[La guerre contre Mithridate]
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XXXI. Quand on apprit à Rome que la guerre des
pirates était terminée, et que Pompée
profitait de son loisir pour visiter les villes de son
gouvernement, un tribun du peuple, nommé Manilius,
proposa un décret qui, donnant à Pompée
le commandement de toutes les provinces et de toutes les
troupes que Lucullus avait sous ses ordres, y joignait la
Bythinie, occupée par Glabrion, le chargeait d'aller
faire la guerre aux rois Mithridate et Tigrane, l'autorisait
à conserver toutes les forces maritimes, et à
commander avec la même puissance qu'on lui avait
conférée pour la guerre
précédente. C'était soumettre à
un seul homme tout l'empire romain ; car les provinces que le
premier décret ne lui donnait pas à gouverner,
telles que la Phrygie, la Lycaonie, la Galatie, la Cappadoce,
la Cilicie, la Haute-Colchide et l'Arménie, lui
étaient attribuées par le second, avec toutes
les forces, toutes les années que Lucullus avait
employées à vaincre Mithridate et Tigrane. Le
tort que ce décret faisait à Lucullus, en le
privant de la gloire de ses exploits, en lui donnant un
successeur aux honneurs du triomphe plutôt qu'aux
travaux de la guerre, affligea les nobles, qui ne pouvaient
se cacher l'injustice et l'ingratitude dont on payait ses
services ; mais ce n'était pas ce qui les touchait le
plus : rien ne leur paraissait plus intolérable que de
voir élever Pompée à un degré de
puissance qu'ils regardaient comme une tyrannie
véritable et déjà tout établie.
Ils s'encourageaient donc les uns les autres à faire
rejeter cette loi, et à ne pas trahir la cause de la
liberté. Mais quand le jour fut venu, la crainte
qu'ils eurent du peuple leur ôta le courage, et ils
gardèrent tous le silence, à l'exception de
Catulus, qui, après avoir longtemps combattu la loi,
voyant qu'il ne gagnait personne du peuple, adressa la parole
aux sénateurs, et leur cria plusieurs fois, du haut de
la tribune, de chercher, comme leurs ancêtres, une
montagne ou une roche, où ils pussent se retirer et se
conserver libres (35). Mais tout fut inutile ;
la loi passa au suffrage unanime des tribus ; et
Pompée, absent, fut déclaré maître
absolu de presque tout ce que Sylla avait usurpé par
les armes en faisant la guerre à sa patrie. Quand il
reçut les lettres qui lui apprenaient ce que le peuple
venait de décréter pour lui, et que ceux de ses
amis qui étaient présents l'en
félicitèrent, il fronça les sourcils, se
frappa la cuisse, et s'écria, comme affligé et
surchargé même de ce nouveau commandement :
«Ah ! mes travaux ne finiront donc pas ! Quel bonheur
pour moi si je n'avais été qu'un particulier
inconnu ! Passerai-je sans cesse d'un commandement à
un autre ! Ne pourrai-je jamais me dérober à
l'envie, et mener à la campagne, avec ma femme, une
vie douce et paisible !» Cette dissimulation
déplut à ses meilleurs amis, qui savaient
très-bien que son ambition naturelle et sa passion
pour le commandement, enflammées encore par ses
différends avec Lucullus, lui rendaient très
agréable ce nouvel emploi.
XXXII. Ses actions
l'eurent bientôt démasqué ; car il fit
afficher partout ses ordonnances pour rappeler les gens de
guerre, et mander auprès de lui les rois et les
princes compris dans l'étendue de son gouvernement.
Quand il fut arrivé en Asie, il ne laissa rien
subsister de ce que Lucullus avait ordonné, remit aux
uns les peines prononcées contre eux, priva les autres
des récompenses qui leur avaient été
décernées ; enfin, il prit à tâche
de montrer aux admirateurs de Lucullus, que ce
général n'avait plus aucune autorité.
Lucullus lui en fit porter ses plaintes par des amis communs,
qui furent d'avis qu'ils eussent ensemble une
conférence : elle eut lieu dans la Galatie : comme
c'étaient deux grands généraux, qui
s'étaient illustrés par les plus glorieux
exploits, les faisceaux des licteurs qui marchaient devant
eux étaient entourés de branches de laurier.
