arbres fruitiers qu'aux céréales. Des montagnes à la mer, c'est-à-dire dans le sens de la largeur, la distance varie beaucoup ; mais on trouve 800 stades juste pour la longueur en mesurant par mer la distance du fleuve Aesis à Castrum. - En fait de villes, le pays nous offre d'abord Ancône : d'origine grecque (car elle fut fondée par des Syracusains qui fuyaient la tyrannie de Denys), cette ville est située sur un promontoire qui, en se recourbant vers le nord, décrit l'enceinte d'un port. Ses environs produisent d'excellent vin et une grande quantité de blé. Tout près d'Ancône, mais un peu au-dessus de la mer, est la ville d'Auxume, puis viennent Septempeda, Pneuentia, Potentia et Firmum Picenum. Castellum sert de port à cette dernière. Cyprae Fanum, qui suit, fut fondé, ou, pour mieux dire, dédié par les Tyrrhéniens, qui, sous ce nom de Cypra, honorent la déesse Junon. A cette ville succèdent le fleuve Truentinus, avec une ville de même nom, puis Castrum-Novum et le fleuve Matrinus, qui vient d'Adria et nous offre [à son embouchure] une petite ville, appelée aussi Matrinus, laquelle sert de port à Adria. Adria, du reste, n'est pas la seule ville qui soit située dans l'intérieur des terres ; on y remarque aussi Aselum ou Asculum Picenum, lieu déjà très fort [par la disposition de la colline] sur laquelle s'élèvent ses murs, mais qui l'est rendu plus encore par cette circonstance que les montagnes environnantes sont absolument impraticables pour une armée. Au-dessus du Picenum s'étend le territoire occupé par les Vestins, les Pélignes, les Marrucins et les Frentans, nation saunitique ou samnite. Ce territoire est situé tout entier dans la montagne et ne touche à la mer que par un étroit espace. Les montagnards qui l'occupent ne forment à vrai dire que de très petites nations ; mais il n'y a pas de peuple au monde plus courageux. Les Romains ont eu souvent occasion d'en juger par eux-mêmes, et dans une première guerre qu'ils leur firent, et dans les différentes campagnes où ils les eurent ensuite pour auxiliaires, et, en troisième lieu, quand ces peuples, fatigués de demander toujours, sans pouvoir les obtenir, la liberté et le droit de cité romaine, renoncèrent à l'alliance de Rome et ne craignirent pas d'allumer cette fameuse guerre Marsique. On les vit alors substituer à Rome, comme métropole commune des nations Ilaliotes et sous le nom nouveau d'Italica, le chef-lieu même du territoire des Pélignes, Corfinium, faire de cette ville leur place d'armes, s'y réunir en assemblée générale, y nommer les consuls, les préteurs de la ligue, rester ensuite deux ans en lutte ouverte avec Rome et finir par lui arracher cette communauté de droits, unique objet de la guerre. Ajoutons que la guerre Marsique a été appelée de la sorte à cause du peuple qui l'avait commencée, à cause surtout du Marse Pompaedius. Ces peuples n'habitent guère que des bourgs ; ils possèdent pourtant aussi quelques villes, notamment, dans l'intérieur, Corfinium, Sulmum, Maruvium et Teatea, capitale des Marrucins. Les autres villes sont sur la côte même : Aternum, la première, touche à la frontière du Picenum et porte le nom du fleuve qui sépare les Vestins des Marrucins. Ledit fleuve vient des environs d'Amiternum, traverse tout le territoire des Vestins et laisse à droite les Marrucins, lesquels habitent au-dessus des Pélignes : il y a, du reste, un pont qui permet de passer aisément d'une rive à l'autre. Bien que situé sur le territoire des Vestins, Aternum sert de port en même temps aux Pélignes et aux Marrucins. Le pont en question est à 24 stades de Corfinium. A Aternum, le long de la côte, succèdent le port des Frentans, Ortôn, et une autre ville, Buca, qui appartient au même peuple et dont le territoire confine à celui de Teanum Apulum. Entre Ortôn et Aternum le fleuve Sagrus forme la limite commune aux Frentans et aux Pélignes. - Du Picenum à la frontière de l'Apulie, ou, pour parler comme les Grecs, à la frontière de la Daunie, le trajet en rangeant la côte mesure 490 stades.

