[Défaite de Pompée et des
Pompéiens]
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XLIX. Mais ceux qu'il avait auprès de lui
étaient bien loin de partager ses inquiétudes ;
au contraire, pleins de présomption, et
prévenant la victoire par leurs espérances,
déjà Domitius, Spinther et Scipion se
disputaient la souveraine sacrificature que César
possédait ; plusieurs avaient envoyé retenir et
louer d'avance, à Rome, les maisons les plus
convenables à des consuls et à des
prêteurs, ne doutant pas qu'à la fin de la
guerre ils ne fussent élevés à ces
magistratures. Mais aucun corps de l'armée ne
témoignait plus d'impatience de combattre que celui
des chevaliers : fiers de la beauté de leurs armes, du
bon état de leurs chevaux, de leur bonne mine et de
leur nombre (car ils étaient sept mille, contre mille
que César en avait), ils se tenaient assurés de
la victoire. Leur infanterie, supérieure aussi en
nombre, était de quarante-cinq mille hommes, et celle
des ennemis ne se montait qu'à vingt-deux mille ; mais
César, ayant assemblé ses soldats, leur dit que
Cornificius, qui n'était pas éloigné,
lui amenait deux légions ; que Calénus avait
autour de Mégare et d'Athènes quinze autres
cohortes ; et il leur demanda s'ils voulaient attendre ces
renforts, ou hasarder seul la bataille. Ils le
conjurèrent tous de ne pas attendre ; mais
plutôt d'imaginer quelque stratagème, pour
attirer tout de suite l'ennemi au combat.
L. Il fit un sacrifice
pour purifier son armée ; et après l'immolation
de la première victime, le devin lui annonça
que dans trois jours il en viendrait aux mains avec les
ennemis. César lui demanda s'il voyait dans les
entrailles quelque signe d'un succès favorable :
«Vous répondrez à cette question mieux
que moi, lui dit le devin ; les dieux me font voir un grand
changement, une révolution générale de
l'état actuel des choses, à une situation toute
contraire : si donc vous croyez être bien maintenant,
tendez-vous à un état fâcheux ; si vous
êtes mal, espérez un meilleur sort». La
veille de la bataille, il visitait lui-même les gardes,
lorsque, sur le minuit, on aperçut en l'air une
traînée de feu qui, passant par-dessus le camp
de César, se changea tout à coup en une flamme
vive et éclatante, et alla tomber dans le camp de
Pompée. Quand on posa les gardes du matin, on reconnut
qu'une sorte de terreur panique s'était
répandue parmi les ennemis ; mais César, qui ne
s'attendait pas à combattre ce jour-là, avait
donné le signal de décamper, pour se retirer
vers la ville de Scotuse (60). Déjà les
tentes étaient levées, lorsque ses coureurs
vinrent lui dire que les ennemis se disposaient au combat.
Cette nouvelle le comble de joie, et, après avoir fait
sa prière aux dieux, il range ses troupes en bataille,
et les divise en trois corps. Il donne à Domitius
Calvinus le commandement du centre, met Antoine à la
tête de l'aile gauche, et se place lui-même
à la droite, afin de combattre avec la dixième
légion (61). La
cavalerie des ennemis était opposée à
cette aile droite ; et César, qui craignait leur
nombre et l'éclat de leurs armes, tira
secrètement de sa dernière ligne six cohortes
qu'il plaça derrière son aile droite,
après leur avoir prescrit ce qu'elles devaient faire
quand la cavalerie ennemie viendrait à la charge.
Pompée était à son aile droite ;
Domitius commandait la gauche, et Scipion, son
beau-frère, occupait le centre (62). Toute sa cavalerie
s'était portée à l'aile gauche, dans le
dessein d'envelopper la droite des ennemis, et de commencer
leur entière déroute à l'endroit
même où se trouvait le général ;
elle ne doutait pas que le bataillon le plus profond de cette
aile ne cédât à ses efforts ; que le
premier choc d'une cavalerie, si nombreuse ne la mît en
désordre, et ne la rompît entièrement.
Les deux généraux allaient faire sonner la
charge, lorsque Pompée ordonna à son infanterie
de rester immobile et bien serrée, pour attendre le
choc de l'ennemi, et ne s'ébranler que lorsqu'il
serait à la portée du trait. César dit
qu'en cela il fit une grande faute ; qu'il ignorait sans
doute qu'au commencement de l'action
l'impétuosité de la course rend le choc bien
plus terrible, qu'elle donne plus de roideur aux coups, et
qu'elle enflamme le courage, qui est comme allumé par
le mouvement d'une si grande multitude.
LI. César
ébranlait déjà ses bataillons pour aller
à la charge, lorsqu'il vit un de ses premiers
capitaines, homme d'une grande expérience dans la
guerre, et d'une fidélité à toute
épreuve, qui animait ses soldats à combattre en
gens de cour. César lui adressant la parole :
«Eh bien ! Crassinius, lui dit-il, que devons-nous
espérer aujourd'hui ? avons-nous bon courage ?»