Ces officiers furent les premiers qui se
rencontrèrent. Lucullus venait d'un pays couvert de
bois et de verdure ; Pompée, au contraire, avait fait
une longue marche à travers des lieux arides,
où l'on ne trouvait pas un seul arbre. Les licteurs de
Lucullus voyant que ceux de Pompée avaient leurs
lauriers flétris et desséchés, leur
firent part des leurs qui étaient fraîchement
cueillis, et en couronnèrent leurs faisceaux : on en
tira le présage que Pompée venait pour frustrer
Lucullus du prix de ses victoires et lui en dérober
toute aa gloire. Lucullus avait sur Pompée l'avantage
d'avoir été plus tôt consul que lui, et
d'être plus âgé ; Pompée,
honoré de deux triomphes, avait plus de
dignités. Leur entrevue fut d'abord très
honnête ; ils se donnèrent réciproquement
les plus grandes marques d'amitié, exaltèrent
les exploits l'un de l'autre, et se
félicitèrent de leurs succès ; mais dans
la suite de leur conversation ils ne gardèrent plus ni
retenue ni mesure, et en vinrent jusqu'aux injures ;
Pompée blâma l'avarice de Lucullus, Lucullus
censura l'ambition de Pompée, et leurs amis eurent
bien de la peine à les séparer. Lucullus
distribua, comme il voulut, les terres de la Galatie qu'il
avait conquises, et fit beaucoup d'autres présents ;
Pompée, s'étant campé auprès de
lui, défendit de lui obéir, et lui enleva tous
ses soldats, à la réserve de seize cents, dont
il voyait bien qu'il ne pourrait tirer lui-même aucun
service, à cause de leur mutinerie, et qu'il savait
d'ailleurs mal disposés pour Lucullus. Non content de
ces mauvais procédés, il décriait
hautement ses exploits : Lucullus, disait-il, n'avait fait la
guerre que contre la pompe et le vain faste des deux rois, et
lui avait laissé à combattre leur
véritable puissance, puisque Mithridate, instruit
enfin par ses revers, avait eu recours aux boucliers, aux
épées, et à la cavalerie qui faisait sa
force. Lucullus, usant de représailles, disait qu'il
ne restait plus à Pompée qu'un fantôme,
une ombre de guerre ; que, comme un oiseau de proie
lâche et timide, il avait coutume de se jeter sur les
corps qu'il n'avait pas tués, et de déchirer,
pour ainsi dire, des restes de guerre; il s'était de
même attribué la défaite de Sertorius,
celles de Lépidus et de Spartacus, quoiqu'elles
fussent l'ouvrage de Crassus, de Métellus et de
Catulus ; il n'était donc pas étonnant qu'il
voulût usurper la gloire d'avoir terminé les
guerres d'Arménie et de Pont, lui qui était
parvenu, par toutes sortes de voies, à
s'ingérer dans le triomphe de Crassus pour les
esclaves fugitifs.
XXXIII. Lucullus ne tarda
pas à partir pour l'Italie ; et Pompée,
après avoir occupé avec sa flotte toute la mer
qui s'étend depuis la Phénicie jusqu'au
Bosphore (36), afin
d'en rendre la navigation sûre, alla par terre chercher
Mithridate : ce prince avait une armée de trente mille
hommes de pied, et de deux mille chevaux ; mais il n'osait
risquer de bataille. Campé d'abord sur une montagne
très forte d'assiette, et où il n'était
pas facile de l'attaquer, il fut obligé de
l'abandonner, parce qu'il y manquait d'eau. Pompée
s'en saisit aussitôt; et conjecturant, par la nature
des plantes qu'elle produisait, et par les ravins qui la
coupaient eu plusieurs endroits, qu'il devait y avoir des
sources (37), il fit
creuser partout des puits, et dans peu de temps le camp eut
de l'eau en abondance. Pompée ne concevait pas que
Mithridate eût ignoré si longtemps un tel
avantage. Il alla se camper autour de ce prince, dont il
environna le camp d'une muraille ; mais Mithridate, qu'il y
tenait assiégé depuis quarante-cinq jours, se
sauva sans être aperçu, avec l'élite de
son armée, après avoir fait tuer tous les
malades et toutes les personnes inutiles.
XXXIV. Pompée
l'ayant atteint près de l'Euphrate, campa dans son
voisinage ; et craignant qu'il ne se pressât de passer
le fleuve, il fit marcher au milieu de la nuit son
armée en ordre de bataille, et, à ce qu'on
assure, à l'heure même où Mithridate
avait eu, pendant son sommeil, une vision qui lui
présageait sa destinée future. Il lui sembla
que, faisant voile sur la mer de Pont par un vent favorable,
il était déjà à la vue du
Bosphore, et que, ne doutant plus de son salut, il s'en
réjouissait avec ceux qui étaient dans le
vaisseau, lorsqu'il se vit subitement privé de tout
secours, et emporté au gré des vents sur un des
débris de son naufrage : comme il était
violemment agité par ce songe, ses amis
entrèrent dans sa tente pour le réveiller, et
lui apprendre que Pompée allait arriver. Il se vit
dans la nécessité de combattre pour la
défense de son camp ; et ses généraux
ayant fait prendre les armes à ses troupes, les
rangèrent en bataille. Pompée, averti qu'ils se
préparaient à le recevoir, n'osait risquer un
combat nocturne ; il voulait se borner à les
envelopper pour empêcher qu'ils ne prissent la fuite,
et les attaquer le lendemain à la pointe du jour, avec
des troupes bien meilleures que celles des ennemis ; mais les
plus vieux officiers le déterminèrent, par
leurs vives instances, à combattre sans
différer, parce que la nuit n'était pas tout
à fait obscure, et que la lune, qui était
déjà basse, faisait suffisamment
reconnaître les objets. Ce fut là surtout ce qui
trompa les troupes du roi ; les Romains avaient la lune
derrière le dos, et comme elle penchait vers le
couchant, les ombres des corps, en se prolongeant fort loin,
tombaient sur les ennemis, et les empêchaient de juger
avec sûreté quel était l'intervalle qui
les séparait des troupes de Pompée. Ils s'en
croyaient donc très près, et, comme si l'on en
fût déjà venu aux mains, ils
lançaient leurs javelots, qui n'atteignaient personne.
Les Romains s'en étant aperçus, courent sur eux
en jetant de grands cris, et les Barbares n'osant pas les
attendre, saisis de frayeur, prennent ouvertement la fuite :
il en périt plus de dix mille, et leur camp tomba au
pouvoir de Pompée.