3. Les pays qui font suite immédiatement au Latium sont : 1° le long de la mer, la Campanie ; 2° au-dessus de la Campanie, le Samnium, lequel s'avance dans l'intérieur jusqu'à la frontière des Frentans et des Dauniens ; 3° la Daunie même et les pays qui en forment le prolongement jusqu'au détroit de Sicile. Parlons d'abord de la Campanie. - A partir de Sinuessa, la côte jusqu'à Misène forme un premier golfe déjà fort grand ; puis elle recommence, passé Misène et jusqu'à l'Athenaeum, à se creuser de nouveau, formant ainsi, entre ces deux caps, un second golfe encore plus grand que le précédent, et que l'on nomme le Crater. Juste au-dessus du littoral de ces deux golfes, se déploie une plaine d'une fertilité incomparable, et qu'entourent, avec de riantes collines, les hautes montagnes des Samnites et des Osques : c'est là toute la Campanie. S'il faut en croire Antiochus, cette contrée aurait eu pour premiers habitants les Opiques ou Ausones. Les deux noms, on le voit, ne désignaient dans la pensée de cet auteur qu'un seul et même peuple. Polybe, au contraire, indique clairement qu'il entendait sous ces noms deux peuples distincts, quand il dit que la plaine qui borde le Crater était occupée, dans le principe, par les Opiques et les Ausones. Suivant d'autres, la domination des Ausones en ce pays n'aurait fait que succéder à celle des Opiques ; puis, le pays aurait passé aux mains d'une tribu appartenant à la nation des Osques, que les Cumaeens auraient ensuite supplantée, mais pour se voir eux-mêmes évincés par les Tyrrhènes, toutes les populations guerrières de l'Italie s'étant naturellement disputé la possession d'une plaine aussi fertile. Les mêmes auteurs nous disent que les Tyrrhènes, une fois maîtres du pays, y fondèrent douze villes, une, entre autres, appelée Capua (Capoue), comme qui dirait la ville capitale, mais que l'excès du bien-être avait fini par jeter tout ce peuple dans la mollesse et qu'il avait dû se retirer alors de la Campanie, comme autrefois des bords du Pô, abandonnant, le pays aux Samnites, qui, eux-mêmes, dans la suite, s'en étaient vu chasser par les Romains. Pour qu'on puisse mieux juger de cette fertilité de la Campanie, j'ajouterai que c'est elle qui produit le plus beau grain connu, j'entends ce pur froment dont on fait l'alica (chondros), sorte de gruau supérieur au riz, supérieur même, on peut dire, à toutes les substances alimentaires qui se tirent des céréales. Quelques auteurs rapportent aussi que, dans certaines parties des plaines de la Campanie, il se fait chaque année deux récoltes d'épeautre, une troisième récolte de panis, parfois même une quatrième récolte de légumes. C'est de la Campanie, qui plus est, que les Romains tirent leurs meilleurs vins, le Falerne, le Statane et le Galène, sans compter le Sorrentin, qui commence à se poser en rival de ces grands vins depuis qu'il a été prouvé, par de récentes expériences, qu'il pouvait, comme les autres, se garder de longues années. Enfin dans tout le canton de Vénafre, contigu aux mêmes plaines, l'huile qu'on récolte a la même supériorité.

4. La côte de Campanie à partir de Sinuessa nous offre les villes suivantes. Liternum, où s'élève le tombeau du grand Scipion dit le premier Africain (dégoûté des affaires publiques par des haines ou inimitiés personnelles, Scipion vint en effet finir ici ses jours), Liternum est situé sur une rivière de même nom. Le Vulturne porte également le nom d'une ville bâtie sur ses bords et qui fait suite à Sinuessa : ce fleuve, le même que celui qui passe à Vénafre, traverse toute la Campanie. A ces deux villes succède celle de Cume ou de Cymé, fondée par les Chalcidéens et les Cumaeens, et cela à une époque évidemment très reculée, puisqu'elle est reconnue pour la plus ancienne de toutes les colonies [grecques] de la Sicile et de l'Italie. Les chefs de l'expédition, Hippoclès de Cume et Mégasthène de Chalcis, étaient convenus entre eux que des deux peuples fondateurs un seul posséderait la nouvelle ville, mais que l'autre aurait l'honneur de lui donner son nom. Et voilà comme il se fait qu'aujourd'hui ladite ville porte le nom de Cume en même temps qu'elle passe pour une colonie de Chalcis. Dès les premiers temps de sa fondation, du reste, on vantait sa richesse et celle des campagnes environnantes, de ces fameux champs Phlégréens, dont la fable a fait le théâtre du combat des Géants, en souvenir apparemment des luttes auxquelles avait donné lieu la possession de terres aussi fertiles. Mais, plus tard, Cume tomba au pouvoir des Campaniens et il n'est sorte de violences et d'outrages que les Grecs, ses habitants, n'aient eu alors à endurer, jusqu'à voir passer leurs femmes dans les bras de leurs vainqueurs. On y retrouve néanmoins aujourd'hui même beaucoup de vestiges de l'organisation primitive, maints usages, religieux et autres, d'origine évidemment grecque. Quelques auteurs dérivent ce nom de Cume du mot grec kumata, qui signifie vagues, la côte sur ce point étant effectivement hérissée de rochers et toujours battue par les vents. Ajoutons que le lieu est particulièrement favorable à la pêche du thon. Tout au fond du golfe s'étend un terrain aride et sablonneux, couvert, sur un espace de plusieurs stades, d'arbustes et de broussailles, et connu sous le nom de Forêt gallinarienne : à l'époque où Sextus Pompée souleva la Sicile contre Rome, c'est là que ses lieutenants avaient réuni les équipages recrutés pour lui parmi tous les bandits de l'Italie.