Crassinius lui tendant la main : «Nous vaincrons avec
gloire, César, lui dit-il d'une voix forte, et
aujourd'hui vous me louerez mort ou vif». En disant ces
mots, il s'élance avec impétuosité sur
l'ennemi, et entraîne après lui sa compagnie, au
nombre de cent vingt hommes. Il taille en pièces le
premier qu'il trouve sur son passage, pénètre
au milieu des plus épais bataillons, et s'entoure de
morts, jusqu'à ce qu'enfin il reçoit dans la
bouche un coup d'épée si violent, que la pointe
sortit par le chignon du cou. Quand l'infanterie des deux
armées fut ainsi engagée dans une
mêlée très vive, la cavalerie de l'aile
gauche de Pompée s'avança avec fierté,
et étendit ses escadrons pour envelopper l'aile droite
de César ; mais elle n'avait pas encore en le temps de
la charger, lorsque les six cohortes que César avait
placées derrière son aile courent sur ces
cavaliers (63) ; et au
lieu de lancer de loin leurs javelots, suivant leur coutume,
et de frapper à coups d'épée les jambes
et les cuisses des ennemis, elles portent leurs coups dans
les yeux, et cherchent à les blesser au visage ;
c'était l'ordre qu'elles avaient reçu de
César, qui s'était bien douté que ces
cavaliers, si novices dans les combats et peu
accoutumés aux blessures ; qui d'ailleurs, à la
fleur de l'âge, étalaient avec complaisance leur
jeunesse et leur beauté, éviteraient avec soin
ces sortes de blessures, et ne soutiendraient pas longtemps
un genre de combat où ils auraient à craindre,
et le danger actuel, et la difformité pour l'avenir.
Il ne fut pas trompé dans son espérance
(64) : ces jeunes gens
délicats ne purent supporter les coups de javeline
qu'on leur portait au visage, et n'osant fixer ce fer qui
brillait de si près à leurs yeux, ils
détournaient la vue et se couvraient la tête
pour préserver leur figure. Ils rompirent enfin
eux-mêmes leurs rangs, et, prenant honteusement la
fuite, ils causèrent la perte du reste de
l'armée ; car les soldats de César,
après les avoir vaincus, enveloppèrent
l'infanterie, et la prenant par derrière, ils la
taillèrent en pièces.
LII. Pompée n'eut
pas plutôt vu de son aile droite la déroute de
sa cavalerie qu'il ne fut plus le même : oubliant qu'il
était le grand Pompée, et semblable à un
homme dont un dieu aurait troublé la raison, ou
peut-être accablé d'une défaite qu'il
regardait comme l'ouvrage de quelque divinité, il se
retira dans sa tente sans dire un seul mot (65), et s'y assit pour
attendre l'issue du combat. Son armée ayant
été entièrement rompue et mise en fuite,
les ennemis vinrent attaquer les retranchements, et combattre
contre ceux qui les défendaient ; alors, revenu
à lui-même, il s'écria : «Eh !
quoi, jusque dans mon camp !» Il quitta sa cotte
d'armes avec toutes les autres marques de sa dignité ;
et prenant un habillement plus propre à la fuite, il
se déroba du camp. La suite de ses aventures, et son
assassinat par les Egyptiens auxquels il s'était
livré, ont été rapportées en
détail dans sa Vie. César, en entrant dans le
camp de Pompée, vit ce grand nombre d'ennemis dont la
terre était couverte, et ceux qu'on massacrait encore
; ce spectacle lui arracha un profond soupir :
«Hélas ! dit-il, ils l'ont voulu, ils m'ont
réduit à cette cruelle nécessité
: oui, si César eût licencié son
armée, malgré tant de guerres terminées
avec gloire, il aurait été
condamné». Asinius Pollion (66) dit que César
prononça ces paroles en latin, et que lui, il les
traduisit en grec dans son histoire. Il ajoute que le plus
grand nombre de ceux qui furent tués à la prise
du camp étaient des valets de l'armée, et que
dans la bataille il ne périt pas plus de six mille
hommes. César incorpora dans ses légions la
plupart des prisonniers, et fit grâce à
plusieurs des plus distingués : de ce nombre fut
Brutus, celui qui le tua depuis. César, ne le voyant
point paraître après la bataille, en
témoigna beaucoup d'inquiétude ; et quand il le
vit venir à lui sans avoir éprouvé aucun
accident, il montra la plus grande joie.
