Scène 1
Auguste, Cinna, Maxime, Troupe de courtisans
AUGUSTE
Que chacun se retire, et qu'aucun n'entre ici.
Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi.
(Tous se retirent, à la réserve de
Cinna et de Maxime)
Cet empire absolu sur la terre et sur l'onde,
Ce pouvoir souverain que j'ai sur tout le monde,
Cette grandeur sans borne et cet illustre rang,
Qui m'a jadis coûté tant de peine et de
sang,
Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune
D'un courtisan flatteur la présence
importune,
N'est que de ces beautés dont l'éclat
éblouit,
Et qu'on cesse d'aimer sitôt qu'on en
jouit.
L'ambition déplaît quand elle est
assouvie,
D'une contraire ardeur son ardeur est suivie ;
Et comme notre esprit, jusqu'au dernier soupir,
Toujours vers quelque objet pousse quelque
désir,
Il se ramène en soi, n'ayant plus où se
prendre,
Et, monté sur le faîte, il aspire à
descendre.
J'ai souhaité l'empire, et j'y suis parvenu
;
Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu :
Dans sa possession, j'ai trouvé pour tous
charmes
D'effroyables soucis, d'éternelles
alarmes,
Mille ennemis secrets, la mort à tout
propos,
Point de plaisir sans trouble, et jamais de
repos.
Sylla m'a précédé dans ce pouvoir
suprême ;
Le grand César mon père en a joui de
même.
D'un oeil si différent tous deux l'ont
regardé,
Que l'un s'en est démis, et l'autre l'a
gardé ;
Mais l'un, cruel, barbare, est mort aimé,
tranquille,
Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville ;
L'autre, tout débonnaire, au milieu du
sénat,
A vu trancher ses jours par un assassinat.
Ces exemples récents suffiraient pout
m'instruire,
Si par l'exemple seul on devait se conduire ;
L'un m'invite à le suivre, et l'autre me fait
peur ;
Mais l'exemple souvent n'est qu'un miroir trompeur
;
Et l'ordre du destin qui gêne nos
pensées
N'est pas toujours écrit dans les choses
passées :
Quelquefois l'un se brise où l'autre est
sauvé,
Et par où l'un périt, un autre est
conservé.
Voilà, mes chers amis, ce qui me met en
peine.
Vous, qui me tenez lieu d'Agrippe et de
Mécène,
Pour résoudre ce point avec eux
débattu,
Prenez sur mon esprit le pouvoir qu'ils ont eu :
Ne considérez point cette grandeur
suprême,
Odieuse aux Romains, et pesante à moi-même
;
Traitez-moi comme ami, non comme souverain ;
Rome, Auguste, l'Etat, tout est en votre main.
Vous mettrez et l'Europe, et l'Asie, et
l'Afrique,
Sous les lois d'un monarque, ou d'une république
:
Votre avis est ma règle, et par ce seul
moyen
Je veux être empereur, ou simple citoyen.
CINNA
Malgré notre surprise, et mon
insuffisance,
Je vous obéirai, seigneur, sans
complaisance,
Et mets bas le respect qui pourrait
m'empêcher
De combattre un avis où vous semblez
pencher.
Souffrez-le d'un esprit jaloux de votre gloire,
Que vous allez souiller d'une tache trop noire,
Si vous ouvrez votre âme à ces
impressions
Jusques à condamner toutes vos actions.
On ne renonce point aux grandeurs légitimes
;
On garde sans remords ce qu'on acquiert sans crime
;
Et plus le bien qu'on quitte est noble, grand,
exquis,
Plus qui l'ose quitter le juge mal acquis.
N'imprimez pas, seigneur, cette honteuse marque
A ces rares vertus qui vous ont fait monarque ;
Vous l'êtes justement, et c'est sans
attentat
Que vous avez changé la forme de l'Etat.
Rome est dessous vos lois par le droit de la
guerre
Qui sous les lois de Rome a mis toute la terre ;
Vos armes l'ont conquise, et tous les
conquérants
Pour être usurpateurs ne sont pas des tyrans
;
Quand ils ont sous leurs lois asservi des
provinces,
Gouvernant justement, ils s'en font justes princes
:
C'est ce que fit César ; il vous faut
aujourd'hui
Condamner sa mémoire, ou faire comme lui.
