I - Histoire traditionnelle des rois |
II - NUMA (715-673)
Les deux peuples ne purent s'entendre pour lui donner un
successeur, et, pendant une année, les
sénateurs gouvernèrent tour à tour comme
interrois. On convint à la fin que les Romains
feraient l'élection, à la condition qu'ils
choisiraient un Sabin. Une voix nomma Numa Pompilius : tous
le proclamèrent, mais il n'accepta qu'après
avoir obtenu du ciel des signes favorables. Conduit par
l'augure sur la cime du mont Tarpéien, il s'assit sur
une pierre et se tourna vers le midi. L'augure, la tête
couverte et tenant à la main le lituus,
bâton recourbé et sans noeud, promena ses
regards sur la ville et la campagne en priant les dieux ;
puis il délimita un espace dans le ciel, de l'orient
à l'occident, déclara droite la région
du midi, gauche celle du nord et détermina le point
extrême de l'horizon où son regard pouvait
atteindre. Alors il prit le lituus dans sa main
gauche, posa la droite sur la tête de Numa et dit :
O Jupiter, ô père ! S'il est bon que ce Numa
Pompilius dont je tiens la tête règne à
Rome, montre-moi des signes certains dans l'espace que j'ai
délimité. Il annonça quels auspices
il demandait, et lorsqu'ils se furent manifestés,
Numa, déclaré roi, descendit du
templum.
Le nymphaeum d'Egérie |
Numa était le plus juste et le plus sage des
hommes, le disciple de Pythagore et le favori des dieux.
Inspiré par la nymphe Egérie qu'il allait
consulter la nuit dans la solitude du bois des Camènes
ou des Muses, il régla les cérémonies
religieuses, les fonctions des quatre pontifes, gardiens du
culte ; des flamines, ministres des grands dieux ; des
augures, interprètes des volontés divines ; des
fériaux, qui prévenaient les guerres injustes ;
des vestales qui, choisies par le grand prêtre dans les
plus nobles familles, conservaient le feu perpétuel,
le Palladium et les dieux Pénates ; des saliens enfin,
qui gardaient le bouclier tombé du ciel
(ancile), et célébraient la fête
du dieu de la guerre par des chants et des danses
armées. Il défendit les sacrifices sanglants,
la représentation des dieux par des images de bois, de
pierre ou d'airain, et honora particulièrement
Saturne, le père de la civilisation italienne, le roi
de l'âge d'or, des temps de vertu, d'abondance et
d'égalité dont la fête, jour de folle
joie et de liberté, même pour l'esclave,
suspendait sur la frontière les hostilités et
dans la ville l'exécution des coupables. Plus tard le
temple de ce dieu fut comme le sanctuaire de l'Etat. On y
gardait le trésor public, les documents officiels et
les enseignes des légions.
Afin que chacun vécût en paix sur son
héritage, Numa distribua au peuple les terres
conquises par Romulus, éleva sur le Capitole un temple
à la Bonne Foi, et consacra les limites des
propriétés (fête des Terminalia),
en dévouant aux dieux infernaux ceux qui
déplaceraient les bornes des champs. Il divisa encore
les pauvres en neuf corps de métiers, et construisit
le temple de Janus, dont les portes, ouvertes,
annonçaient la guerre ; fermées, la paix. Il
fallait que, durant les combats, le dieu pût sortir de
son temple pour protéger les jeunes guerriers de Rome,
et la paix rendait son assistance inutile. Sous Numa, les
villes voisines semblaient avoir respiré l'haleine
salutaire d'un vent doux et pur qui venait du
côté de Rome, et le temple de Janus resta
toujours fermé.
Hors ces pacifiques travaux, la tradition ne sait rien du
second roi de Rome et reste muette sur ce long règne
de quarante-trois ans ; lui-même il avait
recommandé, le culte du Silence, la déesse
Tacita (672). A sa mort, Diane changea Egérie en
fontaine et la source coule toujours au lieu qui fut le bois
sacré des Camènes. Auprès du tombeau de
Numa, creusé au pied du Janicule, on ensevelit ses
livres, qui contenaient toutes les prescriptions à
suivre pour que les rites fussent accomplis de manière
à gagner sûrement la faveur des dieux.
Retrouvés à une époque où
l'idolâtrie grecque avait remplacé la vieille
religion, ces livres furent jugés dangereux et
brûlés par ordre du sénat.