Idylle XXVIII - La quenouille


Ô Quenouille ! don précieux de la sage Minerve, toi qui te plais dans la main de la fileuse, qui inspires le travail et l'économie aux respectables mères de famille, suis-moi avec confiance dans la riante ville de Nilée, près de cette grotte ombragée de tendres roseaux et consacrée à la belle Vénus.

Puisse Jupiter m'accorder une heureuse navigation ! Puissé-je bientôt serrer dans mes bras mon ami Nicias, être pressé sur son cœur, Nicias, le modèle des hôtes, le favori des Muses !

Toi qu'embellit un ivoire artistement travaillé, ô quenouille! tu seras offerte à l'épouse de Nicias. Dans ses laborieuses mains, tu prépareras ces superbes tissus dont les hommes se couvrent, ces robes ondoyantes dont se parent les femmes. Que deux fois l'année, les brebis, au sein de gras pâturages, se dépouillent de leur douce toison en faveur de la belle Théugénide, car elle a cet amour du travail qui dans les femmes est le caractère de la vertu.

Je n'ai point voulu te conduire dans le séjour de l'indolence et de l'oisiveté, toi qui naquis dans ma patrie, dans cette ville fameuse, l'orgueil de la Sicile, si féconde en héros et que fonda jadis Archias d'Éphyre.

La demeure que je te réserve est celle d'un sage dont la science profonde sait éloigner des humains les tristes maladies. Tu habiteras dans le fortuné Milet parmi les Ioniens. Toutes les amies de Théugénide admireront son élégante quenouille, et sans cesse tu rappelleras à sa mémoire le souvenir de l'hôte qui fut l'ami des Nymphes du Parnasse.

Qu'en te voyant, chacun dise : « Le présent est petit, mais qu'il a de prix ! Les dons de l'amitié sont toujours précieux.»