LVII - Paul Emile (an de Rome 537 à 586) | | | |
L. Paul Emile, fils de celui qui avait perdu la vie à la bataille de Cannes, triompha des Liguriens pendant son premier consulat (1) qui lui avait été refusé trois fois. Il fit porter dans ce triomphe un tableau qui représentait toute la suite de ses exploits. Pendant son deuxième consulat, ayant fait prisonnier, auprès de l'île de Samothrace (2), Persée, fils de Philippe et roi de Macédoine, il pleura le malheur de ce prince, le fit asseoir auprès de lui, et le fit néanmoins conduire à Rome, pour qu'il assistât à son triomphe. Dans cette circonstance, sujet d'une joie universelle, il perdit ses deux fils (3). Frappé de coups si douloureux, il se rendit à l'assemblée du peuple romain, et remercia la fortune de ce que les maux qui pouvaient menacer la république, en étaient détournés par son malheur personnel. En récompense d'un sentiment si généreux et de toutes ses belles actions, le peuple et le sénat lui permirent d'assister aux jeux du cirque en habit de triomphateur. Cc grand homme vécut dans une si grande modération (4) et dans une pauvreté si étroite, qu'après sa mort, sa femme ne put être payée de son douaire que par la vente de tous ses biens.
| (1) Paul-Emile était consul l'an 571 avec Cn. Boelius Tamphilus. Ce ne fut que l'année suivante qu'il triompha, en qualité de proconsul.
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| (2) Cette île célèbre est située à l'extrémité de la mer Egée, et vis-à-vis la Thrace.
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| (3) L'un mourut cinq jours avant le triomphe de son père, et l'autre trois jours après.
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| (4) On lit continentiam dans quelques manuscrits, et licentiam dans le plus grand nombre. Arntzen a maintenu cette dernière leçon, comme si c'était une faute d'Aurelius Victor. Nous avons suivi la leçon de Schott et de plusieurs autres critiques, tels que madame Dacier et Pitiscus, qui écrivent continentiam, mot dont la signification est ici très naturelle, au lieu que celui de licentiam offre un odieux contresens que ne doit point admettre une traduction.
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