XXXIII. De Polysena Priami regis filia.Polysena virgo Priami, regis Troianorum, ex Hecuba fuit filia, tam floride pulchritudinis adulescentula, ut severo pectori Achillis Peliadis flammas immictere potuerit cupidinis eumque, matris Hecube fraude, in suam necem nocte solum in templum usque Apollinis Tymbrei deducere. Ob quam minus debito lapsis troianis viribus et Ylione deiecto, a Neoptholemo in piaculum manium patris et ad eius tumulum deducta est; ibique - si maiorum literis fides ulla prestari potest - videns acrem iuvenem expedisse gladium, flentibus ceteris circumstantibus, innocens adeo constanti pectore et intrepido vultu iugulum prebuit, ut non minus admiratio fortitudinis eius quam pietas pereuntis moveret animos. |
Boccace, De claris mulieribus
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De Polyxène, fille du roi Priam
Polyxène, fille de Priam, roi des Troyens et d'Hécube sa femme, fut fille de tant excessive beauté qu'elle put embraser d'amour
le rigoureux coeur d'Achille, fils de Pélée, et par la fraude d'Hécube sa mère, le faire venir de nuit au temple d'Apollon de Timbrée, où il fut
par trahison si fort blessé d'un coup de flèche que Pâris délascha, qu'il en mourut.
Pour l'occasion de laquelle mort, après que les Troyens furent vaincus et leur ville détruite, fut la susdite Polyxène menée au sépulcre d'Achille par
Néoptolème son fils, pour en faire sacrifice à l'âme de son père. Auquel lieu (si nous devons prêter quelque foi aux écrits des Antiques)
voyant Néoptolème tenir l'épée nue en la main, toute prête à la tuer, pendant que tous les autres qui étaient alentour pleuraient
amèrement, l'innocente fille, d'une si merveilleuse constance et visage tant assuré, présenta le col à l'épée mortelle que les assistants ne
furent pas moins émus en leur esprit de cette sienne force de coeur que la piété de Néoptolème envers son père Achille.
Qui fut chose certainement merveilleuse et digne de grande mémoire, vu que l'âge tendre, le sexe féminin, la délicatesse royale et le changement de fortune,
oncques ne purent abaisser le haut coeur de cette jeune fille, et principalement se trouvant sous l'épée de l'ennemi victorieux, sous lequel bien souvent tremblent et
quelquefois faillent le coeurs des plus hardis personnages. Quant à moi, je croirais aisément que cet acte si hautain fut fait par instinct de nature, pour montrer
ouvertement, moyennant ce mépris de la mort, combien grande Dame eût été celle-là qu'elle aurait produite, si l'envieuse fortune, toujours contredisante
aux bons commencements, ne l'eût ôtée de ce monde ainsi devant le temps.
Traduction par Guillaume Rouville, 1551 ; la ponctuation et l'orthographe ont été modernisées.
Ms Francais 599, fol.28 - BNF Paris |