[Les débuts de César]
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I. Sylla, devenu maître de Rome, et n'ayant pu, ni
par ses promesses, ni par ses menaces, déterminer
César à répudier Cornélie
(1), fille de Cinna,
celui qui avait exercé la souveraine puissance,
confisqua la dot de sa femme. La parenté de
César avec le vieux Marius fut la cause de son
inimitié pour Sylla. Marius avait épousé
Julie, soeur du père de César, et en avait eu
le jeune Marius, qui par là était cousin
germain de César. Dans les commencements des
proscriptions, Sylla, distrait par beaucoup d'autres soins et
par le grand nombre de victimes qu'il immolait chaque jour,
ne songea pas à César, qui, au lieu de se
laisser oublier, se mit sur les rangs pour le sacerdoce, et
se présenta devant le peuple pour le briguer,
quoiqu'il fût dans la première jeunesse (2). Sylla, par son
opposition, fit rejeter sa demande ; il voulut même le
faire mourir. Et comme ses amis lui représentaient
qu'il n'y aurait pas de raison de sacrifier un si jeune
enfant : «Vous êtes vous-mêmes, leur
répondit-il, bien peu avisés de ne pas voir
dans cet enfant plusieurs Marius». César,
à qui cette parole fut rapportée, crut devoir
se cacher, et il erra longtemps dans le pays des Sabins. Un
jour qu'il était malade, et qu'il fut obligé de
se faire porter pour changer de maison (3), il tomba la nuit entre
les mains des soldats de Sylla, qui faisaient des recherches
dans ce canton, et emmenaient tous ceux qui s'y trouvaient
cachés. Il donna deux talents à
Cornélius, leur capitaine, qui, à ce prix,
favorisa son évasion. Il gagna aussitôt les
bords de la mer ; et s'étant embarqué, il se
retira en Bithynie, auprès du roi
Nicomède.
II. Après y avoir
séjourné peu de temps, il se remit en mer, et
fut pris auprès de l'île de Pharmacuse (4) par des pirates, qui,
ayant déjà des flottes considérables et
un nombre infini de petits vaisseaux, s'étaient rendus
maîtres de toute cette mer. Ces pirates lui
demandèrent vingt talents pour sa rançon ; il
se moqua d'eux de ne pas savoir quel était leur
prisonnier, et il leur en promit cinquante. Il envoya ceux
qui l'accompagnaient dans différentes villes pour y
ramasser cette somme, et ne retint qu'un seul de ses amis
(5) et deux
domestiques, avec lesquels il resta au milieu de ces
corsaires ciliciens, les plus sanguinaires des hommes ; il
les traitait avec tant de mépris que, lorsqu'il
voulait dormir, il leur faisait dire de garder un profond
silence. Il passa trente-huit jours avec eux ; moins comme
leur prisonnier que comme un prince entouré de ses
gardes. Plein de sécurité, il jouait et faisait
avec eux ses exercices, composait des poèmes et des
harangues qu'il leur lisait ; et lorsqu'ils n'avaient pas
l'air de les admirer, il les traitait, sans
ménagement, d'ignorants et de barbares : quelquefois
même il les menaçait, en riant, de les faire
pendre. Ils aimaient cette franchise, qu'ils prenaient pour
une simplicité et une gaieté naturelles. Quand
il eut reçu de Milet sa rançon, et qu'il la
leur eut payée, il ne fut pas plutôt en
liberté qu'il équipa quelques vaisseaux dans le
port de cette ville, et cingla vers ces pirates, qu'il
surprit à l'ancre dans la rade même de
l'île ; il en prit un grand nombre et s'empara de tout
leur butin. De là il les conduisit à Pergame,
où il les fit charger de fers, et alla trouver Junius,
à qui il appartenait, comme préteur d'Asie, de
les punir. Junius ayant jeté un oeil de
cupidité sur leur argent, qui était
considérable, lui dit qu'il examinerait à
loisir ce qu'il devait faire de ces prisonniers.
César, laissant là le préteur, et
retournant à Pergame, fit pendre tous ces pirates,
comme il le leur avait souvent annoncé dans
l'île, où ils prenaient ses menaces pour des
plaisanteries.
III. Lorsque la puissance de
Sylla eut commencé à s'affaiblir, et que les
amis de César lui eurent écrit de revenir
à Rome, il alla d'abord à Rhodes pour y prendre
des leçons d'Apollonius Molon (6), celui dont
Cicéron avait été l'auditeur, qui
enseignait la rhétorique avec beaucoup de
succès, et qui d'ailleurs avait la réputation
d'un homme vertueux. On dit que César, né avec
les dispositions les plus heureuses pour l'éloquence
politique, avait cultivé avec tant de soin ce talent
naturel, que, de l'aveu de tout le monde, il tenait le second
rang parmi les orateurs de Rome ; et il aurait eu le premier,
s'il n'eût pas renoncé aux exercices du barreau,
pour acquérir, par les talents militaires, la
supériorité du pouvoir. Détourné
par d'autres soins, il ne put parvenir, dans
l'éloquence, à la perfection pour laquelle la
nature l'avait fait ; il se livra uniquement au métier
des armes et aux affaires politiques, qui le conduisirent
enfin à la suprême puissance. Aussi, dans la
réponse qu'il fit longtemps après
l'éloge que Cicéron avait fait de Caton, il
prie les lecteurs de ne pas comparer le style d'un homme de
guerre avec celui d'un excellent orateur, qui s'occupait
à loisir de ces sortes d'études. De retour
à Rome, il accusa Dolabella de concussions dans le
gouvernement de sa province, et trouva dans les villes de la
Grèce un grand nombre de témoins qui
déposèrent contre l'accusé. Cependant
Dolabella fut absous ; et César, pour
reconnaître la bonne volonté des Grecs, plaida
contre Antoine, qu'ils accusaient de malversations, devant
Marcus Lucullus, préteur de la Macédoine. Il
parla avec tant d'éloquence qu'Antoine, qui craignit
d'être condamné, en appela aux tribuns du
peuple, sous prétexte qu'il ne pourrait obtenir
justice contre les Grecs dans la Grèce
même.
