1- 2- 3- 4- 5- 6- 7- 8- 9- 10- 11- 12-
I. Romains ! la
république, votre vie à tous, vos biens, vos
fortunes, vos femmes, vos enfants, le siège même
de cet illustre empire, la ville la plus opulente et la plus
belle, viennent d'être arrachés aujourd'hui par
la protection éclatante des dieux immortels, par mes
travaux, par ma prudence, par mes périls, à la
flamme et au fer ; et, retirés de l'abîme
où ils s'engloutissaient déjà, ils vous
sont conservés et rendus.
Si le jour où la vie nous fut conservée n'a pas
pour nous moins de charme ni moins d'éclat que celui
qui nous vit naître (1), parce que la joie
d'échapper à la mort est réelle, tandis
que les conditions auxquelles nous devons vivre sont
incertaines, parce que nous recevons l'existence sans en
avoir le sentiment, et que nous éprouvons du bonheur
quand elle nous est sauvée ; si le fondateur de cette
ville, Romulus, fut élevé par la reconnaissance
de nos pères au rang des dieux immortels,
celui-là, sans doute, sera en honneur auprès de
vous et auprès de vos descendants, qui, la trouvant
fondée et agrandie, l'a arrachée à la
ruine. La flamme, allumée pour ainsi dire, allait
envelopper Rome entière, ses temples, ses sanctuaires,
ses maisons et ses remparts : je l'ai éteinte ; les
glaives étaient tirés contre la
république : j'en ai émoussé le
tranchant, j'ai détourné leurs pointes de vos
seins.
Comme ces complots viennent d'être par mes soins
révélés, prouvés, mis au grand
jour dans l'assemblée du sénat, je vous les
ferai connaître en peu de mots, Romains, afin que vous
qui les ignorez et qui brûlez de les apprendre, vous
puissiez savoir leur gravité, leur évidence, et
les mesures que j'ai prises pour les rechercher et pour les
atteindre.
II. D'abord,
aussitôt que Catilina se fut échappé de
Rome, il y a peu de jours, laissant dans nos murs ses
complices, les chefs les plus ardents de cette guerre
sacrilège, j'ai veillé sans relâche,
Romains, j'ai cherché les moyens de nous mettre
à l'abri des piéges si redoutables et si
ténébreux qui nous étaient tendus. Car
lorsque je chassais Catilina de la ville (je ne crains plus
en effet de soulever la haine en parlant ainsi, et je dois
redouter bien plutôt qu'on ne me reproche de l'avoir
laissé sortir vivant), quand enfin je voulais qu'il
s'éloignât de nous, je pensais que les autres
conjurés partiraient avec lui, ou que ceux qui
resteraient sans lui seraient faibles et impuissants.
Mais lorsque j'ai vu que ceux que je connaissais pour les
plus furieux et les plus criminels étaient encore
parmi nous et n'avaient pas quitté Rome, j'ai
employé jour et nuit mes efforts à
pénétrer et à reconnaître leurs
manoeuvres et leurs complots ; il fallait à cause de
l'incroyable monstruosité du crime, qui vous aurait
fait prêter une oreille défiante à mes
paroles, me mettre tellement en possession de
l'évidence, que l'ayant reconnue de vos yeux, vous
prissiez enfin la résolution de pourvoir à
votre salut. Aussi, dès que je sus (2) que P. Lentulus
avait excité les députés des Allobroges
(3) à
allumer la guerre au delà des Alpes (4), et à
soulever les Gaulois contre nous (5) ; que ces
députés étaient envoyés
auprès de leurs concitoyens, par l'Etrurie (6) avec des lettres et
des instructions pour Catilina, que Vulturcius (7) partait avec eux,
chargé aussi de lettres pour Catilina ; je crus que le
moyen m'était offert (c'était le plus difficile
et ce que je demandais toujours aux dieux immortels), de
rendre la conjuration tout entière évidente non
seulement pour moi, mais pour le sénat et pour
vous.
J'appelai donc hier auprès de moi les préteurs
L. Flaccus et C. Pomptinus, hommes pleins de courage et de
dévouement pour la république ; je leur exposai
toute l'affaire, et leur fis connaître mes projets. Ces
citoyens, animés des sentiments les plus nobles et les
plus purs envers la patrie, acceptèrent leur mission
sans hésitation comme sans retard, et, lorsque vint le
soir, ils se rendirent en secret au pont Milvius (8), où ils se
postèrent séparément dans les fermes
voisines, de manière à mettre entre eux le
Tibre et le pont. Ils s'étaient fait suivre, à
l'insu de tout le monde, d'un grand nombre d'hommes
résolus, et de mon côté, j'y avais
envoyé de Réate (9) une troupe choisie
de jeunes gens bien armés, dont j'emploie sans cesse
les services pour la sûreté de la
république.
Vers la fin de la troisième veille (10), au moment
où les députés des Allobroges entraient
sur le pont Milvius avec une suite nombreuse et
accompagnés de Vulturcius, on se précipite sur
eux ; de part et d'autre on met le glaive à la main.
Les préteurs avaient seuls le secret de l'attaque, les
autres ignoraient tout.
III. Pomptinus et
Flaccus surviennent alors et font cesser le combat qui
s'était engagé. Toutes les lettres
trouvées sur les gens de l'escorte sont remises
intactes aux préteurs ; les Allobroges eux-mêmes
sont arrêtés et conduits elles moi vers le point
du jour. Je mande à l'instant l'artisan le plus
criminel de tous ces forfaits, Gabinius Cimber (11), qui n'avait
encore aucun soupçon. Après lui, je fais venir
également Statilius, puis C. Céthégus.
Lentulus n'arrive que beaucoup plus tard :
l'expédition des dépêches l'avait
forcé sans doute, contre son habitude (12), de veiller la
nuit dernière.