5. Le cap Misène est à une faible distance de Cume ; mais il y a encore entre deux le lac Achérusien, sorte de bas fond marécageux habituellement couvert par les eaux de la mer. Au pied même du cap Misène, tout de suite après avoir doublé ce cap, on voit s'ouvrir un port, puis le rivage se creuse de nouveau et plus profondément pour former le golfe sur les bords duquel se trouvent Baies et ces sources thermales devenues le rendez-vous des voluptueux aussi bien que des malades. A Baies succèdent le golfe Lucrin, et, plus intérieurement, le golfe Averne qui fait une véritable presqu'île de tout l'espace compris entre Misène et la ligne oblique tirée depuis ses rivages jusqu'à Cume, vu qu'il ne reste plus [pour relier cet espace de terre au continent] que l'isthme, large à peine de quelques stades, sous lequel passe la route souterraine qui va de l'Averne à Cume et à la mer. Les anciens interprètes de la fable ont placé sur les bords de l'Averne la fameuse scène de l'Evocation des Morts ou de la Necyomantie de l'Odyssée : ils affirment qu'il existait là très anciennement un Oracle de ce genre, un necyomanteum, et qu'Ulysse était venu le consulter. En réalité, l'Averne est un golfe extrêmement profond jusque près de ses bords, très étroit aussi d'ouverture et qui offre, en outre, les dimensions et la disposition générale d'un port, sans qu'on puisse jamais cependant l'affecter d'une manière utile à un service de cette nature, vu qu'il se trouve séparé de la mer par le Lucrin, autre golfe de grande dimension et tout semé de bas-fonds. Il y a de plus autour de l'Averne une ceinture de hautes montagnes, interrompue seulement là où est l'entrée. Les flancs de ces montagnes, que nous voyons aujourd'hui défrichés et cultivés, étaient couverts anciennement d'une végétation sauvage, gigantesque, impénétrable, qui répandait sur les eaux du golfe une ombre épaisse, rendue plus ténébreuse encore par les terreurs de la superstition. Les gens du pays ajoutaient d'ailleurs ce détail fabuleux qu'aucun oiseau ne pouvait passer au-dessus du golfe sans y tomber aussitôt asphyxié par les vapeurs méphitiques qui s'en exhalent, comme il arrive dans les lieux connus sous le nom de Plutonium. L'Averne n'était même à leurs yeux qu'un de ces Plutonium, et précisément celui auprès duquel la tradition place la demeure des anciens Cimmériens. Si cependant quelqu'un voulait à toute force pénétrer dans le golfe et y naviguer, il devait au préalable offrir aux dieux infernaux un sacrifice propitiatoire, auquel présidaient des prêtres, gardiens et fermiers du lieu. Près de là, sur le bord de la mer, est une source d'eau douce excellente à boire, mais où l'on s'abstenait généralement de puiser, parce qu'on la regardait comme l'eau même du Styx. Le siège de l'Oracle se trouvait là aussi quelque part, et, de la présence de sources thermales dans les environs, de la présence aussi du lac Achérusien, on inférait que le Pyriphlégéthon était proche. Ephore croit au séjour des Cimmériens en ce lieu ; suivant lui, ils y habitaient dans des souterrains dits argilles, ils se servaient de chemins couverts pour communiquer ensemble et pour introduire les étrangers jusqu'au siège de l'Oracle, placé également sous terre à une grande profondeur ; ils vivaient là de l'extraction des métaux, du produit des réponses de leur Oracle et aussi des subsides qu'ils recevaient des rois de la contrée. Il ajoute qu'en vertu d'une coutume traditionnelle les populations groupées autour du siège de l'Oracle étaient tenues de ne jamais voir le soleil et de ne quitter leurs souterrains que pendant la nuit et que c'est là ce qui a fait dire au poète, en parlant des Cimmériens :

«Jamais de ses rayons Phébus ne les éclaire».