IV. A Rome, les grâces
de son éloquence brillèrent au barreau, et lui
acquirent une grande faveur. En même temps que son
affabilité, sa politesse, l'accueil gracieux qu'il
faisait à tout le monde, qualités qu'il
possédait à un degré au-dessus de son
âge, lui méritaient l'affection du peuple ; d'un
autre côté, la somptuosité de sa table,
et sa magnificence dans toute sa manière de vivre,
accrurent peu à peu son influence et son pouvoir dans
le gouvernement. D'abord ses envieux, persuadés que,
faute de pouvoir suffire à cette dépense
excessive, il verrait bientôt sa puissance
s'éclipser, firent peu d'attention aux progrès
qu'elle faisait parmi le peuple. Mais, quand elle se fut
tellement fortifiée qu'il n'était plus possible
de la renverser, et qu'elle tendait visiblement à
ruiner la république, ils sentirent, mais trop tard,
qu'il n'est pas de commencement si faible qui ne s'accroisse
promptement par la persévérance, lorsqu'en
méprisant ses premiers efforts on n'a pas mis obstacle
à ses progrès. Cicéron paraît
avoir été le premier à soupçonner
et à craindre la douceur de sa conduite politique,
qu'il comparait à la bonace de la mer, et à
reconnaître la méchanceté de son
caractère sous ces dehors de politesse et de
grâce dont il la couvrait. «J'aperçois,
disait cet orateur, dans tous ses projets et dans toutes ses
actions des vues tyranniques ; mais quand je regarde ses
cheveux si artistement arrangés, quand je le vois se
gratter la tête du bout du doigt (7), je ne puis croire qu'un
tel homme puisse concevoir le dessein si noir de renverser la
république». Mais cela ne fut dit que longtemps
après.
V. César reçut
une première marque de l'affection du peuple lorsqu'il
se trouva en concurrence avec Caïus Pompilius, pour
l'emploi de tribun des soldats ; il fut nommé le
premier. Il en eut une seconde encore plus grande quand,
à la mort de la femme de Marius, dont il était
le neveu, il prononça avec beaucoup d'éclat son
oraison funèbre dans la place publique, et qu'il osa
faire porter à son convoi les images de Marius, qui
n'avaient pas encore paru depuis que Sylla, maître dans
Rome, avait fait déclarer Marius et ses partisans
ennemis de la patrie. Quelques personnes s'étant
récriées sur cette audace, le peuple
s'éleva hautement contre elles, et par les
applaudissements les plus prononcés témoigna
son admiration pour le courage que César avait eu de
rappeler, pour ainsi dire, des enfers les honneurs de Marius,
ensevelis depuis si longtemps. C'était, de toute
ancienneté, la coutume des Romains de faire l'oraison
funèbre des femmes qui mouraient âgées
(8) ; mais cet usage
n'avait pas lieu pour les jeunes femmes. César fut le
premier qui prononça celle de sa femme, morte jeune.
Cette nouveauté lui fit honneur, lui concilia la
faveur publique, et le rendit cher au peuple, qui vit dans
cette sensibilité une marque de ses moeurs douces et
honnêtes. Après avoir fait les obsèques
de sa femme, il alla comme questeur en Espagne sous le
préteur Véter, qu'il honora depuis tant qu'il
vécut, et dont il nomma le fils son questeur, quand il
fut parvenu lui-même à la préture. Au
retour de sa questure, il épousa en troisième
noces Pompéia (9) ; il avait de
Cornélie, sa première femme, une fille, qui par
la suite fut mariée au grand Pompée. Sa
dépense, toujours excessive, faisait croire qu'il
achetait chèrement une gloire fragile et presque
éphémère, mais, dans la
vérité, il s'acquérait à vil prix
les choses les plus précieuses. On assure qu'avant
d'avoir obtenu aucune charge il était endetté
de treize cents talents. Mais le sacrifice d'une grande
partie de sa fortune, soit dans l'intendance des
réparations de la voie Appienne, soit dans son
édilité, où il fit combattre devant le
peuple trois cent vingt paires de gladiateurs ; la
somptuosité des jeux, des fêtes et des festins
qu'il donna, et qui effaçaient tout ce qu'on avait
fait avant lui de plus brillant, inspirèrent au peuple
une telle affection, qu'il n'y eut personne qui ne
cherchât à lui procurer de nouvelles charges et
de nouveaux honneurs, pour le récompenser de sa
magnificence.
