Livre X - Lettres 64 et 65


PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Je vous rends très humbles grâces, seigneur, de ce qu'au milieu de tant d'importantes affaires, vous avez daigné m'éclairer dans celles où j'ai eu recours à vos lumières. Je vous demande encore aujourd'hui la même faveur. Un homme m'a dénoncé que ses parties qu'il avait fait condamner par l'illustre Servilius Calvus à un bannissement hors de la province pendant trois ans, y séjournaient encore. Les autres ont soutenu au contraire qu'ils avaient été remis dans leur premier état par le même Servilius Calvus, et m'en ont lu le décret. C'est ce qui m'oblige de laisser la cause indécise, pour vous en faire mon rapport ; car je trouve bien dans ma commission que je ne dois pas relever de leur condamnation ceux qui auront été condamnés, soit par moi, soit par un autre ; mais il n'y est rien dit de ceux qu'un autre aura condamnés et rétablis. J'ai donc cru, seigneur, qu'il fallait savoir de vous ce qu'il vous plaisait que je fisse, non seulement de ces gens, mais même de ceux qui, après avoir été bannis à perpétuité hors de la province, y sont toujours demeurés, quoiqu'ils n'aient point été relevés de la condamnation ; car j'ai à décider aussi sur cette espèce. On m'a amené un homme banni à perpétuité par Julius Bassus. Comme je sais que tout ce qui a été fait par Bassus a été cassé, et que le sénat a donné, à tous ceux que Bassus avait condamnés, le droit de réclamer et de demander un nouveau jugement dans les deux ans, je me suis informé du banni si dans les deux ans il s'était adressé au gouverneur, et l'avait instruit de l'affaire. Il m'a répondu que non. Voilà sur quoi je me vois engagé de prendre vos ordres. C'est à eux à m'apprendre si je dois lui faire subir la peine à laquelle il a été condamné, ou une plus grande ; et quelle sera celle que l'on imposera, soit à cet homme, soit à ceux qui se trouveront dans un cas semblable. Je joins àcette lettre le jugement rendu par Calvus, et l'acte qui l'annulle. Vous y trouverez aussi le jugement prononcé par Bassus.

TRAJAN A PLINE

Je vous manderai incessamment ce qu'il faut faire de ceux qui ont été bannis pour trois ans par P. Servilius Calvus, et qui, après avoir été par lui rétablis, ont continué de demeurer dans la province. Je veux apprendre auparavant de Calvus même les raisons qu'il a eues d'en user ainsi. Quant à celui qui, banni à perpétuité par Julius Bassus, pouvait, s'il se croyait injustement condamné, réclamer pendant deux ans, et qui, sans l'avoir fait, est toujours demeuré dans la province, vous l'enverrez lié aux préfets du prétoire ; car ce n'est pas assez d'exécuter, contre un criminel, une condamnation que, par sa désobéissance, il a méprisée.

© Agnès Vinas

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