Si le pouvoir suprême est blâmé par
Auguste,
César fut un tyran, et son trépas fut
juste,
Et vous devez aux dieux compte de tout le sang
Dont vous l'avez vengé pour monter à son
rang.
N'en craignez point, seigneur, les tristes
destinées ;
Un plus puissant démon veille sur vos
années :
On a dix fois sur vous attenté sans effet,
Et qui l'a voulu perdre au même instant l'a
fait.
On entreprend assez, mais aucun n'exécute
;
Il est des assassins, mais il n'est plus de Brute
;
Enfin, s'il faut attendre un semblable revers,
Il est beau de mourir maître de l'univers.
C'est ce qu'en peu de mots j'ose dire ; et
j'estime
Que ce peu que j'ai dit est l'avis de Maxime.
MAXIME
Oui, j'accorde qu'Auguste a droit de conserver
L'empire où sa vertu l'a fait seule
arriver,
Et qu'au prix de son sang, au péril de sa
tête,
Il a fait de l'Etat une juste conquête ;
Mais que, sans se noircir, il ne puisse quitter
Le fardeau que sa main est lasse de porter,
Qu'il accuse par là César de
tyrannie,
Qu'il approuve sa mort, c'est ce que je
dénie.
Rome est à vous, seigneur, l'empire est votre
bien.
Chacun en liberté peut disposer du sien ;
Il le peut à son choix garder, ou s'en
défaire :
Vous seul ne pourriez pas ce que peut le
vulgaire,
Et seriez devenu, pour avoir tout dompté,
Esclave des grandeurs où vous êtes
monté !
Possédez-les, seigneur, sans qu'elles vous
possèdent.
Loin de vous captiver, souffrez qu'elles vous
cèdent ;
Et faites hautement connaître enfin à
tous
Que tout ce qu'elles ont est au-dessous de vous.
Votre Rome autrefois vous donna la naissance ;
Vous lui voulez donner votre toute-puissance ;
Et Cinna vous impute à crime capital
La libéralité vers le pays natal !
Il appelle remords l'amour de la patrie !
Par la haute vertu la gloire est donc
flétrie,
Et ce n'est qu'un objet digne de nos
mépris,
Si de ses pleins effets l'infamie est le prix !
Je veux bien avouer qu'une action si belle
Donne à Rome bien plus que vous ne tenez d'elle
;
Mais commet-on un crime indigne de pardon,
Quand la reconnaissance est au-dessus du don ?
Suivez, suivez, seigneur, le ciel qui vous inspire
:
Votre gloire redouble à mépriser
l'empire
Et vous serez fameux chez la
postérité,
Moins pour l'avoir conquis que pour l'avoir
quitté.
Le bonheur peut conduire à la grandeur
suprême,
Mais pour y renoncer il faut la vertu même
;
Et peu de généreux vont jusqu'à
dédaigner,
Après un sceptre acquis, la douceur de
régner.
Considérez d'ailleurs que vous régnez
dans Rome,
Où, de quelque façon que votre cour vous
nomme,
On hait la monarchie ; et le nom d'empereur,
Cachant celui de roi, ne fait pas moins
d'horreur.
Ils passent pour tyran quiconque s'y fait
maître,
Qui le sert, pour esclave, et qui l'aime, pour
traître ;
Qui le souffre a le coeur lâche, mol,
abattu,
Et pour s'en affranchir tout s'appelle vertu.
Vous en avez, seigneur, des preuves trop certaines
:
On a fait contre vous dix entreprises vaines ;
Peut-être que l'onzième est prête
d'éclater,
Et que ce mouvement qui vous vient agiter
N'est qu'un avis secret que le ciel vous envoie,
Qui pour vous conserver n'a plus que cette voie.
Ne vous exposez plus à ces fameux revers :
Il est beau de mourir maître de l'univers ;
Mais la plus belle mort souille notre
mémoire,
Quand nous avons pu vivre et croître notre
gloire.