VI. Rome était alors
divisée en deux factions : celle de Sylla, toujours
très puissante, et celle de Marius, qui,
réduite à une grande faiblesse et presque
dissipée, osait à peine se montrer.
César voulut relever et ranimer cette dernière
: lorsque les dépenses de son édilité
lui donnaient le plus d'éclat dans Rome, il fit faire
secrètement des images de Marius, avec des Victoires
qui portaient des trophées ; et une nuit il les
plaça dans le Capitole. Le lendemain, quand on vit ces
images tout éclatantes d'or, et travaillées
avec le plus grand art, dont les inscriptions faisaient
connaître que c'étaient les victoires de Marius
sur les Cimbres, on fut effrayé de l'audace de celui
qui les avait placées, car on ne pouvait s'y
méprendre. Le bruit qui s'en répandit
aussitôt attira tout le monde à ce spectacle :
les uns disaient hautement que César aspirait à
la tyrannie, en ressuscitant des honneurs qui avaient
été comme ensevelis par des lois et des
décrets publics : que c'était un essai qu'il
faisait pour sonder les dispositions du peuple,
déjà amorcé par sa magnificence ; et
pour voir si, assez apprivoisé par les fêtes
publiques qu'il lui avait données avec tant
d'ostentation, il lui laisserait jouer de pareils jeux, et
entreprendre des nouveautés si
téméraires. Les partisans de Marius, de leur
côté, enhardis par son audace, se
rassemblèrent en très grand nombre et
remplirent le Capitole du bruit de leurs applaudissements :
plusieurs même d'entre eux, en voyant la figure de
Marius, versaient des larmes de joie ; ils élevaient
César jusqu'aux nues, et disaient qu'il était
seul digne de la parenté de Marius. Le Sénat
s'étant assemblé, Catulus Lutiatus, le plus
estimé de tous les Romains de son temps, se leva, et
parlant avec force contre César, il dit cette parole,
si souvent répétée depuis : Que
César n'attaquait plus la république par des
mines secrètes, et qu'il dressait ouvertement contre
elle toutes ses batteries. Mais César s'étant
justifié auprès du sénat, ses
admirateurs en conçurent de plus hautes
espérances ; ils l'encouragèrent à
conserver toute sa grandeur d'âme, et à ne plier
devant personne, en l'assurant que, soutenu de la faveur du
peuple, il l'emporterait sur tous ses rivaux et aurait un
jour le premier rang dans Rome.
VII. La mort de
Métellus ayant laissé vacante la place de
grand-pontife, ce sacerdoce fut brigué avec chaleur
par Isauricus et Catulus, deux des plus illustres personnages
de Rome, et qui avaient le plus d'autorité dans le
sénat. César, loin de céder à
leur dignité, se présenta devant le peuple, et
opposa sa brigue à celle de ces deux rivaux. Les trois
compétiteurs avaient également de quoi soutenir
leurs prétentions. Catulus, qui avec plus de
dignité personnelle craignait davantage l'issue de
cette rivalité, fit offrir secrètement à
César des sommes considérables, s'il voulait se
désister de sa poursuite ; César
répondit qu'il en emprunterait de plus grandes encore
pour soutenir sa brigue. Le jour de l'élection, sa
mère l'accompagna tout en larmes jusqu'à la
porte de sa maison. «Ma mère, lui dit
César en l'embrassant, vous verrez aujourd'hui votre
fils ou grand-pontife ou banni». Quand on recueillit
les suffrages, les contestations furent très vives,
mais enfin César l'emporta, et un tel succès
fit craindre au sénat et aux meilleurs citoyens qu'il
ne prît assez d'ascendant sur le peuple pour le porter
aux plus grands excès.
VIII. Ce fut alors que Pison
et Catulus blâmèrent fort Cicéron d'avoir
épargné César, qui avait donné
prise sur lui dans la conjuration de Catilina. Celui-ci avait
formé le complot non seulement de changer la forme du
gouvernement, mais encore d'anéantir la
république, et de détruire l'empire romain.