Enfin, la nation tout entière aurait été exterminée par un des rois du pays, furieux d'avoir été trompé par l'Oracle, mais l'Oracle même, transporté en d'autres lieux, aurait survécu et subsisterait encore à présent. - Telles sont les traditions que l'antiquité nous a léguées relativement au golfe ou lac Averne. Aujourd'hui, que les forêts qui l'ombrageaient ont été coupées par ordre d'Agrippa, qu'on a bâti partout aux alentours, qu'on a creusé cette voie souterraine des bords de l'Averne à la ville de Cume, on reconnaît que c'étaient là de pures fables. Il semble pourtant qu'en perçant cette voie souterraine et cet autre chemin couvert qui va de Dicaearchie à Neapolis Cocceius se soit encore guidé d'après la tradition dont nous parlions tout à l'heure et qui a rapport aux Cimmériens [de Baïes], à moins qu'il n'ait cru, ce qui est possible également, se conformer de la sorte à une coutume ou pratique constante des habitants de la localité.

6. Le golfe Lucrin, qui, dans le sens de sa largeur, s'étend jusqu'à Baies, est séparé lui-même par une digue de la mer extérieure. Cette digue est longue de huit stades et a la largeur d'un chariot de grande voie ; suivant la tradition, elle aurait été élevée par Hercule, [comme il revenait d'Ibérie] ramenant avec lui les troupeaux de Géryon. Agrippa en a fait récemment exhausser la plate-forme, car, pour peu que la mer fût grosse, elle était toujours balayée par la vague, ce qui rendait le passage de la digue difficile aux piétons. Les embarcations légères ont accès dans le Lucrin : à vrai dire, ce golfe ne saurait servir de mouillage ni d'abri, mais la pêche des huîtres n'est nulle part aussi abondante. Quelques auteurs ont confondu le Lucrin avec le lac Achérusien ; Artémidore, lui, le confond avec l'Averne. Ajoutons, au sujet de Baïes, qu'on dérive son nom de celui de Baïus, l'un des compagnons d'Ulysse, comme on dérive du nom [de Misenus] celui du cap Misène. - Suit la côte escarpée de Dicaearchie, et Dicaearchie elle-même : bâtie sur un mamelon au bord de la mer, cette ville ne fut d'abord que l'arsenal maritime de Cume, mais, ayant reçu, à l'époque de l'expédition d'Annibal en Italie, une colonie romaine, elle vit changer son nom en celui de Puteoli, soit à cause des puits (putei), qui abondent dans les environs, soit, comme certains auteurs le pensent, à cause de la puanteur des eaux, tout le pays jusqu'à Baïes et au territoire de Cume étant rempli de soufrières, de fumaroles et de sources thermales. La même circonstance, suivant quelques géographes, aurait fait donner le nom de Phlegra à toute la campagne de Cume, et il faudrait reconnaître dans ce que nous dit la fable des blessures faites aux Géants par la foudre l'effet pur et simple de ces éruptions volcaniques d'eau et de feu. Avec le temps, l'ancienne Dicaearchie est devenue un emporium considérable, ce qu'elle doit aux vastes bassins qu'une précieuse propriété du sable de cette côte a permis d'y construire : uni, en effet, à de la chaux en proportion convenable, ce sable acquiert une consistance, une dureté incroyable, et l'on n'a qu'à mêler du caillou à ce ciment de chaux et de sable, pour pouvoir bâtir des jetées aussi avant qu'on veut dans la mer et créer ainsi sur des côtes toutes droites des sinuosités ou enfoncements qui deviennent autant d'abris sûrs ouverts aux plus grands navires du commerce. - Juste au-dessus de la ville s'élève un plateau connu sous le nom de Forum Vulcani et entouré de toutes parts de collines volcaniques, d'où se dégagent, par de nombreux soupiraux, d'épaisses vapeurs extrêmement fétides : de plus, toute la surface de ce plateau est couverte de soufre en poudre, sublimé apparemment par l'action de ces feux souterrains.