CINNA
Si l'amour de pays doit ici prévaloir,
C'est son bien seulement que vous devez vouloir ;
Et cette liberté, qui lui semble si
chère,
N'est pour Rome, seigneur, qu'un bien imaginaire,
Plus nuisible qu'utile, et qui n'approche pas
De celui qu'un bon prince apporte à ses
Etats.
Avec ordre et raison les honneurs il dispense,
Avec discernement punit et récompense,
Et dispose de tout en juste possesseur,
Sans rien précipiter, de peur d'un
successeur.
Mais quand le peuple est maître, on n'agit qu'en
tumulte :
La voix de la raison jamais ne se consulte ;
Les honneurs sont vendus aux plus ambitieux,
L'autorité livrée aux plus
séditieux.
Ces petits souverains qu'il fait pour une
année,
Voyant d'un temps si cour leur puissance
bornée,
Des plus heureux desseins font avorter le fruit,
De peur de le laisser à celui qui les suit
;
Comme ils ont peu de part au bien dont ils
ordonnent,
Dans le champ du public largement ils
moissonnent,
Assurés que chacun leur pardonne
aisément,
Espérant à son tour un pareil traitement
:
Le pire des Etats, c'est l'Etat populaire.
AUGUSTE
Et toutefois le seul qui dans Rome peut plaire.
Cette haine des rois que depuis cinq cents ans
Avec le premier lait sucent tous ses enfants,
Pour l'arracher des coeurs, est trop
enracinée.
MAXIME
Oui, seigneur, dans son mal Rome est trop
obstinée ;
Son peuple, qui s'y plaît, en fuit la
guérison :
Sa coutume l'emporte, et non pas la raison ;
Et cette vieille erreur, que Cinna veut abattre,
Est une heureuse erreur dont il est
idolâtre,
Par qui le monde entier, asservi sous ses lois,
L'a vu cent fois marcher sur la tête des
rois,
Son épargne s'enfler du sac de leurs
provinces.
Que lui pouvaient de plus donner les meilleurs princes
?
J'ose dire, seigneur, que par tous les climats
Ne sont pas bien reçus toutes sortes d'Etats
;
Chaque peuple a le sien conforme à sa
nature,
Qu'on ne saurait changer sans lui faire injure :
Telle est la loi du ciel, dont la sage
équité
Sème dans l'univers cette
diversité.
Les Macédoniens aiment la monarchie,
Et le reste des Grecs la liberté publique
:
Les Parthes, les Persans veulent des souverains ;
Et le seul consulat est bon pour les Romains.
CINNA
Il est vrai que du ciel la prudence infinie
Départ à chaque peuple un
différent génie ;
Mais il n'est pas moins vrai que cet ordre des
cieux
Change selon les temps comme selon les lieux.
Rome a reçu des rois ses murs et sa naissance
;
Elle tient des consuls sa gloire et sa puissance,
Et reçoit maintenant de vos rares
bontés
Le comble souverain de ses
prospérités.
Sous vous, l'Etat n'est plus en pillage aux
armées ;
Les portes de Janus par vos mains sont
fermées,
Ce que sous ses consuls on n'a vu qu'une fois,
Et qu'a fait voir comme eux le second de ses
rois.
MAXIME
Les changements d'Etats que fait l'ordre
céleste
Ne coûtent point de sang, n'ont rien qui soit
funeste.
CINNA
C'est un ordre des dieux qui jamais ne se rompt,
De nous vendre un peu cher les grands biens qu'ils nous
font.
L'exil des Tarquins même ensanglanta nos
terres,
Et nos premiers consuls nous ont coûté des
guerres.
MAXIME
Donc votre aïeul Pompée au ciel a
résisté
Quand il a combattu pour notre liberté ?
CINNA
Si le ciel n'eût voulu que Rome l'eût
perdue
Par les mains de Pompée il l'aurait
défendue :
Il a choisi sa mort pour servir dignement
D'une marque éternelle à ce grand
changement,
Et devait cette gloire aux mânes d'un tel
homme,
D'emporter avec eux la liberté de Rome.