Un grand nombre de citoyens distingués
s'étaient, à la nouvelle de ces
événements, rassemblés chez moi
dès le matin, et témoignaient le désir
que j'ouvrisse les lettres avant de les déférer
au sénat, afin que s'il ne s'y trouvait rien de
coupable, je n'eusse pas l'air d'avoir imprudemment
jeté tant d'alarme dans Rome ; je refusai, en disant
que je laisserais au conseil public la connaissance
entière d'un danger qui menaçait l'Etat. En
effet, Romains, quand bien même les rapports qui
m'avaient été faits ne se seraient pas
confirmés, je ne pensais pas néanmoins avoir
à craindre qu'on me blâmât d'une trop
grande vigilance au milieu du péril suprême de
la république. Je réunis aussitôt, comme
vous l'avez vu, une assemblée nombreuse du
sénat. Au même moment, j'envoyai, sur l'avis des
Allobroges, le brave préteur C. Sulpicius pour enlever
de la maison de Cethégus les armes qui pouvaient s'y
trouver ; et il en rapporta une grande quantité de
poignards et de glaives.
IV. Je fis entrer
Vulturcius sans les Gaulois, et lui garantissant
l'impunité au nom de la république et par
l'ordre du sénat (13), je l'exhortai
à déclarer sans crainte ce qu'il savait. Revenu
avec peine de sa vive frayeur, il dit que P. Lentulus lui
avait donné pour Catilina une lettre et des
instructions qui le pressaient d'appeler le secours des
esclaves (14)
et de s'approcher au plus tôt de Rome avec son
armée, afin qu'au moment où le feu serait mis
dans tous les quartiers, d'après le plan
arrêté et convenu, au moment où on
massacrerait un nombre considérable de citoyens, il
fût à portée d'arrêter les fuyards
et de se joindre aux chefs restés dans les murs.
Introduits ensuite, les Gaulois déposèrent
qu'ils avaient reçu de P. Lentulus, de
Céthégus et de Statilius un serment et des
lettres pour leur nation ; que ceux-ci et L. Cassius (15) avec eux leur
avaient enjoint d'envoyer le plus tôt possible de la
cavalerie en Italie, disant que l'infanterie ne leur
manquerait pas. Ils ajoutèrent que Lentulus leur avait
assuré, sur la foi des livres Sibyllins (16) et des
réponses des aruspices, qu'il était le
troisième Cornélius qui devait
nécessairement devenir le maître de Rome et de
l'empire : que Cinna et Sylla l'avaient été
avant lui ; il ajoutait que cette année, la
dixième après l'absolution des Vestales
(17) et la
vingtième depuis l'incendie du Capitole (18), était
marquée par les destins pour la ruine de la ville et
de la république. Ils déclarèrent en
outre qu'il s'était élevé une
contestation entre Céthégus et les
conjurés, parce que Lentulus et les autres voulaient
fixer aux Saturnales (19) le massacre et
l'incendie, tandis que Céthégus trouvait ce
terme trop éloigné.
V. Pour
abréger, Romains, je fis alors produire les lettres
attribuées à chacun des conjurés. Je
montrai d'abord à Céthégus son cachet ;
il le reconnut. J'ouvris la lettre (20) ; j'en donnai
lecture. Il écrivait de sa propre main au sénat
et au peuple des Allobroges, qu'il tiendrait les engagements
pris avec leurs ambassadeurs, et qu'il les priait, de son
côté, de faire ce que ceux-ci avaient promis.
Alors Céthégus, qui venait de répondre
au sujet des poignards et des glaives trouvés dans sa
maison, et de dire qu'il avait toujours été
amateur de bonnes lames, étourdi, abattu par la
lecture de sa lettre, accablé par le témoignage
de sa conscience, fut tout à coup réduit au
silence. On fit entrer Statilius ; il reconnut et son cachet
et son écriture. On lut sa lettre, conçue
à peu près dans les mêmes termes ; il
avoua tout. Je fis venir Lentulus, je lui montrai la sienne,
et lui demandai s'il reconnaissait son cachet ; il en
convint. «Il est, en effet, bien connu, lui dis-je ;
c'est l'image de ton illustre aïeul (21), si
dévoué à sa patrie et à ses
concitoyens ; elle aurait dû, toute muette qu'elle est,
te détourner d'un si grand crime».
On lut de même sa lettre au sénat et au peuple
des Allobroges. Je lui permis de parler, s'il avait quelque
chose à dire. Il refusa d'abord ; mais un moment
après, lorsque toutes les preuves furent
exposées et déduites, il se leva, demanda aux
Gaulois quels rapports il avait avec eux, pour quel motif ils
étaient venus chez lui, et fit la même question
à Vulturcius. Ceux-ci lui répondirent en peu de
mots et avec assurance, déclarèrent le nom de
leur intermédiaire (22), le nombre de
leurs visites, et lui demandèrent s'il ne leur avait
pas parlé des oracles Sibyllins. A ces mots, Lentulus,
dans le délire de son crime, montra bien quel est le
pouvoir de la conscience. Car lorsqu'il pouvait nier le fait,
il en convint tout à coup, au grand étonnement
de tout le monde. Ainsi l'énormité et
l'évidence de son crime, non seulement lui
enlevèrent l'avantage de ce talent et de cette
expérience oratoire (23) qui le
distinguèrent toujours, mais lui ôtèrent
même la ressource de l'impudence et de l'effronterie
qu'il poussait plus loin que personne.
