22. L'habitude où il était de voyager partout la tête nue, malgré les plus fortes pluies et les plus grands froids, lui causa une maladie qui le força de garder le lit. Occupé du choix de son successeur, il pensa d'abord à Servien, qu'il contraignit ensuite, comme nous l'avons dit, à se donner la mort. Il avait en aversion Fuscus, à qui des présages et des prodiges faisaient espérer l'empire. Il tenait pour suspect Plétorius Népos, pour qui il avait eu tant d'affection, qu'il supportait patiemment l'affront de n'être pas admis près de lui quand il allait le visiter malade. Il écarta aussi Térentius Gentianus, et avec d'autant plus d'animosité qu'il le voyait alors aimé du sénat. Tous ceux enfin qui semblaient appelés au trône, il les haïssait comme autant de futurs empereurs. Il réprima toutefois la violence de sa cruauté naturelle, jusqu'au jour où un flux de sang, qui le saisit dans sa villa de Tibur, le mit à l'extrémité. Alors il ne se contraignit plus, et il força Servien à mourir comme coupable d'avoir aspiré au trône, parce que ce dernier avait envoyé sa desserte aux esclaves d'un roi, parce qu'à table il s'était assis sur un siège royal, près de celui de l'empereur ; parce qu'enfin ce vieillard, âgé de quatre-vingt-dix ans, s'était avancé, d'un air assuré, vers quelques postes militaires. Adrien fit encore périr beaucoup d'autres citoyens, soit ouvertement, soit en secret. Il fut soupçonné aussi d'avoir fait mourir Sabine, son épouse, en lui donnant du poison.

C'est pendant cette maladie qu'il résolut d'adopter Céjonius Commode, que sa beauté lui avait rendu cher autrefois, et qui était le gendre de ce Nigrinus dont il avait eu à redouter les embûches. Il adopta donc, malgré tout le monde, Céjonius Commode Vérus, et il le nomma Elius Vérus César. L'empereur, pour célébrer cette adoption, donna des jeux dans le cirque, et fit un présent au peuple et aux soldats. Il revêtit le nouveau César de la préture, lui donna le gouvernement des Pannonies, le fit consul, pourvut pour lui aux frais de cette dignité, et enfin le désigna pour un second consulat. Mais voyant que ce prince était maladif, il dit plus d'une fois : «Nous nous sommes appuyés sur un mur qui vacille, et nous avons perdu les quatre cents millions de sesterces donnés au peuple et aux soldats, pour l'adoption de Commode.» Celui-ci ne put même pas, à cause de sa mauvaise santé, remercier Adrien, devant le sénat, de la faveur qu'il en avait reçue. Sa maladie ne fit qu'empirer ; et ayant pris une trop forte dose d'un certain remède, il mourut en dormant, le jour même des calendes de janvier : aussi Adrien, vu la solennité du jour, défendit-il qu'on le pleurât.

Après la mort du César Elius Vérus, l'empereur, dont la maladie faisait de rapides progrès, adopta Arrius Antonin, qui fut plus tard appelé le Pieux ; mais il lui imposa la condition d'adopter, à son tour, Annius Vérus et Marc Antonin. Ce sont les mêmes qui, dans la suite, ont, les premiers, gouverné en même temps la république en qualité d'augustes. Antonin fut, dit-on, surnommé le Pieux pour avoir, un jour, présenté la main à son beau-père, accablé par l'âge. D'autres prétendent qu'il mérita ce titre pour avoir soustrait plusieurs sénateurs aux fureurs d'Adrien ; d'autres encore, pour avoir rendu de grands honneurs à ce prince après sa mort. L'adoption d'Antonin déconcerta bien des prétendants, surtout Catilius Sévère, préfet de la ville, qui se frayait un chemin au trône. Ses menées furent découvertes, et on le remplaça dans sa dignité.

Cependant Adrien, souverainement dégoûté de la vie, ordonna à l'un de ses esclaves de le percer d'une épée. Cette nouvelle étant venue à la connaissance d'Antonin, il courut avec les préfets chez l'empereur, et ils le conjurèrent d'endurer courageusement son mal. Ce prince, irrité, commanda de mettre à mort celui qui l'avait trahi ; mais Antonin le sauva, et dit à Adrien qu'adopté par lui, il deviendrait parricide, en souffrant qu'on lui ôtât la vie. Adrien écrivit aussitôt son testament, et continua de s'occuper des affaires d'Etat. Il essaya encore de se donner la mort ; mais on lui arracha le poignard des mains, ce qui le rendit furieux. Il demanda du poison à un médecin, lequel aima mieux se tuer que de lui obéir.

 

© Agnès Vinas

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Les Empereurs et Césars du IIe siècle dans l'Histoire Auguste

Hadrien (117-138), biographie d'Aelius Spartianus

Aelius Verus (adopté par Hadrien en 136, mort en 138), biographie d'Aelius Spartianus

Antonin le Pieux (138-161), biographie de Julius Capitolinus

Marc-Aurèle (161-180), biographie de Julius Capitolinus

Lucius Verus (161-169), biographie de Julius Capitolinus

Avidius Cassius (empereur autoproclamé en 175), biographie de Vulcatius Gallicanus

Commode (180-192), biographie d'Aelius Lampridius