XXXV. Dès le
commencement de l'action, Mithridate s'était fait jour
à travers les Romains avec huit cents chevaux, et
avait abandonné le champ de bataille ; mais
bientôt ses cavaliers se dispersèrent, et il
resta seul avec trois personnes, parmi lesquelles
était Hypsicratia, une de ses concubines, qui avait
toujours montré un courage si mâle et une audace
si extraordinaire, que le roi l'appelait Hypsicratès :
habillée ce jour-là à la persienne, et
montant un cheval perse, elle supporta sans fatigue les plus
longues courses, servant toujours le roi, et pansant
elle-même son cheval, jusqu'à ce qu'enfin ils
arrivèrent à une forteresse appelée
Inora (38), où
étaient les trésors et les meubles de
Mithridate : là ce prince prit les robes les plus
magnifiques, qu'il distribua à ceux qui
s'étaient rassemblés autour de lui, et donna
à chacun de ses amis un poison mortel, afin qu'aucun
d'eux ne tombât vivant, malgré lui, entre les
mains des ennemis. De là il prit le chemin de
l'Arménie pour aller joindre Tigrane, qui lui refusa
l'entrée de ses Etats et fit même publier qu'il
donnerait cent talents à quiconque lui apporterait sa
tête ; ce qui obligea Mithridate d'aller passer
l'Euphrate à sa source, pour s'enfuir par la
Colchide.
XXXVI. Cependant
Pompée entra dans l'Arménie, où il
était appelé par le jeune Tigrane, qui
s'était déjà révolté
contre son père, et qui vint au-devant du
général romain jusqu'aux bords de l'Araxe ; ce
fleuve prend sa source dans les mêmes lieux que
l'Euphrate, et continuant son cours vers le levant, il va se
jeter dans la mer Caspienne. Lorsque Pompée et le
jeune Tigrane se furent joints, ils avancèrent
ensemble dans le pays, et reçurent les villes qui se
soumettaient. Le roi Tigrane, qui venait d'être
entièrement défait par Lucullus, informé
que Pompée était d'un caractère doux et
facile, reçut dans sa capitale une garnison romaine ;
et prenant avec lui ses parents et ses amis, il partit pour
aller se rendre à Pompée. Il arrivait à
cheval près des retranchements, lorsque deux licteurs
de Pompée allant à sa rencontre, lui
ordonnèrent de descendre de cheval, et d'entrer
à pied, en lui disant que jamais on n'avait vu
personne à cheval dans un camp romain. Tigrane
obéit, et ôta même son épée,
qu'il remit aux licteurs. Quand il fut auprès de
Pompée, il détacha son diadème pour le
mettre aux pieds de ce général, et en se
prosternant bassement à terre, lui embrasser les
genoux. Pompée le prévint, et, le prenant par
la main, il le conduisit dans sa tente, le fit asseoir
à un de ses côtés, et Tigrane, son fils,
à l'autre : «Tigrane, lui dit-il, c'est à
Lucullus que vous devez vous en prendre des pertes que vous
avez faites jusqu'ici ; c'est lui qui vous a enlevé la
Syrie, la Phénicie, la Cilicie, la Galatie et la
Sophène (39) :
je vous laisse tout ce que vous aviez lorsque je suis venu
dans ces contrées, à condition que vous payerez
aux Romains six mille talents, pour réparer les torts
que vous leur avez faits : je donne à votre fils le
royaume de Sophène». Tigrane, satisfait de ces
conditions, et salué roi par les Romains, fut si
transporté de joie, qu'il promit de donner à
chaque soldat une demi-mine ; dix mines à chaque
centurion, et un talent à chaque tribun : mais son
fils parut très mécontent ; et Pompée
l'ayant fait inviter à souper, il répondit
qu'il n'avait pas besoin de Pompée, ni des honneurs
qu'il donnait ; qu'il trouverait d'autres Romains qui
sauraient lui en procurer de plus considérables.
Pompée, piqué de cette réponse, le fit
charger de chaînes, et le réserva pour son
triomphe. Peu de temps après, Phraate, roi des
Parthes, envoya redemander ce jeune prince, qui était
son gendre, et représenter à Pompée
qu'il devait borner ses conquêtes à l'Euphrate.
Pompée répondit que le jeune Tigrane tenait de
plus près à son père qu'à son
beau-père, et que la justice réglerait seule
les bornes qu'il mettrait à ses conquêtes.
XXXVII. Après avoir
préposé Afranius à la garde de
l'Arménie, il fut obligé, pour suivre
Mithridate, de prendre sa route à travers les nations
qui habitent les environs du Caucase. Les plus puissantes
sont les Albaniens et les Ibériens ; ces derniers
s'étendent jusqu'aux montagnes Moschiques (40), et au royaume de Pont ;
les Albaniens tournent plus à l'orient et vers la mer
Caspienne. Ces derniers accordèrent d'abord le passage
que Pompée leur avait demandé sur leurs terres
; mais l'hiver ayant surpris son armée dans leur pays,
et la fête des Saturnales étant arrivée
dans ce temps-là, ces Barbares, au nombre au moins de
quarante mille, voulurent les attaquer; et, dans cette
intention, ils passèrent le fleuve Cyrnus (41), qui prend sa source
dans les montagnes d'Ibérie, et après avoir
reçu l'Araxe, qui descend de l'Arménie, se
jette par douze embouchures dans la mer Caspienne. Suivant
d'autres auteurs, le Cyrnus ne reçoit pas l'Araxe ; il
a son cours séparé près de ce dernier
fleuve, et se décharge dans la même mer.
Pompée eût pu facilement s'opposer au passage
des ennemis ; mais il les laissa traverser sans obstacle ; et
dès qu'ils furent passés, il les chargea si
brusquement qu'il les mit en fuite, et en fit un grand
carnage. Leur roi eut recours aux prières, et envoya
des ambassadeurs à Pompée, qui lui pardonna son
injustice, fit la paix avec lui, et marcha contre les
Ibériens, qui, aussi nombreux et plus aguerris que les
Albaniens, avaient le plus grand désir de servir
Mithridate et de repousser Pompée. Ces Ibériens
n'avaient jamais été soumis ni aux
Mèdes, ni aux Perses ; ils avaient même
évité l'empire des Macédoniens, parce
qu'Alexandre avait été obligé de quitter
promptement l'Hyrcanie. Pompée les vainquit dans un
grand combat, leur tua neuf mille hommes, et fit plus de dix
mille prisonniers : il entra tout de suite dans la Colchide,
où Servilius vint le retrouver à l'embouchure
du Phase, avec les vaisseaux qui lui avaient servi à
garder le Pont-Euxin.