LIII. Entre les divers
présages qui précédèrent cette
victoire, le plus remarquable est celui qu'on en eut à
Tralles (67) : il y
avait dans le temple de la Victoire une statue de
César ; du sol d'alentour, qui, ferme par
lui-même, était encore pavé d'une pierre
très dure, il sortit une palme près du
piédestal de la statue. A Padoue, Caïus
Cornélius, devin célèbre, compatriote et
ami de l'historien Tite-Live, était assis ce
jour-là à contempler le vol des oiseaux. Il
connut l'instant de la bataille, et dit à ceux qui
étaient présents que l'affaire allait se
terminer, et que les deux généraux engageaient
le combat. Il se remit à ses observations ; et
après avoir examiné les signes, il se leva avec
enthousiasme, et s'écria : «Tu triomphes,
César !» Comme il vit tous les assistants
étonnés de cette prophétie, il
déposa la couronne qu'il avait sur la tête, et
jura qu'il ne la remettrait que lorsque
l'événement aurait justifié sa
prédiction : voilà, au rapport de Tite-Live,
comment la chose se passa (68). César,
après avoir rendu la liberté à toute la
Thessalie, en considération de la victoire qu'il avait
remportée, se mit à la poursuite de
Pompée. Arrivé en Asie, il accorda la
même grâce aux Cnidiens en faveur de
Théopompe, auteur d'un recueil de mythologie (69), et déchargea
tous les habitants de l'Asie du tiers des impôts. Il
n'aborda à Alexandrie qu'après l'assassinat de
Pompée ; et quand Théodote lui présenta
la tête de ce grand homme, il détourna les yeux
avec horreur ; et en recevant son cachet, il ne put retenir
ses larmes, il combla de présents tous les amis de
Pompée, qui, s'étant dispersés,
après sa mort, dans la campagne, avaient
été pris par le roi d'Egypte, et il se les
attacha. Il écrivit à ses amis de Rome que le
fruit le plus réel et le plus doux qu'il pût
retirer de sa victoire était de sauver tous les jours
quelques-uns de ceux de ses concitoyens qui avaient
porté les armes contre lui.
LIV. Les historiens
varient sur les motifs de la guerre d'Alexandrie : les uns
disent que son amour pour Cléopâtre la lui fit
entreprendre avec autant de honte pour sa réputation
que de danger pour sa personne ; les autres en accusent les
ministres du roi, et surtout l'eunuque Pothin, qui, jouissant
auprès de Ptolémée du plus grand
crédit, après avoir tué Pompée,
avait chassé Cléopâtre, et tendait
secrètement des embûches à César.
Ce fut là, dit-on, ce qui détermina
César à passer depuis ce temps-là les
nuits dans les festins, pour veiller à sa
sûreté. D'ailleurs, en public même, Pothin
n'était plus supportable : il ne cessait de dire et de
faire tout ce qui pouvait rendre César odieux et
méprisable. Il donnait pour les soldats romains le
pain le plus vieux et le plus gâté, et leur
disait que, vivant aux dépens d'autrui, ils devaient
s'en contenter, et prendre patience. Il ne faisait servir
à la table même du roi que de la vaisselle de
bois et de terre, sous prétexte que César avait
reçu, pour gage d'une dette, toute la vaisselle d'or
et d'argent. Le père du roi régnant avait en
effet contracté envers César une dette de
dix-sept millions cinq cent mille sesterces, dont
César avait déjà remis aux enfants de ce
prince sept millions cinq cent mille sesterces, et demandait
les dix millions restant pour l'entretien de ses troupes.
Pothin le pressait de partir pour aller terminer les affaires
importantes qu'il avait, en l'assurant qu'à son retour
il recevrait, avec les bonnes grâces du roi, tout
l'argent qui lui était dû. César lui
répondit qu'il ne prenait pas conseil des Egyptiens,
et il manda secrètement à
Cléopâtre de revenir. Elle partit surle-champ,
et ne prit de tous ses amis que le seul Apollodore de Sicile
; elle se mit dans un petit bateau, et arriva de nuit devant
le palais d'Alexandrie. Comme elle ne pouvait y entrer sans
être reconnue, elle s'enveloppa dans un paquet de
hardes, qu'Appollodore lia avec une courroie, et qu'il fit
entrer chez César par la porte même du
palais.
LV. Cette ruse de
Cléopâtre fut, dit-on, le premier appât
auquel César fut pris ; il en conçut une
idée favorable de son esprit, et, vaincu ensuite par
sa douceur, par les grâces de sa conversation, il la
réconcilia avec son frère, à condition
qu'elle partagerait le trône. Dans le festin qui suivit
cette réconciliation, un des esclaves de César,
qui était son barbier, et l'homme le plus timide et le
plus soupçonneux, en parcourant tout le palais, en
prêtant l'oreille à tout, en examinant tout ce
qui se passait, découvrit que Pothin et Achillas,
général des troupes du roi, dressaient une
embûche à César pour se défaire de
lui. César, en ayant eu la preuve, plaça des
gardes autour de la salle et fit tuer Pothin. Achillas,
s'étant sauvé à l'armée, suscita
contre César une guerre difficile et dangereuse, dans
laquelle, avec très peu de troupes, il eut à
résister à une ville puissante et à une
nombreuse armée. Le premier danger auquel il se vit
exposé fut la disette d'eau (70) ; les ennemis avaient
bouché tous les aqueducs qui pouvaient lui en fournir.
