LXXIX - Nerva et Trajan (96-117) |
IV - GUERRE PARTHIQUE
Trajan offrant un sacrifice
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Si l'on excepte les mesures contre les chrétiens, Trajan avait bien rempli son rôle de maître du monde romain. L'immense machine gouvernementale, tant de fois dérangée par les intrigues, les complots, la guerre civile, était remontée et marchait régulièrement avec trois forces, bonnes en tous temps : l'ordre dans les cités, la justice dans l'administration, le respect dans les sujets pour la loi et pour celui qui la représentait. Au bout de quelques années, Trajan crut avoir gagné, par ses soins pacifiques, le droit de revenir à ses goûts militaires et de rajeunir ces triomphes daciques par de nouvelles victoires. La vieillesse arrivait : il avait cinquante-neuf ans, peut-être soixante-deux ; s'il ne reprenait pas à ce moment les armes, il ne les reprendrait jamais, et sa gloire se bornerait à avoir forcé des villes de bois et battu des peuples que de simples légats avaient vus fuir devant eux. La Bretagne était un trop petit théâtre, bon pour Claude ; les Germains ne donnaient prétexte à aucune guerre ; la Dacie se latinisait paisiblement, et des montagnes de la Calédonie au bord de l'Euxin il ne s'offrait pas un champ de bataille où pût s'accomplir quelque exploit retentissant. Sur la rive méridionale de la Méditerranée, l'empire avait atteint, des cataractes de Syène au détroit d'Hercule, une frontière infranchissable, le désert ; donc rien à faire ni en Afrique ni en Europe ; du moins il le croyait. Restait l'Asie. De ce côté on pouvait trouver à accomplir ce que l'histoire complaisante appelle de grandes choses - par exemple, faire de l'Arménie un poste avancé contre la barbarie asiatique, comme la Dacie l'était contre la barbarie européenne ; dompter l'Euphrate et le Tigre, comme l'avaient été le Rhin et le Danube ; en un mot, achever à l'orient l'oeuvre de consolidation des frontières de l'empire. C'était la logique du règne de Trajan ; mais pour lui la guerre était surtout un ardent désir de gloire, et il avait eu raison de se faire représenter, sur son arc de triomphe, sacrifiant à Mars : c'était le dieu qu'il avait le mieux servi. |
Le motif de l'expédition fut un effort des
Arsacides pour rétablir leur influence en
Arménie. Khosroès avait fait arriver son neveu
Exédarès au trône de ce pays, que les
Romains voulaient garder au moins sous leur influence ; et
Trajan n'avait pas oublié qu'à la cour de
Ctésiphon on avait sans doute prêté une
oreille complaisante aux ouvertures du Décébale
pour former une vaste coalition qui eût menacé
l'empire en Asie, tandis que les Daces l'attaqueraient de
front en Europe. L'empereur se rendit durant l'hiver (113)
à Athènes, où Khosroès, inquiet
de la grandeur des préparatifs qui le
menaçaient, lui envoya une humble ambassade, avec de
riches présents, se bornant à demander que le
Romain donnât l'investiture dit royaume
d'Arménie à un aube de ses neveux,
Parthamasiris. L'empereur renvoya l'ambassade, les
présents, et dit qu'il ferait connaître sa
réponse lorsqu'il serait au bord de l'Euphrate. Au
commencement de l'an 114, il arrivait à Antioche, et,
pour que toutes ses capitales eussent des trophées de
sa guerre dacique, il déposa dans le temple de Jupiter
Kasios des offrandes qu'Hadrien célébra en vers
grecs. «A Jupiter Kasios, le maître des dieux,
Trajan, le fils d'Enée et le maître des hommes,
fait cette offrande : deux coupes richement ciselées
et une corne d'urus garnie d'or. Il les a prises aux
Gètes superbes qu'il terrassa de sa lance. Toi dont la
tête se cache dans les nuages, ô dieu,
accorde-lui la victoire dans la guerre
Achéménide, et tu te réjouiras d'avoir
de doubles dépouilles, celles des Arsicides à
côté de celles des Gètes».
Les événements militaires des années
114-117 nous sont fort mal connus, et la chronologie des
campagnes parthiques est incertaine. Trajan eut d'abord
à rétablir la discipline dans les
légions amollies et séditieuses des provinces
orientales ; il y mit sa sévérité
habituelle, et tout plia sous cette main énergique. Il
entra en campagne au coeur même de l'été
et remonta par la vallée de l'Euphrate jusqu'à
la grande Arménie. Dans une première lettre,
Parthamasiris avait pris le titre de roi : elle lui fut
renvoyée sans réponse ; dans une seconde, il
supprima le titre, mais demanda qu'on lui
expédiât, pour traiter, le gouverneur de la
Cappadoce. L'empereur le somma de venir lui-même.