XXXVIII. La poursuite de
Mithridate, qui s'était caché parmi les nations
du Bosphore (42) et
des Palus-Méotides, entraînait de grandes
difficultés : d'ailleurs Pompée reçut la
nouvelle que les Albaniens s'étaient
révoltés de nouveau. La colère et le
désir de se venger l'avant ramené contre eux,
il repassa le Cyrnus avec beaucoup de peine et de danger :
les Barbares en avaient fortifié la rive par une
palissade de troncs d'arbres ; après l'avoir
traversé, il lui restait une longue route à
faire dans un pays sec et aride : il fit donc remplir d'eau
dix mille outres, et continua sa marche pour aller joindre
les ennemis, qu'il trouva rangés en bataille sur le
bord du fleuve Abas (43) : ils avaient soixante
mille hommes de pied, et douze mille chevaux ; mais ils
étaient mal armés, et n'avaient la plupart,
pour toute défense, que des peaux de bêtes.
Cosis, frère du roi, les commandait : dès que
le combat fut engagé, ce prince courant sur
Pompée, lui lança son javelot, et l'atteignit
au défaut de la cuirasse. Pompée l'ayant joint,
le perça de sa javeline, et l'étendit roide
mort. On dit que les Amazones, descendues des montagnes
voisines du fleuve Thermodon, combattirent à cette
bataille avec les Barbares ; car les Romains, en
dépouillant les morts après le combat,
trouvèrent des boucliers et des brodequins, tels que
les Amazones en portent ; mais on ne découvrit pas un
seul corps de femme. Les Amazones habitent la partie du
Caucase qui regarde la mer d'Hyrcanie ; elles ne sont pas
limitrophes des AIbaniens, dont les Gèles et les
Lèges (44)
les séparent ; elles vont tous les ans passer deux
mois avec ces derniers peuples sur les bords du Thermodon ;
et, ce terme expiré, elles rentrent dans leur pays,
où elles vivent absolument seules, sans aucun commerce
avec les hommes.
XXXIX. Après ce
combat, Pompée se mit en chemin pour aller dans
l'Hyrcanie, et de là jusqu'à la mer Caspienne ;
il n'en était qu'à trois journées de
chemin (45) ; mais,
arrêté par le grand nombre de serpents venimeux
qu'on trouve dans ces contrées, il revint sur ses pas
et se retira dans la petite Arménie, où il
reçut des ambassadeurs des rois des Elymiens (46) et des Mèdes,
à qui il écrivit des lettres remplies de
témoignages d'amitié. Le roi des Parthes
s'était jeté dans la Gordyenne, où il
opprimait les sujets de Tigrane ; Pompée
détacha contre lui Afranius, qui le chassa et le
poursuivit jusqu'à l'Arbélitide. Pompée
ne voulut voir aucune des concubines de Mithridate qui lui
furent amenées ; il les renvoya toutes à leurs
parents ou à leurs proches ; car elles étaient
la plupart femmes ou filles des capitaines et des courtisans
de Mithridate. Stratonice, celle qui avait le plus de
crédit auprès du roi, et à qui il avait
confié la garde de la forteresse où
était déposée la plus grande partie de
ses richesses, était, dit-on, fille d'un musicien
vieux et pauvre. Un jour qu'elle chanta, pendant le souper,
devant Mithridate, ce prince en fut si ravi qu'il voulut
l'avoir la nuit même, et qu'il renvoya le père
très mécontent de ce qu'il ne lui avait pas dit
un seul mot d'honnêteté ; mais le lendemain
à son réveil, il vit, dans la maison il
était, des tables couvertes de vaisselle d'or et
d'argent, un grand nombre de domestiques, des eunuques et des
pages qui lui apportaient des habits magnifiques, et à
sa porte un cheval couvert d'un riche harnais, tel qu'on en
donnait aux amis du roi (47). Il crut que
c'était une plaisanterie, et voulut s'enfuir de sa
maison ; mais ses domestiques l'arrêtèrent, et
lui dirent que le roi lui avait donné la maison d'un
homme fort riche qui venait de mourir ; que ce n'était
là qu'un échantillon et comme une montre des
autres biens qui lui reviendraient de cette succession. Il
avait de la peine à croire ce qu'on lui disait ; mais
enfin il se laissa revêtir d'une robe de pourpre, et
montant à cheval, il traversa la ville, en criant :
«Tous ces biens sont à moi !» et lorsqu'il
voyait quelqu'un se moquer de lui : «Ce ne sont pas mes
folies, disait-il, qui doivent vous surprendre ; vous devez
plutôt vous étonner que, dans cet excès
de joie qui me rend fou, je ne jette pas des pierres à
tous les passants». Voilà de quelle famille et
de quel sang était Stratonice (48). Elle livra à
Pompée la forteresse qu'elle avait en garde, et lui
fit de riches présents ; mais Pompée ne prit
que ce qui pouvait servir à la décoration des
temples et à l'ornement de son triomphe ; il voulut
que Stratonice gardât tout le reste pour elle.
