[Dernière lutte avec Antoine]
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LV. Peu de temps après son mariage, il perdit sa
fille Tullia, qui mourut en couche dans la maison de
Lentulus, qu'elle avait épousé après la
mort de Pison, son premier mari (67). Tous les philosophes
qui se trouvaient alors à Rome se rendirent en foule
chez Cicéron, pour le consoler ; mais il fut si
amèrement affecté de cette perte, qu'il
répudia sa nouvelle femme, parce qu'il crut qu'elle
s'était réjouie de la mort de Tullia.
Voilà pour ses affaires domestiques. Il n'eut aucune
part à la conjuration qui fit périr
César, quoiqu'il fût intimement lié avec
Brutus, et que, mécontent de l'état
présent des affaires, il désirât, autant
que personne, l'ancien ordre de choses. Mais les
conjurés craignirent son caractère timide, et
l'âge avancé (C), qui ôte l'audace
et la fermeté aux âmes même les plus
vigoureuses. Brutus et Cassius ayant exécuté
leur complot, les amis de César se réunirent
pour venger sa mort ; et l'on craignit de voir Rome
replongée dans les horreurs de la guerre civile.
Antoine, alors consul, assembla le sénat, et parla, en
peu de mots, sur la nécessité d'agir de
concert. Cicéron fit un très long discours
analogue aux circonstances, et persuada aux sénateurs
de décréter, à l'exemple des
Athéniens (68), une amnistie
générale pour tout ce qui avait
été fait depuis la dictature de César,
et de donner des gouvernements à Cassius et à
Brutus.
LVI. Mais ces sages
mesures furent sans effet. Le peuple, en voyant le corps de
César porté à travers la place publique,
se laissa aller à sa compassion naturelle ; et Antoine
ayant déployé la robe du dictateur, tout
ensanglantée, et percée des coups qu'on lui
avait portés, ce spectacle remplit la multitude d'une
telle fureur, qu'elle chercha les meurtriers dans la place
même, et que, s'armant de tisons enflammés, elle
courut à leurs maisons, pour y mettre le feu. Ils se
dérobèrent à ce danger, qu'ils avaient
prévu ; et comme ils en craignaient de plus grands
encore, ils prirent le parti de quitter Rome. Leur fuite
releva la fierté d'Antoine ; la pensée qu'il
allait régner seul dans la ville le rendit redoutable
à tout le monde, et surtout à Cicéron.
Comme il voyait la puissance de cet orateur dans le
gouvernement se fortifier de jour en jour, le sachant
d'ailleurs intime ami de Brutus, il supportait impatiemment
sa présence. L'opposition de leurs moeurs avait fait
naître depuis longtemps entre eux des soupçons
et de la défiance. Cicéron, qui redoutait sa
mauvaise volonté, voulut d'abord aller en Syrie, comme
lieutenant de Dolabella ; mais Hirtius et Pansa, deux hommes
vertueux, et partisans de Cicéron, qui devaient
succéder à Antoine dans le consulat,
conjurèrent Cicéron de ne pas les abandonner,
se promettant, s'ils l'avaient avec eux à Rome, de
détruire la puissance d'Antoine. Cicéron, sans
refuser de les croire, mais sans ajouter trop de foi à
leurs paroles, laissa partir Dolabella ; et après
être convenu avec Hirtius qu'il irait passer
l'été à Athènes, et qu'il
reviendrait à Rome dès qu'ils auraient pris
possession du consulat, il s'embarqua seul pour la
Grèce. Sa navigation ayant éprouvé du
retard, il recevait tous les jours des nouvelles de Rome, qui
l'assuraient, comme il est ordinaire en pareil cas, qu'il
s'était fait dans Antoine un changement merveilleux ;
qu'il ne faisait rien qu'au gré du sénat, et
qu'il ne fallait plus que la présence de
Cicéron pour donner aux affaires la situation la plus
favorable. Alors, se reprochant son excessive
prévoyance, il revint à Rome. Il ne fut pas
trompé d'abord dans ses espérances ; il sortit
au-devant de lui une foule si considérable, que les
compliments et les témoignages d'affection qu'il
reçut depuis les portes de la ville jusqu'à sa
maison consumèrent presque toute la
journée.