Il courut un second péril lorsque les Alexandrins
voulurent lui enlever sa flotte, et que pour se sauver il fut
obligé de la brûler lui-même : le feu prit
de l'arsenal au palais, et consuma la grande
bibliothèque que les rois d'Egypte avaient
formée. Enfin, dans le combat qui se donna près
de l'île du Phare (71), il sauta de la digue
dans un bateau, pour aller au secours de ses troupes qui
étaient pressées par l'ennemi : voyant les
Egyptiens accourir de toutes parts pour l'envelopper, il se
jette à la mer et se sauve à la nage avec la
plus grande difficulté. Ce fut, dit-on, dans cette
occasion qu'il nagea en tenant dans sa main des papiers,
qu'il n'abandonna jamais malgré la multitude de traits
que les ennemis faisaient pleuvoir sur lui, et qui
l'obligeaient souvent de plonger ; il soutint toujours ces
papiers d'une main au-dessus de l'eau, pendant qu'il nageait
de l'autre. Il était à peine à terre que
le bateau coula à fond. Le roi ayant enfin joint son
armée, César le suivit, lui livra bataille, et
après lui avoir tué beaucoup de monde, il
remporta une victoire complète. Ptolémée
disparut à ce combat, et depuis on n'en entendit plus
parler. César donna tout le royaume d'Egypte à
Cléopâtre, qui, peu de temps après,
accoucha d'un fils que les Alexandrins appelèrent
Césarion, et aussitôt César partit pour
la Syrie.
LVI. En arrivant en Asie,
il apprit que Domitius, après avoir été
battu par Pharnace, fils de Mithridate, s'était enfui
du Pont avec peu de troupes ; que Pharnace, poursuivant avec
chaleur sa victoire, s'était emparé de la
Bithynie et de la Cappadoce, et se préparait à
envahir la petite Arménie, dont il avait fait soulever
les rois et les tétrarques : César marche
promptement contre lui avec trois légions et lui livre
une grande bataille près de la ville de Zéla
(72) ; il taille en
pièces toute son armée et le chasse du royaume
du Pont. Ce fut alors que, pour marquer la rapidité de
cette victoire, il écrivit à Amintius, un de
ses amis de Rome, ces trois mots seulement : «Je suis
venu, j'ai vu, j'ai vaincu». Dans le latin, ces trois
mots terminés de même ont une grâce et une
brièveté qui disparaissent dans une autre
langue (73).
Après cette grande victoire, il repassa en Italie, et
arriva à Rome vers la fin de l'année où
devait se terminer sa seconde dictature : cette charge, avant
lui, n'avait jamais été annuelle. Il fut
nommé consul pour l'année suivante. On le
blâma fort de son extrême indulgence pour ses
soldats, qui, dans une émeute, avaient tué deux
personnages prétoriens, Cosconius et Galba ; la seule
punition qu'il leur infligea fut de leur donner le nom de
citoyens, au lieu de celui de soldats ; il leur distribua
même mille drachmes par tête, et leur assigna des
terres considérables dans l'Italie. On lui reprochait
aussi les fureurs de Dolabella, l'avarice d'Amintius, les
ivrogneries d'Antoine et l'insolence de Cornificius, qui,
s'étant fait adjuger la maison de Pompée et ne
la trouvant pas assez grande pour lui, en construisait sur le
même terrain une plus grande (74). Les Romains
étaient indignés de tous ses désordres ;
et César, qui ne l'ignorait pas, aurait bien voulu les
empêcher ; mais, pour arriver à ses fins
politiques, il était obligé d'employer de
pareils agents.
LVII. Après la
bataille de Pharsale, Caton et Scipion s'étaient
enfuis en Afrique, où, par le secours du roi Juba, ils
avaient mis sur pied une armée assez
considérable, César, résolu de marcher
contre eux sans différer, passe en Sicile vers le
solstice d'hiver ; et, pour ôter à ses officiers
tout espoir de retard et de délai, il dresse sa tente
sur le bord de la mer, et, au premier vent favorable, il fait
voile avec trois mille hommes de pied et quelques chevaux
(75) ; il les
débarque sans être aperçu, et se remet
aussitôt en mer, pour aller chercher le reste de son
armée, dont il était inquiet (76) ; il la rencontre sur sa
route et l'amène dans son camp. Il apprit en arrivant
que les ennemis avaient la plus grande confiance en un ancien
oracle qui portait que la race des Scipions serait toujours
victorieuse en Afrique. Il serait difficile de dire s'il se
fit un jeu de tourner en ridicule Scipion qui commandait les
troupes ennemies, ou s'il voulut sérieusement
s'approprier cet oracle ; mais il prit dans son camp un homme
obscur et méprisé, qui était de la
famille des Scipion et qui se nommait Scipion Salutio. Dans
tous les combats, il le mettait à la tête de
l'armée, comme s'il eût été le
véritable général, et l'obligeait
souvent de combattre contre les ennemis (77). César ayant peu
de vivres pour les hommes, et peu de fourrages pour les
chevaux, qu'il fallait nourrir avec de la mousse et de
l'algue marine qu'on faisait macérer dans de l'eau
douce, et à laquelle on mêlait du sainfoin, pour
lui donner un peu de goût, était forcé
d'en venir souvent aux mains avec l'ennemi pour se procurer
des provisions (78).
