XLVIII - Caton l'ancien (an de Rome 545 à 604)

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M. Porcius (1) Caton abandonna la ville de Tusculum, lieu de sa naissance, à la sollicitation de Valerius Flaccus, pour aller s'établir à Rome. Il fut d'abord tribun légionnaire en Sicile : ensuite il remplit avec beaucoup de courage les fonctions de questeur (2) dans l'armée de Scipion. Il signala sa préture (3) par une justice incorruptible, et par la conquête de la Sardaigne (4), où il se fit instruire dans les lettres grecques par le poète Ennius (5). Pendant son consulat il soumit les Celtibériens (6). Pour enlever à ces peuples le pouvoir de se révolter, il envoya par écrit à chacune de leurs villes l'ordre d'abattre ses murailles. Toutes obéirent sans délai (7), chacune s'étant persuadée que cet ordre la regardait seule et non les autres. Pendant la guerre de Syrie, Caton, étant tribun légionnaire sous M. Acilius Glabrio, s'empara des hauteurs des Thermopyles, et en chassa les ennemis. Lorsqu'il exerçait la censure, il chassa du sénat T. Flamininus, homme consulaire qui, dans le temps qu'il commandait en Gaule, voulant donner à un jeune garçon, qu'il aimait, un spectacle de son goût, fit sortir un malheureux de sa prison, et ordonna qu'il fût égorgé dans un festin. Caton fut le premier qui éleva sous son nom un superbe édifice, nommé Basilique (8). Les dames romaines réclamaient auprès du sénat les ornements de luxe qui leur avaient été interdits par la loi Oppia (9). Il s'opposa avec beaucoup de vigueur à leur demande. Accusateur infatigable des mauvais citoyens, à l'âge de quatre-vingts ans, il se porta pour celui de Galba. Il fut accusé lui-même quarante-quatre fois, et toujours honorablement acquitté. Jamais il ne cessa d'opiner dans le sénat pour la destruction de Carthage. Il avait plus de quatre-vingts ans, lorsqu'il lui naquit un fils. Après sa mort, la coutume s'établit à Rome de porter son image dans les convois funèbres.


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(1)  La famille Porcia tirait son origine de la campagne, où ses ancêtres élevaient des pourceaux.

(2)  Il y avait chez les Romains deux sortes de questeurs : les questeurs de la ville et ceux des provinces. Les premiers, qui étaient au nombre de deux, avaient la surintendance du trésor public, étaient chargés du recouvrement des impôts, tenaient compte de la recette et de la dépense, distribuaient le butin, et gardaient les enseignes militaires. Les fonctions des seconds étaient les mêmes à peu de chose près, si ce n'est que l'administration du trésor ne les regardait pas. De plus, c'étaient eux que regardaient les contributions de guerre, l'approvisionnement et la solde des troupes. Ils suivaient en campagne les consuls, les proconsuls et les propréteurs. Lorsque l'armée campait, on dressait leur tente immédiatement après celle du préteur. La questure était le premier degré pour parvenir aux grandes magistratures, il fallait avoir vingt-sept ans pour l'exercer. Dans les derniers temps de la république on établit un questeur du palais, dont les fonctions étaient à peu près les mêmes que celles des chanceliers de France.

(3)  La préture était une magistrature qui donnait à ceux qui en étaient revêtus le droit de rendre la justice. Il n'y eut d'abord à Rome que deux préteurs ; celui de la ville qui rendait la justice aux citoyens, et celui du dehors qui la rendait aux étrangers. Le premier était plus considéré que le second. Les préteurs étaient vêtus de la prétexte, et honorés de la chaise curule. Six licteurs, armés de leurs faisceaux, marchaient devant eux. Ils avaient des secrétaires ou greffiers, scribae, et des huissiers, accensi. Dans la suite on en augmenta le nombre jusqu'à six. Les quatre derniers furent chargés de prendre connaissance de quelques délits particuliers, comme de ceux de concussion et de haute trahison, etc. Sylla en créa huit, César dix, Auguste douze. Lorsque les préteurs, en rendant la justice, prononçaient la peine de mort, ils quittaient leur prétexte, et prenaient une toge d'une couleur triste et foncée.

(4)  Arntzen pense, d'après l'histoire, qu'il faut lire sorte egit au lieu de subegit, parce que Caton ne conquit pas la Sardaigne pendant sa préture, et qu'il ne fit que la gouverner en vertu du sort qui lui avait assigné cette province ; mais, comme il ne faut pas corriger le texte d'un auteur qui a pu se tromper par le récit d'historiens plus exacts, nous avons conservé subegit comme la leçon d'Aurelius Victor. D'ailleurs, on peut, ce nous semble, dire que ce mot signifie que Caton façonna au joug la province de Sardaigne.

(5)  Ancien poète, ami de Scipion l'Africain, et doué d'un grand génie, mais sans art.

(6)  Peuples d'Espagne, ainsi nommés parce qu'ils étaient Celtes d'origine, et établis sur les rives de l'Ebre.

(7)  Tite-Live rapporte que les murailles de toutes les villes de la Bétique furent rasées le même jour.

(8)  Ce mot, qui vient du grec, signifie au propre un édifice royal. A Rome, une basilique était un bâtiment spacieux et d'une magnifique architecture, dans lequel le sénat s'assemblait quelquefois ; les juges connaissaient de toutes sortes de causes, les jurisconsultes répondaient à leurs clients, et les affaires particulières, qui regardaient les centumvirs, étaient débattues. Quelquefois les marchands y exerçaient leur négoce, et les banquiers traitaient de leurs intérêts. Chez les chrétiens on a donné le nom de basilique à certains temples dent la grandeur et la beauté répondaient à l'imposante idée attachée à ce mot.

(9)  Cette loi fut portée par le tribun du peuple Oppius, l'an 540 de Rome. On la trouve dans Tite-Live, l.34.