Dénoncé sur des indices assez légers, il
sortit de Rome avant que ses projets eussent
été découverts ; mais il laissa Lentulus
et Céthégus pour le remplacer dans la conduite
de la conjuration. Il est douteux si César encouragea
secrètement ces hommes audacieux, et leur donna
même quelque secours ; ce qu'il y a de certain, c'est
que ces deux conjurés ayant été
convaincus par les preuves les plus évidentes, et
Cicéron, alors consul, ayant demandé l'avis de
chaque sénateur sur la punition des coupables, tous
opinèrent à la mort, jusqu'à
César, qui, s'étant levé, fit un
discours préparé avec le plus grand soin ; il
soutint qu'il n'était conforme ni à la justice,
ni aux coutumes des Romains, à moins d'une
extrême nécessité, de faire mourir des
hommes distingués par leur naissance et par leur
dignité, sans leur avoir fait leur procès dans
les formes ; qu'il lui paraissait plus juste de les renfermer
étroitement dans telles villes de l'Italie que
Cicéron voudrait choisir, jusqu'à après
la défaite de Catilina ; qu'alors le sénat
pourrait, pendant la paix, délibérer à
loisir sur ce qu'il conviendrait de faire de ces
accusés. Cet avis, qui parut plus humain, et qu'il
avait appuyé de toute la force de son
éloquence, fit une telle impression qu'il fut
adopté par tous les sénateurs qui
parlèrent après lui ; plusieurs même de
ceux qui avaient déjà opiné revinrent
à son sentiment : mais lorsque Caton et Catulus furent
en tour de dire leur avis, ils s'élevèrent avec
force contre l'opinion de César ; Caton surtout ayant
insisté sans ménagement sur les soupçons
qu'on avait contre lui, les ayant même fortifiés
par de nouvelles preuves, les conjurés furent
envoyés au supplice ; et lorsque César sortit
du sénat, plusieurs des jeunes Romains qui servaient
alors de gardes à Cicéron coururent sur lui
l'épée nue à la main ; mais Curion le
couvrit de sa toge, et lui donna le moyen de
s'échapper. Cicéron lui-même, sur qui ces
jeunes gens jetèrent les yeux, les arrêta, soit
qu'il craignît le peuple, soit qu'il crût ce
meurtre tout à fait injuste et contraire aux lois. Si
ces particularités sont vraies, je ne sais pourquoi
Cicéron n'en a rien dit dans l'histoire de son
consulat ; mais dans la suite il fut blâmé de
n'avoir pas saisi une occasion si favorable de se
défaire de César, et d'avoir trop
redouté l'affection singulière du peuple pour
ce jeune Romain.
IX. On eut, peu de jours
après, une nouvelle preuve de cette faveur populaire.
César étant entré au sénat pour
se justifier des soupçons qu'on avait conçus
contre lui, y essuya les plus violents reproches. Comme
l'assemblée se prolongeait au delà du terme
ordinaire, le peuple accourut en foule, environna le
sénat, en jetant de grands cris, et demanda d'un ton
impérieux qu'on laissât sortir César.
Caton, qui craignait quelque entreprise de la part des
indigents de Rome, de ces boute-feux de la multitude, qui
avaient mis en César toutes leurs espérances,
conseilla au sénat de faire tous les mois, à
cette classe du peuple, une distribution de blé, qui
n'ajouterait aux dépenses ordinaires de l'année
que cinq millions cinq cent mille sesterces (10). Cette sage politique
fit évanouir pour le moment la crainte du sénat
; elle affaiblit et dissipa même en grande partie
l'influence de César, dans un temps où
l'autorité de la préture allait le rendre bien
plus redoutable. Cependant il ne s'éleva point de
trouble ; au contraire, il éprouva lui-même une
aventure domestique qui lui fut très
désagréable.
X. Il y avait à
Rome un jeune praticien nommé Pubius Clodius,
distingué par ses richesses et par son
éloquence ; mais qui, en insolence et en audace, ne le
cédait à aucun des hommes les plus fameux par
leur scélératesse. Il aimait Pompéia,
femme de César, qui, elle-même, avait du
goût pour lui ; mais son appartement était
gardé avec le plus grand soin : Aurélia,
mère de César, femme d'une grande vertu,
veillait de si près sur sa belle-fille que les
occasions de la voir et de lui parler étaient pour
Clodius aussi difficiles que dangereuses. Les Romains adorent
une divinité qu'ils nomment la Bonne-Déesse,
comme les Grecs ont leur Gynécée, ou la
déesse des femmes (11). Les Phrygiens, qui
veulent se l'approprier, disent qu'elle était
mère du roi Midas ; les Romains prétendent que
leur Bonne-Déesse est une nymphe dryade, qui eut
commerce avec le dieu Faune ; et les Grecs veulent que ce
soit celle des mères de Bacchus qu'il n'est pas permis
de nommer : aussi, quand les femmes célèbrent
sa fête, elles couvrent leurs tentes de branches de
vignes ; et, suivant la Fable, un dragon sacré se
tient aux pieds de la statue de la déesse. Tant que
ses mystères durent, il n'est permis à aucun
homme d'entrer dans la maison où on les
célèbre. Les femmes, retirées dans un
lieu séparé, pratiquent plusieurs
cérémonies conformes à celles qu'on
observe dans les mystères d'Orphée. Lorsque le
temps de la fête est venu, le consul ou le
préteur (car c'est toujours chez l'un ou l'autre
qu'elle est célébrée) sort de chez lui,
avec tous les hommes qui habitent dans sa maison. La femme,
qui en est restée la maîtresse, l'orne avec la
décence convenable ; les principales
cérémonies se font la nuit, et ces
veillées sont mêlées de divertissements
et de concerts. L'année de la préture de
César, Pompéia fut chargée de
célébrer cette fête : Clodius, qui
n'avait pas encore de barbe, se flattant de n'être pas
reconnu, prit l'habillement d'une
ménétrière, sous lequel il avait tout
l'air d'une jeune femme. Il trouva les portes ouvertes et fut
introduit sans obstacle par une des esclaves de
Pompéia, qui était dans la confidence, et qui
le quitta pour aller avertir sa maîtresse : comme elle
tardait à revenir, Clodius n'osa pas l'attendre dans
l'endroit où elle l'avait laissé. Il errait de
tous côtés dans cette vaste maison et
évitait avec soin les lumières, lorsqu'il fut
rencontré par une des femmes d'Aurélia, qui,
croyant parler à une personne de son sexe, voulut
l'arrêter et jouer avec lui ; étonnée du
refus qu'il en fit, elle le traîna au milieu de la
salle, et lui demanda qui elle était, et d'où
elle venait. Clodius lui répondit qu'il attendait
Abra, l'esclave de Pompéia ; mais sa voix le trahit,
et cette femme s'étant rapprochée des
lumières et de la compagnie, cria qu'elle venait de
surprendre un homme dans les appartements. L'effroi saisit
toutes les femmes : Aurélia fit cesser aussitôt
les cérémonies, et voiler les choses
sacrées. Elle ordonna de fermer les portes, visita
elle-même toute la maison avec des flambeaux, et fit
les recherches les plus exactes. On trouva Clodius
caché dans la chambre de l'esclave qui l'avait
introduit chez Pompéia ; il fut reconnu par toutes les
femmes, et chassé ignominieusement. Elles sortirent de
la maison dans la nuit même, et allèrent
raconter à leurs maris ce qui venait de se
passer.
