Cher Phidias, votre statue Me fait mille fois trop d'honneur ; Mais quand votre main s'évertue A sculpter votre serviteur, Vous agacez l'esprit railleur De certain peuple rimailleur, Qui depuis si longtemps me hue. L'ami Fréron, ce barbouilleur D'écrits qu'on jette dans la rue, Sourdement de sa main crochue Mutilera votre labeur. Attendez que le destructeur Qui nous consume et qui nous tue, Le temps, aidé de mon pasteur, Ait d'un bras exterminateur Enterré ma tête chenue. Que ferez-vous d'un pauvre auteur Dont la taille et le cou de grue, Et la mine très peu joufflue, Feront rire le connaisseur ? Sculptez-nous quelque beauté nue, De qui la chair blanche et dodue Séduise l'oeil du spectateur, Et qui dans son âme insinue Ces doux désirs et cette ardeur Dont Pygmalion le sculpteur, Votre digne prédécesseur, Brûla, si la fable en est crue. Au marbre il sut donner un coeur, Cinq sens, instruments du bonheur, Une âme en ces sens répandue ; Et, soudain fille devenue, Cette fille resta pourvue De doux appas que sa pudeur Ne dérobait point à la vue : Même elle fut plus dissolue Que son père et son créateur. Que cet exemple si flatteur Par vos beaux soins se perpétue ! |