ARGUMENT ANALYTIQUE
Aussitôt que l'on eut appris à Rome que
Catilina s'était, en effet, rendu au camp de
Fésules, le sénat le déclara ennemi
public ainsi que Mallius, et donna l'ordre aux consuls de
lever de nouvelles troupes. Antoine fut chargé d'aller
attaquer les rebelles, pendant que Métellus leur
fermerait le chemin de la Gaule, et que Cicéron
veillerait à la sûreté de la ville. Mais
Lentulus, Céthégus et les autres
conjurés, obéissant aux instructions de leur
chef, se préparaient à livrer Rome au massacre
et à l'incendie, au moment où Catilina s'en
approcherait lui-même, à la tête de toutes
ses forces. Une circonstance qu'ils crurent favorable
à leurs projets devint, au contraire, l'occasion de
leur perte.
Il y avait en ce moment à Rome des
députés des Allobroges, peuples de la Gaule,
venus pour implorer la justice du sénat contre
l'avarice des magistrats romains. Leurs efforts étant
restés jusque-là sans succès, Lentulus
voulut exploiter leur mécontentement, et, pour les
attirer dans la conjuration, leur fit les plus brillantes
promesses. Ceux-ci, après s'être engagés
d'abord, se décidèrent à livrer le
secret à Q. Fulvius Sanga, patron de leur cité.
Le consul, instruit par ce dernier, prit les mesures
nécessaires pour faire tomber entre ses mains les
preuves irrécusables du complot ; il y réussit
dans la nuit du 2 au 3 décembre, et manda
aussitôt les principaux conjurés, qui se
rendirent sans défiance à son appel. Il les
conduisit au temple de la Concorde, où il avait
convoqué le sénat, et les confrontant avec les
députés des Allobroges, il produisit leurs
lettres et les confondit par leurs propres aveux. Le
sénat prononça aussitôt la
détention des coupables, décerna des
récompenses aux Allobroges, et ordonna des actions de
grâces aux dieux dans tous les temples.
Ce fut après cette séance et vers la fin du
jour, que Cicéron se rendit au forum et monta à
la tribune pour rendre compte au peuple de tous ces
événements.
Ce discours fut prononcé le 3 décembre,
vingt-quatre jours après le
précédent.
I. L'orateur se
félicite d'abord et félicite les citoyens de ce
que Rome vient d'échapper an plus terrible danger
qu'elle eût jamais couru. C'est à lui que la
patrie doit son salut.
II. Il commence
ensuite le récit des derniers
événements, à dater du départ
forcé de Catilina. Il a entouré de sa vigilance
les complices restés à Rome ; il a
découvert les tentatives de Lentulus auprès des
Allobroges. Instruit que des lettres leur avaient
été confiées pour Catilina, il a pris
ses mesures afin que ces pièces importantes to-bassent
entre ses mains. Deux préteurs ont été
chargés par lui d'aller attendre les Allobroges
à leur passage sur le pont Milvius et de s'emparer
d'eux par la force.
III.
Informé du succès de l'attaque, le consul a
fait venir chez lui les principaux conjurés, et de
là les a conduits au temple de la Concorde, où
il avait convoqué le sénat. Pendant ce temps,
le préteur Sulpicius allait saisir dans la maison de
Céthégus les armes que l'on y savait
réunies.
IV et V.
Confrontation des Allobroges et des accusés devant le
sénat ; interrogatoire au sujet des lettres ; aveux et
confusion des accusés.
VI.
Délibération et décret du sénat,
qui décerne des éloges au consul pour son
courage et sa vigilance, ordonne d'enfermer les
conjurés et prescrit des actions de grâces aux
dieux en l'honneur de Cicéron.
VII. Quel doit
être à cette heure le découragement de
Catilina ! S'il était resté à Rome, son
habileté supérieure aurait accumulé les
dangers, et son audace, plus énergique que celle de
ses complices, aurait précipité
l'exécution de ses projets, plutôt que de les
laisser si facilement prévoir et
prévenir.
VIII. Mais la
république, sauvée du plus sérieux
péril, doit moins au zèle et au
dévouement de son consul qu'à la protection des
dieux, dont la faveur s'est manifestée par tant de
prodiges. L'orateur rappelle, à cette occasion, les
prédictions faites deux années auparavant par
les aruspices, le conseil donné par eux
d'ériger à Jupiter une nouvelle statue qui,
jusqu'à ce jour, n'avait pu être terminée
encore.
IX. C'est au
moment même où l'on dressait la statue à
la place indiquée par les aruspices, que les
conjurés se trouvaient contraints d'avouer leur crime.
Pourrait-on douter encore de l'intervention du dieu ? Lui
seul pouvait sauver Rome par l'entremise d'un peuple plus
disposé à combattre la république
qu'à la servir.
X. Que les
Romains remercient donc ces dieux protecteurs qui les ont
préservés, sans combat et sans trouble, de la
plus terrible catastrophe. Qu'ils se rappellent tant de sang
versé dans les guerres de Marius et de Sylla, et dans
les autres dissensions civiles, qui n'avaient cependant pour
but que de changer la forme du gouvernement, tandis que pas
une goutte de sang n'a coulé dans une guerre qui
devait anéantir la république.
XI. Pour prix
de son dévouement, Cicéron ne demande qu'une
place dans le souvenir de ses concitoyens et de la
postérité : c'est à ce souvenir qu'il
confie les intérêts de sa gloire,
associée désormais à celle de
Pompée.
XII. I1 a la
confiance aussi que les bons citoyens voudront le
défendre contre les entreprises des méchants.
D'ailleurs il saura résister lui-même à
leur audace ; il ne cessera de les poursuivre, et, redevenu
homme privé, il saura soutenir et bonarer la
renommée de son consulat.