LVII. Le lendemain,
Antoine ayant convoqué le sénat, y appela
Cicéron, qui refusa de s'y rendre, et se tint au lit,
sous prétexte que le voyage l'avait fatigué ;
mais son vrai motif fut la crainte d'une embûche qu'on
devait lui dresser, et dont il avait été
prévenu dans sa route. Antoine, offensé d'un
soupçon qu'il traitait de calomnieux, envoyait des
soldats pour l'amener de force, ou pour brûler sa
maison s'il s'obstinait à ne pas venir ; mais, aux
vives instances de plusieurs sénateurs, il
révoqua son ordre, et se contenta de faire prendre des
gages chez lui (D).
Depuis ce jour-là, lorsqu'ils se rencontraient dans
les rues, ils passaient sans se saluer ; et ils
vécurent dans cette défiance réciproque,
jusqu'à ce que le jeune César arriva
d'Apollonie, et que, s'étant porté pour
héritier de César, il réclama d'Antoine
une somme de vingt-cinq millions de drachmes (69), qu'il retenait de la
succession du dictateur ; ce qui mit entre Antoine et lui de
la division. Philippe, qui avait épousé la
mère du jeune César, et Marcellus, le mari de
sa soeur, allèrent avec lui chez Cicéron, et
tous ensemble ils convinrent que Cicéron appuierait le
jeune César de son éloquence et de son
crédit dans le sénat et auprès du
peuple, et que le jeune César emploierait son argent
et ses armes à protéger Cicéron contre
ses ennemis ; car il avait déjà auprès
de lui un grand nombre de ces soldats qui avaient servi sous
le dictateur.
LVIII. Mais il
paraît que Cicéron fut déterminé
par un motif encore plus fort à recevoir avec plaisir
les offres d'amitié de ce jeune homme. César et
Pompée vivaient encore, lorsque Cicéron eut un
songe dans lequel il crut avoir appelé au Capitole les
enfants de quelques sénateurs, parce que Jupiter
devait déclarer l'un d'entre eux souverain de Rome.
Tous les citoyens étaient accourus en foule et
environnaient le temple. Ces enfants, vêtus de robes
bordées de pourpre, étaient assis au dehors,
dans un profond silence : tout à coup les portes
s'étant ouvertes, ils s'étaient levés,
et, entrant dans le temple, ils avaient passé, chacun
à son rang, devant le dieu, qui, après les
avoir considérés attentivement, les avait
renvoyés tous fort affligés : mais quand le
jeune César s'approcha, Jupiter étendit sa main
vers lui : «Romains, dit-il, voilà le chef qui
terminera vos guerres civiles» (70). Ce songe imprima si
vivement dans l'esprit de Cicéron l'image de ce jeune
homme, qu'elle y resta toujours empreinte. Il ne le
connaissait pas ; mais le lendemain il descendit au Champ de
Mars, à l'heure où les enfants revenaient de
leurs exercices ; le premier qui s'offrit à lui fut le
jeune César, tel qu'il l'avait vu dans le songe.
Frappé de cette rencontre, il lui demanda le nom de
ses parents. Son père s'appelait Octavius, homme d'une
naissance peu illustre ; sa mère Attis était
nièce de César (71), lequel, n'ayant
point d'enfants, l'avait, par son testament, institué
héritier de sa maison et de ses biens.
LIX. On dit que, depuis
cette aventure, Cicéron ne rencontrait jamais cet
enfant sans lui parler avec amitié, et lui faire des
caresses que le jeune César recevait avec plaisir ;
d'ailleurs le hasard avait fait qu'il était né
sous le consulat de Cicéron (E). Voilà les
causes qu'on a données de son affection pour ce jeune
homme : mais les véritables motifs de cet attachement
furent d'abord sa haine contre Antoine ; ensuite son
caractère, qui, toujours faible contre les honneurs,
lui donna ce goût pour César, dans
l'espérance qu'il ferait servir au bien de la
république la puissance de ce jeune homme, qui
d'ailleurs faisait de son côté tout son possible
pour s'insinuer dans l'amitié de Cicéron, et
l'appelait même son père. Brutus, indigné
de cette conduite, lui en fait les plus vifs reproches dans
ses lettres à Atticus : il y dit que Cicéron,
en flattant César par la peur qu'il a d'Antoine, ne
laisse aucun lieu de douter qu'il cherche moins à
rendre à sa patrie la liberté, qu'à se
donner à lui-même un maître doux et
humain. Cependant Brutus ayant trouvé le fils de
Cicéron à Athènes, où il suivait
les écoles des philosophes, le prit avec lui, le
chargea d'un commandement, et lui dut plusieurs de ses
succès. Jamais Cicéron n'avait joui d'une plus
grande autorité dans Rome : disposant de tout en
maître, il vint à bout de chasser Antoine, et de
soulever tous les esprits contre lui ; il envoya même
les deux consuls Hirtius et Pansa pour lui faire la guerre,
et persuada au sénat de décerner au jeune
César les licteurs armés de faisceaux, et
toutes les marques du commandement, parce qu'il combattait
pour la patrie.
