Centauresse
H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome
IV,
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Encore une centauresse : il paraît que ce produit
femelle de l'imagination antique, s'il fut postérieur
à l'invention du mâle de la même
espèce, n'en devint pas moins cher aux artistes.
Zeuxis le premier peignit une centauresse allaitant ses
petits, et Lucien nous a transmis une description fidèle de ce tableau : c'est même le peintre qui
fut l'inventeur de son sujet (1) ; car, parmi les
poètes, Ovide le premier parla des centaures femelles
(2).
Sur la croupe de cavale est assise une jeune fille, couverte
d'une tunique jaune, krokopeplos (3); et au thyrse
qu'elle tient de la main gauche, à ses cheveux
à demi flottants, on reconnaît facilement une
Bacchante. La centauresse elle-même n'a qu'une draperie
verte, qui, se repliant d'une manière
élégante et capricieuse sur l'épaule
gauche, va tomber sur ses reins. Les oreilles du monstre
à demi femme ont ici une pointe bien marquée,
caractère sauvage qui n'était point apparent
dans la première centauresse (4) ; et qui, pour le
tableau de Zeuxis, a été remarqué par
Lucien, mais non par Philostrate. Du reste, on peut remarquer
que, dans cette figure, l'attache du torse de femme avec le
corps du quadrupède est moins heureusement faite, plus
heurtée que dans la précédente.
La robe de la belle cavale est blanche ; et c'est une des
couleurs les plus estimées. Les anciens voulaient des
coursiers,
Leukoteroi chionos, theiein anemoisin omoioi
(5), |
Si Virgile paraît contredire cette assertion dans un
autre endroit où il dit : Color est deterrimus
albis (7), c'est que là il parle de
l'étalon seul, et non des chevaux en
général.
On remarquera enfin la guirlande, garnie de rubans et de
glands, que la centauresse passe sous l'épaule et
autour du cou de la Bacchante comme pour lui en faire une de
ces écharpes que l'on appelait en grec
upothumiades (8), en latin phalerae (9), et qui
formaient encore un attribut bachique.
On ne doit voir dans ce groupe qu'un caprice de l'imagination
du peintre : et pour soutenir que la centauresse joue avec
une nymphe qui est sa fille, il faudrait ignorer la
restitution du texte de Lucien faite par Gronovius,
restitution de laquelle il résulte que les deux
enfants de la centauresse de Zeuxis étaient deux
jeunes centaures : d'où il suit que, selon la
véritable tradition, les centauresses mettaient au
jour des êtres semblables à elles, et non des
nymphes ou des sylvains.
(1) Philostrat., Imag., II, a.
(2) Ovid., Met., XII, 404.
(3) Nonn., Dionys., XIV, 160.
(4) Planche 78.
(5) Homer., Iliad., X , 438.
(6) Virg., Aeneid., XII, 84.
(7) Virg., Georg., III, 82.
(8) Plutarch., Sympos., III, 1 ; Athen., XV, p. 678 et
688.
(9) Scheff., de Torq., XI.
Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.