XI. Le lendemain toute la
ville fut informée que Clodius avait commis un
sacrilège horrible ; et l'on disait partout qu'il
fallait le punir rigoureusement, pour faire une
réparation éclatante, non seulement à
ceux qu'il avait personnellement offensés, mais encore
à la ville et aux dieux qu'il avait outragés.
Il fut cité par un des tribuns devant les juges, comme
coupable d'impiété ; les principaux d'entre les
sénateurs parlèrent avec force contre lui, et
l'accusèrent de plusieurs autres grands crimes, en
particulier d'un commerce incestueux avec sa propre sour,
femme de Lucullus. Mais le peuple s'étant
opposé à des poursuites si vives, et ayant pris
la défense de Clodius, lui fut d'un grand secours
auprès des juges que cette opposition étonna,
et qui craignirent les fureurs de la multitude. César
répudia sur-le-champ Pompéia, et appelé
en témoignage contre Clodius, il déclara qu'il
n'avait aucune connaissance des faits qu'on imputait à
l'accusé. Cette déclaration ayant paru fort
étrange, l'accusateur lui demanda pourquoi donc il
avait répudié sa femme : «C'est,
répondit-il, que ma femme ne doit pas même
être soupçonnée». Les uns
prétendent que César parla comme il pensait ;
d'autres croient qu'il cherchait à plaire au peuple,
qui voulait sauver Clodius. L'accusé fut donc absous,
parce que la plupart des juges donnèrent leur avis sur
plusieurs affaires à la fois (12), afin, d'un
côté, de ne pas s'attirer, par sa condamnation,
le ressentiment du peuple ; et, de l'autre, pour ne pas se
déshonorer aux yeux des bons citoyens par une
absolution formelle.
XII. César, en
sortant de la préture, fut désigné par
le sort pour aller commander en Espagne (13). Ses créanciers,
qu'il était hors d'état de satisfaire, le
voyant sur son départ, vinrent crier après lui,
et solliciter le paiement de leurs créances. Il eut
donc recours à Crassus, le plus riche des Romains, qui
avait besoin de la chaleur et de l'activité de
César pour se soutenir contre Pompée, son rival
en administration. Crassus s'engagea envers les
créanciers les plus difficiles et les moins traitables
pour la somme de huit cent trente talents. César, dont
il se rendit caution, fut libre de partir pour son
gouvernement. On dit qu'en traversant les Alpes, il passa
dans une petite ville occupée par des Barbares, et qui
n'avait qu'un petit nombre de misérables habitants.
Ses amis lui ayant demandé, en plaisantant, s'il
croyait qu'il y eût dans cette ville des brigues pour
les charges, des rivalités pour le premier rang, des
jalousies entre les citoyens les plus puissants, César
leur répondit très sérieusement qu'il
aimerait mieux être le premier parmi ces Barbares que
le second dans Rome. Pendant son séjour en Espagne, il
lisait, un jour de loisir, des particularités de la
vie d'Alexandre et, après quelques moments de
réflexion, il se mit à pleurer. Ses amis,
étonnés, lui en demandèrent la cause.
«N'est-ce pas pour moi, leur dit-il, un juste sujet de
douleur qu'Alexandre, à l'âge où je suis,
eût déjà conquis tant de royaumes, et que
je n'aie encore rien fait de mémorable ?» A
peine arrivé en Espagne, il ne perdit pas un moment,
et en peu de jours il eut mis sur pied dix cohortes, qu'il
joignit aux vingt qu'il y avait trouvées marchant
à leur tête contre les Calléciens et les
Lusitaniens (14), il
vainquit ces deux peuples, et s'avança jusqu'à
la mer extérieure, en subjuguant des nations qui
n'avaient jamais été soumises aux Romains. A la
gloire des succès militaires il ajouta celle d'une
sage administration pendant la paix ; il rétablit la
concorde dans les villes et s'appliqua surtout à
terminer les différends qui s'élevaient chaque
jour entre les créanciers et les débiteurs. Il
ordonna que les premiers rendraient, tous les ans, les deux
tiers des revenus des débiteurs, et que ceux-ci
auraient l'autre tiers jusqu'à l'entier acquittement
de la dette. La sagesse de ce règlement lui fit
beaucoup d'honneur ; il quitta son gouvernement, après
s'y être enrichi, et avoir procuré des gains
considérables à ses soldats, qui, avant son
départ, le saluèrent du titre
d'imperator.