A ce moment, Vulturcius fait apporter et ouvrir la lettre
dont il disait que Lentulus l'avait chargé pour
Catilina. Malgré son trouble extrême, Lentulus
reconnaît son cachet et son écriture. La lettre
ne portait pas de signature, mais elle était ainsi
conçue : Celui que je t'envoie t'apprendra qui je
suie. Tâche de te montrer homme, songe jusqu'à
quel point tu es engagé, et vois ce que la
nécessité réclame encore. Prends soin de
te faire des auxiliaires partout, même dans les rangs
les plus bas (24). Gabinius,
introduit ensuite, répond d'abord avec impudence,
mais, à la fin, il ne se défend d'aucune des
imputations des Gaulois.
Pour moi, Romains, quoique les lettres, les cachets,
l'écriture, enfin l'aveu de chacun des coupables
m'eussent paru des preuves certaines, des indices manifestes
du crime, j'en trouvais de plus certains encore dans leur
pâleur, dans leurs regards, dans leur physionomie et
dans leur silence. A voir leur consternation, leurs yeux
baissés vers la terre, les regards furtifs qu'ils
s'adressaient quelque fois entre eux, ils semblaient moins
être sous le poids d'une accusation
étrangère, que se dénoncer
mutuellement.
VI. Toutes ces
preuves exposées et produites, Romains, je consultai
le sénat sur ce qu'il jugeait convenable de faire pour
le salut de la république. Les principaux
sénateurs (25) ouvrirent des
avis pleins de vigueur et de courage, auxquels tous les
autres se rangèrent sans partage. Et comme le
sénatus-consulte n'est pas encore transcrit, je vais,
citoyens, vous en faire connaître de mémoire les
dispositions.
D'abord des remercîments me sont adressés dans
les termes les plus honorables, pour avoir, par mon courage,
mon habileté, ma prévoyance,
délivré la république des plus grands
dangers. Ensuite les préteurs L. Flaccus et C.
Pomptinus reçoivent de justes éloges pour le
courage et la fidélité qu'ils ont mis à
mon service ; on félicite également mon
collègue (26) pour
l'énergie avec laquelle il a tenu les complices de la
conjuration loin de sa personne comme des conseils de la
république. On a décidé ensuite que P.
Lentulus abdiquerait la préture et serait mis en
surveillance (27) ; que C.
Céthégus, L. Statilius, P. Gabinius, tous
présents, subiraient également la
détention ; la même peine a été
prononcée contre L. Cassius, qui avait
sollicité la mission de livrer la ville aux flammes ;
contre M. Caeparius, que l'on avait signalé comme
chargé du gouvernement de l'Apulie dans le but de
soulever les campagnes ; contre P. Furius, un de ces colons
que L. Sylla avait établis à Fésules ;
contre Q. Manlius Chilon, qui, de concert avec ce même
Furius, avait toujours travaillé à
séduire les Allobroges ; contre P. Umbrénus, un
affranchi, reconnu pour avoir conduit le premier les Gaulois
chez Gabinius (28). Eh bien !
Romains, l'indulgence du sénat a été si
grande, que parmi tant de conjurés, parmi cette
multitude d'ennemis domestiques, il a pensé que le
châtiment de neuf (29) des plus pervers
sauverait la république et ramènerait les
autres de leur égarement.
En outre, Romains, on a décerné en mon nom des
actions de grâces aux dieux immortels pour leur
protection signalée, honneur accordé pour la
première fois, depuis la fondation de Rome, à
un citoyen qui n'a pas quitté la toge (30) ; et le
décret porte ces mots : POUR AVOIR PRESERVE ROME DE
L'INCENDIE, LES CITOYENS DU MASSACRE, L'ITALIE DE LA GUERRE.
Si l'on compare cette formule avec les autres, il y a cette
différence, Romains, que les supplications
précédentes ont été votées
pour des citoyens qui avaient bien servi la
république, et celle-ci seule pour un magistrat qui
l'a sauvée. Ces mesures prises, on a fait ce qui
devait être fait avant tout. Et quoique P. Lentulus,
convaincu par les preuves fournies contre lui et par ses
propres aveux, eût dès lors, au jugement du
sénat, perdu non seulement sa qualité de
préteur, mais encore celle de citoyen, il a
abdiqué néanmoins sa magistrature, de telle
sorte que le scrupule qui n'avait point empêché
l'illustre C. Marius de punir de mort le préteur C.
Glaucia, qu'aucun arrêt n'avait personnellement
condamné, ne put peser sur nos consciences au moment
de punir P. Lentulus, qui n'est plus qu'un simple
citoyen.
VII. Maintenant,
Romains, que vous avez saisi les chefs impies de cette guerre
sacrilège et redoutable, et que vous les tenez
prisonniers, vous devez être sûrs qu'en
éloignant le danger de Rome, nous avons anéanti
toutes les forces, toutes les espérances, toutes les
ressources de Catilina. Quand je le chassais de nos murs, je
prévoyais bien, Romains, que je n'aurais à
redouter, après son éloignement, ni le sommeil
d'un Lentulus, ni la pesanteur d'un Cassius, ni la fureur
téméraire d'un Céthégus. De tous
ces conjurés, Catilina seul était à
craindre, et seulement tant qu'il restait au milieu de nous.
Il connaissait tout, il avait accès partout ;
s'agissait-il d'aborder quelqu'un, de le sonder, de le
solliciter ? il le pouvait, il l'osait ; il concevait
aisément le crime, et ni son bras ni sa parole ne
manquaient à l'exécution. Pour chaque mission
à remplir, il avait des hommes spéciaux choisis
et désignés à l'avance. Il ne lui
suffisait pas néanmoins d'avoir donné des
ordres pour les croire accomplis. Il n'y avait rien qu'il ne
voulût voir par lui-même, prévenir,
surveiller, mettre en oeuvre ; il savait supporter le froid,
la soif et la faim.
