XI, 9 - La Parthyée
Carte Spruner (1865) |
1. La Parthyée [ou territoire des Parthes proprement dits] n'a qu'une faible étendue, aussi n'était-elle regardée [du temps] des rois Perses, et plus tard encore
sous la longue domination des rois Macédoniens, que comme une annexe administrative et financière de l'Hyrcanie. Outre son peu d'étendue, elle a l'inconvénient
d'être hérissée de forêts et de montagnes et d'être tellement dépourvue de ressources, que ces rois avaient toujours la précaution de la traverser
très rapidement, eux et leur immense suite, sachant bien que le pays, vu son extrême pauvreté, eût été dans l'impossibilité de les nourrir
même pour peu de temps. Aujourd'hui, du reste, son territoire s'est singulièrement accru ; car, non seulement la Comisène et la Chorène, mais encore toute la partie
de l'ancienne Médie qui s'étend [depuis ces deux cantons] jusqu'aux Pyles Caspiennes, voire jusqu'à Rhages et au pays des Tapyres, se trouve dépendre de la
Parthyène actuelle. Ajoutons que les villes d'Apamée et d'Héraclée, voisines toutes deux de Rhages, y sont elles-mêmes comprises. Des Pyles Caspiennes la
distance jusqu'à Rhages est, suivant Apollodore, de 500 stades ; elle est de 1260 stades jusqu'à Hécatompylos, résidence des rois des Parthyaei. On pense que le nom
donné à la ville de Rhages rappelle d'anciens tremblements de terre survenus dans le pays et qui auraient, au dire de Posidonius, renversé un grand nombre de villes et
détruit jusqu'à deux mille villages. Quant à la nation des Tapyres, elle habite, à ce qu'on assure, entre les Hyrcani et les Derbices. Les historiens nous donnent
sur les Tapyres un renseignement curieux, c'est qu'il existe chez eux une loi qui autorise le mari à céder à autrui la femme qu'il a épousée, après
qu'elle lui a donné deux ou trois enfants, tout comme on a vu de nos jours Caton, sur les instances d'Hortensius, lui céder son épouse Marcia, en vertu d'une ancienne loi
ou coutume romaine.
2. Profitant des troubles qui avaient éclaté dans toute la région trans-taurique par suite du peu d'attention que les rois de Syrie et de Médie, trop occupés
ailleurs, pouvaient donner à cette portion lointaine de leurs états, Euthydème, gouverneur de la Bactriane, proclama naguère l'indépendance de cette province
et de tout le pays environnant. A son tour, le Scythe Arsace, suivi d'une bande de ces Daae nomades, dits [Daae] Parni, qui habitent le long de l'Ochus, se jeta sur la Parthyée et s'en
empara. Arsace et ses premiers successeurs, obligés de lutter sans cesse contre les princes à qui ils avaient enlevé cette province, n'eurent d'abord qu'une puissance
faible et précaire ; mais plus tard, à force de vaincre et d'occuper de nouveaux territoires, les Arsacides acquirent une véritable prépondérance et finirent
par dominer sur toute la contrée sise en deçà de l'Euphrate. Ils s'étaient emparés de même d'une partie de la Bactriane à la suite d'une attaque
heureuse dirigée contre les Scythes, et précédemment contre Eucratidès ; et aujourd'hui telle est l'étendue de pays sur laquelle ils règnent, tel est
le nombre des peuples qui leur sont soumis, qu'ils sont devenus en quelque sorte, par l'immensité des ressources dont ils disposent, les rivaux des Romains. Or, il faut chercher la cause
d'un agrandissement pareil dans le genre de vie que mènent les Parthes et dans leurs institutions qui, bien qu'entachées encore de l'esprit des peuples barbares et en particulier
de la sauvagerie des Scythes, se trouvent avoir pourtant en elles à un plus haut degré ce je ne sais quoi qui sert à fonder l'hégémonie politique et la
suprématie militaire.
3. Si ce qu'on dit est vrai, il ne faudrait voir dans les Parni Daae que des métanastes ou émigrants, venus de chez les Daae qui habitent au-dessus du Mteotis et que l'on
désigne indifféremment sous les noms de Xandii ou de Parii. Toutefois, certains auteurs nient qu'il y ait jamais eu des Daae parmi les Scythes qui occupent la région
située au-dessus du Palus Maeotis. Pour en revenir à Arsace, c'est bien chez ces mêmes Scythes qu'on le fait naître généralement ; quelques auteurs ont
prétendu cependant qu'il était originaire de la Bactriane et que c'est parce qu'il n'avait pu tenir en Bactriane contre les progrès rapides des armes de Diodote qu'il
s'était sauvé dans la Parthyée et l'avait poussée à s'insurger. Nous ne dirons rien ici sur les lois et institutions des Parthes dont nous avons parlé
très longuement dans le VIe livre de nos Commentaires historiques (lequel forme en même temps le livre II des Suites à Polybe), nous craindrions de nous
répéter ; nous nous bornerons à rappeler, d'après Posidonius, l'existence chez les Parthes de deux conseils distincts, appelés, l'un, le Conseil des parents
et alliés ; l'autre le Conseil des SOPHI et des MAGES et dans le sein desquels doivent toujours être choisis les rois.