XL. XL. Le roi des
Ibériens lui envoya un lit, une table et un
trône, le tout d'or massif, et le fit prier de les
recevoir comme un gage de son amitié. Pompée
les remit aux questeurs, pour le trésor public. Dans
un château appelé Cénon, il trouva des
papiers secrets de Mithridate, qu'il lut avec plaisir, parce
qu'ils contenaient des preuves frappantes du caractère
de ce prince. C'étaient des Mémoires qui
attestaient qu'il avait empoisonné plusieurs
personnes, entre autres son fils Ariarathe, et Alcée
de Sardis, qui avait remporté sur lui le prix de la
course des chevaux (49). Il y avait des
explications des songes qu'il avait eus, lui et ses femmes ;
enfin, des lettres amoureuses de Monime à Mithridate,
et de ce prince à Monime. Théophane
prétend qu'il y trouva aussi un discours de Rutilius,
dont le but était d'engager Mithridate à faire
massacrer tous les Romains qui étaient dans l'Asie ;
mais la plupart des auteurs soupçonnent, avec bien de
la vraisemblance, que c'est une méchanceté de
Théophane, qui haïssait Rutilius, sans doute
parce qu'il ne lui ressemblait en rien (50). Peut-être a-t-il
inventé ce fait pour faire plaisir à
Pompée, dont le père était
représenté, dans l'histoire de Rutilius, comme
le plus méchant des hommes. Pompée
s'étant remis en marche, gagna la ville d'Amisus,
où son ambition lui fit tenir la conduite la lus
blâmable : il avait repris Lucullus avec aigreur
d'avoir, avant la fin de la guerre (51), disposé des
gouvernements, décerné des dons et des honneurs
; ce que les vainqueurs ne font ordinairement que lorsque la
guerre est terminée ; et lui-même, lorsque
Mithridate dominait encore dans le Bosphore, qu'il y avait
rassemblé une puissante armée, il fit ce qu'il
avait condamné dans Lucullus ; et, comme si la guerre
eût été finie, il donna des commandements
de provinces et distribua des présents. Plusieurs
capitaines et plusieurs princes, entre autres douze rois
barbares, se rendirent auprès de lui ; et pour leur
faire plaisir, en écrivant au roi des Parthes, il ne
lui donna pas dans ses lettres, comme les autres princes le
faisaient, le titre de roi des rois.
XLI. Pendant son
séjour dans cette ville, il conçut le plus
violent désir de reconquérir la Syrie, et de
pénétrer par l'Arabie jusqu'à la mer
Rouge, afin d'avoir de tous côtes pour bornes de ses
conquêtes l'Océan, qui environne la terre. En
Afrique, il était le premier qui se fût ouvert,
par ses victoires, un chemin jusqu'à la mer
extérieure ; en Espagne, il avait donné la mer
Atlantique pour borne à l'empire romain ; et tout
récemment encore, en poursuivant les Albaniens, il
s'était approché de bien près de la mer
d'Hyrcanie. Il partit donc dans la résolution de faire
le tour de la mer Rouge ; car il voyait que Mithridate
était difficile à suivre à main
armée, et plus dangereux dans sa fuite que dans sa
résistance. Ainsi, disait-il, pour lui laisser un
ennemi plus fort que lui-même, c'est-à-dire la
famine, il mit des vaisseaux en croisière sur le
Pont-Euxin, afin d'enlever les marchands qui porteraient des
provisions dans le Bosphore : la peine de mort était
décernée contre tous ceux qui seraient pris. En
poursuivant sa route avec la pius grande partie de son
armée, il arriva sur le champ de bataille où
étaient les cadavres des soldats romains qui, sous
Triarius, avaient combattu malheureusement contre Mithridate,
et dont les corps étaient restés sans
sépulture (52). Il les fit tous
enterrer avec autant de soin que de magnificence ; ce devoir,
négligé par Lucullus, fut, à ce qu'il
paraît, une des principales causes de la haine que ses
soldats conçurent contre lui. Pompée,
après avoir soumis, par son lieutenant Afranius, les
Arabes qui habitent autour du mont Amanus, descendit dans la
Syrie ; et comme elle n'avait pas de rois légitimes
(53), il en fit une
province romaine. Il subjugua la Judée, et fit
prisonnier le roi Aristobule ; il y fonda quelques villes,
rendit la liberté à d'autres, et punit les
tyrans qui en avaient usurpé l'autorité. Mais
il s'y occupa surtout de rendre la justice, de concilier les
différends des villes et des rois ; et quand il ne
pouvait s'y transporter en personne, il y envoyait ses amis :
c'est ce qu'il fit en particulier pour les Arméniens
et les Parthes qui se disputaient quelques provinces ; ils
s'en rapportèrent à sa décision, et il
leur envoya trois arbitres pour juger leurs
prétentions respectives ; car l'opinion qu'on avait de
sa justice et de sa douceur égalait celle de sa
puissance ; c'était même par là qu'il
couvrait la plupart des fautes de ses amis et de ceux qui
avaient sa confiance : trop faible pour les empêcher de
les commettre ou pour les en punir, il montrait une si grande
douceur à ceux qui venaient se plaindre, qu'il leur
faisait supporter patiemment l'avarice et la dureté de
ses agents.
XLII.
Démétrius, son affranchi, était de tous
ses domestiques celui qui avait le plus de crédit
auprès de son maître ; il était jeune et
ne manquait pas d'esprit, mais il abusait de sa fortune. On
raconte à ce sujet que Caton le philosophe, qui dans
sa jeunesse même avait déjà une grande
réputation de sagesse et de grandeur d'âme, alla
voir la ville d'Antioche, pendant que Pompée en
était absent. Il marchait à pied selon sa
coutume, et ses amis le suivaient à cheval. En
arrivant aux portes de la ville, il vit une foule de gens
vêtus de robes blanches, et des deux côtés
du chemin de jeunes garçons et des enfants
rangés en haie. Caton, qui crut que tous ces
préparatifs étaient faits pour lui, et qu'on
venait par honneur au-devant de lui, en fut très
mécontent, car il ne voulait aucune
cérémonie. Il ordonna donc à ses amis de
descendre de cheval, et de l'accompagner à pied.