7. A Dicaearchie succède Neapolis, ville fondée également par les Cumaeens, mais accrue plus tard de nouveaux colons venus en partie de Chalcis, en partie aussi des îles Pithécusses et d'Athènes, ce qui lui fit donner ce nom de Ville-Neuve ou de Neapolis. On voit dans cette ville le tombeau de Parthénopé, l'une des Sirènes, et ses habitants célèbrent encore les jeux gymniques qui furent institués par les premiers colons sur l'ordre d'un oracle. Plus tard, à la suite de discordes intestines, un certain nombre de Campaniens y furent reçus à titre de citoyens et les Néapolites, qui avaient vu leurs propres frères devenir volontairement pour eux des étrangers, en furent réduits à traiter en frères leurs plus mortels ennemis : on a la preuve de ce fait rien que par les noms de leurs démarques ou tribuns, car ces noms, exclusivement grecs dans les commencements, finissent par être indifféremment grecs ou campaniens. Ce sont, toutefois, les moeurs grecques qui ont laissé le plus de traces dans cette ville, et, aujourd'hui, bien qu'elle soit devenue toute romaine, elle conserve encore ses gymnases, ses éphébies et ses phratries, les dénominations y sont généralement grecques et les jeux quinquennaux qu'on y célèbre, et qui consistent en luttes gymniques et en concours de musique (ces concours durent plusieurs jours de suite), peuvent rivaliser avec ce que la Grèce offre de plus brillant en ce genre. Une voie souterraine existe ici comme à Cume : percée à travers la montagne qui sépare Neapolis de Dicaearchie, cette voie a plusieurs stades de longueur et assez de largeur pour que deux chars puissent s'y croiser aisément ; de plus, on a pratiqué sur le flanc de la montagne de nombreuses ouvertures, et, de la sorte, malgré l'extrême profondeur du souterrain, il y pénètre encore assez de jour pour l'éclairer. Enfin Neapolis possède des sources thermales et un établissement de bains qui, tout en égalant celui de Baies, est loin pourtant d'être aussi fréquenté ; car de tous les palais qui se sont élevés à Baies les uns à côté des autres il s'est formé une nouvelle ville aussi considérable déjà que Dicaearchie. Ce qui explique, au reste, cette persistance des moeurs grecques à Neapolis, c'est que tous les [Grecs], qui ont gagné à Rome un peu d'argent, soit dans l'enseignement des lettres, soit dans toute autre profession, et qui, à cause de leur grand âge ou de leurs infirmités, n'aspirent plus qu'à finir leurs jours en repos, choisissent cette ville comme lieu de retraite préférablement à toute autre. Il n'est même pas rare de voir des Romains, par goût aussi pour la vie douce et tranquille, suivre cette foule d'émigrants qu'attirent à Neapolis les moeurs et les habitudes grecques, se passionner pour le séjour de cette ville et s'y fixer définitivement.

8. La forteresse d'Herculanum touche, on peut dire, à Neapolis : elle occupe un promontoire qui avance dans la mer de façon à recevoir en plein le souffle du Lips ou Africus et cette exposition admirable en rend le séjour particulièrement sain. Ce sont les Osques qui ont été les premiers habitants d'Herculanum ainsi que de Pompeia, ville située sur la côte à la suite d'Herculanum et tout près du fleuve Sarnus ; les Tyrrhènes et les Pélasges ont ensuite occupé ces deux villes, mais pour faire place eux-mêmes aux Samnites, qui ont fini à leur tour par se voir chassés de ces fortes positions. Les habitants de Nole, de Nucérie et d'Acerres, ville dont le nom rappelle une localité des environs de Crémone, ont, dans Pompeia, un port commun, et, dans le fleuve qui y passe, dans le Sarnus, une voie commode pour l'importation et l'exportation des marchandises. Les villes que nous venons de nommer sont toutes situées au pied du Vésuve, montagne élevée, dont toute la superficie, à l'exception du sommet, est couverte des plus riches cultures. Quant au sommet, qui offre en général une surface plane et unie, il est partout également stérile ; le sol y a l'aspect de la cendre et laisse voir par endroits la roche même, percée, criblée de mille trous, toute noircie, qui plus est, et comme rongée par le feu, ce qui porte à croire naturellement que la montagne est un ancien volcan, dont les feux, après avoir fait éruption par ces ouvertures comme par autant de cratères, se seront éteints faute d'aliment. On peut croire aussi, par analogie, que la fertilité incomparable des terres environnantes est due à cette même cause, puisque l'excellence des vignobles de Catane est généralement attribuée à ce qu'une partie des terres qui entourent cette ville a été couverte des cendres provenant de la décomposition de la lave vomie par l'Etna. La lave, en effet, contient une sorte d'engrais qui, pénétrant le sol, commence par le brûler, mais y active ensuite la végétation : tant que cet engrais est en excès, le sol n'est, à proprement parler, qu'une matière combustible, analogue à toutes les substances sulfureuses, mais peu à peu l'engrais s'épuise, il devient moins brûlant, se réduit en cendres, et à la période de combustion succède alors pour le sol une période de production et de fertilité. Immédiatement après Pompeia s'offre à nous Sorrente, ville d'origine campanienne, d'où part le promontoire Athenaeum, ou, comme on l'appelle quelquefois, la pointe des Sirénusses. A l'extrémité dudit promontoire s'élève un temple d'Athéné ou de Minerve, fondé naguère par Ulysse. De là à l'île de Caprées le trajet est court. Que si maintenant l'on double l'Athenaeum, on aperçoit devant soi le groupe des Sirènes, petites îles désertes et rocheuses. Du côté de Sorrente, l'Athenaeum nous offre un autre temple avec différents monuments votifs d'une époque fort ancienne et qui attestent la vénération particulière que les populations voisines ont toujours eue pour ce lieu. Le golfe Crater finit ici : on voit qu'il se trouve compris entre deux promontoires tournés au plein midi, le Misène et l'Athenaeum. Ajoutons que sa circonférence est bordée, dans l'intervalle des villes que nous avons nommées, de constructions et de plantations de toute nature, qui offrent ainsi l'aspect d'une seule et même ville.

