XXXVI. De Clitemestra Micenarum regina.

Clitemestra Tyndari, regis Oebalie, filia fuit ex Leda et Castoris atque Pollucis et Helene soror, virgoque nupsit Agamenoni, Micenarum regi. Clue etsi genere satis et coniugio clara esset, nephario tamen ausu clarior facta est. Nam imperante Agamenone viro Grecorum copiis apud Troiam, cum ex eo iam plures filios peperisset, ociosi atque desidis iuvenis Egysti, olim Thiestis ex Pelopia filii, qui ob sacerdotium abstinebat ab armis, in concupiscentiam incidit; et — ut placet aliquibus — Nauplii senis, Palamedis olim patris, suasionibus, eius in amplexus et concubitum venit. Ex quo scelere secutum est ut, seu timore ob patratum facinus redeuntis Agamenonis, seu amasii suasione et regni cupidine, seu indignationis concepte ob Cassandram, que ab Agamenone deducebatur Micenas, animosa mulier armato animo et fraudibus temerario ausu surrexit in virum eumque victorem Ylii redeuntem et maris tempestatibus fessum, ficta oris letitia, suscepit in regiam; et — ut quibusdam placet — cenantem et vino iam forte madentem percuti iussit ab adultero ex insidiis prodeunte. Alii autem dicunt, cum recubaret, vestimentis victoria quesitis implicitus, quasi grecanicis festum clarius esset futurum, placide adultera coniunx illi suasit ut patrias indueret vestes et quas ipsa in hoc ante confecerat; easque exitu capiti[s] carentes audax porrexit eidem; et cum iam brachia manicis iniecisset vir quereretque circumvolutus unde posset emictere caput, semiligatus adultero percussori, ab eadem suadente, concessus est et sic, eo neminem vidente, percussus est. Quo facto regnum occupavit omne et cum adultero Egysto per septennium imperavit.


Boccace, De claris mulieribus
L'assassinat d'Agamemnon
Ms Français 598, Fol.49v, BNF
Cognac, XVe s

Sane cum excrevisset interim Horestes, Agamenonis ex ea filius, quem clam servaverant a furore matris amici, animumque in necem patris ulciscendam sumpsisset, tempore sumpto eam cum adultero interemit.

Quid incusem magis nescio: scelus an audaciam? Primum, pregrande malum non meruerat vir inclitus; secundum, quanto minus decebat perfidam mulierem, tanto abominabile magis. Habeo tamen quid laudem, Horestis scilicet virtutem, que diu substinere passa non est a pietate inceste matris retrahi quin in inmeriti patris necem animosus ultor irrueret et in male meritam matrem filius ageret quod minus meritus genitor ab adultero sacerdote, incesta imperante femina, passus fuerat; et eorum, quorum imperio et opere paternus sanguis eiusus fuerat, ut in autores verteretur scelus, effuso sanguine piaretur.

De Clytemnestre, reine de Mycènes

Clytemnestre, fille de Tyndare, roi d'Oebalie, et de Léda sa femme, et soeur de Castor et Pollux et d'Hélène, fut, bien fort jeune, mariée avec Agamemnon, roi de Mycènes.

Cette Dame, combien qu'elle fût en assez grand bruit pour la noblesse de sa maison et du côté de son mari, néanmoins se mit en un plus grand, moyennant sa méchante hardiesse. Car pendant que son mari, duquel déjà elle avait eu plusieurs enfants, était chef en l'armée des Grecs qui assiégeaient Troie, elle s'enamoura d'une jeune gentilhomme, appelé Egisthe, fils de Thyeste et de Pélopia, qui n'était point allé avec les autres à la guerre parce qu'il était de la dignité sacerdotale, mais était demeuré oisif et fainéant comme un casanier. Ainsi enamourée, trouva moyen, par la menée de Nauplius, déjà vieillard et père de Palamède, qu'ils eurent affaire ensemble par amours ; de laquelle méchanceté advint que cette hautaine femme, au retour d'Agamemnon, s'étant armée de trahison, s'éleva follement contre lui, son mari, ou pour crainte de la faute commise, ou par les persuasions de son amoureux, ou bien par un désir de demeurer seule au royaume, ou bien par un dépit conçu contre Agamemnon, pour cause qu'il eut ramené Cassandre avec soi à Mycènes et qu'elle crût qu'il s'en fût amouraché.

Et pourtant, quand il fut retourné de Troie, victorieux et las, pour raison de plusieurs longs travaux endurés sur la mer, avec une chère feinte se montrant toute réjouie, le reçut au palais royal ; et là, par un soir, s'étant profondément endormi (comme veulent aucuns) parce qu'il avait bu de même à souper, le fit tuer par son paillard qu'elle avait fait cacher là-dedans.

Nonobstant, quelques autres disent qu'un jour, s'étant Agamemnon vêtu d'une des robes qu'il avait conquêtées à la destruction et butin de Troie, pour faire sembler la fête de la victoire plus solennelle et magnifique à ses Grecs, sa femme lui persuada par belles paroles de se dépouiller de cette robe-là et d'en vêtir certaine autre à la mode du pays, qu'elle lui avait faite expressément, sans point avoir d'ouverture au lieu par lequel devait passer la tête, et qu'elle même la lui présenta hardiment et qu'après qu'Agamemnon y eut mis les deux bras et s'en étant affublé la tête pour la passer dehors, fut par elle mis entre les mains de son adultère, ainsi enveloppé qu'il était et à demi lié, afin qu'il s'en dépêchât plus à son aise et qu'ainsi fut Agamemnon tué, sans avoir vu son ennemi en face. Quand cela fut fait, elle se saisit du royaume et le gouverna sept ans avec son Egisthe.

Mais cela ne demeura pas impuni. Car cependant, Oreste, fils d'Agamemnon et d'elle, qui par les amis du père avait secrètement été garanti de la fureur de sa mère, étant fort crû et agrandi, après avoir délibéré de venger la mort de son père, attendit si bien le temps qu'il tua sa mère avec son adultère.

Sans point de faute je ne sais si je dois plutôt reprendre la méchanceté de celle-ci que son audace cruelle. Pour ce qu'en premier lieu le noble Agamemnon n'avait point mérité une telle mort et davantage de tant moins que tel acte était convenable à sa femme, de tant plus est-il détestable. Mais la vertu d'Oreste mérite d'être souverainement louée, quand il ne put se garder longtemps, pour quelque compassion qu'il eût de sa méchante mère, que courageusement ne fit la vengeance de l'indigne mort de son père, opérant justement contre la mère ce que son paillard prêtre, par le commandement d'icelle, avait justement fait sur son père Agamemnon, afin que le sang paternel du tout innocent fût apaisé par l'effusion de celui de ceux par le commandement et exécution desquels avait été commise une si grande méchanceté.

Traduction par Guillaume Rouville, 1551 ; la ponctuation et l'orthographe ont été modernisées.