Suicide de Cléopâtre au centre du plat d’argent de Bernardo Strozzi – 1620 - J. Paul Getty museum, Los Angeles



Nunc est bibendum, nunc pede libero
pulsanda tellus, nunc Saliaribus
ornare pulvinar deorum
tempus erat dapibus, sodales.

Antehac nefas depromere Caecubum
cellis avitis, dum Capitolio
regina dementis ruinas
funus et imperio parabat

contaminato cum grege turpium
morbo virorum, quidlibet impotens
sperare fortunaque dulci
ebria. Sed minuit furorem

vix una sospes navis ab ignibus,
mentemque lymphatam Mareotico
redegit in veros timores
Caesar, ab Italia volantem

remis adurgens, accipiter velut
mollis columbas aut leporem citus
venator in campis nivalis
Haemoniae, daret ut catenis

fatale monstrum. Quae generosius
perire quaerens nec muliebriter
expavit ensem nec latentis
classe cita reparavit oras,

ausa et jacentem visere regiam
voltu sereno, fortis et asperas
tractare serpentes, ut atrum
corpore conbiberet venenum,

deliberata morte ferocior :
saevis Liburnis scilicet invidens
privata deduci superbo,
non humilis mulier, triumpho.
  Buvons, amis, buvons, sans que rien nous arrête ;
Ebranlons à l'envi la terre sous nos pas ;
Pour la table des Dieux il est temps qu'on apprête
De somptueux repas.

Sans crime aurions-nous pu, dans un péril immense,
Tirer de leurs celliers les vins de nos aïeux,
Lorsque du Capitole une reine en démence
Osait braver les Dieux ?

De notre empire éteint rêvant les funérailles,
Un servile troupeau de ministres flétris
A son espoir sans frein de nos vastes murailles
Promettaient les débris.

Mais le charme est rompu, la fortune se lasse ;
Ses vaisseaux embrasés ont calmé ses fureurs,
Et des vins de Pharos le vertige a fait place
Aux réelles terreurs.

Loin des bords qu'outrageait sa fatale insolence,
Un héros la poursuit sur l'abîme des mers :
Sur la faible colombe ainsi l'aigle s'élance
Et fond du haut des airs.

Comme à travers les champs de la froide Emonie
Du chevreuil éperdu le chasseur suit les pas,
César vole et du monstre, effroi de l'Ausonie,
Veut enchaîner les bras.

Mais un mâle trépas sourit à son courage ;
Le fer brille à ses yeux sans ébranler son coeur ;
Sa voile ne fuit point de rivage en rivage
Son rapide vainqueur.

Elle ose contempler sa grandeur terrassée,
Et le regard serein presser entre ses mains
Les noirs serpents qui vont dans sa veine glacée
Distiller leurs venins.

Ainsi la mort soutient son âme raffermie ;
Reine encore, elle échappe aux vaisseaux de César,
Et d'un triomphe altier notre fière ennemie
Ne suivra point le char.


Traduction Anquetil (1850)