Cet homme si actif, si entreprenant, si audacieux, si
rusé, si infatigable pour le crime, si prudent au
milieu du désordre même, si je ne l'avais
contraint de renoncer à ses trames secrètes
dans Rome, et de se jeter dans un camp sous l'étendard
du brigandage ! (je dirai, Romains, ce que je pense) je
n'aurais pas facilement détourné de vos
têtes ce redoutable fléau. Ce n'est pas lui qui
aurait fixé l'époque des Saturnales (31) ; il n'aurait pas
si longtemps d'avance annoncé à la
république le jour fatal de sa ruine, et ne se serait
pas exposé à faire tomber entre vos mains son
cachet, ses lettres, enfin les témoignages manifestes
de son crime. Tout a été conduit, en son
absence, de telle façon, que jamais vol dans une
maison particulière ne fut découvert avec
autant d'évidence que vient d'être surprise et
saisie au sein de la république cette immense
conjuration. Si Catilina fût resté dans la ville
jusqu'à ce jour, quoique, tant qu'il a
été au milieu de nous, ma vigilance ait, autant
que possible, ou prévenu, ou traversé tous ses
desseins, néanmoins il nous eût mis dans la
nécessité de le combattre, pour ne rien dire de
plus ; et jamais, avec un semblable ennemi dans nos murs,
nous n'aurions délivré la république
d'aussi grands dangers, sans troubler davantage la paix, la
tranquillité, le silence de Rome.
VIII. Au reste,
Romains, toute ma conduite dans ces circonstances semble
avoir été dirigée, inspirée par
la volonté et la sagesse des dieux immortels. Nous
sommes en droit de le supposer, d'abord parce que la conduite
de si grands événements paraît au-dessus
de la prudence humaine ; et ensuite parce que les dieux nous
ont accordé, dans ces derniers temps, l'appui d'un
secours si favorable, que nous pouvions, pour ainsi dire, les
voir de nos propres yeux. Car sans parler de ces feux
nocturnes qui embrasèrent le ciel à l'occident,
de ces coups de tonnerre, de ces tremblements de terre et de
tant d'autres prodiges (32) apparus sous mon
consulat, et par lesquels les dieux immortels semblaient nous
annoncer eux-mêmes ce qui nous arrive, ce que je vais
vous rappeler, Romains, ne doit certainement pats être
oublié ni passé sous silence.
Vous vous souvenez sans doute que, sous le consulat de Cotta
et de Torquatus, plusieurs points élevés du
Capitole furent atteints de la foudre : elle
déplaça les images des dieux, renversa les
statues des antiques héros, fondit les tables d'airain
dépositaires de nos lois ; elle n'épargna pas
même le fondateur de cette ville, Romulus, dont vous
savez qu'une statue dorée, placée dans le
Capitole, représentait l'image sous les traits d'un
enfant nouveau-né, ouvrant la bouche pour presser les
mamelles d'une louve. Les aruspices appelés dans cette
circonstance de toutes les parties de l'Etrurie (33)
déclarèrent que l'on verrait bientôt des
massacres, des incendies, l'anéantissement des lois,
la guerre civile et domestique, la chute de Rome et de
l'empire, si les dieux, apaisés à tout prix,
n'employaient leur propre puissance à fléchir
la rigueur des destins.
Aussi, d'après leurs réponses, on
célébra des jeux pendant dix jours, et l'on
n'oublia rien de ce qui pouvait calmer les dieux ; les
mêmes aruspices ordonnèrent encore qu'on
érigeât à Jupiter une statue plus
élevée, qu'on la plaçât à
une grande hauteur et tournée en sens contraire, vers
l'orient ; ils espéraient, dirent-ils, que si cette
image, que vous voyez, regardait à la fois et l'aurore
et le forum et le sénat, les complots qui se tramaient
dans l'ombre contre le salut de Rome et de l'empire seraient
mis au grand jour et rendus manifestes aux yeux du
sénat et du peuple romain. Les consuls de cette
époque (34) passèrent
aussitôt un marché pour l'exécution de la
nouvelle statue ; mais l'ouvrage se fit si lentement, qu'elle
ne fut point achevée sous nos
prédécesseurs et que nous n'avons pu la faire
dresser qu'aujourd'hui même.
IX. Maintenant,
Romains, peut-il être un homme assez ennemi de la
vérité, assez aveugle, assez insensé,
pour ne pas reconnaître que tout ce vaste univers, mais
cette ville surtout, est gouverné par la
volonté et par la puissance des dieux immortels ? Et
en effet, les aruspices ayant répondu que le massacre,
l'incendie, la ruine de la république étaient
tramés alors par des citoyens romains, ces crimes, que
plusieurs refusaient de croire à cause de leur
énormité, vous avez reconnu qu'ils avaient
été non seulement médités, mais
même entrepris par des hommes impies. N'est-il pas
d'ailleurs évident que c'est la volonté du
grand Jupiter qui vient de s'accomplir, puisque c'est au
moment même où ce matin et par mon ordre, les
conjurés et leurs dénonciateurs étaient
conduits à travers le forum au temple de la Concorde,
que l'on dressait la statue de ce dieu ? A peine
s'élevait-elle tournée vers vous et vers le
sénat, qu'aussitôt et le sénat et vous,
vous avez saisi dans toute leur évidence (35) les complots
formés contre le salut public.