Lorsqu'ils eurent joint cette troupe, celui qui
réglait la fête, et qui avait placé tout
le monde, étant venu au-devant d'eux, avec une verge
à la main et une couronne sur la tête, leur
demanda où ils avaient laissé
Démétrius, et à quelle heure il
arriverait. Les amis de Caton éclatèrent de
rire : «O malheureuse ville !» s'écria
Caton ; et il continua sa route sans rien ajouter. Il est
vrai que Pompée lui-même adoucissait la haine
qu'on portait à son affranchi, par la patience avec
laquelle il souffrait son audace, sans jamais se
fâcher. On assure que souvent Pompée attendait
les convives qu'il avait priés à souper, afin
de les recevoir pendant que Démétrius
était déjà assis à table, et
qu'il avait sur sa tête son bonnet (54) insolemment
enfoncé jusqu'au-dessous des oreilles. Avant son
retour en Italie, il avait acquis dans les environs de Rome
les plus belles maisons de campagne, les plus beaux parcs
pour les exercices ; il avait des jardins magnifiques qu'on
appelait les jardins de Démétrius, tandis que
Pompée, jusqu'à son troisième triomphe,
était logé de la manière la plus simple
et la plus modeste. Ce ne fut qu'après avoir construit
ce théâtre si magnifique et si
célèbre qui porte son nom, qu'il se fit
bâtir, comme une espèce d'accessoire, une maison
plus belle que la première, mais qui n'était
pas faite pour exciter l'envie. Aussi celui qui en fut le
maître après Pompée,
étonné, en y entrant, de sa simplicité,
demanda où était la salle à manger du
grand Pompée ; c'est du moins ce qu'on rapporte.
XLIII. Le roi de l'Arabie
Pétrée, qui ne s'était pas fort
inquiété jusqu'alors de la puissance romaine,
effrayé à l'approche de Pompée, lui
écrivit qu'il était disposé à
faire tout ce qu'il lui ordonnerait. Pompée, pour
l'affermir dans cette résolution, mena son
armée devant Pétra ; mais cette
expédition fut généralement
blâmée ; on crut que c'était un
prétexte pour cesser de poursuivre Mithridate, contre
lequel il devait, disait-on, tourner toutes ses forces, parce
que c'était l'ancien ennemi des Romains, qu'il
commençait à rallumer la guerre, et que,
d'après les nouvelles qu'on en avait reçues du
Bosphore, il se préparait à traverser la
Scythie et la Péonie (55), pour entrer avec son
armée en Italie. Pompée, persuadé qu'il
était plus facile de ruiner sa puissance, en lui
laissant continuer la guerre, que de le prendre dans la
fuite, ne voulut pas inutilement le poursuivre ; et pour
gagner du temps, il chercha dans l'intervalle à faire
d'autres expéditions. Mais la fortune trancha la
difficulté : il n'était pas loin de
Pétra, et après avoir assis son camp pour ce
jour-là, il s'exerçait hors des retranchements
à faire manoeuvrer un cheval, lorsqu'il vit arriver du
royaume de Pont des courriers qui lui apportaient d'heureuses
nouvelles; on le reconnut aux lauriers qui en pareil cas
entourent, selon la coutume des Romains, la pointe de leurs
javelines. Les soldats les ayant aperçus, accoururent
auprès de Pompée ; il voulait, avant de donner
audience aux courriers, achever son exercice ; mais les
soldats l'ayant supplié à grands cris de lire
ces lettres, il descendit de cheval, prit les
dépêches, et rentra dans le camp. Il n'y avait
point de tribunal dressé ; et les soldats, aussi
curieux qu'impatients de savoir les nouvelles, ne se donnent
pas le temps d'en élever un, tel qu'il est d'usage de
le faire dans les camps ; ils coupent d'épaisses
mottes de terre qu'ils entassent les unes sur les autres,
mettent en un monceau les bâts des bêtes de
somme, et en font un tribunal. Pompée y monte, et leur
annonce que Mithridate est mort ; que la révolte de
son fils Pharnace l'a porté à se tuer
lui-même ; que Pharnace s'est emparé de tous les
Etats de son père, et qu'il lui mande, dans ses
lettres, qu'il en a pris possession pour lui et pour les
Romains.
XLIV. Aussitôt
l'armée, se livrant aux transports de joie que devait
lui causer cette nouvelle, fit des sacrifices et des festins,
comme si la mort de Mithridate l'eût
délivrée d'un nombre infini d'ennemis.
Pompée ayant ainsi mis à ses exploits une fin
beaucoup plus facile qu'il n'avait pu l'espérer,
partit de l'Arabie, et, traversant d'une marche rapide les
provinces qui la séparent de la Galatie, il se rendit
à Amisus, où il trouva des présents
magnifiques que Pharnace lui envoyait, et plusieurs corps
morts des princes du sang royal, au nombre desquels
était celui de Mithridate (56) : ce dernier
n'était pas facile à reconnaître aux
traits du visage, parce que les esclaves qui l'avaient
embaumé avaient oublié d'en dessécher la
cervelle ; mais ceux qui furent curieux de l'examiner le
reconnurent à des cicatrices qu'il avait au visage.
