Billet de Sainte-Beuve du 25 décembre 1862,
en réponse à la réfutation de
Flaubert
Ce 25 décembre 1862
Mon cher ami,
J'attendais avec impatience cette lettre promise. Je l'ai lue
hier soir, et je la relis ce matin. Je ne regrette plus
d'avoir fait ces articles, puisque je vous ai amené
à sortir ainsi toutes vos raisons. Ce soleil d'Afrique
a eu cela de singulier que toutes nos humeurs à tous,
même nos humeurs secrètes, ont fait
éruption. Salammbô, indépendamment
de la dame, est dès à présent, le nom
d'une bataille, de plusieurs batailles. Je compte faire ceci
: mes articles restant ce qu'ils sont, en les
réimprimant je mettrai, à la fin du volume, ce
que vous appelez votre Apologie, et sans plus de
réplique de ma part. J'avais tout dit ; vous
répondez ; les lecteurs attentifs jugeront. Ce que
j'apprécie surtout, et ce que chacun sentira, c'est
cette élévation d'esprit et de caractère
qui vous a fait supporter tout naturellement mes
contradictions et qui oblige envers vous à plus
d'estime. M. Lebrun (de l'Académie), un homme juste,
me disait l'autre jour à propos de vous :
«Après tout, il sort de là un plus gros
monsieur qu'auparavant». Ce sera l'impression
générale et définitive...
C.-A. Sainte-Beuve.