9. Juste en face du promontoire Misène s'étend l'île de Prochyté, qui n'est à proprement parler qu'un fragment détaché de l'île de Pithécusses. Celle-ci fut colonisée anciennement par les Erétriens et les Chalcidéens, mais cette première colonie, malgré les avantages qu'elle retirait d'un sol aussi fertile et de mines d'or aussi riches, ne put se maintenir dans l'île, une partie ayant été chassée par des discordes civiles, et le reste par des tremblements de terre et des éruptions de feu, d'eau salée et d'eau bouillante. L'île de Pithécusses est, en effet, sujette à ces sortes d'éruptions, tellement même qu'une seconde colonie envoyée de Syracuse par le tyran Hiéron dut encore pour ce motif, non seulement abandonner la ville qu'elle s'était bâtie dans l'île, mais évacuer entièrement cette dernière, ce qui n'empêcha pas, disons-le, les Néapolites d'y passer à leur tour et d'en prendre définitivement possession. La fable qui nous montre Typhon couché sous l'île de Pithécusses et faisant, à chaque mouvement de son corps pour se retourner, jaillir des colonnes de feu et d'eau et jusqu'à de petites îles où l'on voit bouillir soi-disant l'eau des sources, cette fable ne paraît pas avoir d'autre origine. Elle se retrouve chez Pindare, mais présentée alors sous un jour plus vraisemblable, parce que le poète part de données exactes sur le phénomène lui-même. Pindare savait apparemment que les profondeurs de la mer, dans tout l'intervalle qui sépare la côte de Cume des rivages de la Sicile, recèlent des foyers volcaniques en communication les uns avec les autres, en communication aussi avec le continent (ce qui explique [pour le dire en passant] tout ce qui a été publié sur la nature des éruptions de l'Etna, et comme il se fait qu'on ait observé des phénomènes analogues tant aux îles Lipariennes qu'aux environs de Dicéarchie, de Neapolis, de Baies et dans l'île de Pithécusses), et, pour rappeler cet état de choses, il aura supposé que le corps du géant occupait au fond de l'abîme tout l'espace compris entre Cume et la Sicile :

«Maintenant, dit-il, un poids énorme, la Sicile tout entière et ce rempart de rochers
qui borde la mer au-dessus de Cume, oppresse sa poitrine velue» (
Pyth. I, 31).

Timée, lui, est persuadé que les anciens ont singulièrement exagéré les faits en ce qui concerne Pithécusses ; toutefois lui-même nous raconte que peu de temps avant sa naissance, l'Epopeus, colline située alors juste au centre de l'île, vomit du feu, à la suite de violentes secousses de tremblement de terre, et poussa jusque dans la mer tout le terrain qui la séparait du rivage ; qu'une partie des terres convertie en un monceau de cendres fut soulevée en l'air, puis retomba sur l'île en forme de typhon ou de tourbillon, ce qui fit reculer la mer de trois stades ; mais qu'après s'être ainsi retirée la mer ne tarda pas à revenir, et que, dans ce retour subit, elle inonda l'île entière et éteignit le volcan, le tout avec un tel fracas que, sur le continent, les populations épouvantées s'enfuirent depuis la côte jusqu'au fond de la Campanie. Les eaux chaudes de Pithécusses passent pour guérir de la pierre. Quant à l'île de Caprées, elle comptait anciennement deux villes : avec le temps une seule a subsisté. Les Néapolites avaient également pris possession de cette île ; mais César-Auguste s'étant réservé la propriété de Caprées et y ayant fait faire de grandes constructions à son usage, leur rendit en échange l'île de Pithécusses, qu'une guerre leur avait enlevée. - Telles sont les villes de la côte de Campanie et les îles qui la bordent.

10. Dans l'intérieur des terres s'élève Capoue, métropole de la Campanie. Cette ville est bien nommée, car elle est réellement la capitale ou le chef-lieu du pays, et les autres villes, en comparaison, ne sont que de bien petites places. Exceptons pourtant Teanum Sidicinum, qui, elle aussi, est une ville considérable. Capoue est située sur la voie Appienne, laquelle continue ensuite par Calatia, Caudium et Bénévent, dans la direction de Brentesium. Dans la direction opposée, du côté de Rome, on y rencontre Casilinum, sur le Vulturne : c'est dans cette ville que 540 Prénestins soutinrent contre Annibal, alors au fort de ses succès, ce siège mémorable, pendant lequel on vit, tant la famine était rigoureuse, un rat vendu jusqu'à 200 drachmes soutenir les jours de celui qui l'avait acheté et coûter la vie à l'imprudent qui l'avait vendu. On raconte aussi qu'en voyant les assiégés semer des raves au pied de leurs remparts Annibal ne put s'empêcher d'admirer la constance opiniâtre de ces pauvres gens qui espéraient prolonger assez leur résistance pour que leurs raves fussent en état d'être récoltées, et qu'à cause de cela il accorda la vie sauve à tous ceux qui restaient : or la faim et les combats n'avaient fait pendant le siège qu'un petit nombre de victimes.