Pompée refusa de le voir ; et pour détourner de
lui la vengeance céleste, il le renvoya à
Sinope. Mais il admira la magnificence de son habillement, la
grandeur et l'éclat de ses armes. Car un certain
Publius avait volé le fourreau de son
épée, qui avait coûté quatre cents
talents, et qu'il vendit à Ariarathe ; Caïus, qui
avait été nourri avec Mithridate, prit le
diadème de ce prince, dont le travail était
admirable, et qu'il donna secrètement à
Faustus, fils de Sylla, qui le lui avait demandé.
Pompée ignora alors ces deux vols ; mais dans la suite
Pharnace les ayant découverts, en fit punir les
auteurs. Pompée, après avoir tout
réglé, tout affermi dans ces provinces, voyagea
avec beaucoup de pompe, en célébrant sur sa
route des fêtes et des réjouissances publiques.
A Mitylène, il déclara la ville libre, par
estime pour Théophane, et il assista aux combats des
poètes, usités dans ce pays; ils avaient pris
pour sujet de leurs ouvrages de poésie les exploits de
Pompée. Il fut si charmé de leur
théâtre, qu'il en fit lever et dessiner le plan
pour en faire exécuter à Rome un pareil, mais
plus grand et plus magnifique. De là passant à
Rhodes, il y entendit discourir tous les sophistes, et leur
donna à chacun un talent. Posidonius a laissé
par écrit le discours qu'il prononça devant lui
pour réfuter l'opinion d'Hermagoras sur la question
générale (57). Dans Athènes,
il traita les philosophes avec la même
générosité qu'à Rhodes, et fit
présent à la ville de cinquante talents pour la
réparer.
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(35) M. Dacier croit
que Catulus fait allusion à la retraite du peuple
sur le mont Sacré, dans les commencements de la
république ; mais M. Mosès Dusoul observe
que c'est aux sénateurs que Catulus parle, et non
pas au peuple ; qu'il ne peut donc pas leur rappeler
cette retraite sur le mont Sacré, mais celle que
le sénat et le peuple firent dans le Capitole,
lors de la prise de Rome par les Gaulois.
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(36) Cette
mer s'étend du nord au midi, depuis la
Séleucide jusqu'à la Palestine.
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(37) Voyez
ce que nous avons dit de l'origine des sources, sur un
passage semblable de la vie de Paul-Emile dans les
notes.
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(38) On ne
trouve point la forteresse d'Inora dans les anciens
géographes. Le père Lubin, cité par
M. Dacier, croit qu'il faut substituer, au nom d'Inora,
celui de Sinoria ; l'autorité de Strabon vient
appuyer cette conjecture.
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(39) La
Sophène, située au nord de la
Comagène et de la Mésopotamie, était
enfermée par une partie du mont Taurus,
appelé l'Anti-Taurus ; Strab. liv. XI, p.
521.
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(40) Les
monts Moschiques, suivant le même géographe,
ibid. sont une longue chaîne de montagnes
situées au delà de l'Euphrate, à la
suite de l'Anti-Taurus, et qui embrasse toute
l'Arménie, jusqu'à l'Ibérie et
l'Albanie.
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(41) On ne
trouve point le fleuve Cyrnus dans les anciens
géographes. Strabon, liv. XI, p. 491, parle du
fleuve Cyrus ; il dit qu'au levant, vers la mer
Caspienne, entre l'Abanie et l'Arménie, on trouve
le Cyrus et l'Araxe : le premier coule dans
l'Arménie, et l'autre dans l'Albanie et
l'Ibérie. Il ajoute, p. 500, qu'entre l'Albanie et
la Colchide est une plaine arrosée de plusieurs
fleuves, dont le plus grand est le Cyrus : il s'appellait
anciennement Corus. Ammien Marcellin, liv. XXIII, chap.
VI, dit que ce fut Cyrus qui changea le nom de ce fleuve,
et lui donna le sien. Strabon est du nombre de ces
auteurs que va citer Plutarque, qui ne croyaient pas que
le Cyrus reçût l'Araxe, car il marque
à ces deux neuves deux embouchures
séparées.
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(42) Ce
Bosphore n'est pas celui de Thrace, mais le Bosphore
Cimmérien, qui réunit les
Palus-Méotides avec le Pont-Euxin, et
sépare la Chersonèse Taurique, aujourd'hui
la Crimée, de la Sarmatie d'Asie, maintenant la
Circassie, et les pays voisins. Strabon, liv. XI, p.
474.
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(43) Le
fleuve Abas coule des montagnes d'Albanie, et se jette
dans la mer Caspienne ; c'est le même que
Ptolémée appelle Albanus, et il est
marqué dans les cartes sous ce nom. Strabon, liv.
XI, p. 512, parle de la même manière que
Plutarque des forces des peuples de l'Albanie ; ils
peuvent, dit-il, mettre sur pied plus de troupes que les
Ibériens ; car ils arment jusqu'à soixante
mille hommes de pied et douze mille chevaux ; mais ces
troupes sont mal disciplinées ; elles se servent
de dards et de flèches, portent des cuirasses, des
boucliers et des casques faits de peaux de
bête.
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(44) Plutarque
a pris ce qu'il dit ici de l'Histoire de Théophane
le Mitylénien, qui avait suivi Pompée
à cette expédition, et avait écrit
tout ce qu'il s'y était passé. C'est dans
cette relation qu'il disait que les Amazones
étaient séparées des Albaniens par
les Gèles et les Lèges, peuples de la
Scythie. Strabon, ibid. p. 500.
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(45) Pompée,
pour pénétrer jusqu'à la mer
Caspienne, n'avait pas besoin de passer en Hyrcanie ; car
étant en Albanie, il se trouvait très
près de cette mer. Plutarque a voulu dire, sans
doute, que Pompée s'était proposé de
pénétrer par l'Hyrcanie jusqu'à
l'autre extrémité de la mer Caspienne.