Les Numides, peuples très légers à la
course, se montraient tous les jours en grand nombre et
étaient maîtres de la campagne. Un jour que les
cavaliers de César, n'ayant rien à faire,
s'amusaient à regarder un Africain qui dansait et
jouait de la flûte à ravir ; que, charmés
de son talent, ils étaient assis à l'admirer,
et avaient laissé les chevaux à leurs valets,
tout à coup, les ennemis fondent sur eux, les
enveloppent, tuent les uns, mettent les autres en fuite, et
les poursuivent jusqu'à leur camp, où ils
entrent pêle-mêle avec eux. Si César et
Pollion n'étaient sortis des retranchements, pour
courir à leur secours et les arrêter dans leur
fuite, la guerre était ce jour-là
terminée. Dans une seconde rencontre, où les
ennemis eurent encore l'avantage, César, voyant
l'enseigne qui portait l'aigle prendre la fuite, court
à lui, le saisit au cou et le force de tourner la
tête, en lui disant : «C'est là qu'est
l'ennemi».
LVIII. Ces succès
enflèrent tellement Scipion, qu'il résolut de
risquer une bataille ; et que, laissant d'un
côté Afranius, de l'autre Juba, qui campaient
séparément à peu de distance de lui, il
plaça son camp au-dessus d'un lac près de la
ville de Thapse, et le fortifia, pour servir d'arsenal et de
retraite à ses troupes. Il était occupé
de ce travail, lorsque César, traversant avec une
incroyable rapidité un pays marécageux et
coupé de défilés, tombe sur ses soldats,
prend les uns en queue, attaque les autres de front, et les
met tous en fuite. De là, saisissant l'occasion et
profitant de sa fortune, il prend tout d'un trait le camp
d'Afranus, enlève et pille celui des Numides,
d'où Juba s'était retiré. Ainsi, dans la
moindre partie d'un seul jour, il s'empare de trois camps et
tue cinquante mille ennemis, sans avoir perdu cinquante des
siens. Voilà le récit que quelques historiens
font de cette bataille ; d'autres prétendent que
César ne fut pas présent à l'action ;
qu'au moment où il rangeait son armée en
bataille et donnait ses ordres, il fut pris d'un accès
d'épilepsie, maladie à laquelle il était
sujet ; que, lorsqu'il en sentit les premières
atteintes, et qu'il était déjà saisi du
tremblement, avant que la maladie lui eût
entièrement ôté l'usage de ses sens et de
ses forces, il se fit porter dans une des tours voisines,
où il attendit en repos la fin de l'accès. D'un
grand nombre d'hommes consulaires et prétoriens qui
échappèrent au carnage et qui furent faits
prisonniers, les uns se tuèrent eux-mêmes, et
César en fit mourir plusieurs.
LIX. Comme il avait le
plus grand désir de prendre Caton vivant, il marcha
promptement vers Utique : Caton, chargé de la
défense de cette ville, ne s'était pas
trouvé à la bataille. César apprit en
chemin qu'il s'était donné lui-même la
mort, et laissa voir toute la peine qu'il en ressentait ; on
ignore par quel motif ; il dit seulement, quand on lui en
donna la nouvelle : «O Caton, j'envie ta mort, puisque
tu m'as envié la gloire de te donner la vie !»
Le traité qu'il écrivit contre Caton,
après sa mort, n'est pas d'un homme adouci à
son égard, et qui fût disposé à
lui pardonner. L'eût-il épargné vivant,
s'il l'eût eu en sa puissance, lui qui versait sur
Caton, mort depuis longtemps, tant de fiel et d'amertume
(79) ? Il est vrai
que la clémence dont il usa envers Cicéron,
Brutus et mille autres qui avaient porté les armes
contre lui, fait conjecturer qu'il aurait aussi
pardonné à Caton, et que, s'il composa ce
traité contre lui, ce fut moins par un sentiment de
haine que par une rivalité politique. Il le fit
à l'occasion suivante. Cicéron avait
composé l'éloge de Caton et donné
même le nom de ce célèbre Romain à
cet ouvrage, qui, sorti de la plume du plus grand orateur de
Rome, et sur un si beau sujet, était, comme on peut le
croire, fort recherché. César en eut du chagrin
; il regarda comme une censure indirecte de sa personne
l'éloge d'un homme dont il avait occasionné la
mort. Il composa donc un écrit dans lequel il entassa
beaucoup de charges contre lui, et qu'il intitula
Anti-Caton. Les noms de Cicéron et de
César font encore aujourd'hui à ces deux
ouvrages de zélés partisans.