11. Indépendamment de ces dernières villes, la Campanie renferme encore Calès et Teanum Sidicinum, que nous avons eu plus haut l'occasion de mentionner, et qui ont pour limites respectives de leurs territoires ces deux temples de la Fortune qu'on aperçoit à droite et à gauche de la voie Latine. Puis viennent Suessula, Atella, Nole et Nucérie, Acerres, Abella et maintes autres places encore moins considérables : quelques-unes dans le nombre passent pour avoir été fondées par les Samnites. On sait en effet qu'après avoir longtemps ravagé le Latium, après avoir de ce côté poussé leurs excursions jusqu'aux environs d'Ardée, les Samnites avaient envahi la Campanie elle-même et n'avaient pas tardé à prendre pied dans le pays, d'autant plus aisément d'ailleurs que les Campaniens, façonnés dès longtemps à la servitude, étaient allés en quelque sorte au-devant de ce nouveau joug. Mais aujourd'hui la nation samnite est comme anéantie des coups que lui ont portés plusieurs généraux romains et en dernier lieu Sylla, dictateur de la république. Sylla venait en quelques combats de comprimer l'insurrection italienne ; indigné que les Samnites, bien que réduits, on peut dire, à leurs seules forces, tinssent encore et conservassent même assez d'énergie pour oser marcher sur Rome, il leur livra sous les murs de la ville une bataille décisive, tailla la plus grande partie de leur armée en pièces (ses soldats avaient ordre de ne pas prendre de prisonniers) et fit conduire au Champ de Mars le peu qui restait (3 à 4000 hommes qui avaient jeté leurs armes) ; là, on les enferma dans la Villa publica, où, trois jours après, des soldats envoyés exprès vinrent les massacrer jusqu'au dernier. Ce n'est pas tout : proscrivant la nation entière, le dictateur ne s'arrêta pas qu'il n'eût par le fer, par l'exil, purgé l'Italie du nom samnite. Et plus tard, comme on lui reprochait d'avoir usé de si cruelles représailles, il répondait que l'expérience lui avait démontré l'impossibilité pour aucun Romain de jamais vivre en paix, si les Samnites restaient unis en corps de nation. Aujourd'hui les villes du Samnium sont réduites à l'état de bourgades ; il y en a même quelques-unes qui, à proprement parler, ne comptent plus : telles sont Boianum, Aesernia, Panna et Telesia, près de Vénafre. Toutes ces localités en effet (et ce ne sont pas les seules) ne méritent plus qu'on leur donne le nom de villes. Mais dans une contrée aussi illustre et aussi riche que l'Italie, ne devions-nous pas énumérer jusqu'aux localités de médiocre importance ? Notons d'ailleurs que ni Bénévent ni Venouse ne sont déchues de ce qu'elles étaient autrefois.

