A MEGACLES L'ATHENIEN, VAINQUEUR AU QUADRIGE
Les Alcméonides, issus d'Alcméon, dernier des archontes perpétuels d'Athènes et ami de Croesus roi de Lydie, étaient en grande vénération dans cette ville. Mégaclès, un de ses descendants, avait renversé la tyrannie des Pisistrates, il eut dans sa lignée et pour héritier de son nom, un autre Mégaclès, fils d'Hippocrate et oncle de Périclès. C'est cet autre Mégaclès que célèbre ici Pindare : en même temps il rappelle la gloire d'Athènes à laquelle il associe son héros, dont les ancêtres avaient relevé le temple d'Apollon, ruiné par les Pisistrates. Cette même famille comptait aussi plusieurs vainqueurs dans les jeux de la Grèce. Sans doute ces titres paraissaient à notre poète lyrique tellement imposants qu'il a cru ne devoir que les mentionner dans cette courte ode, en témoignant même la crainte que l'illustration de cette grande famille n'attirât sur elle les regards de l'envie.
Il est beau que le nom de la superbe Athènes, préludant à mes hymnes, décore d'un nouveau lustre l'antique puissance des enfants d'Alcméon (1) et les nombreux triomphes qu'obtinrent leurs coursiers. Quelle patrie plus célèbre dans la Grèce ! Quelle autre famille plus digne offrirais-je à la vénération des siècles ? ... La renommée a porté chez tous les peuples la gloire des citoyens à qui Erechthée dicta ses lois (2).
Leurs descendants rebâtirent à Delphes ton merveilleux temple, ô Apollon ! et parmi leurs exploits fameux, je compte cinq victoires aux jeux Isthmiques, une seconde non moins glorieuse aux champs de Jupiter Olympien ; enfin, deux couronnes remportées dans les vallons de Cirrha (3).
Comment, ô Mégaclès, redirais-je tes succès et ceux de tes nobles aïeux ? Certes, j'admire cette longue prospérité et je partage la joie que tu dois en ressentir. Mais une pensée m'afflige... Tant de belles actions ne vont-elles pas aiguiser contre toi les traits de l'envie (4) ? l'état le plus florissant du bonheur n'est pour aucun mortel à l'abri des revers.
(1) D'Alcméon. Cet Alcméon enrichi par Croesus devint célébre dans la Grèce, sa postérité le fut plus encore par le renversement de la tyrannie des Pisistrates à Athènes. | |
(2) Auxquels Erechthée. Cet Erechthée, sixième roi d'Athènes, était le père de Cecrops ; il fut mis au nombre des dieux, les Athéniens portèrent de lui le nom d'Erechthides. | |
(3) Dans Cirrha. On a vu dans les notes précédentes sur les troisième et cinquième pythiques que Cirrha ou Crissa était une colline ou même une ville voisine de Delphes et de la carrière des jeux pythiques. Cependant Pline fait de Cirrha une ville située dans les champs de la Phocide et ayant un port de mer. Il reconnaît aussi, avec Strabon et Ptolémée, une autre ville de Crissa, près du golfe de Corinthe. Ces deux villes n'existent plus. | |
(4) De l'envie. On doit supposer que les ancêtres de Mégaclès armés contre la faction des Pisistrates ne furent pas à l'abri de l'envie. Ils étaient d'ailleurs puissants et heureux dans les combats ou jeux de la Grèce. Peut-être pour de semblables motifs portait-on déjà envie aux talents ou aux richesses de Mégaclès ? |