LX. Dès que
César fut de retour de son expédition
d'Afrique, il fit une harangue au peuple, où il parla
de sa victoire dans les termes les plus magnifiques ; il dit
que les pays dont il venait de faire la conquête
étaient si étendus que le peuple romain en
tirerait tous les ans deux cent mille médimnes
attiques (80) de
blé, et trois millions de livres d'huile. Il triompha
trois fois : la première pour l'Egypte, la seconde
pour le Pont, et la troisième pour l'Afrique (81). Dans ce dernier
triomphe, Scipion n'était pas nommé ; il n'y
était question que du roi Juba ; le fils de ce prince,
qui était encore dans l'enfance, suivit le char du
triomphateur ; et ce fut pour lui la captivité la plus
heureuse. Né barbare et Numide, il dut à son
malheur de devenir un des plus savants historiens grecs
(82). Après
ses triomphes, César fit de grandes largesses à
ses soldats, et donna des festins et des spectacles à
tout le peuple, qu'il traita sur vingt-deux mille tables de
trois lits chacune (83). Il fit
représenter à l'honneur de sa fille Julie,
morte depuis longtemps, des combats de gladiateurs et des
naumachies. Quand tous ces spectacles furent terminés,
on fit le dénombrement du peuple, et au lieu de trois
cent vingt mille citoyens qu'avait donné le dernier
dénombrement, il ne s'en trouva que cent trente mille
(84) : tant la guerre
civile avait été meurtrière pour Rome !
tant elle avait moissonné de citoyens, sans compter
tous les fléaux dont elle avait affligé le
reste de l'Italie et toutes les provinces.
LXI. Après ce
dénombrement, César, nommé consul pour
la quatrième fois, partit sur-le-champ pour aller en
Espagne faire la guerre aux fils de Pompée.
Malgré leur jeunesse, ils avaient mis sur pied une
armée formidable par le nombre des soldats, et ils
montraient une audace qui les rendait dignes du commandement
; aussi mirent-ils César dans le plus grand danger.
Ils livrèrent sous les murs de la ville de Munda
(85) une grande
bataille, dans laquelle César, voyant ses troupes
vivement pressées, n'opposer aux ennemis qu'une faible
résistance, se jeta au fort de la mêlée,
en criant à ses soldats s'ils n'avaient pas honte de
le livrer ainsi à des enfants. Ce ne fut que par des
efforts extraordinaires qu'il parvint à repousser les
ennemis : il leur tua plus de trente mille hommes (86), et perdit mille des
siens, qui étaient les plus braves de l'armée,
En rentrant dans son camp, après la bataille, il dit
à ses amis qu'il avait souvent combattu pour la
victoire, mais qu'il venait de combattre pour la vie. Il
remporta cette victoire le jour de la fête des
Dionysiaques (87), le
même jour que Pompée, quatre ans auparavant,
était sorti de Rome pour cette guerre civile. Le plus
jeune des fils de Pompée se sauva de la bataille, et
peu de jours après Didius vint mettre aux pieds de
César la tête de l'aîné.
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(60) Voyez
sur la ville de Scotuse, et sur les motifs que
César avait de décamper du lieu où
il était, ce que nous en avons dit dans les notes
sur la vie de Pompée (note 101)
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(61) Voyez ce
que César dit lui-même, liv. III, p. 357, et
la note 102 de la vie de Pompée.
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(62) Voyez
encore César, ibid. et la note
déjà citée parmi celles de la vie
de Pompée.
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(63) Je ne
sais dans quels mémoires Plutarque a puisé
ce qu'il rapporte ici, car il est démenti par ce
que César dit lui-même, p.360, que la
cavalerie de l'aile gauche de Pompée, suivant
l'ordre qu'elle en avait reçu, vint fondre sur la
sienne, qui ne put soutenir ce choc et perdit un peu de
terrain.
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(64) César,
en parlant à ses soldats avant la bataille, leur
avait annoncé que ces six cohortes en
décideraient le gain.
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(65) «Il
ne dit rien en se retirant ; mais lorsqu'il fut dans le
camp, il dit aux officiers qu'il avait laissés
pour le garder : Songez à bien défendre le
camp, s'il arrive quelque malheur. Je vais visiter les
autres postes et assurer les corps de garde».
César, ibid. p. 361.
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(66) Asinius
Pollion, celui à qui Virgile a dédié
sa quatrième églogue, fut un
excellent orateur, un grand historien, et un poète
distingué ; il écrivit l'histoire des
guerres civiles. Il avait aussi composé des
tragédies. Les anciens ont parlé de lui
avec éloge. Il paraît, par un passage de
Suétone dans la vie de César, chap.
XLVI, que Pollion reprochait à César
beaucoup d'inexactitude dans ses Commentaires. Nul
autre écrivain n'a fait ce reproche à
César.
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(67) Tralles
était une ville de l'Asie mineure, dans la
Lydie.
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(68) César
rapporte quelques-uns de ces présages dans son
troisième livre de la Guerre civile,
p.367.
