XXI - Le centurion Lucius Virginius (an de Rome 302 à 304)

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Le peuple romain, ne pouvant plus supporter la turbulence de ses tribuns, créa des décemvirs pour lui donner des lois écrites (1). Ces nouveaux magistrats empruntèrent ces lois des livres de Solon, et les exposèrent aux regards publics, gravées sur douze tables (2). Il arriva qu'après s'être concertés pour retenir leur pouvoir au-delà du terme prescrit (3), Appius Claudius, l'un d'entre eux, conçut une violente passion pour Virginie, fille du centurion Virginius qui faisait la guerre sur le mont Algide. Ne pouvant la séduire, il suborna un de ses clients, et l'engagea à la réclamer comme son esclave (4). Accusateur et juge, il était bien assuré du succès. Averti de ce qui se passe, le centurion arrive à Rome le jour même du jugement (5) ; il voit sa fille adjugée au client d'Appius (6) ; il obtient de l'entretenir en secret (7), la tue, charge le cadavre sur ses épaules (8), et retourne à l'armée. Ce triste spectacle anime les soldats à tirer vengeance du crime d'Appius ; ils élisent dix tribuns militaires, s'emparent du mont Aventin (9), forcent les décemvirs de se démettre de leur autorité, et les punissent tous ou de la mort ou de l'exil. Appius Claudius fut mis à mort dans la prison (10).


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(1)  Cela eut lieu l'an 301 de la fondation de Rome.

(2)  Il n'y eut d'abord que dix tables. Peu de temps après, on y en ajouta deux autres. Ces tables étaient d'airain. «Les lois, dit Tite-Live, sont la source du droit public et privé».

(3)  Traditos faces, dit Florus, regio quodam furore retinebant.

(4)  En disant qu'elle était née d'une de ses esclaves, et que Virginius l'avait enlevée.

(5)  Deux jeunes citoyens s'étaient hâtés de l'avertir avant qu'Appius eût eu le temps d'écrire à ses collègues de lui refuser le congé qu'il leur demanderait.

(6)  Appius avait déjà dit : «Va, lecteur, écarte la foule, et fais faire place au maître, pour qu'il puisse saisir son esclave».

(7)  Comme pour demander devant elle à sa nourrice de quoi il était question. Sans doute le décemvir crut, en accordant cette faveur à Virginius, qu'il déciderait la jeune fille à se résigner à son sort.

(8)  Victor se trouve ici en contradiction avec les autres historiens qui affirment que Virginius laissa à Rome le cadavre de sa fille, et s'en retourna seul à l'armée. Florus dit qu'il tua sa fille au milieu du forum, comme on l'entraînait chez son nouveau maître.

(9)  De là ils passèrent sur le mont Sacré. Il y a dans le texte latin, qui, creatis decem tribunis, Aventinum occuparunt. Comme les soldats ne créèrent des tribuns militaires qu'après s'être retirés sur l'Aventin, il faut lire, qui, Aventinum occuparunt, et creatis decem tribunis, etc.

(10)  D'autres historiens rapportent qu'il se tua lui-même.