XIII. Les Romains qui
demandaient l'honneur du triomphe étaient
obligés de demeurer hors de la ville ; et pour briguer
le consulat, il allait être dans Rome (15). César,
arrêté par ces lois contraires, car on
était à la veille des comices consulaires,
envoya demander au sénat la permission de solliciter
le consulat par ses amis, en restant hors de la ville. Caton,
armé de la loi, combattit vivement la
prétention de César ; mais voyant qu'il avait
mis plusieurs sénateurs dans ses
intérêts, il chercha à gagner du temps,
et employa le jour entier à dire son opinion.
César alors prit le parti d'abandonner le triomphe et
de briguer le consulat. Il entra dans Rome, et fit une action
d'éclat, dont tout le monde, excepté Caton, fut
la dupe : il réconcilia Crassus et Pompée, les
deux hommes qui avaient le plus de pouvoir dans la ville.
César apaisa leurs dissensions, les remit bien
ensemble ; et par là il réunit en lui seul la
puissance de l'un et de l'autre. On ne s'aperçut pas
que ce fut cette action, en apparence si honnête, qui
causa le renversement de la république. En effet, ce
fut moins l'inimitié de César et de
Pompée, comme on croit communément, qui donna
naissance aux guerres civiles, que leur amitié
même, qui les réunit d'abord pour renverser le
gouvernement aristocratique, et qui aboutit ensuite à
une rupture ouverte entre ces deux rivaux. Caton, qui
prédit souvent le résultat de leur liaison, n'y
gagna alors que de passer pour un homme difficile et chagrin
; dans la suite l'événement le justifia ; et
l'on reconnut qu'il avait dans ses conseils plus de prudence
que de bonheur.
XIV. César, en se
présentant aux comices entouré de la faveur de
Crassus et de Pompée, fut porté avec le plus
grand éclat à la dignité de consul : on
lui donna pour collègue Calpurnius Bibulus. Il
était à peine entré en exercice de sa
charge, qu'il publia des lois dignes, non d'un consul, mais
du tribun le plus audacieux. Il proposa, par le seul motif de
plaire au peuple, des partages de terres et des distributions
de blé. Les premiers et les plus honnêtes
d'entre les sénateurs s'élevèrent contre
ces lois ; et César, qui depuis longtemps ne cherchait
qu'un prétexte pour se déclarer, protesta
hautement qu'on le poussait malgré lui vers le peuple
; que l'injustice et la dureté du sénat le
mettaient dans la nécessité de faire la cour
à la multitude, et sur-le-champ il se rendit à
l'assemblée du peuple. Là, ayant à ses
côtés Crassus et Pompée, il leur demanda
à haute voix s'ils approuvaient les lois qu'il venait
de proposer. Sur leur réponse affirmative, il les
exhorta à le soutenir contre ceux qui, pour les lui
faire retirer, le menaçaient de leurs poignards. Ils
le lui promirent tous deux ; et Pompée ajouta qu'il
opposerait à ces poignards l'épée et le
bouclier. Cette parole déplut aux sénateurs et
aux nobles, qui la trouvèrent peu convenable à
sa dignité personnelle, aux égards qu'il devait
au sénat, et digne tout au plus d'un jeune homme
emporté ; mais elle le rendit très
agréable au peuple. César, qui voulait
s'assurer de plus en plus la puissance de Pompée, lui
donna en mariage sa fille Julia, déjà
fiancée à Servilius Cépion, auquel il
promit la fille de Pompée, qui elle-même
n'était pas libre, ayant été
déjà promise à Faustus, fils de Sylla.
Peu de temps après, il épousa Calpurnie, fille
de Pison, et fit désigner celui-ci consul pour
l'année suivante. Caton ne cessait de se
récrier, et de protester en plein sénat contre
l'impudence avec laquelle on prostituait ainsi l'empire par
des mariages ; et, en trafiquant des femmes, on se donnait
mutuellement les gouvernements des provinces, les
commandements des armées et les premières
charges de la république. Bibulus, le collègue
de César, voyant l'inutilité des oppositions
qu'il faisait à ces lois, ayant même souvent
couru le risque, ainsi que Caton, d'être tué sur
la place publique, passa le reste de son consulat
renfermé dans sa maison. Pompée, aussitôt
après son mariage, ayant rempli la place d'hommes
armés, fit confirmer ces lois par le peuple, et
décerner à César, pour cinq ans, le
gouvernement des deux Gaules cisalpine et transalpine
(16), auquel on
ajoutait l'Illyrie, avec quatre légions.