LX. Mais après
qu'Antoine eut été défait, et les deux
consuls tués, les deux armées qu'ils
commandaient s'étant réunies à
César, le sénat, qui craignit ce jeune homme,
dont la fortune devenait si brillante, décerna aux
troupes qui le suivaient des honneurs et des
récompenses, dans la vue d'abattre sa puissance, sous
prétexte que depuis la défaite d'Antoine la
république n'avait plus besoin d'armée (72). César,
alarmé de cette mesure, envoya secrètement
quelques personnes à Cicéron, pour l'engager,
par leurs prières, à se faire nommer consul
avec César ; l'assurant qu'il disposerait à son
gré des affaires, et qu'il gouvernerait un jeune homme
qui ne désirait que le titre et les honneurs
attachés à cette dignité. César
avoua depuis que, craignant de se voir abandonné de
tout le monde par le licenciement de son année, il
avait mis à propos en jeu l'ambition de
Cicéron, et l'avait porté à demander le
consulat, en lui promettant de l'aider de son crédit
et de ses sollicitations dans les comices.
LXI. Ce fut surtout dans
cette occasion que Cicéron, malgré
l'expérience de l'âge, dupé par un jeune
homme, appuya si fortement sa brigue, qu'il lui donna tout le
sénat. Il en fut blâmé sur-le-champ par
ses amis, et il ne tarda pas lui-même à
reconnaître qu'il s'était perdu, et qu'il avait
sacrifié la liberté du peuple (73). César, dont
le consulat avait fort augmenté la puissance, ne
s'embarrassa plus de Cicéron (74) ; il se lia avec
Antoine et Lépidus ; et, réunissant tous trois
leurs forces, ils partagèrent entre eux l'empire,
comme si ce n'eût été qu'un simple
héritage. Ils dressèrent une liste de plus de
deux cents citoyens dont ils avaient arrêté la
mort. La proscription de Cicéron donna lieu à
la plus vive dispute. Antoine ne voulait se prêter
à aucun accommodement, que Cicéron n'eût
péri le premier. Lépidus appuyait sa demande,
et César résistait à l'un et à
l'autre. Ils passèrent trois jours, près de la
ville de Bologne, dans des conférences
secrètes, et s'abouchaient dans un endroit
entouré d'une rivière qui séparait les
deux camps. César fit, dit-on, les deux premiers
jours, la plus vive défense pour sauver Cicéron
; mais enfin il céda le troisième jour, et
l'abandonna. Ils obtinrent chacun, par des sacrifices
respectifs, ce qu'ils désiraient : César
sacrifia Cicéron ; Lépidus, son propre
frère Paulus ; et Antoine, son oncle maternel Lucius
César (75)
: tant la colère et la rage, étouffant en eux
tout sentiment d'humanité, prouvèrent qu'il
n'est point d'animal féroce plus cruel que l'homme,
quand il a le pouvoir d'assouvir sa passion !
LXII. Pendant ce
traité barbare, Cicéron était, avec son
frère, à sa maison de Tusculum, où,
à la première nouvelle des proscriptions, ils
résolurent de gagner Astyre (F), autre maison de
campagne que Cicéron avait sur les bords de la mer,
pour s'y embarquer, et se rendre en Macédoine,
auprès de Brutus, dont ils avaient appris que le parti
s'était fortifié. Ils se mirent chacun dans une
litière, accablés de tristesse, et n'ayant plus
d'espoir. Ils s'arrêtèrent en chemin ; et ayant
fait approcher leur litière, ils déploraient
mutuellement leur infortune. Quintus était le plus
abattu ; il s'affligeait surtout de n'avoir pas songé
à rien prendre chez lui. Cicéron n'ayant non
plus que peu de provisions pour son voyage, ils
jugèrent qu'il était plus sage que
Cicéron, continuant sa route, se hâtât de
fuir, et que Quintus retournât dans sa maison pour y
prendre tout ce qui leur était nécessaire.