L'Arménien hésitait à se confier
à la bonne foi romaine ; cependant, les légions
avançant toujours, il vint au camp, salua l'empereur
assis sur son tribunal, avec l'armée entière
rangée derrière lui, déposa à ses
pieds la couronne qu'il avait sur la tête, et, debout,
silencieux, avec la dignité grave des Orientaux, il
attendit que Trajan lui permît de reprendre son
diadème.
Trajan et Parthamasiris |
A la vue de cet Arsacide, de ce roi découronné qui leur semble un captif, les soldats poussent un cri immense, comme à la suite d'une victoire, et proclament leur général imperator. Parthamasiris se croit tombé dans un piège et cherche à fuir : entouré de toutes parts, il demande que l'empereur lui épargne au moins la honte de parler au milieu de cette foule. On le conduit au prétoire, mais le Romain veut savourer l'humiliation d'un descendant de ceux qui portent le titre de roi des rois, et rien ne se conclut au prétoire ; le prince, ramené au milieu du camp, est forcé d'exposer ses demandes. «Cependant je n'ai pas été vaincu ! s'écrie-t-il ; je n'ai pas été fait prisonnier ! C'est volontairement que je suis venu, dans la pensée que mon royaume me serait rendu par vous, comme il l'a été à Tiridate par Néron. - L'Arménie, répond Trajan, appartient à Rome et elle aura un gouverneur romain». Des Arméniens, des Parthes avaient accompagné le prince au camp. Trajan retint les premiers comme étant déjà ses sujets et laissa Parthamasiris emmener les autres en leur donnant une escorte qui devait les empêcher de communiquer avec personne. Nous ignorons le détail de ce qui se passa ensuite. Eutrope parle du meurtre de Parthamasiris, et dans un fragment retrouvé sur un palimpseste, un ami de Marc-Aurèle disait : «Il est difficile d'excuser Trajan au sujet de la mort de ce roi. Sans doute il périt justement au milieu du tumulte qu'il avait excité ; mais, pour l'honneur de Rome, mieux eût valu que ce suppliant s'en retournât sans dommage que de souffrir un supplice mérité». Parthamasiris fut-il tué en essayant d'échapper a son escorte, ou supposa-t-on une attaque pour avoir une occasion de se défaire de lui ? On ne le sait ; mais il est clair que, s'il ne tomba pas dans un guet-apens au départ, il y était tombé à l'arrivée. Cette façon de renverser un roi n'avait rien d'héroïque, et elle a laissé une tache de sang sur la main de Trajan. Ni lui ni personne alors ne la vit. Cet étranger gênait : on l'avait supprimé ; la moralité politique des anciens ne s'en effarouchait pas, et l'ami de Marc-Aurèle était seul peut-être à s'en étonner. On osa même, à Rome, frapper une médaille où Parthamasiris est représenté tête nue et pliant le genou, avec cette brève et dédaigneuse légende : Rex Parthus, sans même le nom de son royaume.
Trajan cuirassé
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Trajan, par sa renommée, par la masse imposante de ses forces, causait un tel effroi, que les peuples et les rois, de l'Euphrate au Caucase et de l'Euxin à la Caspienne, se soumirent sans combat. Depuis deux siècles, Rome rêvait cette conquête, et avec raison, car elle lui aurait donné les clefs d'une des portes de l'Asie, le Caucase, dont les étroits défilés sont si faciles à rendre impraticables, et elle lui aurait assuré en Arménie une position excellente pour l'attaque comme pour la défense. Dans ses mains, les hautes montagnes de ce pays seraient devenues une forteresse inexpugnable, qui aurait couvert l'Asie Mineure, même la Syrie. Bien établis à la tête des vallées du Tigre et de l'Euphrate, les Romains eussent rendu toute attaque contre leurs riches provinces impossible ou du moins fort dangereuse pour l'assaillant. Avant d'atteindre, en effet, les deux grands passages du fleuve à Thapsaque et à Zeugma, où viennent mourir les dernières collines de l'Amanus, une armée parthique aurait été contrainte de longer le pied des montagnes arméniennes, avec le risque continuel d'être prise de flanc ou tournée. Plus au sud, c'est le désert qui défend la Syrie, et qui la défendit bien jusqu'au jour où le fanatisme religieux fit sortir de ces solitudes un ennemi inattendu. |
L'occupation de l'Arménie était donc
commandée par de grands intérêts, et
Trajan avait bien fait, sauf le moyen employé, de
trancher une question que Pompée, César,
Antoine, Auguste, n'avaient point résolue, les uns
faute de temps, les autres faute d'habileté ou de
résolution. Mais plus cette acquisition était
importante, plus il fallait l'assurer à l'empire, en
donnant à la nouvelle province une organisation civile
et militaire qui la fit promptement romaine, et en employant
à cette oeuvre de patience les forces, les ressources,
le temps que Trajan allait gaspiller dans des
expéditions inutiles.