XV. Caton ayant voulu
s'opposer à ces décrets, César le fit
arrêter et conduire en prison, dans la pensée
que Caton appellerait de cet ordre aux Tribuns ; mais il s'y
laissa mener sans rien dire ; et César voyant non
seulement les principaux citoyens révoltés de
cette indignité, mais le peuple lui-même, par
respect pour la vertu de Caton, le suivre dans un morne
silence, fit prier sous main un des tribuns d'enlever Caton
à ses licteurs. Après un tel acte de violence,
très peu de sénateurs l'accompagnèrent
au sénat ; la plupart, offensés de sa conduite,
se retirèrent. Considius, un des plus
âgés de ceux qui l'y avaient suivi, lui dit que
les sénateurs n'étaient pas venus, parce qu'ils
avaient craint ses armes et ses soldats. «Pourquoi
donc, reprit César, cette même crainte ne vous
fait-elle pas rester chez vous ? - Ma vieillesse, repartit
Considius, m'empêche d'avoir peur ; le peu de vie qui
me reste n'exige pas tant de précaution». Mais
tous les actes de son consulat, aucun ne lui fit plus de tort
que d'avoir fait nommé tribun du peuple ce même
Clodius qui l'avait déshonoré en violant les
veilles secrètes et mystérieuses que les dames
romaines célébraient dans sa maison ; cette
élection avait pour motif la ruine de Cicéron
et, César ne partit pour son gouvernement
qu'après l'avoir brouillé avec Clodius, et
l'avoir fait bannir de l'Italie.
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(1) César,
pour épouser Cornélie, avait renoncé
au mariage de Cossutia, issue d'une famille
équestre et très riche. Tout le pouvoir de
Sylla ne put le forcer à imiter l'exemple de
Pison, qui, pour plaire au dictateur, avait
répudié Annia, femme de Cinna, qu'il avait
épousée.
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(2) Plutarque est ici
en contradiction avec Patercule, liv. II, chap. XLIII ;
et avec Suétone, in Caes. I
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(3) Plusieurs
interprètes ont traduit ce passage comme si
Plutarque avait voulu dire que c'était la maladie
de César qui l'obligeait de changer de maison ;
mais Ruauld, dans ses Remarques critiques sur cette vie,
a très bien observé que notre historien n'a
pu tomber dans cette méprise, après un
passage formel de Suétone qui, dans la vie de
César, chap. 1, dit que ce jeune Romain,
quoique malade de la fièvre quarte, dont il avait
alors un violent accès, était obligé
de changer chaque nuit de demeure, pour se dérober
aux recherches des satellites de Sylla. Plutarque veut
donc dire seulement que César, en changeant ce
jour-là de retraite, au lieu d'aller à
pied, comme il faisait ordinairement, fut contraint par
la maladie de se faire porter dans une litière. Ce
Cornélius, surnommé Phagita, à qui
César donna deux talents pour se racheter,
était affranchi de Sylla ; et lorsque dans la
suite César, parvenu à la puissance
souveraine, aurait pu si facilement se venger de la
rançon que Cornélius avait exigée de
lui, il ne put, dit Suétone, ibid. chap.
LXXIV, se résoudre à lui faire aucun
mal.
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(4) Etienne de
Byzance dit qu'il y avait auprès de Salamine deux
petites îles de ce nom ; et Strabon, liv. IX,
p.395, ajoute que dans la plus grande des deux on
montrait encore de son temps le tombeau de
Circé.
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(5) Suétone,
chap. V, dit que cet ami était un
médecin.
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(6) Les
critiques ont relevé ici la méprise de
Plutarque, qui fait deux personnages d'un seul.
Apollonius n'était pas fils de Molon ; il avait
lui-même ce dernier surnom. Cicéron, qui
parle souvent de lui dans ses ouvrages, lui donne
plusieurs fois le nom seul de Molon ; et quelquefois il
l'appelle Apollonius Molon.
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(7) C'était
un reproche qu'on faisait aux hommes
efféminés, comme ou le voit dans les
poètes épigrammatiques. Nous avons
déjà vu que cette habitude,
contractée aussi par Pompée, avait
donné lieu à ses ennemis de le
décrier dans ses moeurs.
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(8) On a vu,
dans les notes sur la vie de Camille, que l'usage
de louer publiquement les femmes romaines avait
été établi vers l'an trois cent
soixante de Rome, pour les récompenser d'avoir
donné tout ce qu'elles avaient d'or en propre,
afin d'achever la somme qui avait été
promise aux Gaulois pour la rançon de Rome.
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(9) Elle
était fille de Q. Pompée, et petite-fille
de Sylla. La première femme de César se
nommait Cossutia, et la seconde Cornélia, fille de
Cinna.
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(10) Dans la
vie de Caton d'Utique, Plutarque évalue
cette somme en talents, et la perte à mille deux
cent cmquante talents, ce qui ferait six millions deux
cent cinquante mille livres, somme bien différente
de celle qui est énoncée ici en sesterces,
et qui ne va guère qu'à un million deux
cent mille livres. Ruauld, dans ses Observations
critiques sur la vie de César, a relevé
cette erreur, qu'il faut attribuer sans doute à
une méprise de copiste ; car il n'est pas
vraisemblable que Plutarque se soit contredit à ce
point. Cette somme, au reste, prouve la grande population
de Rome dans ce temps-là, puisqu'il fallait par an
une quantité si considérable de blé
pour nourrir la dernière classe du peuple.