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(69) C'est
Théopompe de Cnide, un des intimes amis de
César, et qui avait beaucoup de crédit
auprès de lui. Il ne faut pas le confondre avec
Théopompe de Chio, historien
célèbre, qui vivait du temps de Philippe,
père d'Alexandre. Voyez Strabon, liv. XIV,
p.656.
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(70) Avant ce
danger, César s'était trouvé dans un
autre qui n'était pas moins grand, lorsqu'il fut
attaqué dans le palais d'Alexandrie par Achillas,
qui s'était rendu maître de la ville. Ce
combat est décrit dans le troisième livre
de la Guerre civile, p. 371.
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(71) On
donnait le nom de phare à des tours
bâties sur des côtes et des ports de mer,
où l'on allumait des feux pour éclairer les
vaisseaux pendant la nuit. Vis-à-vis d'Alexandrie,
il y avait une île appelée Phare ou Pharos,
et sur le promontoire de cette île, un phare
bâti par Ptolémée Philadelphe, d'une
grandeur et d'une magnificence telles qu'on l'a
compté parmi les merveilles du monde. Plutarque a
confondu ici deux événements. Il y eut
d'abord un combat naval, après lequel César
attaqua l'île, ensuite la digue ; et ce fut dans
cette dernière attaque que se passa ce que
Plutarque raconte ici. Voyez César, de Bell.
Alexand. p. 379-385.
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(72) César,
ibid. p. 416, nomme cette ville Ziéla. Le
récit de cette bataille dans l'historien latin est
très intéressant ; il fait bien
connaître la folle témérité de
Pharnace.
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(73) Dans le
grec il n'y a que trois mots, comme dans le latin ; mais
en français il est impossible d'y mettre cette
précision, parce qu'il faut joindre au moins le
pronom à chaque verbe, en disant : je vins, je
vis, je vainquis ; il est même plus doux
à l'oreille de mettre, je suis venu, etc.
ce qui est encore plus long.
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(74) Il doit
y avoir ici une transposition dans le texte, comme le
traducteur latin l'a déjà remarqué ;
il faut lire : l'insolence de Cornificius et les
ivrogneries d'Antoine ; car c'est à ce dernier que
fut adjugée la maison de Pompée, où
il faisait chaque jour des débauches horribles,
comme on le voit par la seconde Philippique de
Cicéron, où cet orateur
véhément, par une belle apostrophe à
cette maison même, s'écrie, dans un
mouvement d'indignation : 0 domus antiqua, quam
dispari domino dominaris !
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(75) Hirtius,
dans la Guerre d'Afrique, p. 420, dit que
César embarqua six légions et deux mille
chevaux ; mais apparemment que Plutarque parle ici des
trois mille hommes de pied et des cent cinquante chevaux
avec lesquels César prit terre, les vaisseaux qui
portaient les autres troupes ayant été
écartés par les vents contraires.
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(76) «Il
se rembarqua à deux lieues de Ruspine, avec sept
cohortes ; mais après avoir passé la nuit
dans ses vaisseaux, comme il se disposait à partir
au point du jour, sa flotte arriva ; il fit descendre ses
troupes pour la recevoir sur le rivage, et ordonna tout
de suite que les vaisseaux entrassent dans le
port», ibid. p. 425.
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(77) Plutarque
ne dit pas ce qui avait fait donner à ce Scipion
le surnom de Sallutio ; Suétone, in Caesar.
cap.LIX, ne l'a pas oublié ; ce mot signifie un
homme infâme ou de moeurs corrompues.
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(78) Plutarque
passe plusieurs événements ; ce qu'il
rapporte ici n'arriva qu'après la jonction de
Scipion et de Labiénus ; et auparavant plusieurs
faits considérables avaient eu lieu, tels que le
décampement de César de devant Damiette,
son combat avec la cavalerie de Juba, et surtout sa
rencontre avec Labiénus, qui fut une bataille
mémorable.
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(79) La
raison que donne ici Plutarque ne paraît pas
décisive. César pouvait avoir
conservé de l'amertume conte Caton après la
mort de cet ennemi, et cependant lui pardonnr s'il
l'eût eu vivant en sa puissance. Outre qu'il porta
très loin la clémence à
l'égard même de ses plus grands ennemis, il
aurait pu l'épargner par un motif de politique ou
de vanité.
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(80) Voyez
sur la valeur de cette mesure, la vie de Lycurgue
(note 34).
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(81) Plutarque
oublie le plus important des triomphes de César,
celui des Gaules, qui fut même le premier de tous,
au rapport de Suétone, in Caes. cap.
XXXVII. L'Epitome du cent quinzième livre
de Tite-Live en fait aussi mention.
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(82) Voyez ce
que nous avons dit de Juba dans les notes sur la vie
de Romulus (note 46).