Strabon, liv. XI, p. 503, remarque que ce pays produit
des bêtes venimeuses, dont la piqûre est
mortelle ; que la blessure de quelques-uns de ces animaux
donne la mort en provoquant le rire, et celle de quelques
autres, en excitant les larmes.
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(46) Les
Elymiens ou Elyméens étaient des peuples
d'une province d'Assyrie, voisins des Mèdes.
Strabon, liv. XVI, p. 744 et 745, marque trois pays
occupés par les Elymiens : la Gabiane, la
Messabatique et la Corbiane. La Gordyenne, dont il est
parlé ensuite, était une province de la
Perse ; et l'Arbélitide avait pour capitale
Arbelles, fameuse par la victoire d'Alexandre sur
Darius.
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(47) C'était
l'usage des rois d'Orient, de donner à ceux de
leurs amis qu'ils voulaient honorer un des plus beaux
chevaux de leur écurie, aussi richement
enharnaché que ceux qu'ils montaient
eux-mêmes. L'histoire de Mardochée, dans le
livre d'Esther, en est une preuve.
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(48) Plutarque,
en empruntant ici une manière de parler
usitée parmi les héros d'Homère,
veut jeter du ridicule sur Stratonice, qui, fille d'un
père si méprisable, et courtisane
elle-même, était parvenue au rang
d'épouse de Mithridate.
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(49) Les
rois d'Orient avaient soin de faire tenir des registres
exacts de tout ce qui se passait à la cour, et
quelquefois ils se faisaient lire les annales des
règnes précédents, ou même
celles de leur règne, comme l'histoire d'Esther le
prouve encore.
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(50) P.
Rutilius Rufus avait été consul l'an de
Rome six cent quarante-neuf. Cicéron en fait le
plus bel éloge dans plusieurs endroits de ses
ouvrages, et en particulier dans le Discours pour
Fonteius, chap. XIII. Il était bon historien,
et avait écrit en grec l'histoire romaine. Les
chevaliers romains, dont il avait arrêté les
concussions en Asie, le traduisirent en justice, et
eurent le crédit de le faire exiler ; il se retira
à Smyrne, d'où Sylla, dans la suite, le
rappela ; mais il refusa de revenir. Il n'est pas
étonnant que Théophane ne ressemblât
en rien à un homme d'une si grande vertu, et il
est très vraisemblable que Rutilius n'avait rien
écrit que de vrai sur le père de
Pompée.
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(51) Il y a
dans le texte : pendant que son ennemi vivait encore ; ce
qui ne fait pas un sens raisonnable : un critique propose
de lire : la guerre étant encore en vigueur. La
méprise a été d'autant plus facile
au copiste, que, dans le grec, les deux mots
employés par Plutarque ne diffèrent que
d'une lettre : j'ai cru devoir adopter cette correction ;
M. Dacier l'a suivie dans sa traduction.
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(52) On a vu
dans la vie de Lucullus, chap. LI, que cette
défaite de Triarius, un des lieutenants de ce
général, fut très sanglante ; il y
périt plus de sept mille Romains, du nombre
desquels étaient vingt-trois tribuns de soldats,
et cent cinquante centurions. Le camp resta au pouvoir de
Mithridate.
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(53) Appien,
qui parle de cette réduction de la Syrie en
province romaine, n'en donne pas la même raison que
Plutarque ; il dit seulement, dans son livre de la
Guerre de Syrie, p. 119, que Pompée
dépouilla Antiochos du royaume de Syrie, quoique
ce prince n'eût aucun tort envers les Romains,
parce qu'il lui fut facile, avec une armée aussi
nombreuse que la sienne, d'opprimer un roi faible. Il
ajoute que Pompée en prétextait une autre
cause ; il disait que, puisque les anciens rois eut
avaient été chassés par Tigrane, il
n'était pas juste qu'on la rendît aux
Séleucides vaincus, plutôt que de la laisser
aux Romains vainqueurs. Plutarque passe un peu
légèrement sur la conquête de la
Judée ; il ne dit pas que le temple de
Jérusalem fut forcé, et qu'on tua plus de
douze mille Juifs. Pompée entra dans le temple, et
ne toucha à aucune des choses qui servaient au
culte, ni aux trésors qu'il renfermait. Plutarque
aurait pu parler aussi de la vigne d'or qu'Aristobule
envoya au général romain, et qu'on estimait
cinq cents talents (deux millions cinq cent mille
livres). Elle fut consacrée à Rome dans le
temple de Jupiter Capitolin.
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(54) Amyot a
traduit, sa robe ; mais Henri Estienne, et après
lui M. Dacier, ont rendu le mot grec par celui de bonnet,
qui était en effet la marque des affranchis.
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(55) La
Péonie faisait partie de la Macédoine ;
quelques critiques proposent de lire la Pannonie,
aujourd'hui la Hongrie ; et c'est ainsi qu'Amyot a
traduit.
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(56) On peut
être étonné d'un pareil envoi ; mais
apparemment que Pharnace avait voulu rassurer
Pompée sur ce qu'il pouvait avoir encore à
craindre de Mithridate et des princes de sa maison.
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(57) Hermagoras,
suivant Quintilien, liv. II, florissait quelque temps
après Aristote et Théophraste, dont il
suivit l'école. Il avait écrit sur la
rhétorique. Posidonius était
d'Apamée en Syrie, et fut maître de
Cicéron : il faut le distinguer de Posidonius
d'Alexandrie, disciple de Zénon, et qui
était mort longtemps auparavant.
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