Ce nom depuis longtemps ne sert qu'à
l'éblouir,
Et sa propre grandeur l'empêche d'en jouir.
Depuis qu'elle se voit la maîtresse du
monde,
Depuis que la richesse entre ses murs abonde,
Et que son sein, fécond en glorieux
exploits,
Produit des citoyens plus puissants que des rois.
Les grands, pour s'affermir achetant les
suffrages,
Tiennent pompeusement leurs maîtres à
leurs gages,
Qui, par des fers dorés se laissant
enchaîner,
Reçoivent d'eux les lois qu'ils pensent leur
donner.
Envieux l'un de l'autre, ils mènent tout par
brigues,
Que leur ambition tourne en sanglantes ligues.
Ainsi de Marius Sylla devint jaloux ;
César, de mon aïeul ; Marc-Antoine, de vous
:
Ainsi la liberté ne peut plus être
utile
Qu'à former les fureurs d'une guerre
civile,
Lorsque, par un désordre à l'univers
fatal,
L'un ne veut point de maître, et l'autre point
d'égal.
Seigneur, pour sauver Rome, il faut qu'elle
s'unisse
En la main d'un bon chef à qui tout
obéisse.
Si vous aimez encore à la favoriser,
Otez-lui les moyens de plus se diviser.
Sylla, quittant la place enfin bien
usurpée,
N'a fait qu'ouvrir le champ à César et
Pompée,
Que le malheur des temps ne nous eût pas fait
voir,
S'il eût dans sa famille assuré son
pouvoir.
Qu'a fait du grand César le cruel
parricide,
Qu'élever contre vous Antoine avec
Lépide,
Qui n'eussent pas détruit Rome par les
Romains,
Si César eût laissé l'empire entre
vos mains ?
Vous la replongerez, en quittant cet empire,
Dans les maux dont à peine encore elle
respire,
Et de ce peu, seigneur, qui lui reste de sang,
Une guerre nouvelle épuisera son flanc.
Que l'amour du pays, que la pitié vous touche
;
Votre Rome à genoux vous parle par ma
bouche.
Considérez le prix que vous avez
coûté ;
Non pas qu'elle vous croie avoir trop acheté
;
Des maux qu'elle a soufferts elle est trop bien
payée ;
Mais une juste peur tient son âme effrayée
:
Si, jaloux de son heur, et las de commander,
Vous lui rendez un bien qu'elle ne peut garder,
S'il lui faut à ce prix en acheter un
autre,
Si vous ne préférez son
intérêt au vôtre,
Si ce funeste don la met au désespoir,
Je n'ose dire ici ce que j'ose prévoir.
Conservez-vous, seigneur, en lui laissant un
maître
Sous qui son vrai bonheur commence de renaître
;
Et pour mieux assurer le bien commun de tous,
Donnez un successeur qui soit digne de vous.
AUGUSTE
N'en délibérons plus, cette pitié
l'emporte.
Mon repos m'est bien cher, mais Rome est la plus forte
;
Et, quelque grand malheur qui m'en puisse
arriver,
Je consens à me perdre afin de la sauver.
Pour ma tranquillité mon coeur en vain soupire
:
Cinna, par vos conseils je retiendrai l'empire ;
Mais je le retiendrai pour vous en faire part.
Je vois trop que vos coeurs n'ont point pour moi de
fard,
Et que chacun de vous, dans l'avis qu'il me
donne,
Regarde seulement l'Etat et ma personne :
Votre amour en tous deux fait ce combat
d'esprits,
Et vous allez tous deux en recevoir le prix.
Maxime, je vous fais gouverneur de Sicile ;
Allez donner mes lois à ce terroir fertile
;
Songez que c'est pour moi que vous gouvernerez,
Et que je répondrai de ce que vous ferez.
Pour épouse, Cinna, je vous donne Emilie ;
Vous savez qu'elle tient la place de Julie,
Et que si nos malheurs et la
nécessité
M'ont fait traiter son père avec
sévérité,
Mon épargne depuis en sa faveur ouverte
Doit avoir adouci l'aigreur de cette perte.
