© Agnès Vinas

Nós i tres cavallers que anaven amb Nós trobàrem un cavaller que anava a peu, i duia l'escut embraçat i la llança a la mà, l'espasa cenyida, el seu elm saragossà al cap i vestia un perpunt. Li demanàrem que es retés i ell es girà cap a nosaltres amb la seva llança dreta, sense voler-nos parlar. I Nós diguérem:

- Barons, els cavalls són preciosos en aquesta terra, i no en tenim més que un cadascú, i val més un cavall que vint sarraïns. Jo us diré com l'hem de matar: voltem-lo i quan dreci la llança contra algú, que un altre avanci i el colpeixi per les espatlles, que el farem caure a terra i així no podrà fer mal a ningú.

I mentre ens disposàvem a fer-ho, comparegué En Pere Llobera i es llança contra el sarraí, i el sarraí, que el veié venir, li dreça la llança i li donà tal llançada al pit del cavall que n'hi ficà mitja braça; ell li donà un cop amb el pit del cavall i el féu caure, i el sarraí intentà aixe­car-se i posà mà a l'espasa.

Mentrestant Nós arribàrem a ell i no es volgué retre fins que morí (quan li deien « Ret-te! », ell deia Le!, que vol dir « No! »), i n'hi moriren ben bé uns vuitanta més.

Version en catalan moderne de Josep Maria Pujol


© Agnès Vinas

Avec trois chevaliers qui m'accompagnaient, je rencontrai un cavalier à pied, écu au bras, lance à la main, épée ceinte, heaume de Saragosse en tête et vêtu d'un gamboison ; je lui demandai de se rendre, mais il se tourna vers moi lance dressée, et ne voulut même pas me parler.

« Barons, dis-je alors, les chevaux sont précieux sur cette île : chacun de nous n'en a qu'un, et un cheval vaut plus que vingt Sarrasins. Je vais vous expliquer comment le tuer : entourons-le tous, et quand il dressera sa lance contre l'un de nous, un autre viendra le frapper aux épaules et le jettera à terre : ainsi, il ne pourra plus faire de mal à personne ».

Mais alors que nous nous apprêtions à le faire, don Pedro Lobera arriva et laissa son cheval courir sus au Sarrasin ; le Sarrasin, le voyant venir, dressa sa lance contre lui et en donna un tel coup au poitrail du cheval qu'il l'enfonça de plus d'une demi-brasse ; mais l'autre le bouscula avec le poitrail du cheval et le renversa ; le Sarrasin voulut se relever et mit la main à l'épée, mais nous nous jetâmes alors sur lui, et il refusa de se rendre jusqu'à la mort. Même quand je lui disais : « Rends-toi », il me répondait : « Lê », ce qui signifie « Non ». Il en mourut bien quatre-vingts autres. Puis nous rejoignîmes l'armée.

Traduction en français d'Agnès et Robert Vinas


Vous trouverez la traduction française dans l'édition du Livre des Faits d'Agnès et Robert Vinas, éditée par la SASL en 2007, et la version catalane dans l'édition du Llibre dels Fets, assurée par Josep Maria Pujol, Agnès et Robert Vinas et publiée par l'éditorial Moll en 2008.