Il passa l'hiver de 114-115 à Antioche, qui, durant
son séjour, fut presque détruite par un
tremblement de terre : quantité de gens notables y
trouvèrent la mort ; le consul, avec Vergilianus Pedo,
y fut grièvement blessé, et Trajan manqua
périr. Les païens attribuèrent sans doute
ce désastre à la colère des dieux,
irrités par l'impiété chrétienne,
et saint Ignace, évêque d'Antioche, souffrit,
vers ce temps-là, le martyre. On a vu que Trajan
n'hésitait pas à considérer les
chrétiens comme des rebelles et, lorsqu'ils faisaient
profession publique de leur foi, comme des rebelles, qu'il
fallait punir. Il n'aura donc éprouvé aucun
scrupule, en face d'une foule affolée de peur,
à satisfaire du même coup ses dieux, la populace
et les lois détestables de l'empire.
Au printemps, il franchit l'Euphrate, sans doute à
Zeugma, et se rendit à Edesse, dont le prince fut
sauvé par son fils. De cette ville, il poussa, au
travers de la Mésopotamie, une colonne d'avant-garde
conduite par Lusius Quietus ; elle prit la forte place de
Singara, qui commandait la route du désert ;
lui-même enleva Nisibe, et, comme tous les chefs de
cette région étaient en guerre entre eux ou en
révolte contre Khosroés, il put atteindre sans
peine les bords du Tigre, en face de l'Adiabène. C'est
là qu'Alexandre avait vaincu Darius et conquis l'Asie
; Trajan aimait à suivre les traces du héros
macédonien dont il espérait la fortune. Le
Tigre avait dans ces parages un lit large et profond, il
fallait une flotte pour le franchir et pour assurer les
communications. On employa l'arrière-saison à
construire dans les forêts de Nisibe des bateaux qui se
démontaient et que des chariots portèrent aux
points choisis pour le passage. Etonnés de voir leur
fleuve si facilement vaincu et cette barrière
tombée, les Barbares ne résistèrent pas
à une vive attaque, qui donna aux Romains la rive
gauche. Quoique ce succès ne valût pas la
victoire d'Arbelles, il ouvrit, comme elle, la route de
Babylone, que les Parthes, affaiblis par leurs divisions,
n'osèrent fermer. Trajan y entra avec le surnom de
Parthicus, que ses soldats lui donnèrent, et
sacrifia aux mânes d'Alexandre dans le palais où
le héros avait expiré.
L'opinion était éblouie par ces faciles
triomphes. Chaque jour le sénat apprenait que de
nouveaux peuples s'étaient soumis à sa
puissance ; que des rois consentaient à tenir de lui
leur couronne ; que des pays portant les grands noms
d'Arménie, de Mésopotamie et d'Assyrie, qui
rappelaient ceux de Ninus, de Sémiramis, de
Xerxès et d'Alexandre, étaient sujets de son
empire. Avec le puéril empressement d'un jeune
victorieux, Trajan se hâtait de déclarer
réunies pour jamais au domaine du peuple romain les
régions que traversait son armée.
Trajan posant le pied sur l'Arménie
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L'Arménie formait déjà une
province ; il en fit deux autres : celle de
Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate, au pied des
montagnes arméniennes ; celle d'Assyrie, comprenant la
vallée orientale du Tigre jusqu'à la
chaîne du Zagros, qui la sépare de la
Médie. En même temps, de grands
préparatifs s'achevaient ; toute une flotte,
amenée par l'Euphrate, était
traînée dans le Tigre, à travers l'isthme
qui s'étend entre les deux fleuves, pour attaquer
Ctésiphon. Les Parthes ne défendirent pas mieux
leur capitale que leurs provinces. Khosroès ou son
successeur s'enfuit au fond de la Médie ; la fille du
grand roi, son trône d'or massif, furent pris à
Suses, et Séleucie, l'ancienne capitale grecque,
ouvrit ses portes. Maître des principales places de la
Babylonie, Trajan descendit le Tigre avec sa flotte, recevant
sur son passage la soumission des chefs riverains, et arriva
jusqu'au golfe Persique, où, voyant un navire qui
partait pour l'Inde, il s'écria : «Que ne
suis-je plus jeune, je donnerais à Rome pour
frontière les limites de l'empire d'Alexandre !»
Et la ville éternelle, confiante comme son prince,
frappait des médailles montrant l'Arménie
renversée que l'empereur foulait aux pieds, ou deux
Parthes, assis à terre, ayant devant eux un carquois
vide et un arc détendu. Mais ces Parthes allaient se
lever, le carquois allait se remplir, l'arc résonner
encore, et le victorieux empereur entendra jusque dans son
camp le sifflement aigu de ces flèches qu'il croyait
avoir brisées.
