ARGUMENT ANALYTIQUE

Après la séance du sénat, Catilina, accablé par la harangue de Cicéron, partit au milieu de la nuit pour le camp de Mallius, avec un petit nombre de ses complices, laissant à Céthégus, à Lentulus et à quelques autres le soin de tout mettre en oeuvre pour fortifier le parti et hâter l'assassinat du consul, de tout disposer enfin pour le massacre, l'incendie et la guerre civile ; il promettait de revenir bientôt lui-même aux portes de Rome à la tête d'une puissante armée (Sall., Cat., ch. XXXII).

Le lendemain, Cicéron, informé de ces circonstances, monta à la tribune aux harangues, pour rendre compte au peuple de tout ce qui s'était passé. C'est le sujet de ce second discours, qui fut prononcé le 9 novembre de l'an de Rome 691, pendant que le sénat s'assemblait de son côté pour délibérer sur les mesures que le départ de Catilina pouvait rendre nécessaires.



I. L'orateur félicite les citoyens de l'éloignement de Catilina. Tous les dangers qui menaçaient la république sont écartés.

II. Qu'on ne reproche point au consul d'avoir laissé échapper un ennemi si dangereux ; il a dû s'y résigner pour éclairer tous les doutes et pour contraindre les conjurés à lever le masque. Ce que Cicéron regrette, c'est que Catilina ait laissé un grand nombre de ses partisans, bien plus redoutables au sein de la ville que dans le camp de Mallius.

III. Que sont les ressources de Catilina, en comparaison de celles dont la république dispose ? Les véritables ennemis sont dans Rome ; mais Cicéron les connaît tous, il n'ignore aucun de leurs desseins, et il les engage à ne pas compter sur son indulgence.

IV. Qu'ils aillent rejoindre leur chef, s'ils veulent échapper à la rigueur du consul. Heureuse la république, déjà ranimée par le départ de Catilina, si tous les hommes pervers dont il a fait ses amis et ses complices vont se ranger sous son drapeau !

V. L'audace de ses partisans ne connaît plus de bornes, ils ne font entendre que menaces de mort et d'incendie. Souffrira-t-on qu'au milieu de la paix avec le monde entier, Rome ait à trembler dans ses propres murs devant une poignée de scélérats ? Le consul se charge de leur faire la guerre et de les frapper, sils ne veulent ni s'exiler ni rentrer dans le devoir.

VI. Mais, d'un autre côté, on accuse Cicéron d'avoir arbitrairement exilé Catilina. Le consul a fait voir à Catilina qu'il était informé de tous ses desseins, il l'a engagé à partir, et Catilina s'est éloigné de lui-même, non pas pour aller en exil, mais pour se rendre au camp de Mallius.

VII. Si Catilina, contraint de renoncer à une guerre impie, allait réellement dans un lieu d'exil, loin d'en faire honneur au consul, on l'accuserait de tyrannie. Cicéron ne s'en plaindrait point, pourvu que la patrie fût délivrée. Mais cet espoir ne se réalisera pas.

VIII. Le consul serait heureux de ramener dans le devoir les complices de Catilina ; il les divise en plusieurs classes, il sait ce qu'il faut à chacune. La première est composée de gens chargés de dettes, qui ne veulent point se libérer par la vente de leurs biens ; Cicéron se charge de faire vendre lui-même et de les ramener ainsi à une position meilleure.

IX. En second lieu viennent des hommes endettés, mais qui espèrent, au moyen des troubles, arriver aux honneurs. Ils ne voient pas que s'ils triomphaient (mais ce triomphe est impossible), on leur préférerait les fugitifs et les gladiateurs. La troisième classe se compose des anciens colons de Sylla, subitement enrichis et ruinés par un faste extravagant : ils se flattent en vain de voir le retour de temps à jamais maudits.

X. La quatrième classe n'est qu'un ramas de toutes sortes de gens poussés à la sédition par une misère qui est leur propre ouvrage ; mais ce ne sont pas des soldats. S'ils veulent périr, qu'ils périssent seuls et sans infamie. La cinquième classe est formée de vils scélérats ; qu'ils aillent se faire tuer avec Catilina. Enfin, au dernier degré se trouvent les intimes amis du chef, c'est-à-dire, ce qu'il y a de plus impur et de plus souillé dans l'Etat. Leur extermination est nécessaire au salut de la république.

XI. Et d'ailleurs leur perte est inévitable ; ils doivent succomber dans cette lutte inégale de la faiblesse contre la force, du vice contre la vertu.

XII. Que les bons citoyens prennent confiance : qu'ils veillent à Leur sûreté personnelle ; le consul s'est chargé du reste et a pris déjà toutes les mesures. Il a les yeux ouverts sur les conjurés qui sont restés à Rome ; il les exhorte de nouveau à partir ; s'ils persistent à demeurer, il punira leurs moindres tentatives avec toute la rigueur des lois.

XIII. Cicéron fera son devoir sans occasionner aucun trouble, mais il compte moins sur la sagesse des conseils humains que sur la protection évidente des dieux.