Ils ne méritent donc qu'une haine plus grande et des
supplices plus cruels, ces hommes pernicieux et
sacrilèges, qui voulaient porter la flamme non
seulement dans vos demeures, mais encore dans les temples et
dans les sanctuaires des dieux. Si je prétendais avoir
brisé leurs efforts, ce serait trop de
présomption, je serais inexcusable ; c'est Jupiter,
c'est lui-même qui s'est armé contre eux ; c'est
lui qui a sauvé le Capitole, ces temples, ces murs et
vous-mêmes. Ce sont les dieux immortels qui m'ont
inspiré la résolution et le courage, ce sont
eux qui m'ont conduit à ces importantes
découvertes. Car enfin ces tentatives pour
entraîner les Allobroges, ce secret si important
aurait-il été si follement confié par
Lentulus et les autres ennemis de la patrie à des
inconnus, à des barbares ? auraient-ils remis ces
lettres en leurs mains, si les dieux immortels n'avaient
aveuglé leur audace ? Que dire encore ? Si des
Gaulois, des députés d'une nation encore mal
soumise, la seule dans le monde qui puisse et qui paraisse
vouloir faire la guerre au peuple romain, ont
dédaigné l'espoir de l'empire et des plus
brillants avantages offerts par des patriciens, s'ils ont
préféré votre salut aux
intérêts de leur puissance, ne pensez-vous pas
que ce soit par l'impulsion des dieux ? surtout lorsque pour
nous vaincre il leur suffisait non pas de combattre, mais de
garder le silence.
X. Ainsi, Romains,
puisqu'on a décrété des actions de
grâces dans tous les temples (36),
célébrez ces jours de fête avec vos
femmes et vos enfants. Si l'on a souvent rendu aux dieux
immortels de justes et légitimes honneurs, ils ne les
ont certainement jamais mieux mérités. Car vous
avez échappé à la mort la plus cruelle
et la plus déplorable, et cela sans massacres, sans
effusion de sang, sans armée, sans combat ; vous
n'avez pas quitté la toge, vous n'avez eu pour
général que moi, vêtu comme vous du
costume de la paix, et vous êtes vainqueurs.
Rappelez-vous, en effet, Romains, toutes nos dissensions
domestiques, non seulement celles dont vous avez entendu
l'histoire (37), mais celles dont
vous avez vous-mêmes le souvenir, dont vous avez
été les témoins. L. Sylla fit
périr P. Sulpicius (38) ; il chassa de
Rome C. Marius, le défenseur de cette ville (39), et bannit des
murs ou livra à la mort une foule de citoyens
distingués. Le consul Cn. Octavius (40) prit les armes
contre son collègue et le fit sortir de Rome ; le lieu
où nous sommes (41) fut jonché
de monceaux de cadavres, inondé du sang des citoyens.
Cinna et Marius (42)
triomphèrent ensuite, et par la mort de nos hommes les
plus illustres, on vit s'éteindre les plus
éclatantes lumières de la patrie (43). Sylla tira
vengeance plus tard de la cruauté des vainqueurs, et
je n'ai pas besoin de vous dire combien il fit de victimes,
combien il attira de maux sur la république. M.
Lépidus se déclara l'ennemi de l'illustre et
brave Q. Catulus, et Rome pleura moins sa mort que celle des
citoyens qui succombèrent avec lui (44).
Et cependant, Romains, ces dissensions ne tendaient pas
à détruire l'Etat, mais à changer sa
forme (45) ;
les agitateurs ne voulaient pas anéantir la
république, il leur en fallait une dont ils fussent
les maîtres ; ils ne demandaient pas que Rome
pérît dans les flammes, mais qu'elle leur
donnât le premier rang. Toutes ces dissensions
néanmoins, dont aucune ne tendait à la ruine de
la république, au lieu de se terminer par le
rétablissement de la concorde, ne s'éteignirent
que dans le sang des citoyens. Mais dans la guerre actuelle,
la plus terrible et la plus cruelle dont on ait le souvenir,
guerre telle que jamais aucune nation barbare n'en fit de
semblable dans son propre sein, guerre où Lentulus,
Catilina, Cassius, Céthégus s'étaient
fait une loi de traiter en ennemis tous ceux qui pouvaient
trouver leur salut dans le salut de Rome, je me suis conduit
de manière à vous conserver la vie à
tous ; et tandis que vos ennemis se flattaient de ne voir
survivre des citoyens que ceux qu'aurait
épargnés le massacre général, de
ne voir rester debout de la ville elle-même que les
maisons qui n'auraient pas été
dévorées par les flammes, j'ai
préservé tout à la fois et Rome et les
Romains.
XI. Pour de si
grands services, je ne vous demande, Romains, d'autre
récompense, d'autre distinction, d'autre monument,
qu'un souvenir impérissable de ce jour. C'est dans vos
coeurs que je veux un triomphe, c'est là que je veux
placer tous mes titres d'honneur, tous les trophées de
ma gloire. Je ne peux attacher aucun prix à ces signes
muets (46) et
sans vie, qui sont quelquefois le partage de ceux qui les ont
le moins mérités. Votre mémoire,
Romains, fera vivre mes services, vos entretiens en
accroîtront le mérite, vos annales les
perpétueront, elles en augmenteront encore
l'éclat et la durée. J'espère que ce
jour, éternellement mémorable, a
été réservé pour le salut de Rome
et pour la gloire de mon consulat ; on dira que dans le
même temps deux hommes se sont rencontrés dans
la république, dont l'un (47) a reculé
les bornes de l'empire par delà les régions
connues de la terre, jusqu'à celles où le
soleil se lève, tandis que l'autre lui conservait sa
capitale, le siège même de sa puissance.
