Trajan

© Agnès Vinas

II. Successit Ulpius Crinitus Trajanus, natus Italicae in Hispania, familia antiqua magis, quam clara. Nam pater ejus primum cos. fuit : imperator autem apud Agrippinam in Galliis factus est. Rempublicam ita administravit, ut omnibus principibus merito praeferatur. Inusitatae civilitatis et fortitudinis fuit. Romani imperii, quod post Augustum defensum magis fuerat, quam nobiliter ampliatum, fines longe lateque diffudit : urbes trans Rhenum in Germania reparavit : Daciam, Decebalo victo, subegit, provincia trans Danubium facta in his agris, quos nunc Thaiphali habent, Victoali et Thervingi. Ea provincia decies centena millia passuum in circuitu tenuit.

II. Il eut pour successeur Ulpius Crinitus Trajan, né à Italica en Espagne, et d'une famille plus ancienne qu'illustre ; car son père fut, dans cette maison, le premier qui obtint le consulat. Trajan fut proclamé empereur à Cologne, dans les Gaules. Son gouvernement le fit justement préférer à tous les princes. Jamais tant de bonté ne fut unie à tant de valeur. L'empire romain, après Auguste, avait été plutôt défendu que glorieusement agrandi ; il en recula de tous côtés les bornes. Il reprit plusieurs villes au delà du Rhin, en Germanie. Il vainquit le roi Décébale, subjugua la Dacie (Ap. JC. 106), et fit une province romaine, au-delà du Danube, de tout le territoire occupé aujourd'hui par les Taïphales, les Victoales et les Thervinges, province dont le circuit était d'un million de pas.

III. Armeniam, quam occupaverant Parthi, recepit, Parthamasire occiso, qui eam tenebat. Albanis regem dedit. Iberorum regem, et Sauromatarum, et Bosporanorum, et Arabum, et Osdroenum, et Colchorum in fidem accepit. Corduenos, Mardos, Medos occupavit, et Anthemusiam, magnam Persidis regionem, Seleuciam et Ctesiphontem, Babylonem et Messenios vicit ac tenuit : usque ad Indiae fines et mare Rubrum accessit, atque ibi tres provincias fecit, Armeniam, Assyriam, Mesopotamiam, cum his gentibus, quae Madenam attingunt Arabiam postea in provinciae formam redegit. In mari Rubro classem instituit, ut per eam Indiae fines vastaret.

III. Il recouvra l'Arménie, envahie par les Parthes, après avoir tué Parthamasiris, qui l'occupait ( Ap. JC. 114). Il donna un roi aux Albaniens. Il reçut la soumission du roi des Ibères, des Sauromates, du Bosphore, des Arabes, de l'Osdroëne et de Colchos. Il conquit le territoire des Corduens, des Mardes et des Mèdes ; il soumit et garda l'Anthémusie, une des plus grandes régions de la Perse ; Séleucie et Ctésiphon, Babylone et Messène. Il s'avanca jusqu'aux frontières de l'Inde et jusqu'à la mer Rouge, et là il fit trois provinces de l'Arménie, de l'Assyrie et de la Mésopotamie, en y ajoutant les peuples qui avoisinent la Madène. Il en fit ensuite autant de l'Arabie, et il entretint sur la mer Rouge une flotte, pour faire des incursions dans l'Inde.

IV. Gloriam tamen militarem civilitate et moderatione superavit, Romae et per provincias aequalem se omnibus exhibens ; amicos salutandi causa frequentans, vel aegrotantes, vel, cum festos dies habuissent, convivia cum iisdem indiscreta vicissim habens ; saepe in vehiculis eorum sedens ; nullum senatorum laedens ; nihil injustum ad augendum fiscum agens ; liberalis in cunctos, publice privatimque ditans omnes et honoribus augens, quos vel mediocri familiaritate cognovisset ; orbem terrarum aedificans ; multas immunitates civitatibus tribuens ; nihil non tranquillum et placidum agens, adeo, ut omni ejus aetate unus senator damnatus sit, atque is tamen per senatum, ignorante Trajano. Ob haec per orbem terrarum Deo proximus, nihil non venerationis meruit et vivus et mortuus.

IV. Toutefois sa gloire militaire fut surpassée par sa modestie et son affabilité. Il se montrait, à Rome et dans les provinces, l'égal de tout le monde ; il allait voir et saluer, à son tour, ses amis malades ; il célébrait leurs jours de fêtes à leur table ou à la sienne ; il s'asseyait souvent à côté d'eux dans leurs litière. Il ne fit d'offense à aucun sénateur ; ne se permit rien d'injuste pour grossir son trésor ; fut libéral envers tous ; fit un grand nombre de largesses publiques et particulières, et conféra des dignités même à ceux qui ne passaient point pour ses familiers. Il couvrit l'univers de monuments ; il accorda aux villes un grand nombre d'immunités, et il fit tout dans un tel esprit de douceur et de bonté, que, pendant tout son règne, un seul sénateur fut condamné ; encore le fut-il par le Sénat, et à l'insu de Trajan. Ces vertus le firent comparer à un dieu par le monde entier, et lui méritèrent, pendant sa vie comme après sa mort, la vénération des peuples.

V. Inter alia dicta hoc ipsius fertur egregium. Amicis eum culpantibus, quod nimis circa omnes communis esset, respondit : «Talem se imperatorem esse privatis, quales esse sibi imperatores privatus optasset.» Post ingentem igitur gloriam, belli domique quaesitam, e Perside rediens, apud Seleuciam Isauriae profluvio ventris exstinctus est. Obiit autem aetatis anno LXIII, mense nono et die quarto : imperii XIX, mense VI, die XV. Inter divos relatus est, solusque omnium intra Urbem sepultus. Ossa ejus collocata in urna aurea in foro, quod aedificavit, sub columna sita sunt, cujus altitudo CXLIV pedes habet. Hujus tantum memoriae delatum est, ut usque ad nostram aetatem non aliter in senatu principibus acclametur, nisi FELICIOR AUGUSTO, MELIOR TRAJANO. Adeo in eo gloria bonitatis obtinuit, ut vel assentantibus, vel vere laudantibus occasionem magnificentissimi praestet exempli.

V. Entre autres paroles mémorables, on lui attribue celle-ci. Comme ses amis le blâmaient de se rendre trop accessible à tous, il leur répondit «qu'il faisait aux particuliers, étant empereur, l'accueil qu'il eut désiré des empereurs quand il ne l'était pas.» Il s'était acquis dans la guerre et dans la paix une grande gloire, lorsqu'en revenant de la Perse il mourut d'un flux de ventre, à Séleucie d'Isaurie (Ap. JC. 117). Il avait soixantre-trois ans neuf mois et quatre jours ; il avait régné dix-neuf ans six mois et quinze jours. On le mit au nombre des dieux, et il fut leseul de tous les empereurs que l'on ensevelit dans l'enceinte de la ville. Ses cendres, renfermées dans une urne d'or, furent déposées, au milieu du forum qu'il avait construit, sous une colonne dont la hauteur est de cent quarante-quatre pieds. Sa mémoire est demeurée si chère, que, de nos jours encore, à l'avénement d'un prince, les seules acclamations dont le sénat s'empresse de le saluer, c'est qu'il soit PLUS HEUREUX QU'AUGUSTE ET MEILLEUR QUE TRAJAN. Tel est enfin le glorieux hommage rendu à sa bonté, que la flatterie et la vérité le choisissent, dans les éloges, comme le plus beau des modèles.