Cette résolution prise, ils s'embrassèrent
tendrement, et se séparèrent en fondant en
larmes. Peu de jours après, Quintus, trahi par ses
domestiques, et livré à ceux qui le
cherchaient, fut mis à mort avec son fils.
Cicéron, en arrivant à Astyre, trouva un
vaisseau prêt, sur lequel il s'embarqua, et fit voile,
par un bon vent, jusqu'à Circée. Là, les
pilotes voulant se remettre en mer, Cicéron, soit
qu'il en craignit les incommodités, soit qu'il
conservât encore quelque espoir dans la
fidélité de César, descendit à
terre, et fit à pied l'espace de cent stades, comme
s'il eût voulu retourner à Rome.
LXIII. Mais bientôt
l'inquiétude où il était lui avant fait
changer de sentiment, il reprit le chemin de la mer, et passa
la nuit suivante livré à des pensées si
affreuses, qu'il voulut un moment se rendre
secrètement dans la maison de César, et
s'égorger lui-même sur son foyer, afin
d'attacher à sa personne une furie vengeresse. La
crainte des tourments auxquels il devait s'attendre, s'il
était pris, le détourna de cette
résolution : toujours flottant entre des partis
également dangereux, il s'abandonna de nouveau
à ses domestiques, pour le conduire par mer à
Caïète (76), où il avait
une maison qui offrait, pendant les chaleurs de
l'été, une retraite agréable, lorsque
les vents étésiens rafraîchissent l'air
par la douceur de leur haleine. Il y a, dans ce lieu, un
temple d'Apollon, situé près de la mer. Tout
à coup il sortit de ce temple une troupe de corbeaux,
qui, s'élevant dans les airs avec de grands cris,
dirigèrent leur vol vers le vaisseau de
Cicéron, comme il était près d'aborder,
et allèrent se poser aux deux côtés de
l'antenne. Les uns croassaient avec grand bruit, les autres
frappaient à coups de bec sur les cordages. Tout le
monde regarda ce signe comme très menaçant.
Cicéron, après être
débarqué, entra dans sa maison, et se coucha
pour prendre du repos : mais la plupart de ces corbeaux,
étant venus se poser sur la fenêtre de sa
chambre, jetaient des cris effrayants. Il y en eut un qui,
volant sur son lit, retira avec son bec le pan de la robe
dont Ci-céron s'était couvert le visage. A
cette vue, ses domestiques se reprochèrent leur
lâcheté. «Attendrons-nous, disaient-ils,
d'être ici les témoins du meurtre de notre
maître ? et lorsque des animaux même,
touchés du sort indigne qu'il éprouve, viennent
à son secours, et veillent au soin de ses jours, ne
ferons-nous rien pour sa conservation ?» En disant ces
mots, ils le mettent dans une litière, autant par
prières que par force, et prennent le chemin de la
mer.
LXIV. Ils étaient
à peine sortis, que les meurtriers arrivèrent :
c'était un centurion nommé Hérennius, et
Popilius, tribun de soldats, celui que Cicéron avait
autrefois défendu dans une accusation de parricide
(77). Ils
étaient suivis de quelques satellites. Ayant
trouvé les portes fermées, ils les
enfoncèrent. Cicéron ne paraissant pas, et
toutes les personnes de la maison assurant qu'elles ne
l'avaient point vu, un jeune homme, nommé Philologus
(G), que
Cicéron avait lui-même instruit dans les lettres
et dans les sciences, et qui était affranchi de son
frère Quintus, dit au tribun qu'on portait la
litière vers la mer, par des allées couvertes.
Popilius, avec quelques soldats, prend un détour, et
va l'attendre à l'issue des allées.
Cicéron ayant entendu la troupe que menait
Hérennius courir précipitamment dans les
allées, fit poser à terre sa litière ;
et portant la main gauche à son menton, geste qui lui
était ordinaire, il regarda les meurtriers d'un oeil
fixe. Ses cheveux hérissés et poudreux, son
visage pâle et défait par une suite de ses
chagrins, firent peine à la plupart des soldats
mêmes, qui se couvrirent le visage pendant
qu'Hérennius l'égorgeait : il avait mis la
tête hors de la litière, et
présenté la gorge au meurtrier ; il
était âgé de soixante-quatre ans (78). Hérennius,
d'après l'ordre qu'avait donné Antoine, lui
coupa la tête, et les mains avec lesquelles il avait
écrit les Philippiques. C'était le nom
que Cicéron avait donné à ses oraisons
contre Antoine ; et elles le conservent encore
aujourd'hui.
