Idylle XXX - Sur la mort d'Adonis
Adonis n'était plus. A la vue de ce corps inanimé, de ce front pâle, de ces cheveux souillés de sang et de poussière, Cythérée ordonna aux Amours de lui amener l'auteur de ses maux.
Aussitôt ces enfants ailés parcourent d'un vol
rapide toute la forêt, rencontrent l'odieux sanglier, le
lient et l'enchaînement d'un triple nœud.
L'un, lui passant une corde au cou, traîne après
lui son captif ; l'autre hâte sa marche en le frappant de
son arc. Le sanglier s'avançait tristement, car il
redoutait la colère de Vénus.
« Ô le plus féroce des monstres des
forêts ! s'écria la reine de Cythère, c'est
donc toi qui as blessé cette cuisse ? c'est donc toi qui
as frappé mon époux ?
- Vénus, lui répondit l'homicide, ô reine
des Amours ! J'en jure par vous-même, j'en jure par votre
époux, par ces liens qui me pressent, par ces aimables
chasseurs, je ne voulais pas blesser Adonis.
« J'admirais votre jeune amant comme une belle statue, et
mon cœur s'enflamma. Cédant alors à la
violence de mes feux, je désirai baiser sa cuisse nue.
Hélas ! Ce transport a causé mon malheur.
« Reine de Cythère, punissez, arrachez ces dents
meurtrières ; qu'en ferais-je désormais ? Et si ce
n'est assez, coupez aussi ces lèvres
criminelles.»
Vénus attendrie ordonna aux Amours de le délivrer de ses liens. Depuis ce temps, le sanglier suit la déesse ; jamais il n'est retourné dans les forêts ; et dans son désespoir, il brûla lui-même ses défenses.