Voyez-la de ma part, tâchez de la gagner :
Vous n'êtes point pour elle un homme à
dédaigner ;
De l'offre de vos voeux elle sera ravie.
Adieu : j'en veux porter la nouvelle à
Livie.
Scène 2
Cinna, Maxime
MAXIME
Quel est votre dessein après ces beaux discours
?
CINNA
Le même que j'avais, et que j'aurai
toujours.
MAXIME
Un chef de conjurés flatte la tyrannie !
CINNA
Un chef de conjurés la veut voir impunie !
MAXIME
Je veux voir Rome libre.
CINNA
Et
vous pouvez juger
Que je veux l'affranchir ensemble et la venger.
Octave aura donc vu ses fureurs assouvies,
Pillé jusqu'aux autels, sacrifié nos
vies,
Rempli les champs d'horreur, comblé Rome de
morts,
Et sera quitte après pour l'effet d'un remords
!
Quand le ciel par nos mains à le punir
s'apprête,
Un lâche repentir garantira sa tête !
C'est trop semer d'appas, et c'est trop inviter
Par son impunité quelque autre à
l'imiter.
Vengeons nos citoyens, et que sa peine
étonne
Quiconque après sa mort aspire à la
couronne.
Que le peuple aux tyrans ne soit plus exposé
:
S'il eût puni Sylla, César eût moins
osé.
MAXIME
Mais la mort de César, que vous trouvez si
juste,
A servi de prétexte aux cruautés
d'Auguste.
Voulant nous affranchir, Brute s'est abusé
:
S'il n'eût puni César, Auguste eût
moins osé.
CINNA
La faute de Cassie, et ses terreurs paniques,
Ont fait entrer l'Etat sous des lois tyranniques
;
Mais nous ne verrons point de pareils accidents,
Lorsque Rome suivra des chefs moins imprudents.
MAXIME
Nous sommes encor loin de mettre en
évidence
Si nous nous conduisons avec plus de prudence ;
Cependant c'en est peu de n'accepter pas
Le bonheur qu'on recherche au péril du
trépas.
CINNA
C'en est encor bien moins, alors qu'on s'imagine
Guérir un mal si grand sans couper la racine
;
Employer la douceur à cette
guérison,
C'est, en fermant la plaie, y verser du poison.
MAXIME
Vous la voulez sanglante, et la rendez douteuse.
CINNA
Vous la voulez sans peine, et la rendez honteuse.
MAXIME
Pour sortir de ses fers jamais on ne rougit.
CINNA
On en sort lâchement si la vertu n'agit.
MAXIME
Jamais la liberté ne cesse d'être aimable
;
Et c'est toujours pour Rome un bien inestimable.
CINNA
Ce ne peut être un bien qu'elle daigne
estimer,
Quand il vient d'une main lasse de l'opprimer :
Elle a le coeur trop bon pour se voir avec joie
Le rebut du tyran dont elle fut la proie ;
Et tout ce que la gloire a de vrais partisans
Le hait trop puissamment pour aimer ses
présents.
MAXIME
Donc pour vous Emilie est un objet de haine ?
CINNA
La recevoir de lui me serait une gêne ;
Mais quand j'aurai vengé Rome des maux
soufferts,
Je saurai le braver jusque dans les enfers.
Oui, quand par son trépas je l'aurai
méritée,
Je veux joindre à sa main ma main
ensanglantée,
L'épouser sur sa cendre, et qu'après
notre effort
Les présents du tyran soient le prix de sa
mort.
MAXIME
Mais l'apparence, ami, que vous puissiez lui
plaire,
Teint du sang de celui qu'elle aime comme un
père ?
Car vous n'êtes pas homme à la
violenter.
CINNA
Ami, dans ce palais on peut nous écouter,
Et nous parlons peut-être avec trop
d'imprudence
Dans un lieu si mal propre à notre confidence
:
Sortons ; qu'en sûreté j'examine avec
vous,
Pour en venir à bout, les moyens les plus
doux.
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