Déjà, en effet, les défections
éclataient partout derrière lui,
Séleucie s'était soulevée, et la
révolte des villes du nord de la Mésopotamie,
par où l'armée romaine avait
pénétré en Assyrie, menaçait
d'enfermer les Romains dans le désert. Il était
à craindre que l'expédition ne finît
comme celle de Crassus. Les généraux de Trajan
frappèrent quelques coups vigoureux. Nisibe fut
reprise ; Edesse et Séleucie, emportées
d'assaut, furent livrées aux flammes. Ces
succès servirent au moins à cacher, sous des
apparences de victoires, une retraite nécessaire.
Trajan et Parthamaspatès |
Trajan se décida même, pour arrêter ces dangereux mouvements, à restaurer la royauté parthique qu'il avait cru détruire ; de retour à Ctésiphon, il mit, en présence du peuple et de l'armée, la couronne du roi des rois sur la tête d'un Arsacide, Parthamasatès.
Trajan donnant un roi aux Parthes
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Puis, par le plus court chemin, il reprit la route de
Syrie. Arrêté dans un désert sans eau et
sans fourrage, devant la petite place d'Atra, il voulut
l'enlever et fut repoussé. Un légat, beaucoup
de légionnaires, y périrent ; des hommes de son
escorte furent tués auprès de lui. Le
victorieux empereur retournant à Rome pour triompher
de tant de nations marquait sa route par le sang et les
cadavres de ses soldats.
Les fatigues, le chagrin, quelque maladie peut-être,
contractée, comme celle d'Alexandre, dans les plaines
marécageuses de la Babylonie, minèrent sa
robuste constitution. Il atteignit Antioche, où il fit
adieu à son armée, mais ne put dépasser
Sélinonte en Cilicie. Il y mourut le 10 août
117.
Il laissait l'Orient en feu. Dans l'île de Chypre,
à Cyrène en Egypte, avait éclaté
une formidable insurrection des Juifs dont le signal semble
avoir été donné par leurs
coreligionnaires de la Mésopotamie, et les
récentes conquêtes retournaient à leurs
anciens maîtres. Une fois de plus l'empire romain,
comme au temps de Crassus et d'Antoine, était
convaincu d'impuissance à s'étendre au
delà de l'Euphrate et de cette ligne de déserts
qui sépare deux mondes. L'Occident même
était agité, du moins sur ses bords : les
Maures fatiguaient l'Afrique de leurs incursions, les Bretons
remuaient dans leur île, et les Sarmates
menaçaient les provinces du Danube. Voilà en
quel état Trajan laissait l'empire, et l'histoire juge
les règnes par leurs résultats, comme l'arbre
est jugé d'après les fruits qu'il porte.
Il avait voulu reprendre la politique conquérante de
la République et de César, qu'Auguste et ses
successeurs avaient abandonnée. Eut-il raison ? Oui et
non. Oui pour l'expédition d'Arménie et la
conquête du pays des Daces ; non pour celles de
Babylone et de Ctésiphon. Nous avons, plusieurs fois,
donné les raisons qui devaient arrêter au cours
supérieur de l'Euphrate et du Tigre la
frontière de l'empire. Aller plus loin de ce
côté, c'était aller contre la nature des
choses, qui est la plus grande des forces. Il n'en
était pas de même sur le Danube. Trajan, qui
tenait à réveiller l'esprit militaire des
Romains, fit bien de conquérir la Dacie. Mais il
aurait dû achever cette oeuvre, en plantant ses aigles
de l'autre côté de la Theiss et en Bohême.
Alors l'empire eût enfermé dans ses
frontières toute la vallée du Danube et tenu la
chaîne de montagnes qui s'étend presque sans
interruption des environs de Mayence, jusqu'à la mer
Noire, par le Taunus déjà fortifié, par
les monts de Franconie, de Bohême, de Moravie et les
Carpates. Maître de cette grande ligne de
défense, ramassant ses forces dans les provinces
situées en arrière, y multipliant les postes
militaires, les colonies de vétérans, et, de
l'autre côté des monts, développant au
milieu des Germains la vie romaine par les relations du
commerce et la contagion de l'exemple, l'empire aurait
résisté plus longtemps aux assauts de la
Barbarie.
Mais ces services eussent été sans
éclat, et Trajan voulait la gloire retentissante que
donnaient la conquête, même
éphémère, des capitales parthiques et
une expédition rivale de celle d'Alexandre. Terminons
cependant l'histoire de ce grand règne par le voeu
qu'après Trajan le sénat forma toujours
à l'avènement d'un nouvel empereur :
Puissiez-vous être plus heureux qu'Auguste, meilleur
que Trajan ! Le Moyen Age a recueilli cette
pensée, et Dante a mis Trajan dans son Paradis.