Chapitre 49 |
Arrivé à l'Académie, jeune, ardent,
passionné, je me mêlai des nominations beaucoup
plus que cela n'eût convenu à ma position et
à mon âge. Parvenu à une époque de
la vie où j'examine rétrospectivement toutes
mes actions avec calme et impartialité, je puis me
rendre cette justice que, sauf dans trois ou quatre
circonstances, ma voix et mes démarches furent
toujours acquises au candidat le plus méritant, et
plus d'une fois je parvins à empêcher
l'Académie de faire des choix déplorables. Qui
pourrait me blâmer d'avoir soutenu avec vivacité
la candidature de Malus, en songeant que son concurrent, M.
Girard, inconnu comme physicien, obtint 22 voix sur 53
votants, et qu'un déplacement de 5 voix lui eût
donné la victoire sur le savant qui venait de
découvrir la polarisation par voie de
réflexion, sur le savant que l'Europe aurait
nommé par acclamation. Les mêmes remarques sont
applicables à la nomination de Poisson, qui aurait
échoué contre ce même M. Girard, si
quatre voix s'étaient déplacées. Cela ne
suffit-il pas pour justifier l'ardeur inusitée de mes
démarches ? Quoique dans une troisième
épreuve la majorité de l'Académie se
soit prononcée en faveur du même
ingénieur, je ne puis me repentir d'avoir soutenu
jusqu'au dernier moment, avec conviction et vivacité,
la candidature de son concurrent M. Dulong.
Je ne suppose pas que, dans le monde scientifique, personne
soit disposé à me blâmer d'avoir
préféré M. Liouville à M. de
Pontécoulant.