LXV. Lorsque cette
tête et ces mains furent portées à Rome,
Antoine, qui tenait les comices pour l'élection des
magistrats, dit tout haut en les voyant : «Voilà
les proscriptions finies». Il les fit attacher à
l'endroit de la tribune qu'on appelle les rostres : spectacle
horrible pour les Romains, qui croyaient avoir devant les
yeux, non le visage de Cicéron, mais l'image
même de l'âme d'Antoine (79). Cependant, au milieu
de tant de cruautés, il fit un acte de justice, en
livrant Philologus à Pomponia, femme de Quintus. Cette
femme, se voyant maîtresse du corps de ce
traître, outre plusieurs supplices affreux qu'elle lui
fit souffrir, le força de se couper lui-même peu
à peu les chairs, de les faire rôtir, et de les
manger ensuite. C'est du moins le récit de quelques
historiens ; mais Tiron, l'affranchi de Cicéron, ne
parle pas même de la trahison de Philologus. J'ai
entendu dire que plusieurs années après,
César étant un jour entré dans
l'appartement d'un de ses neveux, ce jeune homme, qui tenait
dans ses mains un ouvrage de Cicéron, surpris de voir
son oncle, cacha le livre sous sa robe. César, qui
s'en aperçut, prit le livre, en lut debout une grande
partie, et le rendit à ce jeune homme, en lui disant :
«C'était un savant homme, mon fils ; oui, un
savant homme, et qui aimait bien sa patrie».
César, ayant bientôt après
entièrement défait Antoine, prit pour
collègue au consulat le fils de Cicéron
(H). Ce fut cette
même année que, par ordre du sénat, les
statues d'Antoine furent abattues, les honneurs dont il avait
joui révoqués ; et il fut défendu, par
un décret public, que personne de cette famille
portât le prénom de Marcus. C'est ainsi que la
vengeance divine réserva à la famille de
Cicéron la dernière punition d'Antoine.
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(C) Cicéron
avait alors soixante-trois ans.
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(D) Voyez
que nous avons dit sur cet usage dans la vie de Caton
d'Utique, note 41.
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(E) L'an
six cent quatre-vingt-onze de Rome : ainsi le jeune
César était dans sa dix-huitième
année.
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(F) Astyre
était une petite île à l'embouchure
du fleuve de ce nom, entre Antium et Circée ; ce
fut dans cette solitude que Ciceron se retira
après la mort de sa fille. Ad Atticum,
l.XII, XL.
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(G) Cicéron,
dans une lettre à son frère, l'appelle
Philogonus. Lettre à Quintus, I, 3.
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(H) L'an de
Rome sept cent vingt et un, trente-trois ans avant JC ;
d'autres mettent L. Volcatius Tullus pour second consul
de cette année ; et le père Petau les a
suivis dans ses Fastes consulaires, t.III, p.83 ;
mais Pline, liv.XXII, chap. XIV, est d'accord avec
Plutarque.
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(67) Plutarque fait
ici deux fautes. Il dit que la fille de Cicéron
mourut en couches chez son mari Lentulus ; mais il est
certain qu'il l'avait répudiée quelque
temps avant qu'elle mourût. La seconde faute de
Plutarque, c'est de n'avoir point parlé d'un
second mari de Tullie, Furius Crassipes, qu'elle avait
épousé après la mort de Pison son
premier mari, comme on le voit dans le liv. II des
Lettres de Cicéron à son frère
Quintus, lett. IV, V et VI.
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(68) Lorsque
Thrasybule, parti de Thèbes avec les bannis
d'Athènes, eut défait les trente tyrans, et
se fut rendu maître de la ville, il publia une
amnistie générale pour tout ce qui
s'était passé depuis l'établissement
de la tyrannie.
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(69) Cette
somme faisait environ vingt-trois millions de notre
monnaie.
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(70) Cicéron
ne parle de ce songe dans aucun des ouvrages qui nous
restent de lui. S'il est vrai qu'il s'en soit servi
auprès du jeune César, ce pourrait bien
être un songe de son imagination, pour s'insinuer
dans la confiance de ce jeune homme.