XII. Mais puisque
la fortune attache à mes succès et à
ceux des généraux qui font la guerre au dehors
un prix bien différent, puisqu'il faut que je vive au
milieu des ennemis que j'ai vaincus et subjugués,
tandis que les généraux laissent les leurs ou
morts ou soumis, c'est à vous, Romains, quand les
autres recueillent le fruit de leurs services, à faire
que les miens ne me soient pas funestes. J'ai pourvu à
votre sûreté contre les complots
sacrilèges des scélérats les plus
audacieux ; c'est à vous d'empêcher qu'ils ne
tournent contre moi leur vengeance. Au reste, Romains, il
n'est plus possible à ces hommes de me nuire. Je
trouve dans les gens de bien un ferme appui qui m'est
à jamais assuré ; dans la majesté de la
république, une égide invisible qui me couvrira
toujours ; je trouve enfin une grande force dans la voix de
la conscience, que nul de mes ennemis ne pourra braver sans
se dénoncer lui-même.
Je sens encore en moi, Romains, le courage nécessaire
non seulement pour ne faiblir devant l'audace de qui que ce
soit, mais pour attaquer en face tous les méchants.
Que si les ennemis domestiques dont je vous ai
délivrés venaient à réunir tous
leurs efforts contre moi, ce serait à vous, Romains,
de faire voir quel sort vous entendez réserver
désormais à ceux qui auront bravé pour
votre salut toutes les haines, tous les dangers. Car pour ce
qui me regarde en particulier, est-il quelque chose qui
puisse ajouter pour moi quelque nouveau prix à la vie,
quand je ne vois plus ni dans les honneurs qui
dépendent de vous (48), ni dans la
gloire qui s'attache à la vertu, de degré
supérieur où je puisse monter ?
Je ne manquerai certainement pas, Romains, de soutenir et
d'honorer encore dans la vie privée la renommée
de mon consulat, afin que les haines que j'ai pu soulever en
sauvant la république retombent sur mes ennemis et
servent à ma gloire. Ma vie entière vous
prouvera que j'ai conservé le souvenir de mes
services, et qu'ils ont été l'ouvrage de la
vertu, et non celui du hasard. Pour vous, Romains, puisque la
nuit approche (49), adressez vos
hommages à ce Jupiter (50), le protecteur de
cette ville et le vôtre ; retirez-vous ensuite dans vos
maisons, et, quoique le danger soit passé, ne laissez
pas de veiller à leur sûreté comme la
nuit précédente. Je vais prendre mes mesures
pour vous délivrer au plus tôt de ce soin, et
vous assurer une paix que rien ne trouble plus à
l'avenir.
(1) Quibus
nascimur. C'était une grande fête pour
un Romain quand il lui naissait un enfant. Si la famille
se trouvait alors en deuil, elle quittait aussitôt
ses habits lugubres, et sa joie s'annonçait au
dehors par la décoration de la maison, dont la
porte était ornée de couronnes de fleurs.
Par une conséquence naturelle de ce sentiment,
chacun célébrait l'anniversaire de sa
naissance par le culte de ses divinités
domestiques et principalement de son génie, mais
sans aucune immolation de victimes. A cette occasion, les
parents, les amis, les clients et les patrons se
faisaient de mutuels présents. On fêtait
aussi le souvenir des jours où l'on avait
été préserve de quelque grave
danger. Horace a consacré celui des calendes de
mars, pour avoir échappé à la chute
d'un arbre. Odes, liv. II, XIII : Ille et
nefasto te posuit die, etc. |
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(2) Ut
comperi. C'était à Q. Fulvius Sanga,
patron des Allobroges, que le consul devait cette
découverte (Sall, Cat., ch. XL). |
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(3) Legatus
Allobrogum. Les Allobroges, peuples de la Gaule
transalpine, furent soumis par les Romains de 125
à 121 av. J.-C., et supportèrent
très difficilement un joug que l'avide tyrannie
des préteurs leur rendait odieux. C'était
pour réclamer un soulagement à leurs maux
qu'ils avaient, à cette époque,
envoyé des députés à Rome.
Ils habitaient les provinces que l'on appelle aujourd'hui
le Dauphiné et la Savoie. |
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(4) Belli
Transalpini. Une guerre au delà des
Alpes. |
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(5) Tumultus
Gallici. Un soulèvement de la Gaule (en
deçà des Alpes). Les Romains donnaient
exclusivement le nom de tumultus aux
révoltes subites qui se manifestaient dans
l'intérieur de l'Italie, tumultus Italicus, ou
dans la Gaule cisalpine, à cause de sa
proximité avec le territoire italien, tumultus
Gallicus. Cicéron, dans la huitième
Philippique, explique la différence entre les mots
bellum et tumultus ; ce dernier exprimait
une perturbation plus grande, et, par suite, indiquait un
danger plus sérieux. Aussi l'enrôlement
tumultuaire qui avait lieu dans les deux cas ou
d'une guerre en Italie, ou d'une invasion gauloise,
était-il une levée en masse, qui
n'admettait aucune exemption, pas même pour les
prêtres ni pour les vieillards. |
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(6) Eodemque
itinere. En retournant dans la Gaule, ils devaient,
en effet, passer par l'Etrurie , où se trouvait le
camp de Mallius, dans lequel s'était retiré
Catilina. |
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(7) T.
Vulturcium. Vulturcius de Crotone, auquel le
sénat décerna, d'après Salluste, une
grande récompense. |
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(8) Ad
pontem Milvium. Le pont Milvius, aujourd'hui
Ponte-Mole, avait été bâti sur le
Tibre, à deux milles de Rome, par Emilius Scaurus.