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(83) Ce
calcul serait bien exagéré, d'après
ce que Plutarque va dire quelques lignes plus bas ; car
sur chaque lit on mettait au moins trois convives, et
souvent quatre, comme Horace l'assure dans la satire IV
du premier livre. Quelquefois même il y en avait
cinq ou même six ; ainsi en ne prenant que le
moindre nombre, celui de trois, il y aurait eu
près de deux cent mille citoyens ; et Plutarque
prétend qu'après les spectacles finis, il
ne se trouva, dans le dénombrement qu'il suppose
fait par César, que cent cinquante mille citoyens
dans Rome. La note suivante va montrer dans quelles
erreurs Plutarque est tombé en cette
occasion.
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(84) La
première erreur dans laquelle Plutarque est
tombé, et qui a été relevée
par le savant Ruauld dans sa vingt-quatrième
Remarque sur les Vies de Plutarque, c'est d'avoir
dit que César fit le dénombrement du peuple
: ce qui n'est point vrai, quoique l'abréviateur
de Tite-Live, Appien, dans son Histoire des Guerres
civiles, et Dion, le disent après lui ; mais
Suétone, dans la vie de César, n'en
dit pas un mot ; et Auguste lui-même, dans les
marbres d'Ancyre, monument précieux,
composé par cet empereur, et qui contient
l'histoire de tout ce qu'Auguste et Jules-César
son père adoptif, avaient fait pendant leur vie,
dit formellement que dans son sixième consulat,
qui tombait à l'an de Rome sept cent vingt-cinq,
il fit le dénombrement du peuple, qui n'avait pas
été fait depuis quarante-deux ans. La
seconde erreur, c'est d'avoir assuré qu'un peu
avant la guerre civile entre César et
Pompée, il n'y avait à Rome que trois cent
vingt mille citoyens ; car longtemps auparavant le nombre
en était beaucoup plus considérable, et il
s'était toujours augmenté depuis. La
troisième erreur enfin, c'est d'avoir
avancé qu'en moins de trois ans ces trois cent
vingt mille citoyens furent réduits, par cette
guerre civile, à cent cinquante mille. Une marque
certaine de la fausseté de ce fait, c'est que, peu
de temps après, César tira de cette
même ville quatre-vingt mille hommes pour les
colonies d'outre-mer. N'aurait-il donc laissé que
soixante-dix mille citoyens dans Rome ? Et ce qui est
encore plus décisif, c'est que, dix-huit ans
après, Auguste, qui était alors dans son
sixième consulat, fit le dénombrement dont
je viens de parler ; et le nombre des citoyens monta
à quatre millions soixante-trois mille. Une
augmentation si prodigieuse aurait-elle été
possible en si peu d'années ? Ruauld ne s'est pas
contenté de montrer ces fautes dans notre
historien ; il en a encore découvert la source :
il fait voir que Plutarque, qui n'entendait pas les
finesses de la langue latine, a été
trompé par un passage de Suétone, qui dit,
chap. XLI de la vie de César, que ce
dictateur ayant fait la recherche des citoyens pauvres
qui recevaient des distributions publiques de blé,
on trouva trois cent vingt mille, qu'il réduisit
à cent cinquante mille. Plutarque, dans le passage
latin, a pris le mot recensum dans le même
sens que censum, pour le dénombrement fait
par les censeurs, au lieu qu'il ne signifie ici qu'une
recherche dans les maisons, pour avoir la liste des
citoyens indigents ; et cette première erreur a
amené toutes les autres. On peut ajouter à
ces preuves celle du festin que César donna au
peuple ; nous l'avons déjà touchée
dans la note précédente.
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(85) Munda,
dans l'ancienne Bétique, aujourd'hui le royaume de
Grenade, à cinq lieues de Malaga, très
près du détroit de Gibraltar.
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(86) Hirtius,
dans sa Guerre d'Espagne, p. 405, confirme ce que
dit Plutarque ; et il ajoute qu'outre ces trente mille
hommes, Pompée perdit Labiénus et Varus,
à qui l'on fit de magnifiques obsèques,
avec environ trois mille chevaliers romains, soit de
l'Italie, soit des provinces. César ne perdit que
mille soldats, tant cavaliers que fantassins, sans
compter cinq cents blessés. Les treize aigles
furent prises avec toutes les enseignes, les faisceaux,
et dix-sept principaux officiers. Le reste se sauva dans
la ville, sans quoi il n'en serait pas
échappé un seul.
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(87) Quelques
interprètes se sont trompés ici, en
traduisant, les uns, le jour des Saturnales, fêtes
très différentes des Dionysiaques, et qui
ne se célébraient pas à la
même époque ; les autres, le jour des
Bacchanales : mais il y avait déjà
près de cent cinquante ans que cette fête
avait été proscrite de toute l'Italie par
un décret du sénat, à cause des
désordres et de la licence qui l'accompagnaient,
comme Tite-Live le rapporte dans le
trente-neuvième livre de son Histoire,
chap. VIII-XVIII. Il s'agit donc en cet endroit de la
fête de Bacchus, que les Romains appelaient
Liberalia, qui, selon Festus, était la
même que les Dionysiaques chez les Grecs, et qui se
célébrait le dix-sept de mars, au lieu que
les Saturnales sont marquées au dix-sept
décembre dans le calendrier romain.
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