Idylle XVIII - Epithalame d'Hélène


Jadis dans la ville de Sparte, quand le blond Ménélas, le plus jeune des deux fils d'Atrée, épousa la fille de Tyndare, la belle Hélène, douze vierges, choisies parmi les plus nobles familles, la fleur des jeunes Lacédémoniennes, le front couronné d'hyacinthes, se réunirent devant l'asile fortuné qui renfermait les deux époux, et frappant la terre en cadence, elles remplirent le palais des doux chants d'hyménée.

LES VIERGES

Quoi ! l'astre du soir paraît à peine, et déjà tu dors, nouvel époux ! As-tu les membres fatigués ? Le sommeil a donc bien des charmes pour toi ! est-ce Bacchus qui t'a fait sitôt rechercher ta couche ? Si tu voulais dormir, il fallait choisir un moment plus propice, et laisser la jeune épouse s'égayer jusqu'au retour de l'aurore avec ses compagnes sous les yeux de sa mère, car, ô Ménélas ! le soir et le matin, et cette année, et les années suivantes Hélène est à toi.

Heureux époux, un dieu éternua pour toi quand tu vins à Sparte, obtenir une faveur que se disputaient tant d'illustres rivaux. Seul de tous les demi-dieux, tu nommeras ton père le maître de l'Olympe, car tu partages la couche de la fille de Jupiter. Dans toute l'Achaïe, Hélène ne voit pas de beauté qui marche son égale.

S'il ressemble à sa mère l'enfant né de cet hymen, comme il sera beau ! Parmi toutes nos compagnes qui, le corps peint des sucs de l'olive, exécutent les mêmes exercices sur les bords de l'Eurotas, parmi ces huit fois vingt jeunes filles, parées de la fleur de l'âge, de la beauté et d'un mâle courage, aucune n'est sans défaut, comparée à Hélène.

Comme l'aurore s'élève pleine d'éclat au premier jour du printemps, quand le froid hiver s'enfuit vers les pôles glacés, telle, ô nuit vénérable ! brillait parmi nous Hélène à la taille haute et majestueuse. Le cyprès embellit le jardin ou le champ fécond en gerbes, le coursier écumant est l'ornement du char thessalien, ainsi Hélène, au teint de rose, est l'ornement de Lacédémone.

Quelle femme remplit sa corbeille de tissus plus beaux ? Qui marie avec tant de goût la soie à la laine aux couleurs variées, pousse aussi légèrement sa navette, ourdit des trames aussi longues et aussi délicates ? Non, aucune femme ne sut tirer de sa lyre des sons aussi harmonieux et chanter avec autant de grâce les louanges de Diane ou de la docte Minerve, qu'Hélène dont les yeux sont l'asile des Amours.

Ô belle, ô aimable fille ! tu es donc maintenant épouse ! Pour nous, dès le matin nous irons dans les prairies cueillir des fleurs nouvelles et former des couronnes odorantes ; nos cœurs te chercheront, ô Hélène ! comme l'agneau nouveau né cherche la mamelle de sa mère.

Nous les premières, tressant des couronnes de lotos, nous en parerons les rameaux d'un platane ; les premières encore, portant une aiguière d'argent, remplie des plus doux parfums, nous les verserons goutte à goutte sur le platane sombre. Ces mots seront gravés sur son écorce en langue dorienne, et tous les passants liront :

RESPECTEZ-MOI , JE SUIS L'ARBRE D'HÉLÈNE.

Salut, nouvelle épouse ! salut, fils du roi des cieux ! Puisse Latone, protectrice de la fécondité, vous accorder des enfants dignes de vous ! Puisse Vénus, la déesse des amours, enflammer vos cœurs de transports mutuels, et le puissant fils de Saturne verser sur votre famille l'abondance et les richesses, qui passeront de race en race à des descendants dignes de vous !

Dormez, couple charmant, et respirez sur le sein l'un de l'autre les plaisirs et l'amour, mais songez à vous réveiller avec l'aurore. Demain, dès que le chantre du matin, levant sa crête altière, annoncera le retour de Phébus, nous viendrons toutes encore chanter en chœur.

Hymen, hymen, réjouis-toi de cette belle union !