On y abordait par des chemins creux dont la disposition
était des plus favorables pour une embuscade. Ce
fut au même passage que le tyran Maxence fut vaincu
par Constantin, l'an de J.-C. 312, et qu'il se noya dans
le Tibre. |
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(9) Ex
praefectura Reatina. On donnait le nom de
préfectures à certaines villes
municipales ou fédérées qui,
à la suite de révoltes ou de trahisons,
avaient été privées de leur droit de
cité et de leur gouvernement propre. On y envoyait
de Rome des préfets ou magistrats chargés
de rendre la justice, de sorte que leur droit politique
était réglé par le sénat
romain, et leur droit civil par les édits des
préfets. Réate était une ville de
l'Ombrie, sur les confins du pays des Sabins,
située à quinze milles de Rome (aujourd'hui
Rieti). |
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(10) Tertia
vigilia. Les Romains partageaient la nuit en quatre
veilles, dont la première commençait
après la douzième heure du jour. Ces quatre
veilles, de trois heures chacune, se subdivisaient en
huit parties, dont les noms différents indiquaient
le progrès, puis le décroissement de la
nuit : vesper, crepusculum, prima fax, conticinium,
intempestum, gallicinium, matutinum et diluculum.
Cette division comprenant tout le temps qui
s'écoule depuis le coucher jusqu'au lever du
soleil, il en résultait que chaque veille
désignait des heures différentes suivant
les saisons ; ainsi, la troisième finissait, au
solstice d'hiver (époque dans laquelle on se
trouvait alors), à quatre heures du matin ; aux
équinoxes, à trois heures ; et au solstice
d'été, à deux heures. |
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(11) Cimbrum
Gabinium. Le même que Salluste désigne
par les noms de P. Gabinius Capito, de l'ordre des
chevaliers. Cimber était sans doute un surnom. Il
fut du nombre de ceux qui subirent le dernier supplice ;
aussi A. Gabinius, son parent, devenu consul quelques
années après, fit-il par ressentiment
exiler Cicéron, de concert avec Clodius. |
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(12) Praeter
consuetudinem. Lentulus était connu pour sa
paresse et son indolence. Catilina l'en accusa
lui-même et lui attribua son échec :
Scitis equidem, milites, socordia atque ignavia
Lentini quantam ipsi cladem nobisque attulerit (Sall,
Cat., ch. LVIII). |
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(13) Fidem
ei publicam... dedi. C'était une promesse
d'impunité que les magistrats faisaient aux
coupables pour en obtenir des révélations ;
mais ils ne pouvaient s'engager qu'avec l'autorisation du
sénat. |
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(14) Servorum
praesidio uteretur. Si l'on en croit Salluste,
Catilina repoussait le concours des esclaves. |
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(15) A
L. Cassio. Ce Cassius avait été le
compétiteur de Cicéron pour le consulat, et
s'était ensuite jeté dans la conspiration
de Catilina. |
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(16) Ex
fatis Sibyllinis. On désignait par ces mots
les oracles contenus dans les livres sibyllins,
confiés, comme le trésor le plus
précieux, à la garde de quinze
prêtres appelés Quindécemvirs. On
connaît l'histoire de leur origine (Voy. Tite-Live,
liv. XXI, ch. LXII). Ils n'étaient jamais
consultés que par ordre du sénat, et
seulement à l'apparition de quelque prodige auquel
on pouvait croire le salut de la république
intéressé. Lentulus, ainsi que Cinna et
Sylla, était de l'illustre famille Cornelia. Or,
disait-on, les livres sibyllins portaient que CCC.
régneraient successivement à Route, et ces
lettres initiales pouvaient s'appliquer naturellement
à trois Cornélius. |
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(17) Post
virginum absolutionem. La vestale Fabia, soeur de
Térentia, femme de Cicéron, avait
été accusée par Clodius d'avoir
violé son voeu de chasteté ; mais elle
avait été absoute après un admirable
plaidoyer de Pison (Voy. Cic., Brutus, LXVIII).
Plusieurs autres vestales furent impliquées dans
la même accusation. |
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(18) Post
Capitolii incensionem. Le Capitole avait
été détruit par un incendie, l'an de
Rome 670, sous le consulat de L. Scipion et de C.
Norbanus, et rebâti ensuite par Q. Catulus. |
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(19) Caedem
Saturnalibus fieri. La fête des Saturnales,
l'une des plus antiques et des plus solennelles de Rome,
commençait le XVI des calendes de janvier, et
durait pendant cinq ou sept jours. Cette époque
avait dû paraître favorable aux
conjurés, parce que c'était celle d'un
bouleversement social complet, et que la ville tout
entière s'agitait alors dans le désordre et
la débauche. |
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(20) Linum
incidimus. L'usage chez les Romains était de
plier la lettre et de passer ensuite de part en part un
fil dont on arrêtait les deux bouts au moyen d'une
plaque de cire, sur laquelle on apposait son
cachet. |
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(21) Imago
avi tui. Cet aïeul, dont le cachet
représentait l'image, était P. Lentulus,
prince du sénat, qui s'était opposé,
les armes à la main, à C. Gracchus, et
avait été grièvement blessé
dans le combat. |
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(22) Per
quem... remissent. Ces mots désignent P.
Umbrénus. |
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(23) Dicendi
exercitatio. Cicéron, dans le traité
intitulé Brutus, place Lentulus parmi les
orateurs célèbres, au même rang
qu'Hortensius. |
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(24) Etiam
infimorum. Ce mot désigne sans doute les
esclaves, dont nous avons dit que Catilina ne jugeait pas
de sa dignité d'appeler le secours. |
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(25) Principibus.