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(71) Il y a
dans le grec qu'Attia était soeur de César
; mais c'est une faute de copiste, qui a
été corrigée par plusieurs
critiques. D'après Plutarque lui-même, dans
la vie de Brutus, où elle est
appelée nièce de César, ainsi que
dans un endroit de la vie d'Antoine, quoique dans un
autre il la nomme sa soeur, il est certain qu'Attia
était femme d'Octavius, mère d'Auguste, et
fille de M. Attius Balbus, et de Julie, soeur de
César.
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(72) Dion,
livre XLVI, chap. XL, explique très bien quelle
fut en cette occasion la politique du sénat. Ce
corps craignant que la confiance des troupes ne
donnât trop de pouvoir à César, prit
le parti de les diviser entre elles et contre leur chef.
Il ne voulut pas récompenser tous les soldats, de
peur de leur inspirer trop de fierté ; ni leur
donner à tous des marques d'improbation et de
mépris, par la crainte de les aliéner du
sénat, et de les forcer à se tenir plus
unis ensemble. Il prit donc un parti mitoyen : ce fut de
décerner aux uns des témoignages publics
d'estime, et d'en priver les autres ; de permettre
à un certain nombre de porter, dans les
assemblées, des couronnes d'olivier, et de leur
faire une distribution d'argent, tandis que les autres
n'auraient aucune de ces distinctions : le sénat
ne doutait pas que cette préférence
accordée aux uns sur les autres n'excitât de
la dissension parmi eux, et ne les affaiblit. Il envoya
des députés aux soldats pour leur parler
hors de la présence de César ; mais les
troupes refusèrent de les entendre, si
César n'était présent ; et par
là elles rendirent inutile la politique du
sénat.
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(73) L'imputation
que Plutarque fait ici à Cicéron est
démentie par cet orateur lui-même dans sa
dixième Lettre à Brutus. Il y dit
formellement que César avait été
poussé, par des lettres et des conseils perfides,
à demander et à espérer le consulat.
Il dit encore dans sa quinzième Lettre au
même Brutus, qu'il craint, en opinant sur les
honneurs qu'on devait accorder à César,
d'avoir moins consulté la reconnaissance que la
prévoyance de l'avenir.
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(74) Auguste
ayant obtenu le consulat, au lieu de prendre
Cicéron pour collègue, choisit Q.
Pédius ; et ensuite, lorsqu'il voulut quitter
Rome, et qu'il abdiqua sa magistrature, il mit à
sa place Albius Carrinas.
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(75) Lucius
Emilius Paulus, frère de Lépidus, avait
été consul l'an de Rome sept cent trois ;
et César lui avait fait de grands avantages pour
l'engager à prendre ses intérêts ;
mais, après la victoire de Mutine, il avait
conseillé au sénat de donner à
Brutus deux légions, et de traiter son
frère en ennemi public. Julius César, oncle
maternel d'Antoine, avait montré dans des
occasions importantes un grand caractère, soit en
condamnant Lentulus, le mari de sa soeur, soit en
proposant des résolutions vigoureuses contre
Antoine, le fils de sa soeur. Lucius Paulus, sauvé
par des centurions, alla joindre Brutus ; et,
après la mort de ce général, il se
retira à Milet, sans vouloir se rendre à
l'invitation que lui faisaient les vainqueurs de revenir
dans sa patrie. Lucius César fut mis en
sûreté par sa soeur, mère d'Antoine ;
ce qui prouve la fausseté de ce que dit Orose,
liv. VI, qu'Antoine, après avoir sacrifié
son oncle, mit le comble à son crime en
proscrivant sa mère.
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(76) Il y a
dans le texte Capites, nom qu'on a cru
altéré, et auquel l'interprète latin
a substitué Capoue, et plusieurs critiques,
Caïète ; leçon qui, par la position
des lieux, parait la plus vraisemblable.
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(77) Ce
fait est démenti par Sénèque,
suivant lequel des historiens rapportent que ce fut
Popilius qui tua Cicéron.
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(78) Tite-Live
ne lui en donne que soixante-trois, livre CXX, chap. LXV
: mais il avait fini sa soixante-quatrième
année ; car il était né le trois
janvier de l'an de Rome six cent quarante-huit, et il fut
tué le huit janvier sept cent onze.
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(79) Cette
belle idée est en même temps très
juste ; car la vue de cette tête et de ces mains
sanglantes rappelait à tout le monde la
cruauté d'Antoine qui l'avait immolé, et
montrait en quelque sorte la soif de la vengeance qui
avait dévoré son âme.
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