12. Relativement à l'origine des Samnites, voici ce que marque la tradition. Les populations de la Sabine se trouvaient engagées depuis longues années dans une guerre contre les Ombriens ; elles firent un voeu (que les peuples de la Grèce ont fait souvent en pareille circonstance), celui de consacrer à la Divinité tous les produits de l'année : la guerre finit à leur avantage, et on les vit en effet immoler comme victimes ou consacrer à titre de pieuses offrandes les produits de leurs troupeaux et de leurs champs. Mais cela n'empêcha point que l'année suivante ne fût une année de disette. Quelqu'un dit alors qu'on aurait dû consacrer également à la Divinité les enfants nouveau-nés. C'est ce qu'on fit : tous les enfants nés à cette époque furent voués à Mars, puis, quand cette génération eut grandi, on l'envoya au loin tout entière fonder une colonie. Un taureau servait de guide à ces jeunes émigrants : arrivé sur le territoire des Opiques, il se coucha pour se reposer ; aussitôt les Sabins se jetèrent sur les Opiques (lesquels vivaient encore dispersés dans de simples bourgades), et, les ayant chassés de leurs terres, s'y établirent à leur place. Ils voulurent ensuite rendre grâce à la Divinité qui leur avait envoyé ce guide, et, sur l'indication de leurs devins, ils immolèrent le taureau au dieu Mars. Il y a lieu de penser, d'après ce qui précède, que le nom de Sabelli pris par le nouveau peuple rappelait son origine et qu'il ne faut y voir qu'un diminutif du nom des Sabins ; mais celui de Samnites ou de Saunites (pour employer la forme grecque) dérive sans doute de quelque autre cause. Certains auteurs prétendent qu'une colonie lacédémonienne vint se joindre à celle qui était sortie de la Sabine, ils expliquent même ainsi l'amitié dont les Samnites furent toujours portés pour les Grecs et la présence parmi eux d'un certain nombre de familles désignées sous le nom de Pitanates. Il semble avéré cependant que c'est là une invention des Tarentins, lesquels auront voulu flatter leurs voisins, leurs puissants voisins, pour se ménager ainsi l'alliance d'un peuple qui pouvait à l'occasion mettre sur pied 80.000 hommes d'infanterie et 8000 hommes de cavalerie. On vante beaucoup certaine loi restée en vigueur chez les Samnites, loi effectivement fort belle, et qui paraît bien faite pour exciter les coeurs à la vertu. D'après cette loi, il est interdit aux pères de choisir eux-mêmes les maris de leurs filles ; mais on élit chaque année dix jeunes garçons et dix jeunes filles, les meilleurs sujets des deux sexes ; on unit le premier des garçons à la première des filles, le second des garçons à la seconde des filles, et ainsi de suite ; et, s'il arrive qu'un de ces jeunes garçons, après avoir été honoré d'une semblable distinction, change de conduite et se pervertisse, on lui fait subir une sorte de dégradation en lui enlevant la compagne qu'on lui avait donnée. Les Hirpins, qui succèdent aux Samnites, sont eux-mêmes originaires du Samnium ; leur nom vient de ce que la colonie aurait eu soi-disant un loup pour guide : le mot hirpos, en effet, signifie loup dans la langue des Samnites. Le territoire des Hirpins se prolonge jusqu'à la Haute-Lucanie. Mais nous n'en dirons pas davantage au sujet des Samnites.

13. Pour en revenir aux Campaniens, il est certain que la richesse de leur pays a été pour eux autant une source de maux qu'une source de prospérités. Ils en étaient venus avec le temps à de tels raffinements de luxe qu'ils donnaient de splendides repas rien que pour avoir le plaisir de faire battre sous les yeux de leurs convives des couples de gladiateurs, dont ils proportionnaient, du reste, le nombre au rang de leurs invités. Aussi quand Annibal, après la reddition volontaire de Capoue, prit ses quartiers d'hiver dans cette ville, les plaisirs eurent-ils bientôt énervé son armée, et lui-même à cette occasion disait que «le vainqueur courait maintenant grand risque de tomber aux mains des vaincus, n'ayant plus pour soldats que des femmes au lieu d'hommes». Mais plus tard, quand les Romains eurent repris l'avantage, les Campaniens reçurent d'eux quelques sévères leçons destinées à les rendre plus sages ; ils virent même, en dernier lieu, distribuer une partie de leurs terres à des colons romains. Toutefois, comme ils surent vivre en bonne intelligence avec ces colons, leur condition est redevenue prospère, et, sous le rapport de l'étendue et de la population, Capoue n'a rien perdu aujourd'hui de son ancienne importance. - A la Campanie et au Samnium, lequel, avons-nous dit, s'étend jusqu'aux pays des Frentans, succède le long de la mer Tyrrhénienne un territoire occupé par la tribu des Picentes, faible rameau de la nation picentine que les Romains ont transplanté des rivages de l'Adriatique à ceux du golfe Posidoniate, ou, comme on dit aujourd'hui, du golfe Paestan, l'ancienne ville de Posidonie (cette ville était située au milieu dudit golfe) ayant changé son nom en celui de Paestum. Entre Sirénusses et Posidonie se trouve Marcina, ville fondée par les Tyrrhènes, mais qui se trouve avoir aujourd'hui une population samnite. De là maintenant à Pompeia, en passant par Nucérie, on traverse un isthme qui n'a pas plus de 120 stades. Le territoire des Picentes se prolonge jusqu'au fleuve Silaris, lequel forme de ce côté la limite de l'ancienne Italie. Les eaux du Silaris, d'ailleurs excellentes à boire, offrent, dit-on, cette particularité, que, si l'on jette dans leur courant une plante quelconque, elle s'y pétrifie, sans perdre ni sa couleur ni sa forme. Les Picentins avaient anciennement une métropole, Picentia ; aujourd'hui, ils vivent disséminés dans de simples bourgades, les Romains les ayant expulsés de cette ville pour avoir fait cause commune avec Annibal. Un décret du peuple à la même époque les exclut du service militaire et leur imposa, ainsi qu'aux Brutiens et aux Lucaniens, et pour les mêmes motifs, l'obligation de remplir les fonctions serviles de courriers et de messagers publics. En outre, pour les tenir en respect, les Romains bâtirent un peu au-dessus de la côte la forteresse de Salerne. - Des Sirénusses au Silaris on compte en tout 260 stades.


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