On appelait principes ceux qui donnaient les premiers
leur avis. C'étaient les personnages consulaires,
les consuls désignés. |
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(26) Collegae
meae. Antoine, le collègue de Cicéron
et l'ami de Catilina, n'avait été
détourné de prendre part à la
conjuration, suivant Salluste, que par l'abandon que
Cicéron lui avait fait de ses droits au
gouvernement de la Macédoine. |
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(27) In
custodiam traderetur. Lorsqu'un citoyen était
poursuivi pour un crime emportant peine de mort,
l'arrestation était inévitable, et
s'opérait de trois façons
différentes, suivant les circonstances et le rang
des accusés : 1° par l'incarcération,
ou renvoi dans la prison publique ; 2° par la
détention libre, c'est-à-dire le
séjour dans la maison d'un sénateur ou d'un
magistrat, à la garde duquel on confiait le
prévenu (c'est de cette détention qu'il
s'agit ici) ; 3° par la détention militaire,
la plus rigoureuse des trois. L'accusé, dans ce
cas, était commis à la garde d'un soldat,
et retenu par une chaîne qui lui enserrait le bras
droit et se rattachait au bras gauche de son
gardien. |
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(28) Gallos
ad Gabinium perductos. D'après Salluste, P.
Umbrénus conduisit les Gaulois, non pas chez
Gabiuius, mais chez D. Brutus, où il fit venir
aussi Gabinius. |
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(29) Novem
hominum. Salluste ne nomme que cinq conjurés
mis à mort, et Cicéron lui-même
(Orat. pro Sulla, dit que les quatre autres ne
furent pas arrêtés. La sentence du
sénat ne les avait donc frappés que par
contumace. |
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(30) Togato.
Les supplications n'avaient été
ordonnées jusque-là que pour rendre
grâces aux dieux d'une grande victoire, et cette
cérémonie religieuse était presque
aussi honorable pour le vainqueur que le triomphe
lui-même. |
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(31) Saturnalia
constituisset. Non pas comme un moment inopportun,
mais comme une époque trop
éloignée. |
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(32) Quae
tam multa. On avait, en effet, parlé d'une
foule de prodiges menaçants. Ce qu'il y avait de
certain, c'est que peu de temps auparavant, la foudre
était tombée sur le Capitole. Le
président de Brosses dit avoir visité le
groupe de Romulus et de Rémus, et avoir
remarqué avec curiosité et satisfaction les
traces très visibles de ce coup de foudre.
Quelques antiquaires pensent que ce groupe n'est qu'une
copie de l'ancien. |
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(33) Ex
tota Etruria. L'Etrurie avait le privilège de
fournir presque tous les aruspices. Les Romains y
envoyaient leurs enfants pour y être formés
dans l'art de la divination. |
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(34) A
superioribus consulibus. Ces consuls,
prédécesseurs de Cicéron,
étaient L. César et C. Figulus. |
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(35) Patefacta
vidistis. Cicéron, dans son traité
de Divinatione, 1, 12, cite un morceau du
poème qu'il avait composé lui même
sur son consulat, et dans lequel la muse Uranie raconte
en vers très remarquables ce prodige, ainsi que
tous ceux qui avaient signalé cette
époque. |
|
(36) Ad
omnia pulvinaria. Par ce mot on désignait
spécialement les lits sur lesquels on
étendait dans les temples les statues des dieux,
quand on leur offrait les festins propitiatoires
appelés lectisternia. Mais sa signification
s'étendait aux temples eux-mêmes dans
lesquels ses cérémonies avaient lieu. |
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(37) Quas
audistis. Par exemple, les retraites du peuple sur le
Mont-Sacré et sur le mont Aventin. |
|
(38) P.
Sulpicium. Sulpicius, tribun du peuple, après
s'être dévoué d'abord aux
intérêts de Sylla, s'était ensuite
déclaré contre lui et voulait, d'accord
avec Marius, lui faire ôter le commandement de la
guerre contre Mithridate. Sylla revint alors à
Rome, en chassa Marius, et le fit déclarer ennemi
public, ainsi que Sulpicius et plusieurs autres
sénateurs ; Sulpicius fut tué. |
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(39) Custodem
hujus urbis. Cicéron donne ce titre à
Marius à cause de ses succès dans la guerre
contre les Cimbres. |
|
(40) Cn.
Octavius. Pendant l'absence de Sylla, la guerre
s'était ranimée entre ses partisans et ceux
de Marius, qui avaient pour chef Cinna, l'un des consuls.
Octavius, dévoué à Sylla, chassa son
collègue de Rome dans une sédition
sanglante. |
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(41) Hic
locus. Le forum, dans lequel le peuple était
alors assemblé. Plutarque dit qu'il périt
dix mille hommes du côté seulement de
Cinna. |
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(42) Cinna
cum Mario. A son retour d'Afrique, Marius se
réunit à Cinna, et tous deux
rentrèrent dans Rome. |
|
(43) Lumina
civitatis. Cicéron cite ailleurs parmi les
victimes des guerres civiles Q. Catulus, M. Antonius, C.
et L. Julius, Q. Scaevola. |
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(44) Deminutione
civium. Après que les deux partis de Marius et
de Sylla eurent déposé les armes, il
périt encore soixante-dix mille citoyens par les
proscriptions. |
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(45) Ad
commutandam rempublicam. L'objet de la plupart des
dissensions n'avait été qu'une lutte entre
le sénat et le peuple pour des modifications
à apporter dans l'équilibre de ces deux
pouvoirs rivaux. |
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(46) Nihil
mutum. Aucun monument muet, comme une statue, une
image. |
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(47) Quorum
alter. Pompée, qui faisait alors la guerre
dans l'Orient. |
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(48) In
honore vestro. La dignité consulaire
était, en effet le but le plus élevé
auquel pût atteindre l'ambition d'un citoyen. |
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(49) Jam
nox est. Nous avons dit que ce discours avait
été prononcé vers la fin du jour,
après la séance du sénat. |
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(50) Illum
Jovem. L'orateur désignait sans doute par son
geste le temple de Jupiter Stator, situé au pied
du Capitole, ou plutôt encore cette statue de
Jupiter qui venait d'être élevée,
conformément aux réponses des aruspices, en
vue du forum, et dont il avait dit plus haut, ch. VIII,
illud signum, quod videtis. |