VIII, 8 - L'Arcadie

Carte Spruner (1865)

1. L'Arcadie occupe le centre du Péloponnèse, c'est-à-dire presque toute la portion montagneuse de la péninsule. Son plus haut sommet est le Cyllène, qui mesure, suivant les uns, 2O stades, suivant les autres 15 stades environ de hauteur perpendiculaire. Ses peuples, notamment les Azanes, les Parrhasiens, etc., passent pour les plus anciens de toute la Grèce. Mais, vu l'état de désolation où se trouve aujourd'hui le pays qu'ils habitent, il n'y a pas autrement lieu d'insister sur leur histoire. Les villes les plus célèbres autrefois ont péri sans laisser de traces par suite des guerres continuelles dont l'Arcadie a été le théâtre, et les campagnes elles-mêmes ont cessé d'être habitées et cultivées depuis que Mégalopolis a absorbé ce qui restait des anciennes cités. Ajoutons que Mégalopolis elle-même vérifie aujour-d'hui le jeu de mots d'un poète comique :

«Son nom est Mégalérémie et non plus Mégalopolis».

En revanche, le pays abonde en excellents pâturages, où l'on élève surtout des chevaux et des ânes mulassiers. Les chevaux d'Arcadie passent même pour être de race supérieure, comme ceux de la plaine d'Argos et de l'Epidaurie. L'Aetolie et l'Acarnanie, pays également très dévastés, renferment de même d'immenses espaces qui, pour l'élève des chevaux, ne le cèdent pas aux gras pâturages de la Thessalie.

2. Mantinée, rendue naguère si célèbre par la seconde victoire d'Epaminondas sur les Lacédémoniens, victoire qui malheureusement coûta la vie au héros, et, avec Mantinée, Orchomène, Hérée, Clitor, Phénée, Stymphale, Moenale, Methydrium, Caphyes et Cinoethe ou n'existent plus aujourd'hui, ou n'ont laissé d'elles-mêmes que de faibles et rares vestiges. Plus heureuse, Tégée s'est maintenue dans un état encore assez florissant. Il en est de même du temple de Minerve Alea [qui l'avoisine]. On continue à rendre certains honneurs à cette déesse ainsi qu'à Jupiter Lycéen dans son temple du mont Lycée. Quant aux trois villes mentionnées par Homère (Il. II, 606),

«Et Rhipé et Stratie, et Enispé toujours battue des vents»,

il serait difficile de retrouver leurs traces, et, les retrouvât-on, la découverte offrirait peu d'intérêt, puisque le canton où elles étaient situées est aujourd'hui complétement désert.

3. Après le mont Cyllène, les montagnes les plus connues de l'Arcadie sont le Pholoé, le Lycée, le Ménale et le Parthénius, lequel se prolonge des environs de Tégée au territoire d'Argos.

4. Nous avons décrit ci-dessus le phénomène étrange commun aux fleuves Alphée et Eurotas, ainsi que le changement survenu dans le cours de l'Erasinus, qu'on voit aujourd'hui à une certaine distance de sa sortie du lac Stymphalide reparaître dans la plaine d'Argos, tandis qu'il se trouvait autrefois interrompu et privé d'écoulement, les bérèthres où il tombe (les zérèthres pour mieux dire, car c'est ainsi que le mot se prononce en Arcadie) n'offrant alors aucune issue et retenant ses eaux en quelque sorte emprisonnées, changement par suite duquel la ville de Stymphale, située naguère sur les bords mêmes du lac, en est aujourd'hui à cinq stades. Eh bien ! le changement inverse s'est opéré dans le cours du Ladon : on a vu ce fleuve s'arrêter tout d'un coup par suite d'une obstruction de ses sources. Les bérèthres qui existent aux environs de Phénée et qui servaient au transport des eaux [dont ce fleuve est formé], ayant été ébranlés par un tremblement de terre, s'effondrèrent, et leurs débris en atteignant et en comblant les veines les plus profondes de la source, occasionnèrent cette interruption momentanée du cours du fleuve. Du moins, est-ce ainsi que certains auteurs expliquent le phénomène. Erathosthène, lui, en voit la cause dans l'existence de ce lac temporaire que forme auprès de Phénée la rivière [Aroanius] : «cette rivière, dit-il, s'engouffre dans des pertuis appelés zérèthres, et, suivant qu'elles les trouvent obstrués ou libres, ses eaux refluent dans la plaine et l'inondent ou laissant la plaine à sec s'en vont rejoindre le Ladon et l'Alphée : c'est ainsi qu'on vit coïncider naguère avec le retrait de ce lac de Phénée l'inondation de la plaine qui environne le temple d'Olympie». Eratosthène ajoute «que le fleuve Erasinus, qui vient de Stymphale, s'engouffre de même sous le mont [Chaüs] et reparaît plus loin aux environs d'Argos ; qu'Iphicrate, après s'être épuisé en efforts inutiles au siège de Stymphale, songea à intercepter cette chute du fleuve, et se procura même une masse d'éponges à cet effet, mais qu'en présence d'un signe de la volonté céleste il renonça à son entreprise». Il y a près de Phénée également ce qu'on appelle l'Eau du Styx : c'est l'égout d'une eau infecte et malsaine, mais qui n'en est pas moins réputé comme sacré.

Ici s'arrête notre description de l'Arcadie.

5. Polybe dit quelque part que la distance entre le cap Malées au S. et le cours de l'Ister au N. est de 10 000 stades environ. Mais Artémidore rectifie ce calcul, et, suivant nous, avec toute apparence de raison. Il compte d'abord depuis Malées jusqu'à Aegium par terre un trajet de 1400 stades ; puis d'Aegium [à Cirrha une traversée] de 200 stades ; un nouveau trajet de 500 stades jusqu'à [Thaumaci] en passant par Héraclée ; 340 stades ensuite jusqu'à Larisse et au Pénée ; puis, par [Tempé jusqu'aux] bouches du [Pénée], 240 stades ; 660 stades enèore [jusqu'à Thessa]lonique et enfin de Thessalonique [à l'Ister en passant par Idom]éné, par Stobi et le pays des Dardaniens 3200 stades ; soit en tout 6500 stades pour la distance du cap Malées à l'Ister. Ce qui a causé l'erreur de Polybe, c'est qu'il n'a pas pris pour base de son calcul la voie la plus courte, mais le premier itinéraire venu d'un général marchant à la tête de son armée.

Il ne sera peut-être pas hors de propos d'ajouter à ce qui précède, telle que nous la donne Ephore, la liste des différents chefs par qui furent fondés, après le retour des Héraclides, les principaux Etats du Péloponnèse. Corinthe le fut par Alétès, Sicyone par Phalcès, l'Achaïe par Tisomène, l'Elide par Oxylus, Messène par Cresphonte, Lacédémone par Eurysthène et Proclès, Argos par Téménus [et Cissus], l'Attique enfin par Agaeus et Déiphonte.


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