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(11) Cicéron,
dans son Oraison sur les réponses des
aruspices, qui est toute contre Clodius, nous apprend
tout ce qu'on peut savoir de celte déesse, et du
sacrifice qu'on lui faisait. D'après
l'obscurité religieuse qu'on observait avec tant
de soin dans ces mystères, il n'est pas
étonnant que Plutarque n'en parle que d'une
manière assez vague ; mais ce qui fait
l'éloge de la discrétion et du silence des
femmes romaines, c'est que depuis tant de siècles
que cette fête était
célébrée à Rome, le secret en
eût été si scrupuleusement
observé, que les hommes ne savaient pas même
le nom véritable de cette déesse.
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(12) L'usage
d'opiner ainsi sur plusieurs objets à la fois
s'appelait ferre sententias per saturam :
expression prise des bassins ou des plats, dans lesquels
on mettait plusieurs mets ensemble, et d'où est
venu le mot de satire, genre de poème où
l'on traitait en même temps de plusieurs
sujets.
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(13) La
manière dont Plutarque s'exprime pourrait faire
croire que César eut le commandement de toute
l'Espagne ; mais il n'obtint que celui de l'Espagne
ultérieure, comme le dit Suétone, in
Caes. cap. XVIII. Des critiques ont sur cela
accusé Plutarque de négligence ; mais
l'accusation est un peu sévère ; ces vies
ne sont pas une histoire détaillée de
toutes les actions du héros, l'écrivain ne
s'attache qu'aux principales ; et il suffit, pour
l'instruction des lecteurs, de savoir que César
alla commander en Espagne. L'Espagne ultérieure
comprenait la Lusitanie et la Bétique, aujourd'hui
le Portugal et l'Andalousie.
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(14) Le
premier de ces deux peuples est appelé aussi
Galléciens ; leur position n'est pas bien connue ;
mais il parait par Strabon, liv. III, p.152, qu'ils
étaient voisins des Lusitaniens, qui sont
aujourd'hui les Portugais.
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(15) Le motif
de cette loi avait été sans doute la
crainte qu'on avait eue qu'un général
vainqueur, qui revenait avec des troupes à qui
leurs succès pouvaient inspirer de l'audace, ne
causât de grands désordres dans Rome, s'il y
était entré avec ses soldats, et qu'il se
fût fait décerner le triomphe malgré
le sénat et le peuple. Au contraire, ceux qui
demandaient le consulat étant seuls, et n'ayant
ordinairement que leur recommandation personnelle, ne
laissaient aucun sujet de crainte ; et les citoyens qui
nommaient aux charges étaient bien aises de les
voir, en habit de candidats, solliciter eux-mêmes
leurs suffrages. César, forcé par ces lois
contraires de choisir entre le consulat et le triomphe,
renonce à celui-ci, qui n'était qu'un
honneur d'un jour, et préfère le consulat,
dont la durée lui donnait le temps de poursuivre
ses desseins, et de jeter les fondements de la puissance
à laquelle il aspirait.
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(16) La Gaule
cisalpine comprenait le Modénois, le Parmesan, le
Plaisantin, le pays de Gênes, avec une partie du
Piémont, du Milanais, du Montferrat et de la
Toscane ; cette partie de la Gaule s'appelait aussi la
Cispadane, c'est-à-dire en deçà du
Pô. Elle renfermait de plus ce que les Romains
appelaient la Gaule transpadane, ou au delà du
Pô ; c'est-à-dire les Etats de la terre
ferme de la république de Venise, les parties du
Milanais, du Montferrat et du Piémont qui sont au
nord du Pô, la Valteline et les bailliages suisses.
La Gaule transalpine, nommée aussi la Gaule
chevelue, des longs cheveux que portaient ses habitants,
renfermait les Gaules celtique, aquitanique et belgique ;
la première comprenait les cinq Lyonnaises, dont
Lyon était la capitale, et s'étendait
à tous les diocèses suffragants de Lyon,
à la Normandie d'aujourd'hui, à la
Bretagne, la Touraine, l'Anjou, le Maine, les
archevêchés de Paris et de Sens, avec leurs
suffragants ; la Franche-Comté, la Bresse, les
évêchés de Lausanne et de Bâle,
avec une partie de celui de Constance. La Gaule
aquitanique, subdivisée en trois, comprenait les
archevêchés de Bourges et d'Alby, avec leurs
suffragants ; celui de Bordeaux et tous ses suffragants,
et la Novempopulanie, ainsi nommée des neuf
peuples qu'elle renfermait, et qui étaient ceux de
l'archevêché d'Auch, des
évêchés de Comminges, de Tarbes,
d'Oloron, de Couserans, de Dax, de Lescar, d'Aire et de
Bayonne. Enfin la Gaule belgique, divisée en deux,
contenait l'archevêché de Trèves, une
partie de celui de Mayence, les
évêchés de Spire, de Worms, de
Strasbourg, de Metz, de Toul et de Verdun ; les pays qui
sont entre la Seine et la Meuse, et entre ce fleuve et le
Rhin, depuis Coblentz jusqu'à l'Océan
septentrional.
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